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Monsieur de Craon 1 2 3 -4-  
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Gaïus Quesada
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Posté le 26/01/2008 à 00:16:32 

"Notre salut et notre perte sont en nous-mêmes." Epictète CHAPITRE XXI : Le Baron Noir Le long voyage du Duc d’York : seconde partie Athanael rentrait de sa journée d’entraînement quand un perroquet surgit de nulle part et manqua de s’écraser au sol. Manifestement il était épuisé par la longue route qu’il venait de faire. Le Français prit alors conscience qu’il s’était retiré bien loin de toute civilisation depuis un bon moment, et bien sûr la civilisation n’allait pas tarder à le rattraper. Il lu la missive et sans être étonné par son contenu, ne put réprimer une moue désapprobatrice. Dans la grotte qui était maintenant et depuis quelques temps son lieu de résidence il retrouva Zacharie. - « Voilà encore une belle journée, lui dit-il. - « Je n’en suis pas si sûr mon maître. - « Ah ? De mauvaises nouvelles de France ? - « La Hollande. Les 4 Lunes ont pillées Ulungen et pris la colonne Van Ders. - « Ca commence à devenir une habitude. Mais si je ne me trompe vous êtes en partie lié avec les 4 Lunes non ? - « Oui et non, non et oui, ça n’est pas très clair même pour moi. Disons que je les aime bien et que nous nous tolérons. - « Je pensais que vous étiez l’ami de Nick le Brun. - « Nick le Brun m’a sauvé la vie et m’a permis de rentrer au Lys, ça laisse des traces. Puis ensuite nos chemins ont pris des directions différentes. - « Des chemins qui vous mènent souvent en Hollande ces temps ci. » Zacharie sourit. - « Oui… peut être un peu trop souvent. - « Et ces lettres qui vous parviennent de Hollande ? Celles avec le petit bandeau orange. C’est une femme n’est ce pas ? » Athanael baissa les yeux. - « Oui. C’est une femme. - « Et qui y a-t-il entre vous ? - « Une guerre. » Athanael se leva et fit mine de préparer ses affaires, la question de son maître qui se voulait clairement indiscrète l’avait déstabilisé. Il savait que c’était le but, mais il refusait que cela puisse arriver. Il refusait que de simples mots sur de simples lettres puissent se transformer en un talon d’Achille. Surtout maintenant surtout à la veille d’un nouveau conflit. - « Je dois partir. - « Oui je comprends. - « Je suis désolé, je sais que je n’ai pas terminé ma formation mais je ne peux pas rester là quand mes frères vont au combat. - « C’est tout à fait honorable. Même s’il est assez clair que vous ne semblez pas très heureux en fin de compte de devoir y aller. - « Moins que je ne l’aurais cru en effet… » La dernière guerre contre la Hollande n’était pas si vieille dans son esprit et bien que le résultat ai été sans équivoque cela n’avait pas été une partie de plaisir pour le Français qui avait beaucoup souffert lors de ses combats contre les bataves. Cette fois bien sûr il était prévenu, cette fois il savait qu’il devrait user de tout son savoir et de ses compétences s’il voulait avoir une chance de remporter quelques victoires. Mais au fond de lui il savait que ce n’était pas ce qui le gênait le plus. Et ce qui le gênait le plus, il n’était pas disposé à l’admettre. Le Français termina de préparer son petit sac de voyage et s’assura que ces armes dont il ne s’était pas servi ces derniers jours étaient prêtes et en bon état. Une fois rassuré sur ce point il revint s’asseoir prêt du feu qu’avait préparé Zacharie pour la nuit. - « Je partirai cette nuit, je préfère voyager discrètement pour le moment. Monsieur Papillon viendra avec moi, mais j’aimerai si ça ne vous dérange pas que le Tjaard reste ici. - « Fort bien, mais ne croyez vous pas que son maître voudra le récupérer ? - « Si, bien sur que si, mais pour le moment il est mieux ici, loin des conflits des hommes, il n’est pas prêt pour ça et son maître non plus, je repasserai de toutes façon après ce conflit et je terminerai ma formation. » Athanael se tut un instant comme perdu dans ses pensés. - « Dîtes moi ? - « Oui ? - « Qu’est ce qui est arrivé aux quatre frégates qui faisaient routes vers Liberty ? - « Oh… et bien. Zacharie plongea dans ses souvenirs. Et bien pour celle sur laquelle j’étais et dont je peux parler, elle fini par arriver à destination. Nous étions heureux alors de voir la terre, bien sûr nous ne pouvions pas encore savoir ce qui nous attendait. Le Comte de Kent était un bon marin mais c’était aussi un véritable tyran qui faisait fonctionner le fouet et les privations chaque jour que Dieu faisait. Les hommes d’équipages avaient rapidement appris à la craindre et dans sa folie de vouloir à tout prix gagner cette « course à l’or » il avait exténué tout le bord qui était à bout de force en arrivant. Nous étions heureux en voyant la terre, disais-je, mais la déception fut grande quand prenant par le sud notre vigie identifia le Saint-Louis de Villeneuve. Les Français étaient déjà là, ce qui n’aurait pas du être une surprise puisqu’ils étaient partis avant nous d’Europe, mais cela mis dans une rage irraisonnée notre commandant. La décision fut prise de continuer sur la côte Ouest afin de trouver un abri décent pour mouiller le navire et débarquer suffisamment d’homme pour préparer un premier campement à terre. Nous débarquâmes donc à cet endroit que vous connaissez maintenant sous le nom de New Kinston. Les premiers jours se passèrent sans soucis particuliers mis à part l’irascible caractère de notre commandant qui ne faisait qu’empirer au fur et à mesure que le temps passait et que nous n’avancions pas à la recherche d’or. - « Mais vous étiez son second. Vous auriez pu essayer de le calmer un peu ? - « J’étais encore jeune, et effectivement je n’étais que son second, cela faisait deux raisons qui ne me permettais pas trop de le faire. Bien sûr je plaidais très rapidement pour l’équipage, pour faire savoir qu’avant de partir à l’aventure dans les forêts inhospitalières de l’île il fallait construire notre village, afin que les hommes aient un toit et puissent se reposer après ce voyage éprouvant. Mais notre commandant n’en avait cure, il hurlait que les Français étaient sans doute déjà en possession d’or, que les espagnols qu’il n’aimait guère avaient déjà rempli leur vaisseau de coffre rempli de pierre précieuses et que les hollandais sans aucun doute devaient déjà s’être emparé de toutes les richesses de cette île… Quelle erreur il faisait. Et nous ne savions toujours pas. La décision fût donc prise d’envoyer quelques hommes, sous équipés, à la recherche de quelques pistes possibles dans cette île qui nous étaient parfaitement inconnue. C’est moi qui fut chargé de les sélectionner… Alors je le fis, je choisi les hommes qui me paraissaient être en meilleure forme que les autres et je leur donnait les meilleures pistolet et lames que nous possédions. Mes ordres étaient très clair : si au bout de deux semaines ils ne trouvaient rien, il devraient rentrer au campement pour faire leur rapport. Mon Dieu Charles, je n’avais pas conscience de cet ordre, je l’ai donné, je le promets devant notre seigneur, en toute innocence. Je n’imaginais pas, jamais je n’aurais pu imaginer ce qui allait suivre… - « Vos hommes ne sont pas revenus ? - « Si. Ils sont revenus au bout de deux semaines, trois d’entres eux manquaient, ils étaient morts lors d’une attaque que le groupe avait subi une nuit. Aucun d’entres eux ne pu faire une description claire de leurs adversaires mais ce que moi je vis c’était une peur profonde dans les yeux de ceux qui étaient rentrés. Une peur que je ne compris pas, comment l’aurais je pu d’ailleurs. Pour comprendre il faut connaître et je me rends compte qu’à l’époque nous ne savions rien. Trois hommes étaient morts et les autres obéissants à un ordre clair que je leur avais moi-même donné rentrèrent au campement pour faire leur rapport… Mais ils n’avaient pas d’or avec eux et cela plus que tout autre chose les condamna. - « Les condamna ? - « Le Comte de Kent était parti à la chasse, chercher quelques cochons ou ours à abattre et quand il revint sa première question fut « ou est l’or ? » et comme la réponse ne lui plu pas… » Zacharie s’arrêta un instant manifestement troublé et choqué par ces souvenirs qui remontaient à si loin. - « ….Et comme la réponse ne lui plus pas, il fit fusiller les survivants du groupe d’éclaireurs. - « Fusiller ? Fusiller ses hommes pour avoir obéit à un ordre d’un supérieur ? - « Oh je lui ai dit que j’étais le responsable, que c’est moi qui leur avait ordonné de rentrer mais rien n’y fit, la folie qui gagnait cet homme avait fait ces premières victimes et quand à moi, puisque mes ordres amenaient au poteau je ne pouvais plus guère espérer servir a quelque chose dans cet entreprise. Ce voyage commençait a prendre une tournure désastreuse qui n’allait malheureusement pas tarder à se vérifier. » Zacharie marque une nouvelle pause, il se leva et se servi un gobelet d’eau fraîche, laissant ses yeux monter vers le ciel. - « Quelques jours plus tard notre campement fut balayé par un ouragan et le Kinston chassa sur son mouillage et fut drossé sur les rochers de l’île. Il était presque irrécupérable, mais les hommes n’osant pas l’avouer essayèrent de toutes leurs forces de le remettre à flot. Mais rien n’y faisait, il y avait bien trop de dommage et tout ce qui était récupérable fut débarqué sur l’île. Les hommes alors commencèrent à utiliser les charpentes du navire pour construire des abris plus solide dans ce qu’ils ne tardèrent pas à appeler le village de New Kinston. Mais cela ne suffisait toujours pas au Comte de Kent qui avait failli perdre la vie pendant la tempête d’une rare violence. Il exigea alors qu’on lui construise une bâtisse de gouverneur… ici, sans rien, sans moyens et surtout assez loin de New Kinston pour qu’il n’ait pas à se mélanger avec ceux qu’il appelait les gens du peuple. Nous perdîmes ainsi plusieurs mois de plus à déplacer du matériel un peu plus au Nord afin de construire cette stupide maison loin de tout et mal placée sur la côte derrière une petite chaîne de montagne. Les hommes affaiblis exténués et découragés s’appuyèrent alors sur une figure connue de l’histoire d’Angleterre qui était le fils d’Edouard III d’Angleterre… - « Celui qui fit tant de mal à la France au début de la guerre de cent ans ? - « Celui là même en effet. Et Puisque le fils était connu sous le nom de Prince Noir, les hommes qualifièrent leur commandant du sobriquet de Baron Noir. Et ils construisirent bêtement cette stupide maison qu’ils nommèrent bientôt le manoir du Baron Noir. » - « Le manoir… je connais cet endroit, je l’ai parcouru. Il est infesté de monstres en tout genre. Il n’habitait tout de même pas là ? - « Les monstres n’étaient pas encore présents dans cet endroit quand nous le fîmes. Ca n’est que plus tard qu’ils firent leur apparition et prirent possession de l’endroit. - « L’histoire ne s’arrête pas là n’est ce pas ? - « Non. » Zacharie regarda vers le ciel où les premières lueurs apparaissaient. - « Dans quelques heures il fera jour et vous serez entraîné dans une guerre, mon jeune ami. - « Oui, vous avez raison. Je dois partir. Portez vous bien mon maître je reviendrai vous voir vous et Sarah… A propos où est elle ? Cela fait des jours que je ne l’ai pas vue. - « Patience Charles… Vous devez apprendre à moins poser de questions. La vérité vous sera révélée. Et croyez moi, vous ne devez pas être pressé de cela. - « Très bien. Je patienterai donc. » Athanael se leva et empoigna son sac. Puis faisant un signe à Monsieur Papillon il partirent tous les deux dans la nuit en direction d’une guerre qu’ils ne souhaitaient pas et qu’ils feraient pourtant.
Gaïus Quesada
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Posté le 01/02/2008 à 17:20:06 

