Faux Rhum Le Faux Rhum Faux Rhum  

Le forum > Taverne > L’essentiel en enfer est de survivre
L’essentiel en enfer est de survivre -1- 2  
Auteur Message
l'inconnue
l
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 08/02/2021 à 20:25:43 

L'essentiel en enfer est de survivre (Michel Audiard)

 
la jeune femme entre dans les lieux d'un pas décidé. La lourde odeur d'encens emplit ses narines jusqu'à lui chatouiller la gorge et la faire tousser.
- kof ! kof ! kof !
 
 
Amélie la salut, et lui fait signe d'approcher.

- Bonjour madame Amélie, je viens de la part de monsieur l'Écumeur.
- Voilà qui est somptueux. Vous souhaitez utiliser nos services vous aussi ? Je vous fais préparer la chambre ?
- Non, plutôt l'inverse. Je lui ai demandé où une femme pouvait se faire de l'or ici, et il m'a recommandé la fleur bleue.
- Je vois. Malheureusement, nous ne recrutons pas. J'ai trop de mauvais payeurs, si cela continue je vais devoir mettre la clé sous la porte.
- Pourtant il n'y a pas que monsieur l'Écumeur qui m'aie dit que je trouverais du travail ici
- Vraiment ? Par les bourses du Roi, les hommes n'ont aucune idée, il ne faut jamais croire ce qu'ils disent.
- Bien. Je vous pose donc la question : comment puis-je gagner de l'or ?
- Écoute, tu m'as l'air mignonne, mais je ne suis pas sûre que tu aie les reins assez solides pour travailler ici.
- Vous avez tort
- Tu t'es déjà prostituée ?
- Non. Mais j'apprends vite
- Je n'ai pas le temps de t'apprendre. Vas voir ailleurs si j'y suis.
- J'ai ce que certains appellent un don, qui pourrait je pense vous intéresser.
- Tout le monde peut se mettre sur le dos et écarter les cuisses, ce n'est pas un don.
- C'est certain. Mais il ne s'agit pas de cela.
- Si tu savais toutes les femmes qui se présentent à moi avec un "don" : la dernière pouvait soit disant faire jouir cinq hommes à la fois; ce fut une catastrophe, le gouverneur m'en veut encore.
- Je n'ai pas cette prétention. Il s'agit plutôt de se....
- Je n'ai pas le temps, file donc !
- Je suis travailleuse. Je n'ai peur de rien. Je ne vous décevrais pas. 
- Si tu veux un jour travailler pour moi, il te faut déjà te trouver quelques bijoux, et un accoutrement plus suggestif. Cette cape est bien trop lourde, et ta coiffure : on dirait une bohémienne. Nous sommes à Port Louis, il s'agit d'être soignée et tirée à quatre épingles. Les clients viennent de toutes les caraïbes pour mes filles, il faut toujours être impeccable. Impeccable tu entends ? Reviens quand tu seras présentable, et on verra si les clients mordent.
- D'accord, merci madame.


 
l'inconnue
l
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 10/02/2021 à 11:56:16 

Journal de poche
Liberty, jour 2

 
J'ai obtenu quelque piécettes en rendant service aux gens de la ville. Elle est grande, bien bâtie, mais plutôt vide. Je me demande où sont les habitants, car les rues sont désertes non seulement à la tombé de la nuit mais aussi en journée. Ça me permet de m'accoutumer à cette nouvelle vie, et observer ces lieux qui n'ont rien à voir avec ce que je connais. Je me fais discrète, j'épie les quelques passants et les hommes endormis à la taverne. Je n'ai croisé de femmes qu'à la fleur bleue. Où sont les autres ? 



Quelques hommes de la ville m'ont offert des bandages, de quoi manger et des petits couteaux. Quel genre de ville est-ce pour que l'on offre des couteaux à une jeune inconnue ?
Je ne dors que d'un œil, le couteau dans ma main crispée, coincée entre deux caisses de vin rouge sur le port de la ville.
l'inconnue
l
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 11/02/2021 à 15:02:22 

Journal de poche
Liberty, jour 5

Mes pérégrinations m'ont porté dans la cité d'Ulüngnen. L'auberge est animé : les habitants boivent beaucoup et sont festifs. Leur intendant, un jeune garçon sympathique du nom de Paulus, est vraiment charmant. J'ai ressenti un besoin de se faire remarquer, et une envie de plaire bien naturelle à son âge. Il doit avoir une quinzaine d'années, comment a-t-il pu être élu à un tel poste ? Les élections doivent être truquées.

Rien de bien novateur; jeux politiques, jeux d'arnaques, on met un gamin à la tête d'une colonie et on tire les ficelles dans l'ombre. La question est de savoir qui est dans l'ombre. Je le crois sincère, il n'a pas l'air de se rendre compte qu'on se sert de lui.

Il y avait d'autre personnes (des femmes aussi, cette fois; c'est rassurant), dont je ne me souviens plus du nom tellement leur sonorité est étrange. Des guerriers, quelques prostituées, des ivrognes, une taverne comme mille autres auparavant. On m'a gentiment offert à boire et à manger; je me suis un peu méfié au début: qui offre de la nourriture sans contrepartie ?

J'avais si faim et le plat était chaud, j'ai fini par me laisser aller; ça faisait quelques jours que je me raccrochais à un bout de pain chipé à Port Louis, et ce plat a ravi mon estomac.



Le ventre bien plein; je pars sans conviction sur les traces d'une grotte du dragon et d'une cave du diable qui sonne tout comme une supercherie orchestrée par des ivrognes.
l'inconnue
l
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 12/02/2021 à 14:17:10 

Journal de poche
Liberty, jour 9

 
Une missive singulière m'est parvenue, de la part du Marquis de Montalvès : il m'invite à rejoindre une certaine Vieille Garde, et il a glissé la clé de cette mystérieuse Maison dans l'enveloppe.

Ceci est très curieux, je vais enquêter sur les mœurs d'une telle Maison, comme ils l'appellent. Peut-être cela aidera-t-il à me faire un peu d'or. Il faut que je trouve une source de revenus, je n'ai pu amasser qu'un maigre pécule pour le moment, qui n'est pas suffisant pour les achats dont madame Amélie m'a parlé. Il faudra économiser, puis investir dans une panoplie de Port Louisienne. En espérant que j'y verrai un retour sur investissement, sinon ça sera retour à la case départ.
 
Cette maison m'intrigue : combien d'hommes et de femmes y résident ? Sagit-il de nobles ? Quelle idée ont-ils bien eue de m'y inviter ? C'est peut-être louche. Mais je ne peux pas refuser l'offre de dormir dans un endroit abrité lorsque je suis à Port Louis. Cela changera des quais humides, emplis de poivrots aux manières très déplacés.
l'inconnue
l
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 17/02/2021 à 12:46:55 

Journal de poche
Liberty, jour 15

New Kingston, ville occupée par les colons britaniques : quelle foule !!!! Je la crains, mais je réalise qu'elle m'avait aussi manqué.
 
