Le Faux Rhum
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[event speed-run] Les Loups de Versailles
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Posté le 19/04/2025 à 23:56:06
Sous le toit de toile tendue entre les madriers croisés du quartier général, la chaleur est moite et sourde. Les perroquets de Liberty chantent au loin, mêlées aux crépitements des foyers. Mais dans la tente du capitaine, le silence est celui d’un sanctuaire — troublé seulement par le frottement de la plume sur le parchemin et le cliquetis d’une boucle de cuir mal fixée.
Le capitaine d’Olivet est assis à sa table de campagne, torse délaissé de sa veste, manches roulées. Son épée repose contre le pied de la chaise, accessible, toujours. Devant lui, les lettres s’alignent dans un désordre méthodique. Certaines sont encore scellées de cire trempée dans la poussière du voyage ; d’autres, ouvertes, sont lestées de cailloux pour ne pas s’envoler.
Ses yeux passent d’un message à l’autre, vifs malgré les traits tirés de son visage. Il vient de finir de relire le rapport de "M.", une note de Nerea.
Un instant, il s’interrompt. Ses doigts, rugueux, caressent les lettres du nom "Kaliska" qui l'intrigue au dire des rapports reçus. Une inconnue. Une pièce apparue sans qu’on l’ait posée sur l’échiquier. Et pourtant... proche de Serge, comme une sœur d’ombre revenue d’un passé qu’on croyait effacé. Cela l’agace, mais cela l’intrigue plus encore.
Launay, son ordonnance, entre sans bruit, respectueux de l’atmosphère tendue. Il dépose une carafe d’eau fraîche et s’apprête à se retirer, mais le capitaine lève la main.
— Reste, Launay. Je vais te donner des plis.
Il s'installe, tremper la plume dans l’encrier, puis redresse les épaules, les yeux dans le lointain pleins d'un réflexion froide, puis commence :
À Eudora. Un mot d’encouragement et un ordre clair : que son regard ne s’arrête pas à la logistique, mais scrute aussi les visages et les jeux derrière les rideaux des salons et des marchés."
Il écrit, sobre et net, sans fioriture.
Puis un deuxième pli, pour "M." : questions précises, réaffirmation de confiance, mais aussi une demande plus directe sur les intentions de certains loups qui s’égarent.
Enfin, celui pour Serge. Il prend un peu plus de temps, malgré la fatigue, car il veut y peser chaque mot. Ce n’est pas à un agent qu’il parle, mais à un homme partagé entre racines et mission. Il y met de l’autorité, mais aussi de la compréhension.
Quand il a fini, il souffle sur les trois plis, les scelle de cire rouge marquée de son cachet personnel — un loup stylisé a la couronnes dans la gueulle— puis les tend à Launay.
— Trois plus. Trois destinations. Et que tu garde ta lame au clair, ton silence plus affûté encore.
Launay s’incline profondément, les plis glissés dans une sacoche de cuir serrée contre lui.
Le capitaine reste seul. Il regarde un instant la carte étalée devant lui, puis laisse tomber une goutte de cire fondue sur la position du phare, qu’il a annotée d’un simple mot : possibilité.
Dans la lumière tremblante de la lampe, ses traits semblent plus durs. Il ne dort pas encore. Il attend d’autres réponses. D’autres ombres à tirer dans la lumière.
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Posté le 20/04/2025 à 20:41:28
L'océan. Enfin. Eudora vient de débarquer depuis quelques heures seulement. Elle s'est éloignée de la meute pour s'isoler. Bientôt, elle affutera ses mensonges et commencera ses recherches. Mais avant tout, elle veut retrouver l'océan. Seule sur la plage, elle se déshabille partiellement. Une tenue proprement scandaleuse pour la France mais encore pudique pour Liberty. A pas lents, elle s'immerge dans l'onde et se met à nager avec aisance.
Paris, capitale du monde. Son architecture, sa mode, ses lumières. Une ville fabuleuse où elle s'est fait une petite place en partant de rien. Paris la ville merveille. Mais l'océan lui avait tellement manqué. Elle s'en rendait compte aujourd'hui.
Le soleil est couché quand elle se décide à sortir de l'eau, frissonnante mais apaisée. Maintenant, une mission l'attendait. Et son passé aussi. Elle l'espérait. |
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Posté le 22/04/2025 à 11:52:41
Pas de vague, profil bas. Se faire oublier. Voir carrément aller s'isoler dans le recoin le plus paumé de l'île, à l'étage le plus élevé. Oui, c'était un bon plan. Mais peut être n'avait-il pas mesuré à sa juste valeur le risque qu'une telle tactique pouvait entraîner.
A commencer par un lien interpersonnel, une relation mutuelle, une... Comment est-ce qualifié, déjà ? Un affect ? Une émotion ? Un senti... Dieu, non, ça ça serait inquiétant !
Plus ou moins inquiétant que l'aide de camp du capitaine qui vient le trouver à la faveur de la nuit dans cet endroit dans lequel il se pensait à l'abri du devoir ?
Difficile à dire...
Moins inquiétant, en tout cas, que la perspective de devoir se justifier auprès de son supérieur pour les jours passés. Et ce, en présence même de son sujet, pour ne pas l'appeler "cible".
Il était évidemment exclu de mentir. D'Olivet le saurait, même à l'écrit. Mais était-il seulement envisageable de dire toute la vérité ?
Décidément, le jeune autochtone apprenait bien des choses sur cette île... Des bases fondamentales des relations humaines à la simple nouveauté d'exister en tant qu'individu au delà de son rôle d'agent. Cela faisait décidément beaucoup d'un coup.