Je remontais dans ma mémoire jusqu'à l'enfance, pour retrouver le sentiment d'une protection souveraine. Il n'est point de protection pour les hommes. Une fois homme on vous laisse aller. Antoine de Saint-Exupéry CHAPITRE XXII : L’Abbaye de la Reine de Navarre (souvenirs de France) Juillet 1692 Cabinet du Roi Château de Versailles France - « C’est pourquoi Sire, je considère bien humblement que si le marquis de Vauban venait à faire tomber Namur, alors grâce à votre illustre victoire de Mons et de celle du Maréchal de Luxembourg à la bataille de Leuze, nous avons enfin la chance que nous attendions de forcer la Ligue d’Augsbourg à négocier. - « Peut être, peut être… Mais je ne tiens vraiment pas à infliger à mon royaume un second désastre si tôt après celui de La Hougue… Charles était passionné. Bien sûr il ne comprenait pas tout ce qui se disait depuis déjà plus d’une heure mais pour rien au monde il n’aurait échangé sa place, assis avec son frère Christian derrière les principaux conseillers du Roi sur de petites chaises collé au mur du grand cabinet. De temps en temps, ils se regardaient tous les deux, ébahis par tant de faste et par la majesté des seigneurs qui débattaient en ce lieu. Aucun des deux ne disaient mots et bien sûr personne n’aurait songé à leur adresser la parole, Charles se tenait droit sur sa petite chaise à la fois émerveillé et terrifié à la simple pensée que le Roi en personne ne lui jette le moindre regard. Il savait que Christian ressentait les mêmes choses. Deux très jeunes hommes « autorisés » bien plus que conviés à accompagner leur père dans le saint des saints du royaume. - « Continuez, Catinat, nous sommes attentifs à votre exposé de la situation. - « Sire, l’Irlande et le parti du Roi Jacques est perdue, il nous faut maintenant nous concentrer sur ce que le marquis de Vauban appelle le pré carré du votre royaume. Encore quelques succès comme celui de Mons et vous pourrez songer favorablement à une négociation avantageuse pour le pays. » Le maréchal de Catinat courba légèrement la tête et se rassis sur son fauteuil. Le roi Louis n’ajouta rien et resta un moment silencieux sans que personne n’ose briser le silence. - « Qu’en pensez vous Jean ? Charles et Christian se raidirent encore plus sur leur chaise, comme si la question leur avait été directement posée. Ils virent avec une certaines fierté leur père se lever et saluer respectueusement le souverain. - « A vrai dire Sire, nul doute que le maréchal de Catinat ai parfaitement exposé la situation. Mais il n’en reste pas moins exact que le royaume ne peut se permettre de nouvelles défaites. Nous arrivons maintenant après quatre ans de conflits contre la Ligue aux limites des possibilités du royaume. De plus nous savons que le Prince Eugène et le Duc de Savoie envisagent de nous attaquer par le Sud Est, hors cette réouverture du front n’est pas à notre avantage, Sire. - « Vauban et Luxembourg sont dans le Nord et de leur succès dépendra beaucoup l’avenir de la France, quand au Sud nous pensons que vous avez raison Jean. Mais il nous semble que la prudence ne nous est même pas permise et que nous aurons à nous battre pour faire plier la maison de Savoie aussi. N’est ce pas ? - « Certes Sire, mais en ce qui concerne le Sud la défaite ne nous est malheureusement pas autorisée. - « Alors il nous faut le meilleur à ce poste. - « Oui Sire et c’est une chance qu’il soit ici parmi nous. - « Nous le pensons aussi, et il est temps de mater ses italiens. Catinat vous irez. » Le maréchal se leva promptement et fis s’inclina respectueusement. - « Sire, je vous rapporterai cette victoire, je le jure devant Dieu. - « Qu’il vous entende maréchal, qu’il vous entende. Vous devez fermer ce front le temps que Vauban et Luxembourg bloque le Nord contre les province unie et l’Empire germanique. C’est extrêmement important. - « Je serai votre serviteur le plus acharné Sire. » Catinat se retourna et serra la main du père des deux jeunes hommes. - « Comte de Craon je vous remercie. - « La France a cruellement besoin d’hommes comme vous monsieur. Je vous souhaite tout le succès possible lors de votre campagne. » Le roi se leva et tous dans la salle firent de même dans la même seconde. D’un signe de la main il congédia l’assemblée et tous se dirigèrent vers la porte du grand cabinet royal. - « Jean ? Sont-ce là vos garçons ? » Le Comte de Craon prit ses enfants par les épaules et tous les trois s’inclinèrent devant le roi. - « Oui sire, mes garçons sont venus exceptionnellement, le Duc d’Anjou souhaite rencontrer mon aîné et je l’imagine nous présenter sa fille. » A ces mots Charles, toujours la tête baissée ne pût s’empêcher de rougir quelque peu. - « Fort bien mon ami, nous sommes heureux de voir cette alliance ce faire. Il est bon que les grandes familles du royaume s’entendent pour ces affaires là. L’avenir n’en sera que mieux assuré. Vous nous informerez de tout cela Jean. - « Oui Sire. » Tous les trois s’inclinèrent une nouvelle fois et le roi sorti a son tour de la pièce pour entrer dans la grande galerie des glaces où plusieurs courtisans l’attendaient. Plusieurs heures plus tard alors que la cour donnait un bal au château en l’honneur de la naissance du dernier né de la famille d’Anjou. Charles fut alors présenté au Duc qui lui manifesta un intérêt tout à fait aimable, puis à son tour et après cet entretenu un long moment avec son père, le jeune homme fut présenté à une jeune fille de 14 ans s’appelant Jeanne. Charles avait alors 16 ans et quand son père vint poser sa main sur son épaule en saluant trop gentiment la jeune fille, il su qu’il venait d’être promis à cette demoiselle. C’était un sentiment étrange et un peu gênant pour lui, mais il savait ou du moins il espérait que ce sentiment était partagé par cette « Jeanne » dont il ne connaissait rien. A coté de lui Christian souriait d’un air moqueur à son frère. C’était la première et la dernière fois qu’ils vinrent à Versailles. Juin 1693 Abbaye cistercienne de l’Epau France La cérémonie avait duré toute la journée de la veille et la fête qui s’en était suivit une bonne part de la nuit. Mais en ce dimanche de Juin après avoir assisté à la messe donnée en leur honneur au sein même de l’abbaye, les agapes s’étaient quelques peu calmées et déjà certains convives avaient pris le chemin de retour. Charles se promenait dans les jardins de l’édifice en compagnie de son épouse Jeanne, de son frère Christian et de sa sœur Blanche. Tous les quatre firent halte devant la tombe de la reine Bérengère de Navarre qui avait été en son temps la femme du roi d’Angleterre Richard 1er, plus connu, dans les livres qu’ils avaient tous lus avec beaucoup d’attention, sous le nom de Richard cœur de lion. C’était cette dame qui avait faire construire l’abbaye et même plusieurs siècles après tous les jeunes gens connaissaient les héros des croisades, tout comme ceux des chansons de Roland, Tristant et Iseult ou même du roi Arthur. Etre ici devant cette pierre c’était pour eux comme toucher du bout du doigt les aventures révolues d’une époque disparue. Blanche tenait sa belle sœur par le bras et se moquait gentiment de ses frères. - « Et bien messieurs, voilà une dame qui vécu avec un grand guerrier et dont ma nouvelle sœur descend puisqu’il était aussi Comte d’Anjou. A côté de lui vous n’êtes que deux petits roquets sans dents pour mordre. Ajouta-t-elle en riant. - « Tu devrais faire plus attention à ce que tu dis ma sœur, répondit Christian, maintenant que nous venons de rentrer à l’académie de la marine royale tous deux, bientôt tu devra saluer les capitaines du roi qu’à n’en pas douter nous allons devenir. - « Des capitaines ? Cela sonne plutôt bien je l’admet cher frère, mais ne vendez vous pas la peau de l’ours un peu vite ? Peut être que finalement vous finirez simples matelots sur une vielle coque ! - « Des Craon simples matelots ? Mais vous n’y pensez pas !... - « Calmez vous mon frère ! Je ne faisais que vous taquiner un peu. Je suis certaine que vous serez très séduisant dans votre habit de… matelot. - « Insolente ! Christian riait aux éclats. Si d’aventure je tolérais un jour de vous faire montrer à mon bord je vous ferai briquer les cuivres chaque jour que Dieu fera ! - « Nous verrons bien mon frère, nous verrons bien. Et vous Charles ? On ne vous entend point, la nuit aurait donc été si courte ? » Charles sembla sortir de sa rêverie, il eu une moue interloquée et sourit à sa sœur. - « Ma chère Blanche, serait-il possible qu’un jour vous deveniez comtesse ? Je crains qu’avec de tels discours personne ne veuille vous marier. Qu’en pensez vous ma mie ? - « Votre sœur est fort belle de sa personne, mon ami, ne craignez rien là-dessus et je vous souhaite Blanche, de faire un aussi joli mariage que le mien. » Elle baissa les yeux. - « Jamais je ne me marierais ! Nul homme ne prendra ma liberté et s’il le faut je viendrai me réfugier ici même, prêt de la tombe de la reine de Navarre ! Elle saura me comprendre du haut du ciel et elle m’aidera à rester libre. - « Ma sœur vous blasphémez et vous ne dîtes que sottises. Ceci est une abbaye non point un couvent et je crois que l’arrivée d’une femme ne serait pas particulièrement bienvenue. - « Et bien dans ce cas je chasserai les moines et j’en ferai mon domaine… Je deviendrai la comtesse de l’Epau ! - Dieu lui pardonne, fît Christian en levant les yeux vers le ciel. » La journée était fort belle et les quatre jeunes gens continuèrent ainsi un long moment jusqu’à ce que leurs obligations les obligent à rentrer parmi ceux qu’ils considéraient encore comme les adultes. Janvier 1708 Liberty Guerre Franco - hollandaise Défense du drapeau fixe de Port Louis Athanael était revenu le plus rapidement qu’il avait pu et cela faisait maintenant un peu plus de trente six heures qu’il n’avait pas dormi et un peu plus d’un mois qu’il n’avait vu ni rasoir ni peigne qui puisse lui redonner un tant soi peu de forme humaine. Il n’était même pas passé par la maison du Lys se changer, craignant à chaque instant d’arriver en retard pour la bataille et de faire défaut à ses frères d’arme. Il arriva enfin en vue de la ville et s’approcha des défenseurs déjà en place autour de la tourelle française. Il y avait là beaucoup de jeunes gens de la BJC, beaucoup qu’il ne connaissait pas bien qu’il entretint les meilleurs rapports avec monsieur la Poigne leur maître de guilde. Beaucoup aussi de jeunes corsaires des Loups d’Azur qu’il connaissait un peu mieux depuis que leur guilde et celle du Lys avaient ouvert des relations privilégiées. Mais tous ces jeunes, bien que nombreux et motivés étaient une défense bien légère contre les grands guerriers hollandais et il n’était pas dupe de la force en présence qui restait relativement faible. Athanael se rapprocha encore et aperçu certains de ses frères du Lys qui étaient arrivés bien avant lui et parmi eux le général Bacchus. Il tenta de se frayer un chemin jusqu’à eux ce qui n’était pas chose si aisée étant donné le nombre déjà important de corsaires présent tout autour du drapeau. Ressentant les effets de la fatigue après une si longue marche et ne faisant pas trop attention où il marchait il bouscula malencontreusement un très jeune corsaire qu’il n’avait encore vu dans la colonie. Il était habillé en médecin et faisait apparemment le tour des Français pour prodiguer quelques soins. L’uniforme était bien porté et en ces périodes troubles de guerre il ne différait en rien des autres uniformes qu’il y avait aux alentours. Athanael se dit que dès qu’il en aurait le loisir il irait mettre le sien et se ferait un plaisir d’ôter ses vêtements de voyages. - « Et bien monsieur, est-ce parce que vous êtes un gros lourdaud que vous vous permettez de piétiner ainsi les moins fort que vous ? » Athanael resta un instant muet, il n’avait pas vraiment l’habitude de se faire haranguer de la sorte par les jeunes corsaires et encore moins par ceux qu’il ne connaissait pas. - « Je vous prie de bien vouloir m’excuser monsieur, je pensais à tout autre chose. » Le corsaire se figea devant lui fort contrarié. - « Monsieur ? Mais en plus d’être un lourdaud vous êtes aussi aveugle ma parole ! Serait-ce l’âge et… il fit mine de renifler… La crasse qui vous rendent si impoli et irrespectueux ? » Athanael fit une moue en prenant conscience de son état, en d’autres moments il aurait sans doute su quoi répondre mais là, l’esprit quelque peu embrouillé par la fatigue et la surprise les mots adéquats ne virent pas. - « Je vous prie de m’excuser mons… il regarda son interlocuteur d’un peu plus prêt. Euh, mademoiselle… mademoiselle, je suis confus pardonnez moi. - « Et oui mademoiselle ! Lourdaud que vous êtes, rustre et mal élevé pour ne rien arranger, encore un qui se croit tout permis parce qu’il se croit le plus fort et quoi encore ? Plus malin aussi sans doute ? » Athanael gêné ne savait plus où se mettre, certains des autres Français autour du drapeau et qui avaient entendu la conversation souriaient à pleine dent devant la mine déconfite du corsaire du Lys. Devant lui Henri d’Avron et Massam se tenaient par les hanches n’essayant même pas de retenir leur fou rire. - « Et bien, la journée va être longue… pensa-t-il » D’instinct il se redressa un peu, essayant de faire meilleure figure et tenta de rattraper ce mauvais pas au sens propre comme au figuré. - « Hum, je suis Athanael… euh très heureux de vous rencontrer mademoiselle ? - « Comtesse ! Sombre rustre sans éducation, manant, bandit de grand chemin ! Comtesse de l’Epau ! Et je vous prie de garder vos mesdemoiselles pour les filles de la Fleur Bleue ! - Euh, oui certes, madem… euh Comtesse. Je vous supplie de me pardonner je ne vous avais jamais vu avant et… - Et quoi encore ? Où comptiez vous me voir ? Dans un de vos bordels ? Je crains monsieur que nous ne soyons pas du même monde ! » Athanael sentant qu’il n’allait pas arriver à se sortir de ce mauvais pas tout seul rechercha désespérément une aide extérieure autour de lui. Mais c’était peut être un peu trop demander à ses compagnons ivres de rire. - « Comtesse de l’Epau ? Ma foi je ne savais pas que cette région était dotée d’un Comte, je la croyais aux Ducs d’Anjou pour madame. Et si je puis me permettre, cette île n’est peut être pas l’endroit rêvé pour une dame de votre rang. - « Qui vous a parlé de Comte ? Je vous ai dit que j’étais comtesse, je n’ai jamais parlé de comte ! Quand à cette île sachez que j’aurais bien volontiers évité le voyage. Mais je suis à la recherche de personnes et il paraît qu’elles sont ici. - « Ah ? Et bien peut être que je puis vous aider pour les retrouver ? Je connais un peu les gens de cette île et si cela peut arriver à me faire pardonner. - « Commencez tout d’abord par vous écarter de moi, votre odeur est insupportable ! » Elle sembla se raviser. « Et oui, une fois que vous vous serez baigné peut être que vous pourrez m’être utile. A prêt tout puisque moi j’ai l’intelligence vous pourrez me prêter vos muscles, ça au moins ça doit être dans vos cordes. » Elle s’écarta d’Athanael et, se retournant une dernière fois, lui lança une pièce d’or. - « Voila de quoi vous payer un bain. » Athanael resta muet et rouge de honte tandis que la jeune corsaire continuait à soigner les Français qui en avait besoin autour du drapeau fixe. Une main se posa sur son épaule, c’était celle de Bacchus. - « Allez viens Atha, on va se placer par ici pour la nuit, en espérant que les hollandais ne viennent pas nous décimer tout de suite. Il renifla. Mon dieu, c’est vrai que tu sens le bouc ! »
Gaïus Quesada
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Posté le 20/02/2008 à 19:22:49 

Quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur. Beaumarchais CHAPITRE XXIII : Le Cheval de Troie Au lendemain de la victoire hollandaise sur la France, Athanael revint à Port Louis, il escomptait y passer quelques jours afin de se reposer un peu et de panser ses blessures. La ville était calme et en fin de compte rien ne laissait voir les traces de la défaite récente des forces françaises. Comme souvent le Français passa à la maison de guilde et en profiter pour changer d’affaires, puis ayant fait ce qu’il avait à y faire il parti vers la chambre des musiciens qu’il affectionnait tout particulièrement et où en fin de compte il se sentait réellement chez lui. C’était aussi l’endroit le plus calme qu’il connaisse en ville pour écrire, et justement, écrire était ce qu’il avait à présent à faire. Il était tout occupé à son travail quand débarqua dans la pièce un jeune homme qui avait l’air aussi essoufflé que terrifié. - « Monsieur, Monsieur, articula-t-il entre deux respirations, Monsieur on m’a dit que vous étiez de garde ce soir et que e vous trouverai ici… - « Et bien, dans ce cas, nous pouvons en conclure que « on » ne vous a pas menti. - « C’est que monsieur, il y a un hollandais en ville ! - « C’est assez courant, et la guerre est terminée à ce que je sais. - « Mais peut être est-il venu pour nous piller… il fit la moue en prononçant le dernier mot. - « Peut-être en effet mais c’est assez peu recommandé de le faire tout seul. Mais vous avez néanmoins raison, le mieux est encore d’aller le lui demander n’est ce pas ? - « Oui monsieur, il, enfin plutôt elle est dans la taverne. - « Dans la taverne ? Et bien, j’avais prévu de dîner ici mais j’imagine que sortir un peu ne fera pas de mal. - « Dois je alerter les autres corsaires de gardes ? - « Non, une hollandaise seule dans la taverne, jusque là je devrais m’en sortir. En cas de soucis majeur je vous le ferai savoir. » Athanael posa sa plume d’oie et regarda un instant la mer, les mots ne venaient pas, il ne savait pas comment écrire ce texte qui risquait de prendre une certaine importance dans un avenir plus ou moins proche. Il savait qu’il était pris par le temps et qu’il devait absolument avoir terminé ce travail avant la prochaine fin de semaine. Cela lui en laissait deux à vrai dire. Le temps il l’avait donc, mais pas plus les goélands qui s’envolait dans le Soleil couchant que les doux chants du ressac sur la falaise derrière lui ne lui apportaient la moindre inspiration. Il décida donc que cette sortie en ville ne serait pas plus idiote qu’autre chose et puis il avait faim… et puis le jeune commis avait parlé d’une femme. Les mots attendraient encore un peu. En arrivant devant la porte de la taverne, Athanael fut surpris du calme qui régnait un peu partout dans les rues de la ville. Évidement cette fin de conflit contre la Hollande ne pouvait pas être célébrée ici à Port Louis, mais nulle part on ne voyait de gens vraiment mécontents ou même triste de cette défaite. Pour beaucoup cela voulait dire qu’ils pourraient retourner à leurs affaires un peu plus vite que prévu, beaucoup en fait estimaient qu’ils n’avaient pas fait une guerre qu’ils avaient souhaité mais qui leur avait été plutôt imposée. Athanael était plutôt de ceux qui avaient voulu cette seconde partie de conflit, pas tout à fait comme ça bien sûr et avec un tout autre final évidement mais au fond de lui il savait que victoire ou défaite, il était parfois plus important de savoir quelles graines avaient été plantée et quels fruits elles finiraient par donner. En cela, il estimait que la prochaine récolte était très prometteuse et qu’en fin de compte, la colonie de Port Louis aurait bien vite fait d’oublier cette déconvenue avant de réaffirmer de plus belle sa puissance. Tout cela se ferait sans doute sans lui, la jeunesse avait largement démontrée qu’elle était l’avenir de cette ville et qu’elle comptait bien que cela se sache. Dans très peu de temps maintenant elle serait à la tête de la colonie. Cette ville avait un avenir, même un lendemain de défaite. Le Français était encore perdu dans ses pensées quand il pénétra dans l’auberge, là aussi le calme régnait sans partage, d’une geste machinal il salua le patron qui lui répondit d’un hochement de la tête en lui indiquant la hollandaise qui se tenait seule à table au fond de la pièce. Athanael ôta sa coiffe de mousquetaire et s’approcha silencieusement de la jeune femme. Un sourire apparu sur ses lèvres quand enfin il l’a reconnue. D’un signe de la main au tavernier il commanda une bouteille et deux verres avant de contourner la table. - « Bonjour Wildekat. » La jeune hollandaise leva les yeux de la table ou elle semblait captivée par ses mains. - « Oh Charles ! Quelle heureuse nouvelle de vous voir ici, j’étais un peu inquiète de me retrouver ici en plein milieux de Port Louis si tôt après… elle hésita sur le dernier mot. - « La Défaite ? - « Ou enfin la vôtre, enfin oui c’est bien cela. - « Disons que vous n’avez pas froid aux yeux, mais je ne crois pas vraiment que vous soyez en danger… à moins que… Seriez vous venue pour piller la ville ? - « Charles enfin ! - « Très bien, très bien, dans ce cas n’en parlons plus. J’ai commandé une bouteille, souhaitez vous dîner ? - « Ma foi ce sera avec plaisir. - « Et bien dans ce cas dînons. » Le serveur apporta le champagne ainsi que les verres et Athanael ouvrit la bouteille, puis il servi l’hollandaise. Bien sûr ils parlèrent de la guerre qui venait de se terminer et de quelques préoccupations qu’ils avaient tous les deux pour l’avenir de leur pays. Puis rapidement ils arrivèrent au sujet que tous les deux souhaitaient aborder et dont aucun ne voulait le faire en premier. - « J’ai apporté les plumes dont je vous avait fait mention dans mes lettres. » Athanael ne répondit pas, il voulait absolument les voir et les toucher mais il savait qu’il ne pourrait pas le demander à Wildekat. Ceci revêtait quelque chose de personnel qu’il comprenait tout à fait et pourtant... Ce qu’il pouvait imaginer à propos de ces fameuses plumes allait bien au-delà de ce qu’il avait déjà dit à la jeune femme et qu’il lui avouerait sans doute jamais. Wildekat sorti de sa besace une plume blanche et la posa sur la table. - « Voici l’objet dont je vous ai parlé et pour lequel votre singe à si mal réagi. Ce sont les plumes de la coiffe du sorcier Arhatza. » Athanael observa les plumes et retint sa main pour ne pas les toucher. Ca n’était pas nécessaire, on pouvait sentir leur imprégnation sans les toucher. Il comprit tout de suite pourquoi Monsieur Papillon avait mal réagi en les voyant, il se dit que sans aucun doute ni Mister Smith ni Tjaard ne les apprécieraient non plus. Mais voilà, le jeune lynx avait, par la force des choses, dépassé son maître dans l’art de la Voie Subtile et il serait maintenant infiniment plus sensible que sa compagne à ces choses là. Ces plumes n’étaient pas neutres loin s’en faut et Athanael eu la sensation d’une petite nausée en les observant. Pourtant c’était un sentiment encore mal défini et il savait bien qu’il ne pourrait pas en dire beaucoup plus à Wildekat, pourtant il devait la mettre en garde… Mais contre quoi ? L’hollandaise était bien placée pour savoir qu’il existait sur Liberty des forces supérieurs et maléfiques, mais comment les définir ? Ces hollandais qui avaient subi la malédiction Maya n’avaient-ils pas cru que tout serait terminé en tuant le grand prêtre Arhatza ? Athanael savait à quel point beaucoup de gens vivaient sans mémoire sur cette île, comment lui dire que non tout n’était pas fini… Qu’au contraire tout cela n’était que le début. - « Je… Je dois montrer ces plumes à un ami à moi, parvint-il à expliquer à Wildekat. - « Un ami à vous ? - « Oui, ces plumes ne sont pas, enfin elles sont mais… Écoutez Wildekat je ne peux pas tout vous dire aujourd’hui, il y a des choses que vous devrez sans doute apprendre vous-même pour que vous puissiez y accéder. En cela je gage avec foi que Tjaard vous sera d’une grande utilité et un compagnon inestimable. Mais pour le moment, il y a certains faits que je dois faire confirmer, et pour cela j’ai besoin que vous me prêtiez ces plumes pour que je les soumette à l’expertise d’une de mes connaissances dans le Nord. - « Mais enfin Charles ? Je ne comprends pas un mot de ce que vous essayer de me dire… - « La seule chose qui soit tout à fait claire Wildekat, c’est que ces plumes sont dangereuses. Pourquoi ? Comment ? Je n’ai pas de réponse à tout cela pour le moment. C’est pour cela que je dois aller les montrer. Mais je vous l’affirme dès maintenant, vous devez vous méfier de ces objets. Ils sont vivants. - « Vivants ? Charles vous m’inquiétez ! De plus je ne suis pas la seule à posséder des plumes de cette coiffe. Tous les corsaires hollandais qui ont subis la malédiction zombie en possèdent en souvenir de leur victoire sur Arhatza… - « Un cheval de Troie… - « Pardon ? - « Acceptez vous de me les confier ? - « Je… oui bien sûr, mais… » Le gouverneur Shadow arriva alors dans la taverne et se dirigea immédiatement vers la table ou les deux anciens ennemis conversaient à bâtons rompus. - « Athy ! On m’a dit qu’il y avait un hollandais qui préparait un pillage tout seul au milieu de la taverne ! dit-il en souriant. - « Oui gouverneur, comme tu le vois j’étais en train de palier à cette menace. - « Bien le bonjour mademoiselle Wildekat ! - « Bonjour gouverneur. » Athanael profita de cette interruption opportune, il termina son verre d’un jet et se leva de sa chaise. - « Bien comme vous le voyez gouverneur… la menace est sous contrôle. Je vous laisse donc vous occuper de cela. » Wildekat posa sa main sur le bras du Français et tenta de dire quelque chose mais celui-ci l’en empêcha. - « Je ne sais pas encore si quand je vous reverrai j’aurais de bonnes nouvelles à vous annoncer chère amie. Mais je vous promets que je vous rapporterai ces plumes et une explication…. Il… Il existe quelque chose ici, quelque chose d’important et de très puissant. Je vous le demande, j’insiste pour que vous fassiez confiance à Tjaard dans ce qui ne va pas tarder à venir… Vous devez écouter votre cœur, votre âme et suivre votre foi. - « Mais Charles… - « C’est extrêmement important Wildekat… je dois partir… nous nous reverrons. » Athanael s’enfuit presque de la taverne sans se retourner ni saluer ni le tavernier ni son gouverneur. Il passa la porte et se retrouva dehors où il respira profondément. Il était particulièrement mal à l’aise. Il retourna vers la chambre mais cette fois ça n’était plus du tout dans l’idée d’y passer la nuit. Il rangea rapidement ses affaires et parti vers le Nord. Tant pis son autre soucis attendrai pour le moment, de toute façon il n’ignorait plus que tout était dans une certaine mesure lié. De toutes façon sa décision était prise, son intime conviction faîte devant les heures sombres qui se préparaient ils n’étaient pas nombreux ceux qui auraient les capacités de s’y opposer et quand à lui, puisque le Mal revenait en force, il était inutile de vouloir lui tourner le dos, l’ignorer n’écarterai pas le danger. Cela marquerait sans doute la fin de sa formation aussi incroyable que cela puisse paraître cette idée devenait une telle évidence pour lui qu’il éclata de rire. - « Toi qui n’aime pas les choses faciles… »
Gaïus Quesada
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Posté le 24/02/2008 à 18:56:52 