   

De la musique résonne dans ses murs, je tombe nez à nez avec une de leurs fêtes locales. Ils semblent vénérer une sorte de dieu de l'amour, ce n'est pas clair. L'église est-elle au courant? Étrange mœurs. Ce qui est toutefois limpide est que les convives boivent beaucoup, et qu'il y a beaucoup de débauche. Si madame Amélie avait bien voulu m'engager, j'aurais pu faire fortune.

Des femmes et des hommes de toutes les colonies sont présents. J'ai la chance d'en rencontrer quelques-uns, et même un petit chaton extrêmement mignon qui se nomme Aegis !

J'ai un peu honte de ma tenue, même en retirant mon manteau ma toilette est loin d'égaler celle des dames qui sont toutes plus belles les unes que les autres.  Après tout je ne suis pas tirée à quatre épingles comme madame Amélie avait préconisé pour une Port Louisienne. Mais après tout, je n'en suis pas une... J'espère qu'il ne vont pas penser que je cherche à les moquer. Il me manque simplement encore trop d'or pour m'acheter de quoi faire honneur à Port Louis. J'observe les manèges de séduction pour m'en inspirer afin d'épater madame Amélie la prochaine fois. C'est tellement ridicule parfois que j'ai envie de rire. Je ne sais pas si j'y parviendrais, tout sonne si faux ! L'on m'a offert une petite broche en forme de rose qui m'a permis de faire illusion, au moins.  
 
 
 
La salle de bal !!!!! Jamais je n'avais vu autant de belles choses réunies en un seul lieu. En réalité, jamais je n'ai vu autant de belles choses. Mais qui paye pour toutes ces extravagances ? Il y a un mélange d'odeurs de poudre, de rose, de musc et de cire dans cette salle aux mille promesses.
 
l'inconnue
l
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 18/02/2021 à 13:31:47 

Journal de poche
Liberty, jour 17

 
Ces trois jours ont été riches en émotions. Emplis de surprises. Des magnifiques et des plus sombres.

J'ai dû briser mon serment, mais c'était pour aider un ami qui m'est cher. Monsieur Paulus a des ennuis. De gros ennuis. Le type d'ennui qui coûte la vie. Alors j'ai fait ce qu'il fallait faire.

Mais, c'était sans doute trop, trop vite, après des semaines sans exercer. C'était de la folie, à vrai dire, de lire l'envoyé du diable. J'ai failli plonger : j'étais au bord du précipice, la délivrance me tendait les bras, elle m'appelait si fort, froide et implacable... je la voulais, je lui frôlait les doigts... mais une main solide m'a ramenée vers les vivants. S'il savait que je lui dois la vie, ça le ferait rire.

Heureusement cette ville ne manque pas d'alcool et de tabac; cela me permet de calmer mes nerfs et flouter les horreurs qui se rejouent en boucle dans ma tête . Et ce tintement de grelot en fond sonore, ça me donne de désagréables frissons dans l'échine dont je me passerais bien. J'essaye de faire bonne figure, pour ne pas éveiller les soupçons. Heureusement, je ne suis pas seule.
 
Si je venais à disparaitre et qu'une personne lise ce carnet, méfiez-vous de cet homme, cet envoyé du diable qui vous séduit pour mieux vous utiliser selon ses besoins. Il s'agit de monsieur Dejais, voici son croquis:
 
 
C'est le dernier jour de la grande fête donnée par New Kingston. Je compte bien faire honneur à cette magnifique ville et ses habitants, ainsi qu'à mon cavalier.
 
Les étals des commerçants regorgent de bijoux tous plus beaux les uns que les autres, mais ma bourse est bien trop maigre. Plus de deux mille piécettes pour un collier ? C'est l'équivalent de mille pains, une fortune ! Ca ne se mange pas, un collier; les gens sont aussi fous que sur le continent.
 
Ce foutu grelot.... et monsieur Dejais qui murmure à mon oreille quand je m'y attends le moins... il me faut des orties, ça devrait atténuer la douleur et l'éloigner un peu. Hélas, je les ai cherché au cimetière, mais en vain ! où cachent-ils donc leurs orties dans cet endroit ??? Tout est trop bien coupé et ordonné, pas de place pour la nature.



En cherchant bien, j'ai trouvé de la violette de sorcière, enfin, des pervenches, comme on dit, pour ne pas faire peur aux gens. Faute de mieux, la plante lunaire pourrait me protéger de ce tintement de grelot du Diable avant que je ne devienne folle. 
Mais je ne peux pas me promener avec une guirlande de pervenches autour du cou, alors j'ai arraché plusieurs pieds de fleurs et paré ma chevelure à la façon des belles Dames que j'ai croisées ces jours à la fête. Utile et joli, du deux en un. J'aime beaucoup ces fleurs, l'odeur douce et sucrée ravivent toujours mon esprit les jours difficiles. Ce n'est pas Byzance, mais c'est un peu mieux, on dirait presque que je ne suis pas là par hasard.

l'inconnue
l
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 22/02/2021 à 16:12:24. Dernière édition le 22/02/2021 à 16:22:42 

Journal de poche
Liberty, jour 19


J'ai Vu la guerre. Beaucoup de sang, et de morts. Entre ça et les souvenirs de Monsieur Dejais... n'aurais-je pas de répit sur cette île ? Je commence à douter de mon choix. Ai-je fait une erreur en venant sur Liberty ? On m'a vanté la tranquillité d'une île paradisiaque et la fortune... je n'ai trouvé ni l'un ni l'autre pour l'instant.
 


La fête de New Kingston est finie et tout le monde est reparti. Pire, la violence s'insinue doucement dans ma vie. Encore et toujours.
 
Un fou furieux de la Vieille Garde, un certain Enthoven, me promet de me nuire; persuadé que j'ai mené Monsieur Paulus à lui lors de notre séjour à New Kingston. Quel sot : si je voulais le trahir, je ne serais pas venue avec Monsieur Paulus lorsqu'il l'a tabassé avec sa pelle. Pis encore, je n'aurais pas tout tenté pour arrêter Monsieur Paulus dans son geste.

Encore un rompiscatole, j'ai bêtement cru les avoir laissés sur le continent. Il faut croire qu'il y en a partout, comme les blattes qui infestent les cités. Ce paranoïaque menace de me pourchasser malgré la main que je lui tends pour nous expliquer pacifiquement. Il pourchassera mes amis aussi. Je me vois donc contrainte de me cacher un temps, alors qu'il se trouvait simplement au mauvais endroit au mauvais moment. Tout comme moi. C'est l'histoire de ma vie : déjà dans le ventre de ma mère, j'étais au mauvais endroit, au mauvais moment... 

 
Je ne suis qu'une poussière née sans bonne étoile,
Virevoltant entre les rayons des astres, glaciale;
Sans jamais les atteindre, loin de tout idéal.
 

Après l'agression d'un certain monsieur Lebrun sur monsieur Paulus au cœur de New Kingston, monsieur Solal et moi nous réfugions dans un manoir dont les voix hantent mes jours et mes nuits. Combien d'âmes n'ont pas trouvé le repos ici ?
 