Au petit matin, la jeune femme qu'il accompagnait se réveillerait seule, le temps qu'il parvienne à faire sa réponse. Puis, il reprendrait exactement comme avant. Enfin, se disait-il sûrement pour se rassurer. Car absolument aucun instant n'était semblable à celui qui le précédait depuis quelques jours. |
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Posté le 23/04/2025 à 21:48:29. Dernière édition le 23/04/2025 à 23:23:59
La pluie n’est pas encore tombée, mais le ciel s’est chargé d’un gris lourd, gorgé d’électricité et de tension. Dans la tente de commandement, l’air est étouffant, la toile suinte d’humidité. D’Olivet, seul à sa table, relit une dernière fois le message que lui a tendu Launay, son jeune mousse, mains tremblantes.
Le sceau , royal, l’avait glacé dès qu’il l’avait reconnu. Un pli venant de la flotte française, arrivé trop vite, trop directement. Ce n’est pas une missive de courtoisie.
À la lecture, ses traits se figent. Une ligne. Deux. Trois.
Puis d’un coup sec, le poing s’abat sur la table de bois lourd. L’encrier vacille. Le silence se brise.
"Diable.. " murmure-t-il entre les dents, la voix rauque d’un homme qui pressent qu’un équilibre vient de se rompre.
Launay, pétrifié, reste figé une seconde, avant de détaler sans demander son reste.
D’Olivet reste seul, le pli encore dans sa main. Il ne jure plus. Il pense. Puis il saisit plume et papier. Plusieurs rouleaux. Il écrit vite, nerveusement, mais sa main ne tremble pas.
Un message que seuls ses plus fin loups devraient pouvoir déchiffrer, pour les prévenir.
Il roule les parchemins, les fait glisser dans des tubes d’os, certains confiés à Launay revenu entre-temps a son appel, d’autres au vent par perroquet ou par messager déguisé. Les destinations sont multiples : ports, tavernes, entrepôts, vieilles ruines… là où ses hommes, ses femmes, ses ombres vivent et observent.
Et bientôt, dans les rues des différentes villes de Liberty, dans les arrière-salles et les entrepôts suintants, sur les marchés ensoleillés et les murs humides, un message codé circule.
 ( Pour les décodeurs, mp si vous avez la solution) |
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Posté le 24/04/2025 à 07:45:24
Se réveille encore en sursaut, désorienté, et murmure le souffle court avec les sourcils froncés.
Spoiler
Gare au loup alpha un peu bêta
Les poulettes de ma grand mère sont au poulailler Mais les oeufs en chocolat bien gardés
Avant d'aussitôt se rendormir la mine souriante, inconscient, se léchant les babines. |
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Posté le 24/04/2025 à 17:31:12
Extrait du cahier de bord du capitaine d’Olivet
(sans date, encre noire, écriture ferme, sans fioriture inutile)
Trois rapports reçus. Trois voix différentes. Trois angles sur une même île qui se refuse encore à livrer son cœur.
Eudora m’écrit enfin. Sa plume est égale à elle-même : élégante, disciplinée, tranchante. Elle décrit Liberty comme un théâtre sans coulisses. De la richesse apparente, sans origine ni logique. Nulle plantation. Nulle mine. Peu de commerce. Rien de visible, et pourtant les pierres précieuses s’échangent comme des pièces de cuivre. Son regard est le bon : si la richesse n’est pas visible, alors elle est ailleurs ; dissimulée, enfouie, ou pire, fabriquée. Hypothèse évoquée : des ruines centrales, source potentielle de l'ancien pouvoir de l’île. Une piste. Elle a l’œil, mais pas encore la preuve.
Elle parle enfin de ce qu’elle n’aurait jamais osé écrire à un autre que moi : des morts qui marchent. Elle les affirme réels. Si elle dit vrai et je crois qu’elle dit vrai alors nous sommes face à autre chose que du politique ou du militaire. C’est un gouffre qu’il va falloir sonder. Lentement. Et sans effrayer la meute.
Serge m’a répondu avec sa verve coutumière. Trop d’arabesques, pas assez de pierre. Il semble s’être attaché à une figure locale : Kaliska. Il l’observe, la suit, l’analyse comme on disséquerait un rêve. Je lui ai rappelé l’essentiel : il n’est pas ici pour nouer des liens ou nourrir des théories il est ici pour comprendre Liberty. Chaque heure qu’il consacre à la jeune femme est une heure qu’il doit justifier par des faits. Je ne lui refuse pas sa proximité avec elle, mais j’exige désormais des noms, des lieux, des schémas clairs. L’intuition est bonne, mais seule, elle ne suffit plus. Il devra choisir ce qu’il sert, et bientôt.
Brutal, fidèle à sa nature, m’écrit comme on frappe du poing. Il joue son rôle à merveille : celui du berger impitoyable qui mord les talons des traînards et ralentit les têtes brûlées. J’ai validé cette tactique : la meute doit rester ensemble. Il a également intercepté un message codé, mal déchiffré par un scribe trop hâtif (et désormais décédé, par sa main). Je lui ai répondu de garder ses crocs pour les ennemis, et ses doigts pour le papier. Le message contenait plusieurs niveaux. Il a vu la première couche. Il en reste au moins deux. S’il les trouve, il en saura plus que la moitié des hommes sur cette île si il arrive a le mettre dans le bon sens.
Trois agents. Trois pistes.
Et moi au centre, tissant la toile.
Cette île a un secret. Et chaque jour me convainc un peu plus que ce secret est ancien, qu’il ne répond pas aux lois des hommes. Mais je le trouverai. Et si je ne le trouve pas, je l’arracherai.
Capitaine d’Olivet
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