Créer - voilà la grande délivrance de la souffrance, voilà ce qui rend la vie légère. Friedrich Wilhelm Nietzsche CHAPITRE XXIV : Pro Patria et Liliis Mai 1707 Bureau du ministre du Commerce de Port Louis. - « C’est un projet ambitieux capitaine. Ambitieux et sans aucun doute onéreux. - « Charles, je tiens vraiment à ce projet et vous n’êtes pas sans ignorer qu’avec cet anniversaire de la Confrérie du Lys, je veux absolument que celle-ci offre quelque chose à cette colonie. Souvent nous avons revendiqués le fait d’être les premiers représentants de Port-Louis, plus souvent encore les habitants de cette ville ont donné à notre guilde les mandats électifs et toute leur confiance pour que nous nous occupions de leur avenir. Je veux vraiment que le Lys profite de cette occasion pour rendre ce qui lui a été donné. Nous devons donc mener à bien ce projet. - « Et quand souhaitez vous organiser l’anniversaire du Lys capitaine ? - « Début 1708 au plus tard. - « Ce qui nous laisse moins d’un an pour livrer ce… cadeau. - « Exactement. - « Un exploit technique qui coûtera d’autant plus cher. - « J’en suis conscient, vous savez pertinemment que le Lys aussi. » Charles de Craon était quelque peu ennuyé, il aurait souhaité bien sûr rendre service au Capitaine Gaheriet, mais là, il ne voyais pas bien comment et l’heure tardive à laquelle se passait cet entretien ne l‘aidait pas vraiment à avoir de l’imagination. Bien sût, il savait à quel point Gaheriet souhaitais faire quelque chose d’important pour cette ville et à quel point il attendait que l’anniversaire de la guilde du Lys soit l’occasion pour celle-ci de montrer de manière plus éclatante encore combien cette guilde se sentait liée à son pays. Mais comme tout projet de cette importance, et à sa connaissance Charles n’en avait vu de plus ambitieux pour une seule colonie, cela nécessitait du temps et surtout énormément d’argent. - « Écoutez Capitaine, je sais fort bien que nous avons déjà commencé a parler de cela dans la Confrérie, mais voyez vous… Les comptes de Port-Louis dont j’ai la charge depuis maintenant près de deux mois ne sont pas si bons. La ville continue à souffrir de toutes ces guerres et nos commerçants, même s’ils commencent maintenant à s’en sortir, ne sont pas encore assez aguerris pour assurer les finances de la colonie. - « Je m’en rend bien compte… - « C’est pourquoi… C’est pourquoi, bien que je sois moi-même un membre du Lys, je ne peux pas vous donner les clés et financer un tel projet avec de l’argent public. Ce n’est absolument pas possible. » Gaheriet quitta la contemplation de la mer que l’on pouvait voir à travers la fenêtre du bureau du ministre du Commerce. Il souriait. - « Mais je ne vous le demande absolument pas ! » Charles de Craon fit une moue interrogative vers son capitaine. - « Dans ce cas, pourquoi êtes vous venu me voir ? Je pensais que vous aviez besoin du ministre du commerce. - « Non, bien sûr que non, il n’est pas question d’offrir à Port-Louis un cadeau qu’elle aura payé elle-même. Ce n’est pas du tout pour cette raison que je suis là. » Charles se passa la main sur les yeux, la journée avait été longue et il était fatigué. Son esprit tentait de s’égarer un peu et il avait beaucoup de mal à se concentrer. Il ne ferait plus rien de bon aujourd’hui, alors il referma les quelques dossiers qui restaient sur son bureau en décidant qu’ils pourraient attendre le lendemain. Las, il se leva de son fauteuil et se dirigea vers la petite armoire en bois où il rangeait ses meilleures bouteilles. Il en sorti une et pris deux verres avec lui puis revint au bureau. Gaheriet souriait toujours, apparemment content de faire cette petite « farce » au ministre du commercer qu’il connaissait si bien. Charles servi les deux hommes et se rassit sur son fauteuil. Après avoir bu le premier verre d’une traite et resservi Charles prit la parole. - « Et bien dans ce cas, capitaine, que me vaut l’honneur de votre visite ? - « C’est tout à fait informel. - « A la bonne heure. Charles sourit pour la première fois de la journée. Dans ce cas je vous en prie dîtes moi tout. - « L’argent n’est pas un soucis, il est évident que c’est le Lys qui paiera la moindre pièce d’or. Ce n’est pas mon souci principal. En fait j’en ai un autre bien plus important et c’est pour ça que je suis venu vous trouver. Vous trouver, vous Charles, pas le ministre. Le problème c’est que quand vous êtes en poste on ne vous voit plus à la guilde et vous quittez si rarement votre bureau que certains disent que vous y dormez. - « C’est la plupart du temps vrai, quand je termine trop tard. Mais tout à fait entre nous je préfère prendre quelques dossiers avec moi et aller passer la nuit dans la chambre des musiciens. Je m’y sens parfaitement à mon aise et personne n’y vient jamais, ce qui me laisse tout le loisir et la quiétude pour travailler en paix. - « Justement c’est à propos de cette chambre que je suis venu vous voir. - « Plaît-il ? - « Personne ne sait comment vous avez trouvé le financement mais il y a quand même pas mal de gens dans cette ville et ailleurs qui savant que c’est vous qui avez fait construire cet endroit. On dit aussi que vous en êtes l’architecte et le concepteur des plans. - « « On » dit beaucoup de choses. » Athanael resservit son verre et celui de Gaheriet. Pour la première dans cet entretien il pensait enfin savoir ce qui allait lui être demandé… Février 1708 Maison de France - « Ici, il va nous rester à mettre en place les emplacements pour les commerçants. Comme vous l’aviez indiqué il y en a douze, que nous avons donc appelés par des noms du zodiaque afin que nous soyons bien d’accord sur les emplacements cités. - « La zone est bien fermée comme il était prévu ? - « Oui monsieur, un vrai petit paradis pour tous les commerçants, la configuration des lieux exclue de facto toutes tentative de vol, les commerçants seront extrêmement bien protégés. - « Quand cela sera-t-il fini ? - « Encore quelques jours le temps que nous fassions les finitions et puis ça sera bon, nous avons fait appels à de jeunes artistes afin que les lieux aient un air convivial et propice aux affaires. - « Très bien, c’est tout à fait excellent. » Athanael n’en croyait pas ses propres yeux et pourtant, depuis le premier coup de crayon qu’il avait posé sur une feuille jusqu’à ce moment, il n’avait pas cessé de penser et repenser à cet endroit. Mais c’était toujours impressionnant de voir une idée sortir de son imagination et se transformer en blocs de pierres bien réels. Il continua à avancer avec le contre maître qui lui faisait faire le tour des lieux comme s’il était un touriste, lui parlant de l’avancement des travaux, lui assurant après qu’Athanael ai posé la question au moins dix fois que tout serait prêt à temps. - « Ici, nous avons placé le stand de tir, c’est tout à fait sécurisé et normalement il ne peut pas y avoir de balles perdues… - « Dieu vous entende mon ami, il y a tellement de tireur exécrables sur cette île. - « Dans la partie jardin, nous avons évidement posé la petite arène que vous nous aviez demandé, d’ailleurs à ce propos monsieur… - « Les gars et moi on se demande toujours pourquoi vous l’avez voulue si petite ? On peut pas se battre là-dessus. - « Si… Mais à la main. - « A la main ? - « Le Lys organise un tournoi de boxe. - « Un tournoi de boxe ! C’est original ! - « N’est-ce pas ? - « Hum oui… alors ici vous voyez la fontaine à bien été placée comme vous le…. » Les contre maître continua comme cela un bon moment. Expliquant à Athanael où et comment avaient été disposés la moindre parcelle de gazon, les lumières, les arbres qu’il avait fait chercher eu milieu de l’île… Ils s’arrêtent un instant sur la petit plage artificielle qui avait été recrée à l’Ouest de la bâtisse, insérant ainsi une rupture dans l’enceinte quelque peu martiale. Puis ils descendirent vers le front de mer et passèrent l’unique porte de cette immense maison. Deux ouvriers les attendaient devant deux grands blocs de marbre noir. - « J’ai pensé que ça vous ferait plaisir de les voir avant qu’on ne les monte », lui dit le contre maître. Athanael interrogea celui-ci du regard et le contre maître fit un signe de la main au premier des ouvriers qui amarra solidement le premier bloc de marbre qui devait bien faire dans les 100 kilos. La « dalle » s’éleva doucement jusqu’au fronton de la maison et Athanael comprit de quoi il s’agissait. Il s’installa tranquillement sur un des bancs déjà disposés sur le bord de mer et observa attentivement les manoeuvres des ouvriers avec la première puis la seconde dalle de marbre. Bientôt tout fut terminé et au dessus de la porte d’entrée de la bâtisse les deux dalles furent enfin en place. Athanael se leva pour les contempler à ses côtés les deux ouvriers et le contre maître se joignirent à lui. Tous les quatre alignés et solennels devant ce qu’ils considéraient tous comme une sorte de baptême. - « C’est du bon travail… du très, très bon travail mes amis. Vous pouvez être fier de vous car vous avez parfaitement montré toute la qualité des artisans Français. - Merci monsieur c’est un honneur pour nous que d’avoir travaillé sur ce… palais… si vous permettez monsieur. - Maison… je préfère maison… C’est une maison pour tous les Français, c’est une maison où tous les citoyens de ce pays et tous ceux qui s’y sentent bien pourront se reposer et s’y sentir en paix. C’est la Maison de France. - Oui monsieur, c’est vrai que ça sonne bien comme ça, une maison pour tous les Français.» Tous se regardèrent en souriant, tous étaient à cet instant très fier. Athanael salua les artisans et repris sur le bord de mer le chemin vers le centre de Port Louis. Après quelques mètres il ne put s’empêcher de ce retourner pour contempler une nouvelle fois cette bâtisse. Son regard s’attarda sur les deux dalles en marbre noir qui dominait maintenant l’entrée et sur lesquelles était inscrit une formule. - « Pro Patria et Liliis, se dit-il. Oui, c’est ce qu’il fallait. »
Gaïus Quesada
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Posté le 26/03/2008 à 19:01:21 