 
 
l'inconnue
l
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 23/02/2021 à 08:22:02. Dernière édition le 23/02/2021 à 08:22:32 

Journal de Poche, 
Liberty, jour 20

 
Une nouvelle attaque, toujours de la violence et du sang alors qu'impuissante, je vois mon ami tomber. Les souvenirs de monsieur Dejais s'entrechoquent encore et toujours dans un tintement de grelots : New Kingston en flammes, les purges, la mort, un orphelinat où l'on dévore des enfants, des citoyens transformés en goules dans des caves, un bateau aux voiles noires, un fauteuil avec des jambes, de l'opium, tellement d'opium que j'en ressens les effets dans mon propre corps...
 
Ma tête est prête à exploser, le corps bouillant, les mains glacées; je n'en peux plus, laissez-moi rejoindre les âmes en peine de ce manoir, qu'on en finisse... Faites que cette agonie prenne fin, à qui donc dois-je m'adresser ?
Est-ce toi Vile Destinée ?
Est-ce toi Divine Fortune ?



Mais ça ne sera pas pour cette fois. Pas encore. Un sursis : une belle dame vient s'occuper de moi comme elle le peut. Petit à petit, je refais surface. Je passe outre l'opium, et les grelots. Je reste à flot. A peine, mais cela suffit pour ne pas sombrer.
 
Je passe une journée avec elle, et je rencontre son amant. Leur relation est curieuse, et je ne peux pas m'empêcher de lire cet homme pour voir à qui j'ai affaire. Intéressant.
 
Le petit chat Aegis et ma nouvelle amie me disent de ne pas sortir dehors. Tout comme Monsieur Paulus me disait de partir me terrer loin... "C'est la guerre !" Répètent-ils tous en boucle. Oui, je sais bien, je l'ai vue venir celle là. Elle est ses Anges de la mort. Comment puis-je me terrer alors que des gens se battent pour ma liberté ? Je ne suis pas lâche. Je n'ai plus beaucoup de forces, mais assez pour apaiser l'âme de ceux qui se battent sur le front. Je décide donc de me rendre vers Port-Louis, où je pourrais être utile et par la même occasion rencontrer un peu plus de Français qu'à la fête de New Kingston. 
 
Ma lettre à monsieur Cavendisch, le ministre de Port Louis, est restée sans réponse. C'est étrange. Sans doute a-t-il beaucoup de travail ? Je lui ai simplement demandé si je pouvais acheter à crédit quelques équipements de médecine, pour m'aider à soigner mieux.
Me ne frego, je me débrouillerai seule, comme d'habitude.
 
 
Cette nuit là, en quittant le manoir des âmes, je croise une belle jeune femme aux cheveux de jais. Cachée dans les fourrés, elle porte une rose rouge carmin dans les cheveux qui me ravit les sens, et un bandeau bleu. Sur son bracelet, je lis son nom qui résonne en souvenir de mes origines : Tristana. J'ai eu la force de soigner son âme dans son sommeil, j'espère qu'elle se réveillera plus sereine au petit matin.
 
Je me faufile sur cette île encore inconnue à la faveur de la nuit, fait quelques détours involontaires et retrouve enfin mon chemin. Au loin, les bruits de lames qui tintent, les hurlements des soldats... j'approche de mon but.
 
l'inconnue
l
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 23/02/2021 à 13:50:58. Dernière édition le 23/02/2021 à 13:51:38 

Journal de poche,
Liberty, jour 21

 
Je me réveille en sursaut. Un rat portant les couleurs de Port Louis et une perruque frisée est en train de me mordre. Pezzo di merda ! Il ne me loupe pas et emporte avec lui la clé de la Vieille Garde ainsi que le bandeau bleu de ma colonie. 
Je cherche une quelconque explication, en vain. Je réalise que l'On m'a retiré la clé de ma maison et mon bandeau dans le silence et l'indifférence les plus complets. 
 
Je comprends alors pourquoi monsieur Cavendish ne répondait pas à ma lettre. Suis-je donc si effrayante ou manque-t-il de politesse ? 
Désorientée, j'envoie un message au Marquis de Montalvez. Il m'envoyait il y a peu les clés de sa maison sans que je n'en fasse la quelconque demande, puis l'un des siens, m'agresse verbalement et promet de me pourchasser, et enfin aujourd'hui il envoie son rat faire ses basses besognes. Tout ceci sans le moindre mot, sans la moindre explication.
 
Une fille des rues comme moi à l'habitude de n'être désirée nulle part et tout ceci était trop beau pour être vrai. Cela dit, j'aimerais comprendre cette décision. Aura-t-il l'amabilité de m'expliquer en quoi je suis un danger pour sa maison ou la France ? Moi, petite poussière insignifiante dans les rouages de la destinée ? Pas de réponse... le silence le plus total. Ni lui, ni aucun de ses acolytes du gouvernement. Ces messieurs ne se rabaissent pas à parler aux petites gens comme moi. 
 
 
 
 
Je me demande si je n'ai pas sous-estimé cet Endoven. C'est le genre d'homme qui nourrit les rumeurs pour combler son manque de classe apparent : il aurait pu tenter de se rendre important aux yeux des dirigeants de Port Louis et affabuler sur moi. Où bien est-ce parce que j'ai refusé d'écarter les cuisses ? 
 
Tout ceci me dépasse. Je suis choquée. Humiliée. Une fois de plus, mais j'ai perdu le compte... 
 
Je fouille mon sac : quelques bandages, quelques alcools, un bout de pain et la broche que le serveur m'a offerte à la fête de New Kingston. C'est la seule jolie chose que j'ai, un des rares souvenirs de joie depuis si longtemps, mais les jolies choses ne se mangent pas.
 
Je note ici les noms des responsables de ce gouvernement de muets corrompus, à l'âme noircie :
 
Cavendish
Montalvez
Lebrun 

Nul besoin de prédire leur avenir : ils creusent leur tombe seuls, avec leur pelle dorée ornée de joyaux volés....

Je comprends enfin que Port Louis soit si vide à chaque fois que je m'y rend, s'ils expulsent les gens à tour de bras sans raison.
 
Ainsi je quitte Port Louis, libre de ce groupuscule gouvernemental qui me semble malsain et tout à fait maléfique. Est-ce dommage ? Oui. Je suis persuadée qu'il y avait de belles âmes en son sein auxquelles j'aurais pu apporter douceur et réconfort. Mais peu importe, je n'ai besoin d'un passeport de Port Louis pour rencontrer ces personnes. La fortune me conduira vers eux, au gré des vents contraires et alors j'apprendrais à les connaître. Je préfère mourir de faim que faire partie d'une colonie de corrompus qui traitent leur ressortissants comme de la vermine.
 
Le pire dans tout cela, c'est que ça me fait mal. 
 
C'est entièrement de ma faute. J'ai baissé ma garde, je me suis permise de rêver. Mais les rêves c'est pour les riches, tu le sais petite fille. Tout était trop beau pour être vrai ici, j'ai voulu y croire, je me suis laissée entraîner dans ce rêve éveillé. Une nouvelle vie, un nouveau départ, au revoir les ruelles et le froid, les agressions, le qui-vive et la survie de chaque instant. Je pensais trouver des personnes tolérantes ici. Je me suis fourvoyée. On ne tolère jamais personne, nulle part, jusque dans les enfers de ce monde.
 
 
Pourquoi ai-je si mal ? J'ai l'habitude qu'on ne veuille pas de moi. Pourquoi diable me suis-je laissée berner par la douce illusion qu'un jour je trouverai ma place ? Cette île ne veut pas de moi. Ce monde ne veut pas de moi. Je ne veux pas de moi.
 
Je ne suis qu'une pauvre poussière;
Happée par les vents contraires;
Incapable d'atteindre les rayons de l'astre solaire.
 

Je finis ma bouteille d'absinthe pour atténuer le goût amer dans ma bouche. 
Les larmes salées glissent sur mes lèvres.
J'ai envie d'une cigarette.
 
l'inconnue
l
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 25/02/2021 à 13:43:33. Dernière édition le 25/02/2021 à 13:46:21 

Journal de poche,
Liberty, jour 23


Je me suis réfugiée dans ce manoir hanté, c'est le seul endroit que je connaisse où il fait assez sombre pour passer inaperçue. Les visions s'entrechoquent inlassablement: le passé de monsieur Dejais, le mien, le présent, le futur... les sensations brûlantes et vives des visions qui se jouent en boucle. Je perds pied, je titube sur la ligne invisible, personne pour me retenir cette fois...
 

Je me noie dans l'absinthe ou ce qu'il en reste. Je trouve un journal au sol. Je le feuillette et tombe avec horreur sur mon propre visage dessiné de façon plutôt réaliste.
Qu'est-ce donc encore que cette histoire ? Je parcours les lignes. il s'agit d'une prime qu'un ou une certaine Scotchmo a passé sur ma tête. Mais qui donc est cette personne ? En quoi l'ai-je offensée ? Je cherche la raison et lit avec horreur le mot bûcher.
 
Je panique, je froisse le papier et je me met à courir vers l'inconnu, loin d'ici, loin de là, loin de tout. Cours petite fille, cours vite, avant qu'ils ne t'attrapent ...
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 02/03/2021 à 13:55:04. Dernière édition le 02/03/2021 à 15:39:25 

Journal de poche
Liberty, jour 33


Je cours à en perdre haleine. Mes jambes me portent à toute allure vers une main tendue, j'étire les doigts pour la frôler. Ulüngen m'offre l'asile. C'est dans ses murs que je retrouve un semblant de normalité, entre la crainte et l'incompréhension de ce qui m'arrive.

Les jours passent. Je fais des choix. Pour moi. Pour ces amis qui me sont devenus chers. Un peu trop sans doute. Mais que vaut cette foutue vie si on la vit pas pleinement, quitte à se brûler les ailes ? 

De nouveaux papiers. Une nationalité étrangère, un pays à l'histoire qui m'est inconnue. Des accents si loin de mon accent latin, des mots que je n'arrive pas à prononcer qui raclent ma gorge et qui me font tousser.
 
Peu importe mon insignifiance. Peu importent ma pauvreté et mon inutilité. Ulüngen m'ouvre les bras pour me recueillir, accueillante comme la mère que je n'ai jamais eue. Dans ses jardins aux odeurs de tiaré, je me promène le cœur léger et pour la première fois depuis des années, me reprend l'envie de chanter.



 
Bien sûr, ce n'est pas la Seine
Ce n'est pas le bois de Vincennes
Mais c'est bien joli tout de même
À Ulüngen, à Ulüngen

Pas de quais et pas de rengaines
Qui se lamentent et qui se traînent
Mais l'amour y fleurit quand même
À Ulüngen, à Ulüngen

Ils savent mieux que nous, je pense
L'histoire de nos rois de France
Herman, Peter, Helga et Hans
À Ulüngen

Et que personne ne s'offense
Mais les contes de notre enfance
"Il était une fois" commencent
À Ulüngen

Bien sûr nous, nous avons la Seine
Et puis notre bois de Vincennes
Mais Dieu que les roses sont belles
À Ulüngen, à Ulüngen

Nous, nous avons nos matins blêmes
Et l'âme grise de Verlaine
Eux c'est la joie de vivre même
À Ulüngen, à Ulüngen

Quand ils ne savent rien nous dire
Ils restent là à nous sourire
Mais nous les comprenons quand même
Les enfants blonds d'Ulüngen

Et tant pis pour ceux qui s'étonnent
Et que les autres me pardonnent
Mais les enfants ce sont les mêmes
À Port Louis ou à Ulüngen

Ô faites que jamais ne revienne
Le temps du sang et de la haine
Car il y a des gens que j'aime
À Port Louis, à Ulüngen

Et lorsque sonnerait l'alarme
S'il fallait reprendre les armes
Mon cœur verserait une larme
Pour Port Louis, pour Ulüngen

Mais c'est bien joli tout de même
À Ulüngen , à Ulüngen

Et lorsque sonnerait l'alarme
S'il fallait reprendre les armes
Mon cœur verserait une larme
Pour Port Louis, pour Ulüngen

(adapté des paroles de "Göttingen"- Barbara)
 
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 22/03/2021 à 21:27:43. Dernière édition le 22/03/2021 à 21:28:36 

Journal de poche
Liberty, jour 38

 
Esperance, la ville aux toits d'or...

Je me perds dans les rues aux odeurs épicées, et aux couleurs du soleil. Quelle beauté... vide. Malheureusement, mis à part quelques commerçants, pas d'âme avec qui échanger. Cela me rappelle tristement mes journées à Port Louis. Où sont donc passé les habitants ? Il doit décidément y avoir tout un monde au-delà de ces remparts dont j'ignore encore tout.



Après une journée à fouiller la ville de fond en comble je me perds dans un fabuleux petit musée dont le jardin est à tomber. La bibliothèque, elle, est simplement grandiose et renferme tellement de secrets que le reste de ma courte vie n'y suffirait pas.



Monsieur Paulus me sert de guide et m'amène dans un petit recoin perdu, une antre abandonnée, où les livres un peu plus poussiéreux et moins catholiques qu'à la bibliothèque officielle m'attendent.
Justement ce qu'il me fallait pour vérifier mes théories. Je cherche avec précaution, je tombe sur des livres portant le pentacle, l'hexagramme ou encore l'étoile elfique ou la roue solaire... Non, non, non et encore non.
 
Je désespère quand mes mains tombent enfin sur mon trésor : un ancien recueil relié de cuir rouge sang au symbole de la triple lune. Un frémissement parcourt mon corps. L'excitation de retrouver une vieille amie avec qui on a des bons souvenirs.  Et des moins bons.