L'apocalypse est au commencement de soi puisque la fin précède toute naissance. Victor-Lévy Beaulieu, CHAPITRE XXV : La Voie des Ombres New Kinston Il y a un an - « Prends une pièce Charles. D’un côté se trouve le Bien, sa lumière et son incandescence. De l’autre bien sur on y trouve le Mal le contraire, mais qui est aussi forme l’équilibre universel dans toutes choses. L’une ne va pas sans l’autre, tous deux ils sont intimement liés, tous deux se nourrissent de leur opposé, tous deux de leur contraire. Chacun porte en lui la racine de l’autre. - « Je vois. Mais pourquoi me parler de cela ? - « Il est dans cette pièce d’or comme en toute chose. Chacun de nous connais le difficile équilibre entre le Bien et le Mal, chacun de nous sait que le jour succède à la nuit, chacun de nous comprends qu’une vie est aussi liée à sa mort. La Voie subtile n’en est pas exempte, elle vit elle aussi sous la coupe de son contraire, dont elle se nourrit et dont parfois elle s’inspire… La Voie des Ombres. - « Je dois donc me méfier de la Voie subtile pour ne pas risquer de tomber dans son contraire ? - « Non. Bien au contraire… te défier d’une partie d’elle t’empêchera de la connaître et de la reconnaître. - « Que dois je faire alors ? - « La Voie Sombre doit être parcourue tout comme la Voie Subtile, l’une ne va pas sans l’autre. » D’un côté nous avons donc le Bien, et de l’autre immanquablement, le Mal. Zacharie prit la pièce d’or entre ses doigts. D’une chiquenaude il l’a fit tourner à grande vitesse sur elle-même comme une toupie. La pièce alors se transforma dans une illusion d’optique en une boule dorée tournoyant sur le bois. - « Voici donc la forme réelle et universelle de toutes chose. Une hélice alternant Bien et Mal à tel point que l’un est l’autre se confondent, se transforme et changent de leur forme primaire et unique pour créer la nouvelle forme de l’osmose. - « Il me faudra donc emprunter cette Voie si je veux parvenir à maîtriser dans son ensemble le don de la Voie Subtile ? - « C’est tout à fait ça. Pour se battre contre le Mal, il faut le connaître. - « Et comment puis je faire ? - « Il te faudra passer l’épreuve. - « L’épreuve ? - « Oui, celle-ci marquera la fin de ta formation. Et tu devras réussir. - « Quand cela arrivera t-il ? - « Ne sois pas impatient Charles. Beaucoup de gens ont attendu certaines choses toute leur vie, et ont été très déçu quand celles-ci sont enfin arrivées. Il faut parfois savoir ne pas trop espérer le pire. » Liberty Quelque part dans la forêt Il y a 23 jours Après une longue route, Athanael arriva enfin à la grotte où il devait finir sa formation en compagnie de son vieux maître Zacharie. Il avait marché sans relâche pour arriver le plus vite possible, inquiet de ces retrouvailles et habité par un pressentiment tenace mais qu’il ne pouvait expliquer. Dès qu’il approcha de la grotte près de laquelle coulait une petite rivière, formant un bassin naturel dans les roches de l’île, le Français senti que quelque chose avait changé que tout n’était pas parfaitement comme quand il était parti. Il chercha un moment mais ne trouva nulle trace ni de Sarah, ni de Mister Smith. La grotte semblait abandonnée depuis très longtemps, en fait elle semblait n’avoir jamais été habitée ce qui était incompréhensible puisque Athanael l’avait quitté à peine quelques jours plus tôt après y avoir passé plus d’un mois durant sa formation à la Voie Subtile. Il ne comprenait pas. Il appela mais aucune réponse ne lui revint en retour. C’était inquiétant, quelque chose ici s’était passé, et il était incapable de savoir quoi. Fourbu par sa longue marche et ne pouvant repartir tout de suite, le Français décida de s’installer au moins pour la nuit. Il verrait bien demain s’il arrivait à retrouver son maître. Le lendemain, Athanael fût réveillé par un bruit prêt de lui. Il se releva et vis Zacharie qui était assis là près de la vasque naturelle. Il jouait nonchalamment avec une étoffe de couleur noire et ne semblait pas se soucier du Français. Sarah était là aussi, assise près de l’Anglais, les yeux fixés sur lui, elle semblait triste et beaucoup plus jeune que la dernière fois qu’Athanael l’avait furtivement croisé quand il était arrivé ici. - « Zacharie, Sarah ! Je suis heureux de vous revoir ! Je suis arrivé hier et je n’ai vu personne, c’était une sensation étrange comme si cet endroit n’avait pas été habité depuis des années. » - « Mais c’est le cas. » Athanael se leva interloqué. La très jeune femme sourit tristement vers le Français. - « Athy, je sais que tu vas être triste, ne soit pas triste. - « Comment ça ? - « Cet endroit… Vous dîtes qu’il n’a pas été habité depuis des années… Et je vous réponds que c’est le cas. - « Je ne comprends pas. » Zacharie lança l’étoffe noire vers le Français qui la rattrapa au vol. - « Qu’est ce que c’est ? - « Un bandeau pirate. - « Un bandeau pirate ? Je me souviens de celui que j’avais vu dans les affaires de Gojuchang il y a longtemps de cela mais je n’en avais jamais eu un en main. A qui appartient-il ? J’imagine que son propriétaire ne doit pas être très heureux de l’avoir perdu, tels que je connais les pirates ce n’est pas e genre de choses qu’ils apprécient beaucoup. - « C’est le mien. Où plutôt c’était le mien. » Athanael se leva péniblement et encore fatigué. - « Le vôtre ? Comment ça ? - « Oh c’était il y a bien longtemps, bien avant la colonisation qui vous a amené ici vous et vos semblables. - « Je ne comprends toujours pas. - « Je vous crois Charles, je vous crois, mais c’est aujourd’hui que mon enseignement touche à sa fin, ce que je ne vous aurais pas enseigné vous devrez aller le chercher ailleurs, loin pour tout vous dire, très loin. - « Très loin ? Il n’y a pas de telles distances sur cette île qui puissent être qualifiées de « très loin ». - « Si l’on ne fait que considérer Liberty alors non il n’y en a pas. - « Et que dois-je donc considérer ? » Zacharie se leva et sorti son épée. Il s’approcha d’Athanael puis arrivé à quelques pas de lui, il jeta une pièce d’or vers le Français et qui la rattrapa, puis il salua. - « Que faîtes vous ? demanda le Français surpris. - « Je salue. Et je me bats. » La lame de l’anglais fendit l’air dans un sifflement et tomba sur Athanael qui eu juste le temps de l’éviter. - « Mais que faîtes vous ? Mon maître ! - « Je te l’ai dit Charles, c’est aujourd’hui que se termine ton enseignement. Voici ma dernière leçon. » La lame revint aussi vite que la première fois, le Français fit un bond en arrière. - « Je refuse… Je refuse de me battre contre vous ! - « Tu refuses Charles ? Zacharie sourit. Tu ne le peux pas, car si tu refuses alors tout ceci n’aura servi a rien. - « Mais de quoi parlez vous ? » - « Souviens toi Charles, souviens toi de la pièce et de sa représentation du Bien et du Mal. » Cette fois l’épée de Zacharie ne rata pas sa cible et un long filet de sang gicla du bras d’Athanael. - « Il faut aller plus loin Charles, bien plus loin que tu ne le crois possible. » Athanael para encore un coup, mais cette fois son bras était très douloureux, il refusait toujours de se battre, il refusait cet échange qu’il ne comprenait pas, mais les assauts répétés ne lui laissaient plus beaucoup le choix. - « Il faut que l’élève batte la maître Charles ! C’est dans l’ordre immuable des choses. - « Non ! » Cette fois il sorti son sabre et s’écarta de la ligne de trait de son adversaire. - « C’est bien Charles, je vois que tu commences à comprendre. - « Je ne comprends rien du tout ! Qu’est ce que vous faites par Dieu ! » Zacharie ne répondit pas et lança un nouvel assaut plus violent encore que les précédents. L’échange fut âpre et d’une rapidité fulgurante. A nouveau le sang coula. Le vieil anglais s’écroula, le sabre d’Athanael venait de lui traverser la poitrine. Derrière Sarah pleurait doucement. - « Je suis désolée Charles… Je suis tellement désolée. Tu nous a fait revivre Charles… garde ça en mémoire pour nous. » Tout à coup, alors que Zacharie tombait dabs les bras d’Athanael, l’image de Sarah s’effaça dans le vide, laissant la place à Mister Smith qui observait la scène avec la plus grande attention. - « Zacharie ! Non ! Athanael porta son vieux maître jusqu’au sol. Pourquoi ! - « Il faut… Il faut que tu ailles plus loin que l’imaginable Charles… Il faut que tu… dépasses les limites… Je l’ai su quand je t’ai vu la première fois… en France… C’était à toi que reviendrait… cette malédiction… - « Non ! Mon maître, Dieu tout puissant je vous en conjure ne mourrez pas, je ne veux pas vous tuer ! Je ne veux pas ! - « Charles… si tu veux défier la Mal qui habite ici… tu dois être le Mal… Charles… je suis déjà mort… il y a longtemps… le jour où… Charles… Sarah est morte dans ce… manoir. - « Non ! Vous n’êtes pas mort ! Vous n’allez pas mourir, Sarah va revenir ! » Zacharie s’accrocha avec la force du désespoir au col d’Athanael. - « Nous sommes déjà mort… Charles… Nous sommes tous morts le jour où nous avons mis les pieds sur cette… île maudite… tu dois… tu dois nous délivrer… tu dois… Charles… tu dois… pour Sarah… en mémoire d’elle. - « Mais je ne sais pas comment faire ! Je ne saurais pas le faire ! - « Tu dois aller… au devant du Mal… Charles… il n’y a pas d’espoir pour celui… qui fait ce voyage… je l’ai fait, il y a longtemps… et je suis mort… et… Charles… tu mourras aussi… - « Qu’importe, mourir ne me fais pas peur, mais pas vous ! Pas vous ! - « Il y a longtemps… que c’est fait pour moi… - « Mais comment ? Je vous ai vu toutes ces années ! Je vous ai vu, vous m’avez enseigné ! - « La Voie Subtile… Charles… la Voie… Subtile… elle t’aidera… elle t’accompagnera… jusqu’à… jusqu’à ta propre fin… dans la Voie des Ombres… Elle est la mémoire du passé... celle des vivants et celle… des morts. - « Non, ce n’est pas possible ! - « Il y a quelqu’un… en Espagne… Raphael… tu devras voir cette personne. » Zacharie ferma les yeux et ce fut fini… doucement son corps, dans les bras d’Athanael, devint plus léger, puis il disparu, en silence comme s’il n’avait jamais existé… Devant lui il ne restait plus personne, plus personne à part un ours qu’il connaissait bien… C’était lui le porteur de la Voie, tout comme Monsieur Papillon était le porteur de celle de Charles. Un ours et un bandeau noir. Le message était clair. Pour aller au devant de la malédiction de cette île, pour aller au devant du mal qui l’habitait, il lui faudrait à son tour s’allier avec lui, pour le comprendre, pour entrer en empathie. Et pour cela les meilleurs aides qu’il connaissait sur cette île, seraient les porteurs de ce bandeau. Peut-être trouverait-il parmi eux quelqu’un qui avait déjà commencé à emprunter ce chemin. Charles pensa au Perroquet de Gojuchang, peut être… peut être que tout était lié. Comme les deux faces d’une même pièce d’or, comme le Mal est intimement lié au Bien. Sa vie était terminée. Son destin de soldat Français s’arrêtait là. Charles de Craon le héros de Port Louis allait mourir. Charles de Craon le soldat français connu sur toute l’île de Liberty était mort. Assassiné par lui-même, d’aucun dirait suicidé par Athanael. S’il fallait payer de sa vie pour gagner ce combat, alors le prix était raisonnable. Il irait donc, il irait au devant du Mal, il irait du côté obscur de la Voie Subtile… Il emprunterait la Voie des Ombres. Il serait une ombre. Les larmes tombant sur ses joues, il prit un papier, et il écrivit une lettre : A Monsieur le Capitaine de la Confrérie de la Côte dit «Sing» http://www.deezer.com/track/3788
Gaïus Quesada
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Posté le 02/04/2008 à 22:09:45 

Mais viendra le jour des adieux. Car il faut que les femmes pleurent. Et que les hommes curieux, tentent les horizons qui leurrent ! Sully Prud'homme, Poésies. CHAPITRE XXVI : Dernières heures à Port Louis - « Il est hors de question de vous accorder se passe droit ! Je ne suis pas là pour vous arranger vos problèmes de justice ni pour vous accorder des titres Charles. - « Je ne veux ni l’un ni l’autre, et je me permets de vous rappeler que les titres je les ai déjà tous. - « Au Diable ! Vous serez paria un point c’est tout ! Et cette manœuvre pour échapper à la justice ne me convient pas du tout ! - « Vous divaguez Louis. Je ne cherche en rien à échapper à la justice, quelle idée. Si j’avais voulu le faire j’aurais payé cet idiot depuis longtemps. - « Alors pourquoi ne pas l’avoir fait ? - « Je ne tire pas sur quelqu’un pour lui donner de l’argent ensuite. Ou alors c’est que j’estime avoir fait une erreur. Ce qui n’est pas le cas. - « Dans ce cas soyez paria et je vous nomme Juge après. - « Non question de fierté personnelle. Vous me nommez Juge, je m’envois chez les parias pendant 7 jours durant lesquels je prépare ma cour et quand je reviens tout est prêt et mon texte en place. - « Je ne peux pas accéder à cette demande. - « Bien, dans ce cas je ne compte pas vous déranger plus longtemps. - « Ma proposition tiens toujours. - « La mienne aussi. » Triste journée, décevante tout au moins, après avoir eu une longue et désagréable explication de texte avec Daniel Monbars, voilà qu’il fallait remettre le couvert avec le gouverneur de Port Louis. Tous deux du Lys et tous deux intraitables sur des affaires de morale douteuse qui ne les empêcheraient ni l’un ni l’autre d’applaudir à tout va la pariatisation de plus de 30 Français pour le plus grand plaisir des ennemis de la nation. Athanael ruminait un peu ce nouvel obscurantisme de ses compagnons Lysssois qui entraînerait une affaiblissement considérable de la colonie pour acheter une paix civile surtout profitable aux membres d’un Ordre qui voyait là une excellente occasion d’éradiquer la moindre contestation de son pouvoir et le tout sans se salir les mains. Il fut un temps où par soucis politique et surtout de l’unité de la nation, Athanael avait déjà dû affronter ces mêmes personnes qui n’avaient pas de meilleurs ennemis que les français eux même et qui avaient déjà tenter de faire pression pour que ceux-ci soient exclus de la colonie. Athanael avait résisté et n’allait pas tarder à payer ce refus d’affaiblir la France pour des intérêts privés. Tout ceci l’attristait profondément et, il avait tendance à envisager l’avenir de Port Louis avec beaucoup d’inquiétude et de pessimisme. Après être allé reposer ses dossiers de « justice » dans la chambre des Musiciens, Athanael décida de se changer les idées en allant au tournoi du Lys dans la Maison de France. Depuis que celle-ci avait été officiellement ouverte au public, il ne l’avait encore pas vue et ce serait à n’en pas douter un plaisir de la voir rempli des gens qui déjà faisaient la queue pour y rentrer. Athanael ne se sentait pas particulièrement en grande forme mais après tout, « boxer » quelqu’un serait un excellent moyen de se changer les idées et de laisser de côté ses inquiétudes politiques voir existentielles. Il se dirigea donc vers la nouvelle bâtisse française prenant son temps sur le bord de mer, par cette journée radieuse de mars et resta un long moment assis sur un banc à regarder bêtement la mer. Le spectacle l’apaisait beaucoup et c’est totalement détendu qu’il pénétra à l’intérieur du bâtiment. Déjà certains combats avaient commencé et beaucoup de gens de tous les pays s’agglutinaient autour de la petite arène de bois ou les pugilistes s’envoyaient des coups et des amabilités. Athanael resta un moment à observer le combat en cours, admirant les diverses techniques des adversaires et se disant que ce sport aurait peut-être un avenir sur le continent. Le combat pris fin et l’un des membres du Lys annonça le prochain. Athanael se dit qu’il serait peut être intéressant d’aller s’enquérir de son futur adversaire et se dirigea vers le tableau où étaient affichées les rencontres. Beaucoup de noms y étaient inscrits et Athanael peina un peu pour trouver le sien, et puis au fur à mesure qu’il lisait la liste, il se dit qu’il n’avait vraiment pas les yeux en face des trous et de plus belle en recommençant par le haut il se remit à lire la liste… Pas de nom. Ou pour être bien plus exact, il y avait énormément de noms. Mais pas le sien. - « Je me demande si j’ai bien fait de me lever ce matin. » Un peu dépité mais pas vraiment inquiet Athanael s’en alla trouver Gaheriet. - « Salut Capitaine, dis moi j’ai un petit soucis… C’est stupide je le sais bien et je dois être encore à côté de la plaque mais figure toi que je n’arrive pas à trouver mon combat sur la liste que tu as affiché. - « C’est normal. Tu n’es pas inscris. » Athanael resta quelques secondes interloqué puis sourit un peu contraint. - « Comment ça je ne suis pas inscris ? Ca fait plus d’un mois que j’ai posé mon inscription et d’ailleurs si je me souviens bien je devais être le second de ma catégorie. Si j’en juge par le nombre de personnes qu’il y a ici ça me place en très bonne position. - « Oui peut être, mais tu n’as pas payé ton inscription. - « C’est une plaisanterie n’est ce pas ? - « En aucun cas. Tu n’as pas payé ton inscription donc tu ne participes pas au tournoi. C’est aussi simple que ça et c’est pareil pour tout le monde. » Athanael ravala son sourire, tel qu’il connaissait Gaheriet il y avait une chance qu’il soit sérieux, aussi stupide et incompréhensible que cela puisse paraître. - « Tu ne vas quand même pas me faire un coup comme ça Capitaine ? » - « Les tableaux sont terminés et on ne peut pas y revenir, tu n’as pas payé donc tu n’es pas inscris. C’est comme ça. » Il se demanda très sérieusement s’il n’allait pas embrocher son capitaine sur place devant tout le monde pour cette insulte. Mais étant donné les circonstances... Il s’agissait de ne pas gâcher la fête. - « Je te rappelle à tout hasard que j’ai passé beaucoup de mon temps dernièrement moi aussi, il souligna les deux derniers mots, pour organiser tout cela, il fit un geste englobant la Maison de France. - « Oui mais c’est trop tard, il fallait payer à l’heure. » Athanael regarda son capitaine complètement abasourdi en ce demandant s’il n’allait piquer une crise. « Je vais le tuer ! Je vais le tuer tout de suite et ensuite je recommence ! Se dit-il. C’est pas possible d’être obtus à ce point là. » Athanael tenta une dernière chose. - « Bon, on va s’arranger, il est bien évident que je vais participer à ce tournoi, donc il suffit de me trouver un adversaire. - « Non les tableaux sont faits. On ne peut plus les refaire. - « Nom de Dieu Capitaine ! Tu te fous de moi là !! - « Non. Je te l’ai dit, tu n’as pas payé ton inscription à l’heure donc c’est trop tard. » Athanael ravala sa colère naissante devant le bloc de marbre que formait Gaheriet. Il ne participerait donc pas au tournoi du Lys, c’était un coup très dur auquel il n’aurait jamais pu s’y attendre. C’était une véritable insulte, comme si tout à coup il ne faisait plus partie du Lys, comme s’il n’avait pas passé deux ans sur cette île à en porter haut les couleurs, comme si à l’image de cette liste de combat, son nom avait été effacé des membres de la Confrérie. Il ne souhaitait plus admirer les combattants, tout à coup ce spectacle lui était devenu insupportable, il voyait autour de lui tous ces gens prendre du plaisir dans cette Maison qui lui en avait donné tant quand il imaginait telle qu’elle serait aujourd’hui… pleine de monde et de joie. Cette joie il ne pouvait pas la partager, il était exclu, il se sentait rejeté et tout à coup beaucoup plus seul qu’il ne l’aurait imaginé. Il sorti de la Maison de France et se dirigea vers la ville de Port-Louis. Personne dans ces rues, tout le monde était à la fête, il n’y avait que quelques oiseaux marins pour briser le silence… Il entra dans la maison de guilde et terriblement las s’installa sur un fauteuil pour réfléchir. Demain ou ce dès ce soir il serait paria, aucun membre du Lys à commencer par le gouverneur français ne l’avait particulièrement soutenu dans son affaire avec l’espagnol, certains des nouveaux arrivant comme Monbars s’en prenant même à lui pour lui reprocher de ne pas suivre l’esprit de cette guilde… L’esprit du Lys, il en avait été pendant si longtemps avec quelques autres, le symbole. Mais aujourd’hui, seul dans la maison de guilde, tout ceci lui paraissait soudainement vain, il était temps pour lui de poursuivre sa quête, d’assumer son destin… et de préparer ses affaires pour un long voyage qui serait sans aucun doute sans retour. Peut-être que si à ce moment là, Chriko, son frère était passé… Peut-être que si à ce moment là quelqu’un était venu lui parler… peut-être… mais tout ceci n’arriva pas. Après avoir terminé son baluchon Athanael redescendit dans la grande salle et se dirigea vers Gontran le gardien du coffre du Lys. - « Bonjour monsieur Charles ! Comment allez vous aujourd’hui ? - « Fort bien Gontran, fort bien. Athanael n’avait pas le cœur d’exposer ses soucis. - « Qu’est ce que je peux faire pour vous ? - « C’est pour un retrait. - « Bien, bien. Gontran sorti son registre. Qu’est ce que vous voulez retirer ? - « Tout. - « Je vous demande pardon ? - « Tout. Vous me donnez tout ce qu’il y a dans le coffre Gontran. - « Mais je ne peux pas faire ça ! Vous savez que depuis l’affaire de monsieur Sanca, personne ne peut plus vider le coffre ce sont les consigne de sécurité. - « Je connais les consigne Gontran, c’est moi qui les ai faîtes. » Athanael sorti son pistolet à barillet et le pointa sur Gontran. - « Voilà qui devrait vous aider. - « Mais… Mais… mais enfin monsieur Charles ! Si vous faites ça vous serez renvoyé du Lys ! - « Oui. - « Ils vous traqueront, ils vous tuerons… - « Oui. - « Vous n’êtes pas sérieux. - « J’ai bien peur que si. Allez dépêchez vous Gontran, je n’ai pas la moindre envie de vous tirer dessus mais ne croyez surtout pas que j’hésiterai si vous m’y obligez. » Gontran n’avait pas peur, en lisant son visage on aurait surtout pu voir de l’indignation. Il était choqué. Athanael quand a lui était sur un petit nuage, ne se sentant pas vraiment dans la réalité mais plutôt comme dans un rêve où tout se passerait sans qu’il soit vraiment là. Le bruit du sac posé sans douceur sur le comptoir le ramena quelque peu à la réalité. - « Il y a tout ? - « Argent, bandages, champagne… - « Et les fleurs ? - « Oh non… vous n’allez tout de même pas… - « Gontran que croyez vous que je sois en train de faire ? - « Mais ce sont les fleurs du Lys, les insignes de la guilde, vous ne pouvez tout de même pas les… - « Gontran je vous en prie. Mon doigt commence à être très douloureux sur cette gâchette et ma patience tout ce qu’il y a de plus limitée. - « Vous paierez très cher cette avanie monsieur Charles. » Athanael soupesa la bourse pleine d’or tandis que Gontran mettait dans une besace les 690 fleurs du Lys qui se trouvaient encore dans le coffre. - « Je viens de me mettre en fond. Cette fois tout y est ? Gontran soupira, les larmes aux yeux. - « Oui… tout y est. - « Bien je vous remercie Gontran et je vous souhaite beaucoup de bonheur dans votre vie. Vous connaître fut à chaque instant un plaisir et un honneur. Désolé que ça se finisse comme ça. » Gontran ne répondit pas et il resta là quelques instant en regardant Athanael quitter la pièce puis la maison de guilde. Tout à coup, comme s’il avait oublié quelque chose il courut vers la porte et sorti lui aussi de la maison du Lys. - « Monsieur Charles !! Monsieur Charles ! » Athanael déjà loin se retourna vers lui. - « Bon voyage ! Et où que vous alliez bonne chance ! » Athanael ne répondit pas et se dirigea vers Ulungen où il ferait sa première étape avant d’aller au camp paria qu’il ne connaissait pas. En passant les murs de Port Louis, Athanael comprit enfin qu’il ne les reverrait sans doute plus jamais en tant que celui qu’il avait été ici. Une page se tournait, il n’était plus question de revenir en arrière alors il regarda droit devant lui et s’en fut dans la nuit. http://www.deezer.com/track/24611 FIN DU LIVRE II : EXODE
Gaïus Quesada
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Posté le 31/07/2008 à 13:09:51 