 
Monsieur Paulus et Mademoiselle Euphémia me jettent des regards mal à l'aise lorsqu'ils voient mon bonheur de mettre la main sur le livre. Monsieur Paulus marmonne des "sorcellerie" à tout va et évite de marcher sur les signes au sol, il devient nerveux. Tant pis, je l'étudierai plus tard, lorsque je serai seule. Mais il ne faut pas que je tarde, le temps presse. Je range ma trouvaille et sort du lieu avec mes deux amis.
 
Je suis un peu déçue de ne pouvoir faire connaissance avec les habitants de cette superbe cité, mais fort heureusement mes compagnons de route égayent ma soirée à base de jeux bon enfant et de rires. Beaucoup de rires. Même Mademoiselle Euphémia, d'habitude plus distante, se prête au jeu de Monsieur Paulus et m'offre un gage osé. Je ris. Je joue. Je ris encore.

Un crâne volé, un verre brisé et tout le monde s'endort dans les bras de morphée.
Dès demain notre folle aventure au Jardin des amoureux nous attend. Un nom aux mille promesses de quiétude... si toutefois l'amour peut-être ainsi défini ?
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 28/03/2021 à 21:16:46. Dernière édition le 28/03/2021 à 21:17:04 

 
Italie - des années auparavant

 
Une gamine d'une douzaine d'années, maigrichonne, les cheveux blonds comme le soleil, se tient devant un homme de grande carrure, bien habillé, aux cheveux bruns. Lui est assis à son bureau en bois d'acajou, ouvrant une missive à l'aide d'un ouvre-lettres au pommeau d'ivoire sculpté. La lame argentée brille de mille feux, coupante comme le fil d'un rasoir.
 
- Sibylla, t'es-tu préparée pour demain soir, selon mes indications ?
- Oui Maître.
- Es-tu parvenue à créer le diamant noir ?
- Oui Maître.
Le regard brun de l'homme se met à luire. Il tend les mains vers la jeune fille.
- Montre-moi.
Elle tortille ses petites mains blanches derrière sa robe rose pâle, et se mord les lèvres avant de trouver le courage de répondre :
- Je l'ai détruit.
- Pardon ?
- Ce n'était pas...  j'ai étudié le grimoire, et...
- Et... ?
- Et... ce n'est pas l'intention initiale de la cérémonie. Vous la... détournez.
- Comment cela ?
- J'ai tout lu. Les préceptes, les intentions de la triple lune...
- Basta ! Ce ne sont que des lignes directrices.
Elle secoue la tête vivement : 
- Non, vous détournez la bienveillance, la création, pour détruire... vous déshonorez la déesse lunaire en faisant cela. Plutôt que de célébrer la vie, vous appelez la mort.
- La vie, la mort... tu es pourtant bien placée pour savoir que tout ceci n'est qu'un cercle continu... (il pointe son doigt sur la jeune fille d'un air accusateur) Tu as encore trop les préceptes des Nonnes dans la tête. Tout n'est pas blanc ou noir. Mais je t'apprendrais, Sibylla. Dès demain tu comprendras, ce n'est que le début, il y a tant d'autres possibilités, qui ne demandent qu'à être créées au creux de tes mains. Tu verras.
- Ce n'est pas comme les dernières fois. Vous me faites dénaturer le bien en mal... si je fais ceci j'irai tout droit aux Enfers.
L'homme se met à rire à gorge déployée, du rire franc et sonore des hommes surs d'eux : 
- Tu iras tout droit aux Enfers quoi qu'il advienne... tu es une aberration, ma douce Sibylla. Si je ne t'avais pas sauvée in extremis, tu serais déjà morte noyée ou brûlée. Tu me dois tout. Alors sois une gentille fille : baisse les yeux, dis "oui Maître" et fais ce que je te demande comme je te l'ai appris.
Elle secoue de nouveau vivement la tête : 
- Ce n'est pas vous qui invoquez les esprits, ce n'est pas vous qui allez maudire cette personne.
- Non, en effet, c'est toi Sibylla.
- No ! fit-elle en levant le menton, d'une voix qu'elle ne s'était encore jamais entendue utiliser, même pas ce jour ou elle avait osé braver la Mère Supérieure.
- Tu me défies ? demande-t-il froidement.

Elle lui répond par un regard sans équivoque. Il se lève et fait le tour de son bureau pour la rejoindre. Soudain, une violente gifle lui fait tourner la tête. Elle va s'écraser contre le mur, sonnée.
Il s'approche, le regard menaçant :
- Ne me teste pas.

Il lui faut quelques minutes pour recouvrer ses esprits. L'homme reste devant elle, attendant qu'elle se plie comme elle s'est pliée cent fois auparavant.
Mais cette fois-ci c'est différent. Elle relève les yeux vers lui, toujours aussi colère, une lueur de violence dans son regard vert d'eau d'habitude si paisible.

- Sibylla, baisse les yeux.
- No.
Un coup de pied dans le ventre lui coupe le souffle. Elle lève la main pour se protéger la tête, attendant les prochains coups qui ne viennent pas. Elle relève les yeux vers lui, craintive... mais toujours aussi défiante.
- Baisse les yeux.
- No.
Il empoigne ses cheveux et tire sa tête vers lui.
Elle lui crache au visage, un mélange de sang et de salive qui atterrit dans ses yeux.
Il l'envoie de nouveau valser contre le mur, alors qu'il s'essuie les yeux du revers de la manche. D'un geste rapide, il prend l'ouvre-lettres et s'approche d'elle, plus menaçant que jamais. Il le passe à plat contre son bras nu, la promesse d'une violente caresse. Le froid de la lame lui donne la chair de poule alors qu'il continue de promener le couteau sur son corps tout en faisant claquer sa langue sur son palais.
- Sibylla... ma douce Sibylla. J'aime ta peau veloutée et si parfaite... mais ne t'y méprends pas. Cela ne te donne pas tous les droits. Va-t-il falloir que je te punisse comme la dernière fois ? Maintenant, baisse les yeux. 
- No. Je ne ferais pas le rituel.
- Tu le feras. Et tu baisseras les yeux.
- No ! hurle-t-elle en pleurant de rage, luttant contre les images de l'enfer que lui inspirent ce qu'il lui demande de faire. Le diamant noir, l'appel de la mort et la tragédie qui s'ensuit pour cette pauvre âme qui n'a aucune idée du sort qui lui est réservé...
 
Un quart d'heure plus tard, la jeune femme est allongée au sol, ventre contre terre, les bras en croix. Le regard vert empli d'eau, plongé à mille lieues de là. L'homme lui caresse les cheveux, se relève, puis lui donne un dernier coup de pied dans le ventre.

- Tu feras tout ce que je te demande demain.
- Si, murmure-t-elle, d'une voix d'outre tombe.
- Si, qui ?
- Si, Maître Massimo.

 
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 06/04/2021 à 11:14:09. Dernière édition le 06/04/2021 à 11:19:27 

Italie - des années auparavant

Une adolescente de quatorze ans, dont la poitrine naissante se cache dans une robe bleue un peu trop grande pour elle est assise sur son lit. Sur ses genoux est posé un corset court, s'arrêtant à la taille et au laçage frontal. Les lacets sont entremêlés à plusieurs endroits en d'énormes nœuds dont elle n'arrive pas à en voir le bout.