Livres précédents : Livre I : Genèse Livre II : Exode (Souvenir thème) http://www.deezer.com/track/1034965 Livre III LÉVITIQUE Celui qui veut se souvenir ne doit pas rester au même endroit et attendre que les souvenirs viennent tout seuls jusqu'à lui ! Les souvenirs se sont dispersés dans le vaste monde et il faut voyager pour les retrouver et les faire sortir de leur abri ! Milan Kundera Chapitre XXVII : Je me souviens Je me souviens. J’étais William Baker, merci à lui, cher vieux William qui du fond d’une alcôve de Londres ne se doutait certainement pas qu’un jour j’aurais besoin d’emprunter son nom. Paix à ton âme William, vieux fou qui vendait des armes comme on vendait des petits pains sur les places des marchés de Baker Street justement et qui buvait un infâme whisky prétendument fait dans son village des Highlands. Catholique et écossais dans un pays où ces deux appartenances pouvaient signifier la mort aussi sûrement que la peste en Italie. Amoureux d’une baronne française qui l’avait poussé à épouser la cause du Cardinal-Duc du Plessis de Richelieu et par extension des Rois Louis XIII et XIV. Je me souviens de toi William qui comme moi ne s’appelait pas Baker, mais il est vrai que Mac Gabhann passait moins bien dans certains milieux de la capitale anglaise. Ironie du sort, c’est en devenant anglais que je repris ton nom vieil ami, mais cette fois moins pour me cacher d’eux que pour m’assurer une relative et futile sécurité vis-à-vis de mes anciens compatriotes de France et de Navarre qui m’avaient promis la mort. Je me souviens de l’accueil qui me fut fait dans cette ville de New Kingston, les tapes sur l’épaule et les « Welcome » à moi le paria, à moi l’ennemi héréditaire qui avait tant combattu ces gens sur le continent comme sur cette île de Liberty, sur toutes les mers du monde comme au sein même de leur capitale. Je me souviens de cette femme, Dulcina Fagney, qui m’appelait « mon ami » et qui avait tant œuvré pour me faire sortir du camp paria. Enlevée, torturée par la confrérie de la côte, et qui pourtant, sachant que j’étais volontaire pour être des leurs, m’a tendu la main et m’a sorti du trou. Je me souviens comment les bien pensants ont tué son mari… mon ami, Nick le Brun. Au nom de quoi ? de la justice ? Si c'est ça leur justice alors je la vomi ! Comment les pirates lui ont fait croire qu’ils avaient tué leur fille, la toute jeune Alanis. Je me souviens comment elle est morte, seule, se jetant d’une falaise tout comme l’avait fait Égée, le père de Thésée, tout comme mourut Roméo croyant sa Juliette passée dans l’autre monde… par désespoir… abandonnée. Je me souviens m’être rendu à cet endroit et y avoir jeté des fleurs et des larmes. C’est comme ça parfois les deuils… Ca se vit en silence, dans le recueillement… Parce que les mots deviennent subitement indécents, parce que les larmes ne guérissent pas. Je me souviens de cet homme connu sous le nom de Dbsman lui-même pirate repenti et peu partisan de ses anciens partenaires qui ne m’a pas posé de question qui n’a pas exigé de condition. Je me souviens de tous les autres, les Chocoborgne, les John Daemon, Prodigy, ClemClem, Yasmina, Oliver, Rose, Sealover et tous les autres. Tous des ennemis… tous des amis. Antinomique ? Peut-être pas tant que ça en fin de compte. Je me souviens qu’alors j’ai revêtu l’habit portant la croix de Saint Georges et j’ai combattu les Français aux côtés de mes anciens ennemis… contre mes anciens amis. J’étais William Baker et je m’en souviens. (Athanael thème) http://www.deezer.com/track/569375 J’étais Athanael. Je me souviens, le secret du Roi, les voyages à Rome, en Hollande en Angleterre, en Espagne, dans le Saint Empire. Les missions, ces gens, tous ces gens que j’ai tué, de ma main où par d’autres moyens au nom du roi, à celui de la France, rarement pour la justice, encore moins pour le plaisir. Je me souviens de ce bureau à Paris, en face du palais du Louvre où je revis mon frère et d’où nous partîmes pour cette île des caraïbes. Je me souviens de notre mission. Il y a bien longtemps qu’elle est terminée et pourtant nous sommes encore ici. Maudits parmi les maudits, perdus au milieu de l’enfer. La mort peut attendre. Je me souviens de Gaheriet, capitaine du Lys. De ses soldats fiers aux blasons lysés dont j’ai porté si longtemps le signe d’appartenance, dont j’ai défendu si souvent les couleurs autant contre les ennemis de l’extérieur, plus encore contre ceux de l’intérieur. Eux aussi voulaient ma mort. Mais ce n’est pas si facile de tuer un frère, même banni, même honni. Ca vous laisse un sale goût dans le bouche, quelque chose de pas propre, et dans le monde des biens pensant, il n’y en pas beaucoup qui acceptent de se salir les mains. Je me souviens. Les miennes je les ai plongé plus qu’à mon tour dans les immondices de la nature humaine. Je me souviens. Je ne regrette rien. Il y a bien longtemps que le jeune homme noble que j’étais est mort. Je l’ai enterré là bas en France, avec ma femme et mon fils. Je me souviens. (Soldier thème) http://www.deezer.com/track/916419 Je me souviens. Je suis Charles de Craon. Je revois les yeux de ce chat sauvage, de cette panthère. Elle m'a tenu la main sans jamais la lâcher au plus profond de ma chute. Je me souviens, les mots qu'elle me dit, la chaleur de son regard. Et moi qui n'ai su rien dire, incapable d'avouer mes sentiments. Puis-je encore aimer ? Je ne sais pas, je n'ose pas… C'est peut-être la seule chose dont je ne me souviens plus. Je me souviens d’un lynx et d’un petit singe, je me souviens de mes rêves, je me souviens du vieil anglais qui me sauva la vie avant que je ne prenne la sienne. Je me souviens que je leur dois d’être encore ici. Merci à eux, moi qui n’est pas toujours été à la hauteur de leurs espérances, eux qui ne m’ont pas jugés. Ils se reconnaîtront, ils se souviendront. Je suis Charles de Craon. Je me souviens. Il n’y a pas de titres que je n’ai pas eu. Tous les honneurs, toutes les médailles, toute la richesse. Je me souviens, les courtisans et les honnêtes, les repentis et les bien pensants, les soldats et les politiques. Je me souviens, n’en déplaise à la France, mais j’ai laissé mes médailles aux ours, c’est bon pour leurs dents, les breloques ne font rêver que ceux qui ne les ont pas. J’ai inscrit ma marque dans la pierre, comme tous les souverains. Mais à la différence d’eux ; beaucoup d’entre vous hantent ces murs sans en connaître l’histoire. Je ne laisse pas mes initiales je ne laisse que l’esprit. Je me souviens de ceux qui croient obtenir la gloire en répétant à tue tête qu’ils l’incarnent. Mais je me souviens que vouloir trop plaire, c’est toujours un désir de moche. Je me souviens de ce billot où cent fois j’ai posé ma tête, fatigué, désespéré, à la portée de tous mes ennemis. Mais la mort ne veut pas de moi. Elle ne veut pas se souvenir que j’existe et que je suis encore là. Je me souviens comment beaucoup ont cru pouvoir se servir de ma disgrâce et comment ils ont échoué. Oui. Je me souviens. Aujourd’hui je suis de retour. Et si je me souviens alors il faudra que d’autres se souviennent aussi. J’ai rempli le chargeur de mon pistolet car je me souviens… Et il est temps que certains fassent comme moi. Et pour cela, j’ai du plomb à leur mettre dans la tête. Je suis Charles de Craon et je reviens d’un long voyage. Je suis Charles de Craon et je suis toujours vivant. Souvenez vous en. (Le retour de Charles Thème ) http://www.deezer.com/track/92819
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Posté le 01/10/2008 à 12:52:11 

Envoi ce que tu veux, Seigneur, donne la joie ou la douleur, je suis content que l'une et l'autre coulent de tes mains. Ne déverse pas l'abondance de la joie ni de la souffrance. C'est entre les deux que se trouve une douce résignation. Eduard Mörike Chapitre XXVIII ROME Première partie : La cité de Dieu http://www.deezer.com/track/30950 - « Un… Un singe… Un vieil… anglais… des… des monstres… La guerre… chaleur… chaud… Pirates ! » L’homme qui est là, tousse fortement dans sa cellule. Il a du mal à respirer, sa barbe longue de plusieurs semaines, cache les traces des coups qu’il a reçu sur le visage, ses yeux sont presque aveugles. Dans sa cellule sans aucune fenêtre, aucune lumière. Il a été battu plusieurs fois, sans qu’on ne lui pose la moindre question, sans qu’on ne lui adresse le moindre mot. Il délire et a des hallucinations. - « Un singe… un lynx… un singe et un lynx… l’Anglais les monstres… le monstre… Esperanza… Esperanza…. Esperanza… Louis… Port-Louis… un temple… » Un bruit très léger, parvient à ses oreilles. Dans le noir, il cherche avec ses doigts blessés, à genoux, il ne peut se tenir debout car le plafond est bien trop bas. Il gratte, ses doigts saignent, il cherche encore. Le bruit devient plus précis, plus proche, il l’entend se rapprocher. Il ne faut plus bouger, écouter. C’est là tout près. Sa main s’abat sur le sol et trouve sa cible, les doigts écorchés se referment sur une blatte que l’homme porte à sa bouche. Que c’est bon, que c’est agréable de la sentir craquer sous ses dents, de sentir le jus s’écouler le long de sa gorge. Avec un peu de chance il en trouvera une autre. La litanie reprend. L’homme voit des images, il est brûlant de fièvre. D’ici quelques jours il sera sans doute mort. Il n’a pas peur, il attend cette fon comme un soulagement. Depuis combien de temps est-il ici ? Dans le noir absolu, sans manger, en ne buvant que son urine. Dehors à travers la porte et les murs, il entend souvent des râles et des cris inhumains. La voix qui hurle ne lui semble pas inconnue. Il ne sait plus. Il veut mourir. L’enfer est ici. Dans cette ville, la ville de Dieu. L’enfer est ici, et il n’y survivra pas. - « Un singe… un papillon… un singe qui est papillon… l’Anglais… l’Anglais sait… Que sait-il ? L’Anglais sait… Il connaît le monstre… le monstre… je suis le monstre… Un singe… un papillon… des musiciens… le mal… l’île du mal… la liberté… » Un cri encore plus fort que les autres stoppe la litanie. L’homme se bouche les oreilles et sert les dents jusqu’à ce que ces gencives saignent. Il ne veut plus entendre, il faut que ces cris cessent. Sur ses joues des larmes coulent. La fièvre monte, bientôt l’homme sera mort… Il s’appelait Charles de Craon. http://www.deezer.com/track/18646 28 septembre 1700 Nord-Est de l‘Italie 6 semaines plus tôt Annoncé malade depuis plusieurs mois, le pape Innocent XII est mort la veille. De partout en Europe des ambassades se sont mis en route pour arriver à temps au conclave qui nommera son successeur. Les routes menant à Rome sont pleines de ces cortèges, venus d’Espagne, du Saint Empire Germanique, des pays protestants comme l’Angleterre, la Suède où le Danemark - qui eux aussi veulent défendre leurs intérêts auprès du Vatican – et bien sûr de France. Dans cette dernière ambassade c’est l’archevêque de Reims monseigneur Charles Maurice Le Tellier qui s’est vu confier par le Roi Louis XIV la direction de la mission française. Prudent et fin politique, l’archevêque a emmené avec lui, en plus de son ambassade officielle une petite équipe de cinq hommes des services de monsieur le duc d’Enghien prince de Condé, le tout puissant chef du secret du Roy. Ces cinq hommes aux ordres du colonel de cavalerie Henri de la Taille – nom de code Britannicus – et de son second Charles de Craon – nom de code Athanael – auront pour mission une fois à Rome de mener en parallèle de l’ambassade officielle, des négociations officieuses avec toutes les personnes susceptibles d’avoir de l’influence durant le conclave qui se prépare. Leurs crédits sont illimités, ils ont carte blanche pour utiliser n’importe quelle méthode qui leur paraîtra nécessaire, intimidation, corruption… ce sont les francs tireurs du Roy. Un seul but, que le nouveau pape qui va être élu soit aussi bienveillant et ouvert aux intérêts de la France que ne l’était son prédécesseur. Après s’être arrêté à Venise, la délégation française vient de Franchir le Rubicon. Dans deux jours ils seront à Rome. 30 septembre 1700 Latium - « Je viens de recevoir nos ordres de la part de monseigneur Le Tellier… Nous partons devant Charles, pas la peine de se faire remarquer avec le reste du convoi. - « Très bien, je préviens les hommes. - « La première chose à faire sera d’aller visiter nos cardinaux, pour prendre la température. Nous devons savoir qui sont les mieux placés et voir comment cela peut profiter à la couronne. - « Ne vous inquiétez pas Henri, tout se passera bien. - « Espérons le mon jeune ami, inutile de vous dire que nous aurons des comptes à rendre au plus haut lieu à notre retour. - « Alors partons, nous aurons bien assez de temps pour penser au retour. » Les cinq hommes se mirent en route prestement, à la différence du reste de la délégation, ils voyageaient léger, tout le matériel dont ils auraient besoin était déjà sur place grâce aux nombreux contacts que le secret du Roy possédait sur place. La journée était belle et Charles était très heureux de voir enfin la cité immortelle. La cité de Dieu. 1 octobre 1700 Citée du Vatican Bureau du cardinal de Rohan - « Comme vous le savez Monseigneur, le Roy entend que le nouvel occupant du trône de Pierre n’aille pas contre les intérêts du royaume, il est très important pour la couronne d’obtenir le soutient sans faille du Vatican. - « C’est une préoccupation que nous avons tous, monsieur… Monsieur ? - « Athanael… je suis au service de monsieur d’Enghien. - « Je vois. Monsieur Athanael donc. Sachez que le conclave qui vient à peine de se réunir, possède déjà deux favoris il nous faudra ne pas nous tromper de « serviteur ». Les cardinaux Albani et Mariscotti sont tous deux des politiques remarquables. D’après les renseignements que je tiens de la curie Mariscotti est un meilleur atout pour nous bien que je le trouve bien trop proche de l’Espagne. - « Cela pose-t-il un problème ? - « Peut-être. Le cardinal Mariscotti ne partage pas notre, comment dire ? Notre soucis de la couronne de France. De plus vous n’ignorez pas que la délégation Espagnole est elle aussi très influente ici. Hors le roi Charles II est très malade, ce n’est un secret pour personne. Certains disent qu’il passera avant la fin de l’année. Les soucis de succession deviendront alors un soucis important pour l’église… et pour toutes les nations catholiques d’Europe. - « Et le soutient du pape deviendra un atout majeur. - « C’est cela même. Un atout très convoité. Mais le Roy Louis entend faire cause commune avec les Espagnols partisans d’Henri V et ne veut surtout pas entendre parler de la position du Saint Empire concernant Charles III. - « Ce cardinal Mariscotti… peut-il se ranger à la cause du Lys ? - « Difficile à dire. Mais je pense qu’il est meilleur prétendant qu’Albani dont je crois pas que nous pouvions attendre grand chose. - « Alors dans ce cas, le mieux est peut être d’aller plaider notre cause chez ce prélat. » Charles quitta le Vatican le cœur léger, et fit son rapport à Henri de la Taille. Tous deux décidèrent de d’envoyer l’un de leur homme, Jean, demander audience auprès du cardinal Mariscotti. Il était tard et la réponse n’était pas attendue avant le lendemain, ils partirent tous les deux dans les ruelles de la ville. Tout ici était grandiose, chaque bâtiments, chaque rues. Charles ne pouvait s’empêcher que cette ville avait été la capitale du monde, la plus grande citée de tout les temps et il voyait dans chaque pierre la marque de cette gloire et de cette puissance oubliée. Tout le fascinait. Il passa la nuit en compagnie d’Henri de la Taille à marcher le long du Tibre, dans les allée de la ville le capitaine de vaisseau et le colonel de cavalerie conversaient sur l’art de la guerre, la politique et sur ce qu’ils étaient devenus tous les deux en entrant un peu par hasard au service si particulier de leur Roi. Les heures passaient sans qu’ils s’en rendent compte et vint le jour. Tous deux partirent se coucher en attendant les réponses à leurs demandes d’audiences qui ne tarderaient plus. 4 octobre 1700 Quartier de l’Aventin Maison du cardinal Mariscotti - « Messieurs quel plaisir de vous voir ! J’attendais avec impatience de recevoir les ambassadeurs si particulier de la France. En tant que chef de la délégation ce fut le colonel de la Taille qui prit la parole. - « Monseigneur, je vous remercie de l’honneur que vous nous faites en acceptant de nous recevoir. - « N’en faîtes rien ! L’honneur est pour moi ! Que le Roi de France s’intéresse à un simple cardinal comme moi me comble… Dieu me pardonne, je dois avouer que je suis flatté. Allons, allons, dîtes moi tout... attendez, prenez donc un siège, vous boirez bien un peu de vin ? C’est le meilleur d’Italie. » Les Français prirent place et acceptèrent le verre qu’on leur tendait. - « Monseigneur, je suis mandaté par le Roi pour défendre les intérêts de la couronne de France auprès du conclave. Et… - « C’est bien normal ! Nous savons tous à quel point la France est la première fille de l’Église et oh combien son intérêt pour ce conclave est grand. En quoi puis-je vous être utile ? - « Monseigneur, comme vous la savez, se posera bientôt la question de la succession du royaume d’Espagne et la position Française pencherait plutôt pour Henri V. Je suis ici pour connaître votre position sur cette question et bien sûr pour plaider la cause de la France auprès des personnes qui éventuellement… compterons le plus au saint siège. C’est pourquoi… - « Ah l’Espagne ! Que de soucis auront nous encore avec ces diables d’ibères ! Mais ne vous en faîtes pas mon ami, que votre roi sache que je suis un grand ami de la France et que je ferai tout mon possible pour plaire à son roi. » Assis un peu en retrait, Charles n’aimait pas la tournure de la conversation, ou tout cela était bien trop facile, ou tous ici jouaient un immense jeu de dupe. Il trouvait ce cardinal italien bien trop conciliant à son goût. Tous les renseignements qu’ils avaient pu prendre sur lui, le présentaient comme un homme proche du Saint Empire, et donc ayant des idées bien loin de celles défendues par la France. Quelque chose ne collait pas dans ce discours si complaisant. - « Monseigneur, certains pensent que vous pourriez peut être succéder au saint père Innocent XII… - « Si Dieu veut mon ami, si Dieu veut, cela est quelque chose que l’on ne peut espérer, seule Dieu commande en sa maison. - « Mais si par la grâce de notre seigneur… - « Allons allons ! ne parlons pas de tout ceci… que le Roi Louis sache que j’ai beaucoup d’amitié pour son immense royaume, qu’il soit rassuré la France sera bien servie. Laissez donc à mes serviteurs votre adresse à Rome que je puisse vous contacter en cas de besoin. » Les Français n’en obtinrent pas plus, et c’est très frustré que le colonel de la Taille et ses hommes sortirent de cet entretien. Il n’avaient obtenus aucune assurance probante et encore moins de gage. - « Nous nous sommes fait endormir Charles, je n’aime pas ça. - « Rohan dit que c’est notre meilleur atout. Laissons le temps faire Henri, le conclave n’est en place que depuis quelques jours, nous avons encore plusieurs jours voire plusieurs semaines devant nous. - « Espérons le… peut être devrions nous voir le cardinal Albani - « Oui, ça ne coûte rien de le rencontrer… » Les jours qui suivirent, les cinq hommes firent le tour des cardinaux les plus influents du Vatican, offrant tout ce qu’ils pouvaient offrir, menaçant parfois les plus indécis, essayant à chaque seconde de faire en sorte d’avoir la certitude que le vote qui aurait lieu irait bien dans le sens qu’ils souhaitaient. Mais plus les jours passaient et plus leur mission semblait difficile, plusieurs prélats refusèrent tout simplement de les recevoir, certains leur ouvrirent leur porte mais les Français n’arrivaient que pour se faire dire qu’ils n’étaient pas les bienvenus, que d’autres étaient passés avant eux pour les mettre en garde contre leur visite. Une main invisible s’assurait que la délégation française n’obtiendrait pas gain de cause. Charles fit une rapide visite à la délégation de l’évêque de Reims et on lui apprit que là aussi tout ne se passait pas au mieux. Les officiels de la couronne étaient confrontés au même souci, une puissance entravait toute ambassade et précédait chaque entrevue, ne laissant aux Français qu’un terrain hostile. Il parvinrent néanmoins à obtenir une entrevue chez le cardinal Albani, prévue pour le lendemain. 14 octobre 1700 Trastevere Maison du cardinal Albani - « Ma réponse est non ! Comment osez vous me demander une chose pareille ? Je suis prélat de Dieu et pas un simple marchand que l’on peut acheter ! Le Roy de France devrait mieux choisir ses envoyés et se passer de tel façons d’obtenir ce qu’il entend ! - « Monseigneur, je vous prie de nous excuser peut-être que nous nous sommes mal exprimés et… - « Je vous ai parfaitement compris, mais je ne céderai ni à l’intimidation ni à la corruption, l’Eglise et le bien de celle-ci sont mes seules préoccupations et c’est le seule chose que vous obtiendrez de moi. Partez maintenant, messieurs, allez dire à monsieur votre Roi ce que je pense de ses manières, et sachez que j’en informerai l’archevêque Le Tellier ! » Henri de la Taille réprima une grimasse mais s’abstint d’insister. La cause était entendue, il faudrait soutenir Mariscotti. 17 octobre 1700 Citée du Vatican Bureau du cardinal de Rohan - « Je dois vous mettre en garde messieurs.» Le cardinale de Rohan se leva et marcha jusqu’à la fenêtre qui dominait la place Saint Pierre. Henri et Charles se regardèrent. - « Une rumeur de plus en plus précise court à votre sujet. Vous avez été repérés ce qui est normal, mais vous avez été aussi devancés. Certains ici, qui ne partage pas notre vision des choses, ont alerté certaines délégations de vos agissement. Ils ont de gros moyens et beaucoup d’oreilles pour les écouter. La main du Saint Empire est la dessous à n’en pas douter et vous devez vous en méfier. Le travail que vous avez fourni ces derniers jours à porté certains fruits et même si c’est mal parti pour nous, le conclave n’est pas encore acquis à l’Empereur. Je sais de source sûre qu’il a envoyé des agents chargés d’à peu près la même mission que vous pour son compte à ceci près que s’il ne peut pas s’attaquer directement à la délégation officielle de monseigneur Le Tellier ; il n’en va pas de même en ce qui vous concerne. Votre travail gêne, vous gênez et devant ce qui est en jeu, il n’est pas à exclure que vous soyez menacés. Vous devez en tenir compte. - « Mais monseigneur… - « D’autre part ! Le conclave se dirige de plus en plus vers le consensus envers le cardinal Mariscotti. Qui est à présent notre favori. Et de ce côté là on ne peut pas dire que vous ayez avancé d’un pouce. Il est temps de faire un gros effort, pour s’assurer que les désirs du Roy seront entendus et qu’il ne sera pas déçu. Maintenant partez, je ne souhaite pas qu’on me voit avec vous. » La mise en garde était précise, et l’ordre clair. Nul doute qu’il venait de haut, il fallait agir vite et redoubler d’effort. Les cinq firent une nouvelle demande d’audience auprès du cardinal Mariscotti. Cette fois la réponse ne se fit pas attendre plus de quelques heures. On leur demandait fort courtoisement de rester sur leur lieu de séjour où un émissaire de son éminence viendrai les chercher afin de les conduire au rendez-vous. Même si on prenait manifestement des précaution en ce qui les concernait, cette fois on ne se faisait pas prier pour les recevoir. Les hommes du colonel de la Taille se détendirent un peu. Il n’y avait plus qu’à patienter. Charles envoya, Jean auprès de l’archevêque de Reims, faire un rapport de l’entrevue du matin chez le cardinal de Rohan. Puis il monta dans sa chambre. Ils avaient beaucoup travaillé ces derniers jours et avaient passé de longues soirées à préparer leurs entretiens… Il était fatigué physiquement et nerveusement… Il s’endormi en quelques minutes. Le capitaine de vaisseau ne su jamais vraiment ce qu’il s’était passé ensuite. Juste que deux hommes furent tués ce soir là alors qu’il dormait dans sa chambre et que quand il se réveilla, il était dans un pièce sans lumière dans un lieu inconnu… Louis XIV Roy de France. (1638-1715) Louis III de Bourbon Condé, Prince de Condé, duc d’Enghien, cousin du Roy Louis XIV. (1668-1710) Capitaine de vaisseau sous Louis XIV. Officiers de cavalerie sous Louis XIV. Leopold Ier Empereur du Saint Empire Germanique. (1640-1705) Charles II Roy d’Espagne. (1661-1700) Philippe V , Roy d’Espagne, duc d’Anjou, neveu de Louis XIV. (1683-1746)
Gaïus Quesada
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Posté le 01/10/2008 à 13:17:38 