D'un coup, elle passe sa main sur son ventre, se roule en boule dans un souffle de douleur, respirant difficilement. Elle se tourne sur le dos et remonte ses jambes sur sa poitrine. Le regard ailleurs, ses yeux se mettent à briller un peu trop. Ses mains serrent ses jambes jusqu'à ce que ses jointures deviennent blanches, puis elle relâche un peu, et se retourne pour se remettre en boule sur le lit. Elle se signe et se met à réciter le Pater Noster suivi du Ave Maria dans un souffle tremblant. Le long de ses joues blêmes, quelques larmes coulent. Puis sèchent.
 
Sans frapper, un homme aux cheveux sombres débarque dans la chambre. Elle sursaute du lit et lui fait face. 
- Sibylla, il faut te préparer pour ce soir.
Elle se place devant lui, le regard fatigué, bras croisés et moue boudeuse :
- Je ne veux plus le faire.
- Tu crois que la nourriture, les draps propres... tout cela ne sa paye pas ? (il montre sa chambre d'un geste agacé) Qu'est ce que quelques souvenirs à fouiller pour les épater ? 
- Ils vont se douter de quelque chose...
- Mais non, la magie ça fait toujours rêver, surtout les devinettes sur le passé des gens. Rien à voir avec la sorcellerie. Et tu le fais si bien.
- Non mi piace.
- Pourquoi ?
- Ce ne sont pas juste leurs souvenirs. Ce sont les sensations associées aussi, les bonnes comme les mauvaises. Surtout les mauvaises. Ce petit garçon qui est mort, j'ai ressenti la souffrance de sa mère, ce n'était pas juste un fait quelconque dans son passé, laissé là pour que je le lise, c'était... j'étais elle.
(elle déglutit difficilement puis se mord les lèvres avant de continuer) Je suis elle, toutes les nuits. Et tous les autres. Ceux qui ont volé l'or de leur voisin sans culpabilité. Ceux qui ont violenté leurs enfants sans regrets, ceux qui.... (elle le regarde, serre les dents et baisse les yeux), les autres qui jalousent leur proches, ou qui rêvent de grandeur. Tout se mélange dans ma tête, je me perds, moi. Je ne peux plus rien y ajouter, je n'ai plus la place....
- Fais la place.
- Si. Comment ?
- Avec ça.
- Qu'est-ce que c'est ?
- De l'absinthe. Tu en bois un verre. Ca te fera de la place ici (il montre sa propre tête avec son doigt).

Elle hésite, absorbée par le liquide vert hypnotique qui se reflète dans ses yeux. Elle prend la bouteille, faisant danser un peu le liquide à la lumière. Elle l'ouvre et renifle puis grimace. Lui, lève les yeux au ciel et souffle d'une voix menaçante tout en versant le liquide dans un verre :

- Bois je te dis.
- Si. (elle soupire et s'exécute)
 
Il lui lance le sourire de satisfaction qu'il lui lance toujours quand elle cède. Elle le hait, ce sourire, suffisant et imperturbable. Son âme gronde, ses entrailles se soulèvent, si elle pouvait, elle l'étranglerait ici et maintenant, ce minchia. Mais elle ne le peut pas, ce n'est pas faute d'avoir essayé maintes fois. Alors, au lieu de ça, elle boit le verre. C'est très fort, sa gorge la brûle, elle tousse comme la fois où elle a failli se noyer, mais dans sa tête, les images qui s'entrechoquaient violemment s'éventent un peu. Elle recommence. A chaque gorgée d'alcool, un peu de place, un peu d'espace pour respirer... 

Il quitte la pièce d'un pas décidé, pour la laisser se préparer.
 
Elle, elle boit pour se retrouver un peu plus seule. Juste un peu. Savoir si ce qu'elle ressent c'est à elle, ou pas. 
 
 
 
Il la secoue de son sommeil sans ménagement : 

- Sibylla ? C'est à toi.
- Pardon... ? ( Le regard ensuqué, elle essaye de faire la netteté sur son visage sans y parvenir.)
- Combien de verres as-tu bu ?
- Deux.. ou trois, je ne me rappelle plus. Tout est flou maintenant, les voix, les images... comme si j'étais sous l'eau... c'est bien... mais j'ai un peu la tête qui tourne. Et la nausée...
Il lui donne une gifle et la secoue : 
- Je t'avais dit un verre. Pas trois. Quand m'écouteras-tu ?
Il sort de sa veste une petite boite pleine de poudre et en prend un peu avec la pointe d'une dague, qu'il lui porte sous le nez.
- Respire ca.
- Qu'est-ce...?
- Respire, grogne-t-il alors qu'il lui maintient le nez au-dessus, empoignant ses cheveux.

Elle s'exécute. Son regard se fait vif, ses muscles tendus, elle revient à elle comme si elle avait la force de lire cent âmes en une soirée. Elle écarquille les yeux, les fronce, se masse les tempes, un peu perdue par la sensation d'acuité trop vive soudainement acquise. Il sourit, satisfait. Il passe ses doigts sous son nez pour nettoyer le reste de poudre, puis lui arrache sa robe bleue d'un geste expert, prend le corset sur le lit, et lui enfile. Il maudit les nœuds du laçage. 

- Le fais tu exprès Sibylla ?
- No, je... N'ai pas eu de le temps de.... 
 
Il soupire, jette le corset sur le lit et va fouiller dans une commode. Il en rapporte un corset plus long. Celui ci se noue dans le dos, et descend jusqu'à la naissance des cuisses.

- Tiens, celui ci ira mieux pour ce soir. Et puis tu es assez grande maintenant. 
Il remonte délicatement sa chevelure blonde pour passer le corset autour d'elle, tout en s'assurant qu'il est bien mis. Il se place derrière elle, et par à-coups secs, lui serre le laçage sans ménagement. Elle peine à respirer et blêmit.
Il lui renfile ensuite sa robe bleue, d'une douceur rare, tout en caressant quelques grains de beauté parsemant sa peau laiteuse, puis la regarde amoureusement, fier de sa création. Elle frémit sous ses mains, retient un haut le cœur, serre les dents et les poings alors qu'il l'entraine hors de la chambre.

- Bene. Va travailler maintenant. Et ne me déçoit pas.
- Si.
- Si, qui ?
- Si, maître Massimo.
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 12/04/2021 à 23:16:48. Dernière édition le 12/04/2021 à 23:29:42 

Liberty, Ulüngen, jour 71

 
Une vieille couturière est assise sur une chaise en bois au milieu de son atelier. Elle porte ses petites lunettes de travail, et son foulard sur ses cheveux.
 
 
 

A genoux devant elle, Sibylle entourée de quelques affaires de médecine éparpillées au sol.