Voir le dernier Romain à son dernier soupir, Moi seule en être la cause, et mourir de plaisir ! Pierre Corneille, Horace Chapitre XXIX ROME Deuxième partie : Souviens-toi de Britannicus - « Un… Un singe… Un vieil… anglais… des… des monstres… La guerre… froid… j’ai froid… des hollandais, malédiction… sorcier… un temple » L’homme bouge de moins en moins, il n’en a plus la force. La tête collée contre le sol, il attend la mort, la délivrance. Elle va venir, c’est son seul espoir. Les cris à côtés ont peu à peu cessés et se sont tus. L’homme murmure, il voit des choses dans cette pièces sans lumières, le passé, le futur… tout pour fuir le présent qui le tue à petit feu. - « Un singe… animal… je suis un animal… Dieu, le Spartiate… la sainte barbe… Lieutenant ! non ! Vous n’avez pas le droit ! Un chat sauvage… Christian… Jeanne… Jeanne est là aussi… J’arrive… ma mie… J’arrive… Des hommes en noirs… La croix de saint George… un lys… Liberté… Liberté… » La porte s’ouvre, une lumière intense pénètre dans la pièce. L’homme par réflexe passe sa main devant ses yeux. - « Non… ne tapez plus… non… » Il est à bout se souffle, à bout de force… il veut simplement mourir. Pour la première fois qu’il est ici il entend une voix s’adresser à lui. - « Charles ! mon Dieu, Charles… » Il est soulevé, pris par les bras, on lui parle mais il n’entend pas, il sait qu’il est encore vivant, la douleur de son corps le lui rappelle. Une idée fixe envahi son esprit, les cris, les cris d’à côté. Il parvient à le dire, à le murmurer, il faut ouvrir la cellule d’à côté. Ses yeux brûlent mais quand accrochés au bras des gens qui lui parlent ils entrent dans la pièce, l’horreur est devant eux. Un homme pendu par les bras à des chaînes, il est nu. Ses doigts et son nez ont été coupés, son visage n’est plus que lambeau, son corps une vaste plaie. Il est vivant, mais plus pour longtemps. Charles entend alors sa voix, cette voix qu’il reconnaît dans sa folie. La voix de Britannicus. Le colonel de la Taille. Il supplie dans un râle : - « Tuez... Tuez moi… » http://www.deezer.com/track/119217 19 novembre 1700 Trastevere - « Comment va-t-il ? - « La fièvre est tombée. Il va s’en sortir. - « Physiquement oui ; mon fils, mais je ne sais pas si son esprit sera comme avant. - « Avec l’aide de dieu. Il faut qu’il s’en sorte. - « C’est votre frère n’est ce pas ? » Christian se releva et lâcha la main de Charles qui était toujours dans le coma. Il regarda le cardinal Albani. - « Oui monseigneur. C’est mon frère. - « Alors il s’en sortira. - « Comment pouvez vous le savoir ? - « Je le lis dans vos yeux. » 21 novembre 1700 Charles ouvrit les yeux dans une grande pièce blanche. A travers la fenêtre il pouvait entendre la rumeur de la rue. Son corps était recouvert de bandages. Il se leva avec précautions et trouva sans peine ses vêtements qui étaient soigneusement pliés et posé sur une petit commode. Après s’être habillé il sorti de la pièce. Son corps le faisait souffrir, mais il était en vie. Par quel miracle il ne le savait pas, mais cette simple vérité lui faisait oublier la douleur. Parvenu au bout d’un grand couloir austère mais lumineux il arriva à un grand escalier qu’il descendit. Dans la grande salle, en bas de l’escalier se tenait un homme, Charles reconnu sa robe de pourpre. - « Bonjour mon fils. » Charles eu un mouvement de recul, ses yeux cherchèrent un moyen de s’enfuir mais ils n’en trouvèrent pas. L’homme lui sourit. - « N’ayez pas peur. Il y a quelqu’un ici qui sera heureux de vous voir sur pied. » La cardinal fit tinter une petite cloche et dans la seconde un serviteur pénétra dans la pièce. - « Allez chercher notre ami je vous prie. » Le serviteur quitta promptement le salon et revint moins d’une minute plus tard en compagnie d’un homme que Charles connaissait bien. - « Christian… C’est bien toi ? - « Charles… Des larmes coulaient sur leur joues. - « Christian… je… j’ai échoué… » Charles se retourna vers l’homme d’église et le pointa du doigt. - « C’est vous… C’est vous qui nous avez fait ça ! » Christian se dirigea vers son frère et le prit par les épaules tandis que le cardinal Albani restait immobile sans dire un mot. - « Charles… Vous avez été piégés, mais pas par ceux que tu crois. Le Saint Empire avait choisi son candidat, mais pas celui que vous croyiez. C’est Mariscotti qui vous a vendu. - « Non… non… ce n’est pas possible… Il nous a assuré de son aide… il a dit… Ou sont les autres ? Ou sont-ils ? pourquoi ne sont ils pas avec toi ? » Christian fit un signe de la tête. - « Ils sont morts mon frère… tous sauf Jean, c’est à lui que je dois d’être ici et que tu dois d’être en vie. Après votre disparition il a découvert les corps de George et Alain près de votre retraite, il avaient été égorgé. Il est allez chez l’archevêque de Reims et c’est ce dernier qui a fait appel au Duc d’Enghien. J’ai failli arriver trop tard, mais je t’ai retrouvé. Malheureusement je n’ai pas réussi à sauver Britannicus. - « Henri ? … Une image atroce du corps du colonel de la Taille surgit dans l’esprit de Charles, il le revit pendu à ses chaînes. Sa main agrippa le dossier d’un fauteuil pour ne pas défaillir. - « Il faut retrouver ceux qui ont fait ça… personne ne s’attaque au Roy comme cela. Ils ont eu tort de ne pas me tuer moi aussi… Christian ! Il faut les retrouver ! - « C’est déjà fait Charles. Je sais où sont les hommes de l’empereur, où ils vivent et où ils se cachent. - « Je veux Mariscotti aussi. Je veux qu’il paye pour ça. » Le cardinal Albani s’avança et prit la parole. - « Vous ne pouvez pas mon fils. Beaucoup de choses se sont passées durant votre.. absence. Le conclave est presque terminé et j’avoue que j’ai moi même sous estimé mon collègue. Il sera sans doute élu d’ici quelques jours comme évêque de Rome. Il n’est pas question que vous vous attaquiez au pape. Il est intouchable. - « Mais il ne l’est pas encore… - « Malheureusement, les ambassades française et espagnoles n’ont pas eut gain de cause et c’est l’empereur qui tient le conclave. Rien ne peut l’empêcher d’arriver à ses fins maintenant. - « Si. Il y a quelqu’un qui le peut. - « Vraiment mon fils ? - « Personne ne se méfiera d’un mort. » 23 novembre 1700 21 heures La petite équipe de Chriko était en place depuis plusieurs heures, sans bruits ils avaient encerclé la taverne où se trouvaient les dix hommes de la délégation officieuse de l’empire germanique. Patiement ils avaient attendus que vienne la nuit. Tout devait se dérouler rapidement et silencieusement et avec exactitude. Aucun d’entres eux ne devrait avoir la moindre chance de s’enfuir ou de donner l’alerte. La première phase de l’opération ne pouvait souffrir aucune erreur. Ils attendaient le signal convenu. Quelques minutes plus tard alors que tous retenaient leur souffle, ils virent un homme avec une capuche s’approcher de l’auberge, celui-ci frappa à la porte. Chriko fit un signe de la main pour s’assurer une dernière fois que ses hommes étaient près. La porte s’ouvrit et un géant blond en passa la seuil. - « C’est Fermé ! passe ton chemin l’ami, il n’y a pas de place pour toi ici. L’homme qui avait frappé à la porte abaissa doucement sa capuche. - « Souviens toi de Britannicus. » Le géant blond recula d’un pas l’air effrayé devant le canon du pistolet qui était pointé devant ses yeux. - « Toi.. mais ce n’est pas poss… » Il n’eu pas le temps de finir sa phrase. La déflagration retenti et lui arracha le crâne. C’était le signal qu’ils attendaient. Les hommes de Christian avec celui ci a leur tête se ruèrent dans l’auberge les armes à la main. Tout se passa très vite, les trois premiers hommes furent à terre avant d’avoir pu se relever, trois des français montèrent dans les étages et plusieurs coups de feux claquèrent. En quelques secondes à peine tout était fini. Les hommes de l’empereur n’avaient pas eu le temps de riposter et certains étaient morts dans leur sommeil… la gorge tranchée. Charles se dirigea vers le comptoir après avoir empalé un des hommes qui bougeait encore et se servi un verre de vin qu’il bu d’une traite. - « Et maintenant ? » demanda Christian. - « Je veux Mariscotti… - « Charles tu ne peux pas faire ça, c’est un cardinal et… - « C’était un cardinal. Maintenant c’est un mort qui marche. - « Charles… Il doit être défendu par une vingtaine d’hommes au moins. - « Cela n’a pas la moindre importance. Le Roy obtiendra gain de cause, et moi j’aurais sa tête. » Charles se servit un autre verre, ses mains tremblaient. Il renversa le récipient. Il attrapa alors la bouteille à deux mains et en avala le contenu d’une traite. - « Mes amis, une fois que j’aurais fait ce que je vais faire je serai maudit à jamais. Vous avez encore le droit de ne pas me suivre. Retournez auprès du cardinal Albani et tenez le informé de se tenir prêt à revetir l’habit du saint père de l’église catholique. - « Mais seul tu n’as pas une chance ! - « Tu ne comprends pas mon frère. Je suis déjà mort. Alors un peu plus ou un peu moins. » Christian regarda intensément son frère et compris qu’il était déterminé et qu’il ne changerait pas d’avis. Il se retourna vers ses hommes. - « Faîtes ce qu’il dit. Allez voir l’archevêque. Et Ensuite allez prévenir monseigneur Albani, qu’il sera élu par ses pairs. Si je ne vous rejoins pas demain, partez et retournez à Chantilly. Il n’y aura bientôt plus rien a sauver ici. » Les hommes ne se firent pas prier et disparurent en silence. 23 novembre 1700 23 heures Charles et Christian arrivèrent en vue de la maison du cardinal Mariscotti. Celle-ci ne semblait pas particulièrement défendue, mais Christian n’était pas tranquille pour autant. - « Et maintenant comment vas tu t’y prendre pour entrer ? - « Comme tout le monde… Par la porte. - « Tu es fou ! - « Oui. » Charles enfila sa capuche et avança sans faillir. Comme il l’avait fait dans l’auberge il frappa tout simplement à la porte. Un serviteur vint ouvrir. Charles ne parla pas et planta sa dague dans la gorge de celui-ci. - « Je trouverai le chemin merci. » Christian et Charles pénétrèrent dans la demeure. Du bruit parvenait d’une salle, les gardes étaient là sans doute occupé à se restaurer. Apparemment personne ne s’attendait à un éventuel danger. Charles y comptait. Il délaissa la pièce et monta directement vers le petit bureau où il avait été reçu en compagnie d’Henri de la Taille la première fois qu’il était venu. La porte était fermée. Charles frappa deux coups secs. - « Entrez ! » Christian et son frère pénétrèrent dans la pièce. Le cardinal était occupé à rédiger un document éclairé avec une seule bougie. Il ne leva pas la tête. - « Posez ça là Giovanni, et je ne veux plus être dérangé. » Charles s’approcha en silence du bureau. - « Vous ne le serez bientôt plus. » Le prélat releva la tête surpris. - « Comment ? … Oh ! vous… » Charles poussa violemment à l’aide de son pied le bureau qui écrasa le cardinal contre le mur qui était derrière lui, lui coupant le souffle. - « Souviens toi de Britannicus… - « Britanni… quoi ? mais je ne connais pas de… » La gifle claqua dans le silence de la pièce faisant vaciller la flamme de la bougie. - « Car lui ne t’as pas oublié. » Le cardinal abasourdi fit mine d’attraper la petite clochette posée sur son bureau, mais Charles posa sa dague sur son coup. - « Non monseigneur… vous un ami de la France, vous n’allez pas faire une chose pareille… - « Mais que, que voulez vous… - « Une signature. - « Une signature… mais pourquoi ? souffla-t-il. - « Je vous ai apporté une lettre et vous allez la signer. » Charles posa la feuille de papier rédigée avec le plus grand soin sur le bureau et attrapa la plume encore pleine d’encre qui avait roulée sur le bureau laissant une coulure grasse sur les documents du cardinal. Il la mis de force dans la main du cardinal. - « Signez… ou je vous égorge comme un porc. » Charles appuya un peu plus fort sur le coup du prélat avec sa dague. Le cardinal signa d’un main frêle et tremblante. Le Français prit la lettre et la plia soigneusement avant d’aller la poser sur la cheminée bien en vue. Libéré de la dague, le cardinal reprit un peu de sa prestance. Tandis que Christian toujours collé à la porte en cas d’apparition soudaine de l’un des garde regardais son frère disposer avec soin le pli. - « Vous n’avez pas le droit, vous paierez pour ça et vous serez maudit. » Charles se retourna et revint sur ses pas. - « Je suis déjà maudit monseigneur, et je suis prêt a payer. » Il attrapa le prélat parle col et le tira jusqu’au milieu de la pièce. - « Regardez bien cette lettre monseigneur. » Mariscotti eu un sursaut de peur. - « Que… qu’est ce que vous m’avez fait signer ? - « Vos aveux, vos remords et l’explication de ce que vous allez faire… - « Ce que je vais faire ? mais je ne vais rien faire du tout… » Charles prit son pistolet qu’il chargea tranquillement. - « Vous avez signé monseigneur… La lettre qui expliquera au monde pourquoi ce soir vous avez subitement décidé… de mettre fin a vos jours. A genoux ! - « Non ! Mais… mais qu’est-ce que vous faites ? Je suis un homme de Dieu vous ne pouvez pas… - « Moi je ne suis pas un homme de Dieu monseigneur, je ne suis que son bras armé. » Charles balaya d’un coup de jambe le prélat qui se retrouva à genoux par terre. Christian fit un pas en avant. - « Charles… Charles c’est un cardinal. Tu… - « C’était un cardinal… je te l’ai déjà dit. » Il se tourna vers l’homme à genoux qui sanglotait. Et posa le canon de son pistolet sur sa tempe. - « Il est temps monseigneur, préparez vous à comparaître devant votre seigneur. - « Non.. je.. ce n’est pas possible… vous ne pouv… » Un autre gifle claqua faisant trembler tout le corps de Mariscotti. - « Priez ou taisez vous. De toute façon ça ne changera rien. Priez pour que vous soyez sauvé. Priez pour George, pour Alain, pour Henri… Oui priez pour ceux que vous avez fait tué, priez pour Britannicus. » Le corps du cardinal s’avachi complétement et tout en sanglotant il commença à prier… - « Je vous salue Marie… pleine de grâce… - « Te absolvo. » Le coup de feu claqua, et le corps sans vie du cardinal s’écroula à terre. Christian fit un bond en arrière. - « Dieu nous protège ! - « Dieu te garde mon frère… pour moi c’est fini. » Charles sorti un second pistolet et le porta sous sa gorge. - « Non Charles ! Non ! » Christian se rua sur son frère et lui attrapa le bras. La détonation retenti et la balle fit tomber du plâtre du plafond. En bas des bruits de pas se faisaient de plus en plus précis derrière la porte. Christian ouvrit une des fenêtre du bureau et poussa son frère avant de sauter lui même. Dans la confusion qui régnait dans la maison nul ne les entendit s’enfuir. 28 novembre 1700 11 heures du matin Une fumée blanche s’envola de la cheminée de la Basilique Saint Pierre de Rome. Une rumeur s’empara de la foule qui attendait cela depuis plusieurs heures. Sur le balcon qui dominait la grande place du Vatican, un cardinal en grande tenue apparu. Il leva les bras vers le ciel et cria assez fort pour que tous l’entendent. - « Habemus Papam ! » Les gens poussèrent des cris de joies et des hallelluyas. Le cardinal Gianfrancesco Albani apparu enfin à la vue de tous revêtu de la toge blanche. Quelques minutes auparavant il avait été élu pape sous le nom de Clément XI. Il avait 51 ans. Dans les couloirs du Vatican certains n’hésitaient déjà pas à parler de miracle et attribuait l’incroyable suicide du cardinal Mariscotti au veto officiel qu’avait envoyé le Roy de France contre son élection. Ce que tous avaient oublié, c’est que la lettre de Louis XIV signifiant que la France refuserai l’autorité du pape si ce titre revenait au cardinal Mariscotti n’était arrivée que le 26 novembre… soit trois jours après la mort de celui-ci. http://www.deezer.com/track/10087 Place Saint Pierre de Rome, Vatican Cardinal de Rohan (1674-1749) Innocent XII, Souverain pontife. (1615-1700) Clément XI, souverain pontife. (1649-1721) * Souviens-toi de Britannicus : clin d’œil à l’excellente BD « Murena ». à lire absolument. (Dufaux-Delaby chez Dargaud)
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Livre IV : NOMBRES

Oublié dans son pays, inconnu ailleurs, tel est le destin du voyageur.
Marcel Carné



I - Personne = 0

Chapitre I : Personne  

- Combien ?
- Et bien, Kid's Circus est dans les eaux anglaises, ma petite dame... Forcément ça va faire augmenter le prix.
- Combien ?
- Je dirai, dans les quinze mille.
- Avec cette somme là, je peux acheter le bateau.
- Il vous faudra aussi l'équipage, ma petite dame, et avec un certain savoir faire en plus. Il ne va pas être facile de louvoyer par-là bas en évitant les frégates anglaises. Des gars motivés pour ce genre de travail y'en a pas dans les tavernes. Il va vous falloir des plus costauds que ça.
- Quand pourrions-nous partir ?
- Et bien si vous êtes capable de payer. Disons dans deux jours, le temps de préparer le navire.
- Affrétez-le. Nous partirons dans deux jours alors.
- C'est-à-dire... Il faudrait me payer avant.
- La moitié avant. Le reste au retour.
- Ma petite dame, je préférerai le tout et tout de suite.
- C'est évident. Mais ce sera la moitié avant et le reste au retour. Présentez-vous ce soir aux docks avec ce papier. La jeune femme tendit au capitaine un tout petit pli. Vous serez payé. Si le travail est bien fait je rajouterai une prime à hauteur d'un tiers de la somme. Une gratification dont vous aurez seul l'usufruit, capitaine. Le marin sourit dans sa barbe. Il attrapa son pichet de bière et le porta à ses lèvres.
- Alors, je suis votre homme, ma petite dame.
- En effet. Bien-sûr, tout ceci reste entre nous. Et ne m'appelez plus votre « petite dame ». Sans attendre de réponse, la jeune femme se leva et quitta la taverne.

Deux jours, c'était plus court qu'elle ne l'avait imaginé et il lui restait encore beaucoup à faire. Elle se faufila dans les rue d'Ulungen sans que personne ne la remarque. Elle en avait maintenant l'habitude, depuis un an qu'elle était en ville la seule personne qui aurait pu avoir une vague idée de son visage était le bibliothécaire. Il faut dire qu'elle n'avait quasiment pas quitté les murs de l'établissement les rares moments où elle se trouvait en ville. Les « Gens d'Ulungen » étaient vraiment des personnes très ordonnées, et celui dont elle cherchait la trace ne s'était pas trompé en leur laissant la garde des documents. Encore fallait-il savoir qu'il émanaient de lui, et ensuite qui il était. Ce dernier point aurait sans doute été plus aisé que le premier, se dit-elle. Et pourtant, il avait fallu qu'elle fasse plusieurs fois le tour de cette île avant de pouvoir remonter la piste.
Arrivée sur les docks, elle fit un signe machinal de la tête au courtier qui se trouvait de l'autre côté de la rue. Il lui répondit par le même geste. Lui non plus ne savait pas vraiment qui elle était, par contre il avait une petite idée de combien elle valait. Bien que ses comptes soient disséminés dans toutes les bonnes adresses de Liberty, et même dans quelques moins bonnes, le courtier gérait presque le quart de sa fortune, à savoir un peu plus de sept-cent mille pièces d'or. Cela était largement suffisant pour qu'il ne pose pas de question et s'occupe, avec le plus grand soin, de ses affaires.

En descendant vers le petit appartement qu'elle louait, la jeune femme s'arrêta pour acheter des bananes et quelques biscuits. Depuis quelques temps elle raffolait de ces friandises sans trop savoir pourquoi. Elle en pris plus que d'habitude, en prévision du voyage qu'elle s'apprêtait à faire. C'était une aventure tellement aléatoire, elle ressenti un long frisson froid lui remonter la colonne vertébrale. Elle n'était même pas certaine de trouver là-bas ce qu'elle allait chercher. Pourtant c'était bien là-bas que la piste s'arrêtait. Il fallait qu'elle sache, même si cela aboutissait à une impasse. Ce ne serait pas la première, l'homme était prudent, les traces qu'il avait laissées étaient fines, nombreuses et parfois n'aboutissaient à rien.

Elle parvint chez elle et se posa quelques instants. Puis, attrapant une plume, elle commença à écrire. Les dernières étapes s'achevaient doucement, elle ne pouvait plus reculer. A vrai dire, elle n'y songeait pas une seconde.  


Never Break A Promise
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J'ai ainsi vécu seul, sans personne avec qui parler véritablement...
Le petit prince
Antoine de Saint-Exupéry



II – Une femme et une loutre = 1

STAY
http://www.4shared.com/mp3/tGDaRgJvce/15_STAY.html


 Chapitre II : Seule  


- Cette brume est une bénédiction, ma petite dame, nous allons pouvoir débarquer en toute discrétion sans nous faire remarquer. Il y a plus de cinq cents Anglais en garnison sur cette île et nous sommes au beau milieu de leurs possessions maritimes. Je préférerai ne pas me retrouver en face d'un de leur navire de guerre. La nuit tombera dans quelques heures, je serait beaucoup plus rassuré quand elle sera là.
La jeune femme regardait au loin sur le travers babord du navire. Elle distinguait une masse sombre et sans contours qui émergeait de temps en temps de la purée de pois enveloppant le navire.
- Très bien, alors ne perdons pas de temps.
Le capitaine donna ses ordres et rapidement une chaloupe fut mise à la mer. La jeune femme embarqua avec quatre marins et l'esquif disparu rapidement dans le brouillard en direction de la terre.

Après vingt bonne minutes de nage rapide, la chaloupe parvint aux pieds d'une falaise immense. Il y avait là une toute petite grève sur laquelle elle se posa sans heurt. La jeune femme débarqua sans un mot, portant ses maigres affaires sur son dos. Elle observa un moment la falaise qui lui barrait le chemin, puis elle se retourna vers l'un des marins qui tenait l'esquif sur le bord du rivage.

- Partez.
- Mais... vous ne pourrez jamais escalader ça ! Vous allez rester coincée ici.
- Ça me regarde. Partez.
- Euh... oui... bien.

Le marin rejoins ses compagnons à bord de la chaloupe et tous les quatre se mirent à ramer en direction du large. La jeune femme attendit plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'elle ne voit plus l'embarcation ni n'entende plus le grincement des dames de nage et le léger bruit des rames pénétrant l'eau. Ensuite elle s'approcha de la falaise et sorti un petit carnet de ses affaires.
- Ce doit être par là, se dit-elle.

Elle chercha un moment le long de la petite grève jusqu'à ce qu'elle trouve ce qui était inscrit sur son carnet. Une toute petite faille dans le mur de roche, par laquelle elle dut se faufiler en travers en tenant son sac à la main. Elle découvrit une petite grotte dont elle ne pouvait distinguer les contour dans la pénombre, puis à tâtons elle trébucha sur ce qu'elle cherchait.
- Voici donc l'escalier de pierre. Chiara avait raison.

Elle gravit, une à une les marches humides et glissante dans le noir le plus absolu. Elle avait bien tenté, à trois reprise d'allumer un petit cierge, mais la flamme éclairait fort peu et surtout ne survivait pas dans cette atmosphère saturée d'humidité. Souvent elle trébucha, ce qui ralenti encore plus son ascension, mais jamais elle ne s'inquiéta. Si le carnet disait vrai, et elle n'avait aucune raison de penser le contraire, elle parviendrait au sommet.

C'est tout de même avec soulagement qu'elle finit par voir la lumière jour filtrer à l'intérieur de la falaise. Elle était trempée de sueur. Un grondement sourd parvenait jusqu'à elle, comme des coups de tonnerre.

La chaloupe revint bord à bord et fut rapidement remontée par les marins. Une fois amarrée solidement le capitaine fit envoyer les voiles et son navire commença à s'éloigner lentement. Il n'y avait presque pas de vent bien que le brouillard se leva doucement.
- Capitaine regardez, à l'arrière !
Le capitaine se précipita vers la poupe de son bateau tout en sortant sa lunette.
- Par tous les Dieux ! Une frégate. Comment fait-elle pour marcher aussi vite ? Envoyez tout ce qu'on a en toile il faut suivre le brouillard et essayer de la semer !
Sorti de nulle part, le bâtiment de guerre était toute voiles dehors, celles-ci étant gonflées par un vent qui pourtant n'existait pas. Enfin il envoya ses couleurs.


- Qu'est-ce que c'est que ce drapeau ? Frémit le capitaine. Non de Dieu, ce bâtard est trop rapide pour nous !
La frégate parvint rapidement au vent du petit navire hollandais. Sans aucune sommation elle tira une bordée de canons dont les boulet ravagèrent le pont de sa proie et abattirent son mât.
Immobilisé, il n'était plus question de fuite. Complétement sonné, le capitaine hollandais, fit descendre son drapeau et en envoya un blanc en guise de reddition. Dans une manoeuvre parfaite, la frégate tira un bord et vint se placer quasiment aux côté du petit navire. Le capitaine qui ne ratait rien de l'action put lire sur l'arrière de son vainqueur le nom du bateau : La Rêveuse.
La frégate mit trois chaloupes à la mer et celles-ci, remplies de marins, furent vite bord à bord. Les marins embarquèrent sans un mot.
- Holà camarades ! Je suis le capitaine de ce navire. Je... euh... Nous ne sommes que des pêcheurs et il semblerait qu'ont se soient perdu dans ses brumes alors...

Un des marins de la frégate, qui semblait être le chef s'approcha du capitaine. D'un geste rapide et silencieux il sorti son sabre et décapita le capitaine. Le bruit de la tête touchant le pont marqua comme un signal pour les autres marins qui à leur tout sortirent leur armes et massacrèrent l'équipage hollandais.
- Mettez le feu et partons d'ici. Sur la côte de Kid's Circus, la jeune femme observait les flammes consumer le navire. Cela dura plusieurs minutes, puis lentement, il se mit à sombrer. Corps et biens.
- Et voilà, « mon petit monsieur ». Pas de trace, pas de témoins. Personne est venue ici.

La jeune femme reprit son chemin et pénétra dans la jungle qui recouvrait la quasi totalité de l'île. Elle progressait depuis à peine quelques mètres quand elle marcha sur quelque chose de mou, qui se déroba sous son pied en poussant des cris stridents. Elle tomba à la renverse nez à nez avec... une loutre.

- Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fais là toi ?
Du sang perlait du flanc de l'animal et au vu de la petite mare du même liquide qui était en dessous de lui, la jeune femme en conclu que ce n'était pas elle qui l'avait blessée. Elle se demanda un instant si elle devait achever l'animal mais celui-ci la regarda intensément et elle eu comme une drôle de sensation. Comme si la loutre voulait communiquer avec elle. La jeune femme se ravisa et sorti quelques bandages de son sac. Elle s'approcha un peu plus près de l'animal qui montra un peu les dents mais sans grande force.
- D'accord, je vais faire attention. Essaye de ne pas trop bouger pendant que pose ce cataplasme. Elle approcha ses doigts de l'animal, qui les renifla longuement puis, tout doucement elle entreprit de soigner la plaie. La loutre se laissait faire.
- Et bien, me voilà en étrange posture. Seule sur une île hostile, avec une loutre blessée, et je ne suis même pas certaine que je vais le trouver...

L'animal poussa un petit gémissement d'aise et sembla s'endormir. La jeune femme hésita un instant et décida de s'arrêter là aussi. Elle ne progresserait plus beaucoup avant la nuit. Doucement et étonnamment facilement, elle s'endormit aussi. L'esprit vide et serein, comme une enfant qu'elle était toujours encore.

Where We're Going
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Posté le 29/08/2015 à 14:36:43 

La vie est perdue contre la mort, mais la mémoire gagne dans son combat contre le néant.
Tzvetan Todorov


III – Une femme, une loutre, un singe et un homme = 2


Chapitre III : Hoc facite In meam commemorationem


La jeune femme marchait depuis près d'une journée. Elle progressait difficilement dans la jungle dense de cette île, qu'elle avait cru tout d'abord petite mais qui maintenant lui semblait ne plus avoir de limite. Sur le carnet, il était fait mention d'une clairière qui devait se trouver vers l'Ouest, alors la jeune femme continuait toujours plus avant vers ce cardinal qui pourtant ne semblait la mener à rien.
Elle s'arrêta un instant et posa son sac. De l'ouverture de celui-ci sortait la tête de la petite loutre, qu'elle avait renoncé à abandonner. Son état progressait rapidement, elle serait bientôt sur pattes. Pourtant, seule au milieu de cette jungle, la jeune femme redoutait presque le moment où elle devrait se séparer de l'animal. Elle ressentait confusément comme un lien qui l'attachait à cette bête. Plus elle avançait et plus ce lien semblait se resserrer. La solitude surement.
Soudain, dans un cri strident, une masse informa dégringola de l'arbre sur lequel elle s'était adossée, pour atterrir sur son crâne. Poussée en avant la jeune femme se retrouva à plat ventre. Elle se releva le plus rapidement qu'elle put pour faire face à un petit singe qui à présent tenait le précieux carnet avec ses antérieurs. La jeune femme poussa un cri, le petit singe poussa un cri, même la loutre poussa un cri... Tout le monde criait.
Le singe, toujours avec le carnet s'enfuit entre les arbres. La jeune femme attrapa prestement son sac et parti en courant à sa poursuite. Cela dura un bon moment, et plusieurs fois la jeune femme trébucha, tomba, se releva et continua pour le plus grand déplaisir de la loutre qui se trouvait toujours à l'intérieur du ballot qu'elle portait sur le dos. Pourtant, hors d'haleine, la jeune femme se rendit compte qu'à chaque fois qu'elle ralentissait, le petit singe ralentissait aussi ; comme s'il voulait jouer. La jeune femme n'avait pas vraiment envie de jouer, mais elle ne voulait surtout pas perdre le carnet.
Au détour d'un arbre, le petit singe disparu de sa vue. Elle se précipita sans réfléchir et se trouva très vite en train de dévaler une pente raide et glissante sans pouvoir rien trouve qui puisse la ralentir. Elle finit par s'arrêter tout en bas, stoppée nette par un grand monolithe, dressée de façon tout à fait incongrue à cet endroit. Elle se releva dans un râle de douleur devant la pierre. Sur celle-ci était portée une inscription en lettre majuscule :


HOC FACITE IN MEAM COMMEMORATIONEM
C – 11 : 24

La jeune femme traduit sans difficulté et ajouta pour elle-même « Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne ». D'instinct, plus par réflexe que par conviction, elle se signa.
Reprenant un peu ses esprit, elle contourna la pierre dressée. Derrière le monolithe il y avait une petite clairière. Au milieu de celle-ci, il y avait une autre pierre allongée à même le sol. Sur cette pierre était posé son carnet.
Elle se précipita pour le ramasser et en le prenant dans ses mains elle ressentit un grand soulagement. Deux fois, la jeune femme fit le tour d'elle-même mais il n'y avait plus aucun signe ou aucune trace du petit singe. Alors elle s'assit pour reprendre son souffle, se calmer un peu et masser son cou douloureux.

- Excusez-moi, mademoiselle. Mais sans vouloir vous offenser je crois que vous êtes assise sur ma tombe.

La jeune femme fit un véritable bond, arrachant un nouveau cri d'indignation de la part de la loutre, qui, la pauvre, se trouvait toujours coincée dans son sac.
Derrière elle, assis contre un arbre, il y avait un homme aux cheveux longs et vaguement blonds qui fumait une pipe...

TAKEN
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Posté le 30/08/2015 à 23:59:51 

Le temps brise et disperse la réalité, ce qui reste devient mythe et légende.
Nuto Revelli

IV – Un passé, un présent, un futur = 3


 
Chapitre IV : Trois légendes
     
Le petit singe arriva le premier sur la grève. Toute la journée il avait servi de guide à la jeune femme, toujours accompagnée de la loutre qui était maintenant presque remise. Cela leur avait permis de regagner le rivage beaucoup plus rapidement, le trajet retour n'avait pas pris la moitié du temps qu'il avait fallu à la jeune femme pour trouver la clairière.
Personne sorti de son sac un cierge qu'elle alluma, la mer était calme et la nuit, tombée depuis longtemps, n'était éclairée que par un tout petit croissant de Lune.
Sans cesse les mots allaient et revenaient dans son esprit, aussi implacables et répétitifs que le ressac qui tapait à intervalles réguliers sur les cailloux de la grève. Sans cesse, depuis qu'elle avait quitté la forêt, les paroles du Français tournaient en boucle dans son esprit. Et plus elle y pensait, moins il lui semblait les comprendre. La jeune femme n'aurait pas sut dire si l'entretient s'était bien passé ou non. Elle était venue chercher une vérité, elle repartait avec des doutes. Elle contempla quelques instants la « clé » qu'il lui avait laissé.

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Une clé pour une porte qui n'avait pas été ouverte depuis des années dans un endroit peu recommandé pour quelqu'un qui portait le drapeau hollandais. « Là-bas tu trouveras ce qui t'attend depuis longtemps... Mais tu seras encore bien loin d'arriver à ce que tu cherches. » avait-il dit. Encore des paroles sans queue ni tête, il semblait que le Français se délectait à ne parler que par énigme. Assise sur la grève, regardant la mer vide, elle se sentait lasse. Une vague de frustration, de ressentiment ajouté à la fatigue l'envahit. Sans bruit, elle se mit à pleurer. « Maudit salopard. Maudit Français. Maudite île. Monde de merde ».


La chaloupe glissait lentement sur l'eau et toucha le rivage presque sans un bruit. Personne embarqua sans un mot. Sur la grève, le petit singe avait disparu. Quelques instants plus tard elle grimpait à bord de La Rêveuse.
Le capitaine vint la saluer, puis après avoir donné ses directives, elle se rendit dans sa cabine se déshabilla complétement, fit un brin de toilette, trouva un endroit pour la loutre et parti se coucher.



5 jours plus tard. Port-Louis. Maison de France.
Étant donné les tensions qui existaient en ce moment sur l'île entre les nations, la jeune femme avait dû prendre moultes précautions pour pouvoir pénétrer dans la ville française sans se faire remarquer. Quelques temps auparavant elle avait déjà à plusieurs reprises tentée l'aventure, mais ses rencontres impromptues avec les combattants de Port-Louis s'étaient souvent soldées par une déroute pour elle. Ainsi elle gardait un souvenir cuisant de sa dernière rencontre avec un bretteur à tête de rat, se faisant appeler Rocket, qui l'avait laissée pour morte à l'entrée de la ville.

Cette fois, elle avait eu plus de chance et était parvenue sans peine à la Maison de France. En passant sous la grande porte d'entrée elle lut sur le fronton « Pro Patria et Liliis ». Vestige d'un passé à jamais disparu, d'une époque mythique presque totalement enterrée. Ceux qui avaient construit cet édifice semblaient à l'époque sûr de leur force et de leur pouvoir. Qu'en restait-il aujourd'hui ? Quatre mots sur de la pierre.

La jeune femme traversa les jardin et remonta la muraille jusqu'à l'endroit qui lui avait été indiqué. Elle trouva sans chercher trop longtemps la petite encoche placée à hauteur de ses genoux. Après avoir sorti le talisman de son écrin elle le plaça dedans et le tourna d'un quart de cadran sur la droite. Elle entendit le premier clic. Elle tourna alors de deux quarts de cadran sur la gauche, ce fut le second clic. Encore un quart de cadran sur la gauche, troisième clic. Enfin retour au point de départ par la droite. La petite porte s'ouvrit.
La pièce n'était pas grande, on s'y serait bousculé à trois, sur les murs se trouvaient affichés des dessins, la plupart de femmes, des cartes, la plupart de Liberty. Sur certaines d'entre elles il y avait des annotations rajoutées à la main, parfois des traits, qui semblaient indiquer des routes ou des passages. Entre les dessins, des bibliothèques remplies de livres, de parchemins. Certains étaient entassés à même le sol, faute de place. Collé au mur faisant face à la porte il y avait un bureau recouvert d'une fine poussière. Sur le bureau juste une lettre, seule, sans rien autour. Sur la lettre il y avait écrit : « Personne ».

La jeune femme ressenti un frisson lui parcourir l'échine, elle hésita un instant, bêtement immobile devant ce message venu du passé. Puis, se décidant enfin, elle prit la lettre et l'ouvrit. Sur le papier trois noms étaient écrits, posés là par ordre alphabétique.

Alanis
Anne Providence
Wildekat



Trois femmes, trois des personnalités les plus célèbres de Liberty. Trois légendes.

La jeune femme s'assit sur le sol et réfléchi à tout ce qui était arrivé, de ces dernières semaines jusqu'à l'ouverture de la lettre. Si elle voulait avoir la moindre chance de pouvoir côtoyer ces personnalités, il allait falloir qu'elle change radicalement de statut.

Autrement dit, Personne allait devoir devenir quelqu'un.



Crimson Tide
http://www.4shared.com/web/embed/audio/file/omHCgFrR

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