-Nee nee ! Pas comme cela, Juffrouw Sibylle, j'ai bien vu que vous avez triché.
-Veramente ? Pourtant je ne vous ai pas montré ma main !
-Neen, mais j'ai bien senti la chaleur remonter le long de mon bras... c'est agréable ne vous y méprenez pas, mais ce n'est pas ce que l'on ressent quand on va chez le médecin, croyez-moi.
 
La jeune femme fait la moue, et balance son bandage au sol, avant de croiser les jambes et souffler :
 
- ... è difficile !
- Bien sur, mais vous allez y arriver. Tentez de nouveau.
- Si.
 
Sibylle fait la moue, lâche un soupir, puis se remet sur les genoux, face à la vieille dame sur sa chaise, qui lui tend le bras, tout en regardant la jeune fille avec bienveillance :
 
- Je me rappelle lorsque vous êtes entrée chez moi, la robe déchirée de ronces que vous aviez rencontré dans votre course pour venir trouver asile ici. Du sang dessus, et tellement d'autres saletés... Vous étiez si effrayée, Juffrouw. Regardez-vous maintenant, une habitante de notre cité, et qui soigne !
- Grazie Madame Marit, vous avez été si gentille avec moi, à m'offrir mes premières affaires à crédit.
- Entre femmes il faut s'entraider, c'est naturel !
 
Après un sourire partagé, Sibylle s'applique à enrouler un bandage après avoir appliqué ses mains sur le bras de la femme et sourit :

- Bene. C'est fini.
Marit secoue la tête d'un air désapprobateur :
- Neen, Juffrouw Sibylle, vous mettez le bandage trop tard, regardez, j'ai le temps de voir ce que vous faites si je fais attention.
- Si. (elle lève une main dans les airs) Mais la plupart des personnes, lorsqu'elles souffrent, préfèrent tourner le regard ailleurs...
- Pas toutes. Il faut que vous passiez le bandage en même temps que vous soignez avec vos mains.
- C'est un peu compliqué.
- Vous avez besoin des deux mains ?

Elle passe une main dans ses cheveux, pensive :

- No. Si c'est une plaie superficielle ou peu étendue, une seule suffit.
- Bien, alors en ce cas vous prenez le bandage dans l'une, et avec l'autre vous soignez pendant que vous bandez...
- Si. Bene. Je vois. Et si j'ai besoin des deux mains ?
- Vous faites la discussion, parlez du temps qu'il fait, de la dernière guerre, du manque de pluie, ou encore de la dernière bagarre à la taverne...
- Si. Bene.
- Et pour les grosses plaies, vous faites cela à la traditionnelle ?
- C'est à dire ?
- Au fil et à l'aiguille... et puis n'oubliez pas l'alcool... s'ils n'ont pas mal ils vont trouver cela louche.
- Je leur fais mal... exprès ? C'est ridicule, no ?
- Non, c'est malin. S'ils changent leur bandage après un ou deux jours et ne voient pas de trace de leur blessure, vous allez vous attirer des ennuis.
- Si. Mais vous savez, j'ai vu quelques choses surprenantes ici... je ne suis pas sure que tout le monde soit aussi... traditionnel qu'en Italie, ou en France.
- Neen. Mais il y a toujours des fanatiques, croyez-moi, j'en sais quelque chose. Allons, recommencez encore quelques fois avant que je ne reprenne mon travail.


Sibylle effectue encore quelques exercices avec l'aide de la dame.

- Grazie pour votre aide Madame Marit. A propos, j'ai failli oublier : une jeune fille du nom de Cendre va venir vous voir, c'est mon amie, vous lui ferez un bon prix ?
- Bien sur Juffrouw Sibylle. Que veut-elle ?
- Des habits.... je ne sais pas trop quoi, mais elle a reçu un magnifique bout de soierie et je crois que cela lui ferait une jolie robe. La couleur irait bien avec ses grands yeux verts et sa jolie peau de bronze. 
- Cela fait longtemps que je n'ai pas crée de jolie robe, ce sera avec plaisir ! D'ailleurs quand me demanderez-vous de vous en faire une, Juffrouw Sibylle ?
- Je n'en ai pas l'utilité, ni les ressources. Et j'aime beaucoup celle que vous m'avez faite, elle est pratique, le tissu respire et j'aime beaucoup le blanc. Cela me rappelle les petits nuages dans le ciel bleu, que je regardais quand j'étais petite, pour leur donner des noms, comme à des amis éphémères.

(Sibylle range ses affaires de médecine dans son sac et lève la tête d'un coup, ayant pensé à quelque chose )

D'ailleurs, il m'en faudrait une similaire, ainsi qu'un autre corset, pour avoir un change. La dernière expédition avec mes compagnons, je me suis retrouvée avec une robe et un corset trempés - plusieurs fois, ne me demandez pas comment - sans rechange, et c'est loin d'être pratique...
- Bien entendu, vous voulez exactement le même modèle de robe ?
- Si... mais, je me demandais, si vous pouviez ajouter des poches ?
- Des poches dans une robe !
- Si... juste une petite de chaque coté, cachées dans les pans, ici. Voyez ?
- Hm. Pourquoi pas. Que voulez-vous y mettre ?
- Mes secrets.
 
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 15/04/2021 à 16:00:01. Dernière édition le 15/04/2021 à 16:04:49 

Italie - plusieurs années auparavant


https://youtu.be/MQL5zdEy-3k (O'Children, Nick Cave & the Bad Seeds)

Une jeune fille d'à peine quinze ans, grande et filiforme, un peu gauche, se tient debout dans une robe verte assortie à ses yeux. L'homme est sur un canapé, affichant sa bonne humeur tout en fumant sa pipe à la lecture de son journal. Il tapote la place à ses cotés pour lui intimer de le rejoindre. Elle l'ignore et reste debout, devant lui, bras croisés.
 
- Sibylla, tu t'es surpassée hier soir... 
- Je ne veux pas le refaire.
- Bien au contraire. Tu vas le refaire. Ils t'ont adorée.
- Pas moi.
Lâchant son journal, il lève les yeux vers elle, le regard menaçant:
- Tu aurais dû pourtant. Que des gens de la haute, des personnes avec qui il fait bon se mélanger...
- Je n'ai pas aimé.
- Avec tout ce que je t'ai donné, peux-tu réellement prétendre te rappeler de la soirée ?
- Assez pour savoir que je n'ai pas aimé.
- Faut-il que nous ayons encore cette... "conversation". (il lui lance un regard menaçant)
- Me ne frego. 
- Ne me parle pas comme cela. (il pousse un soupir théâtral et lève la main dans les airs ) Va bene ! J'imagine qu'il faudra que j'aille voir le boulanger demain...
- Qu'a-t-il à voir là dedans ?
- Il parait qu'il est endetté... Je t'ai vue avec sa cadette, cette petite Clara, un joli bouton de fleur.
- Je ne vois pas le rapport ?
- Réfléchis. (un sourire malsain se dessine sur ses lèvres) Les pères parfois pour quelques pièces d'or ferment les yeux sur beaucoup de choses.
Elle blêmit tout à coup, et souffle :
- No !
- Va Bene. Nous sommes donc d'accord.
- Vous êtes abominable.
- Je ne le serais pas si tu étais plus obéissante. Je t'ai interdit d'avoir des amis.  Ce n'est pas une gentille fille à son papa, ça...
- Vous n'êtes pas mon père. Vous me dégoutez.
- Attention, Sibylla.
 
Elle ferme la bouche et serre les dents sur le flot d'injures qu'elle rêve de lui sortir. Elle serre si fort qu'elle se fait saigner la joue. Le gout âpre du sang la ramène à la réalité et contraste avec le goût résiduel des alcools dont elle s'est abreuvé le soir précédent.

Pour oublier et pour se contrôler, elle repense à son amie Clara et ses beaux cheveux noirs qui brillent comme les plumes d'un corbeau sous le soleil italien. Comme ils encadrent sa peau blanche parsemée de taches de rousseur, et ses yeux pétillants qui rient aux facéties de Sibylle lorsqu'elle lui offre des coquillages multicolores dans la paume de sa main. Leurs après-midis volés sur la plage, à jouer dans l'eau, en s'éclaboussant, chassant les bulles que la blonde fait s'envoler à coups d'éclats de rires. Clara est sa seule amie. De fait, c'est sa meilleure amie, et elle y est très attachée. Les rares moments passés avec elle sont des petits diamants qu'elle collectionne dans son esprit pour les jours de pluie.

 
 

L'homme grommelle et la sort de ses pensées. Il fait signe à la jeune fille de le rejoindre sur le canapé. Cette fois-ci, elle s'exécute dans un mouvement contrarié.

- Bien Sibylla, repasse-moi le déroulé.
Elle soupire, lasse :
- Le don du sang. Le mien et celui de votre victime que vous aurez récupéré... (elle fait la moue) ...je ne veux pas savoir comment. L'eau pure de la source et l'eau putride des corps en décomposition. La terre nourricière et l'air qui emporte tout, puis le feu qui lie et condense... (elle s'arrête, blêmit)
- Puis...
Elle finit dans un souffle inaudible :
- J'invoque la Mort...
- Rapide.
- Si. Rapide... J'imagine... que c'est encore moi qui paye le prix ?
- Oui. C'est ton invocation, ton sablier.



La jeune fille se mord les lèvres dans un mouvement contrarié. Il soupire :

- Tu as encore des millions de grains de sable, ne t'en fais pas.
Elle hausse les épaules avec nonchalance :
- Ce n'est pas cela. 
- Quoi, alors ?
- Puis-je demander en quoi ce pauvre homme vous a fâché ?
- Tu trouves un intérêt soudain à mes affaires ?
- J'aimerais comprendre. 
- Disons qu'il occupe un siège qu'il me plait d'occuper... 
- Je ne comprends pas ?
- Je ne te demande pas de comprendre. Je te demande de faire ce que j'attends de toi. Et à la perfection. Ne vas pas me refaire le coup de la dernière fois.
- De quoi parlez-vous, Maître ?
- Tu sais très bien... Signore Paganini, qui est tombé gravement malade, a frôlé la mort mais s'est rétabli comme "par miracle"... ne crois-tu pas que je vois dans ton jeu ? Essaye de me doubler une nouvelle fois et Clara en paiera les conséquences. Moi aussi je peux jouer à ce jeu là, et crois moi, je gagnerai. (il s'approche d'elle et passe sa main dans ses cheveux avant d'approcher ses lèvres de l'oreille de la jeune fille pour souffler) Je gagnerai car tu es faible Sibylla. Il y aura toujours une personne que tu voudras sauver, comme personne ne t'a sauvée... et tu n'as pas assez de tes mains pour sauver le monde.
- Je peux essayer...
- Tu en mourrais.
- Il faut bien mourir de quelque chose.
- C'est pitoyable, mais cela m'est bien utile alors continue à t'entêter. Je t'offre un pouvoir grandiose et tu oses à peine le toucher du bout des doigts... tu pourrais être tellement plus. Tu n'as aucun courage. 
- Me ne frego de ce que vous pensez.
- Ne me parle plus comme cela, sinon je vais faire un tour chez le boulanger.
- ...
- Va Bene. Laisse-moi. (il fait de nouveau un geste théâtral dans le vide) Vas travailler. Ton œil du diable laisse à désirer. J'en veux un parfait pour la prochaine lune.
- Il est compliqué...
- L'oeil ?
- Le Diable.
- Plus que la Mort ?
Elle fronce le nez en réfléchissant puis hoche la tête :
- Si.
- Raison de plus pour travailler plus dur. 
- Si.
- Si, qui ?
- Si, Maître Massimo.
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 20/04/2021 à 14:03:49. Dernière édition le 20/04/2021 à 14:12:56 

Journal de poche
Liberty, jour 73


Non va.
Non va... du tout.

Je crois que je deviens folle. Plus qu'auparavant... le comble ! Je ne pensais pas que c'était possible, mais je réalise que je sais bien peu de choses. Troppo pochi.
 
Depuis que je suis arrivée sur cette île, les visions sont encore plus fortes, plus vraies, je les vis dans mon âme et dans chaque parcelle de mon corps, je perds le contrôle... il y a de tout, mais ce sont souvent les mêmes qui me hantent avec force...

Comme cet homme qui a battu ses deux enfants à mort, à coups de ceinture. L'odeur des corps mutilés, des larmes, les cris des enfants qui le supplient. Et ces petits corps meurtris que leur mère retrouve, avant de subir le même sort. La colère folle de ce diable qui s'insinue dans mon propre ventre.

Cet autre encore qui s'est fait torturer par la milice, je tremble avec son corps... ce corps qui s'est fait déchirer, brûler, amputer, arracher. La douleur, l'odeur de chair calcinée, et enfin ce reste de corps qui n'en est pas un... cette agonie de la vie qui s'accroche pour continuer à... quoi ? Sa colère, son incompréhension... son désespoir et son envie de vengeance qui courent dans mes veines jusqu'à les brûler.

Ce grelot di merda qui tinte dans les visions, qui s'immisce comme la mauvaise herbe, partout dans les sons des images pour me donner la migraine. Diavolo !

Clara... douce Clara qui tend les mains vers moi, qui m'appelle au secours et moi... qui l'enterre de mes mains.
 
 
Tout cela me met dans une profonde tristesse, suivie d'une colère que je peine à contenir. Un brin de discorde dans mon entourage, quelque chose qui me blesse, et je sens que je risque de tout lâcher... déverser cette force chaotique qui ne demande qu'à reconstruire.

L'autre soir, il y a encore eu des disputes. Rien de grave, des bêtises, mais cela m'a affecté plus qu'à l'accoutumée. Alors, j'ai préféré ne pas dormir à la maison, pour ne pas les blesser si jamais je perdais le contrôle... la maison n'y survivrait pas, et s'il leur arrivait malheur par ma faute... no. Alors j'ai dormi ailleurs. Mais ailleurs, c'est pareil : et si je faisais sauter la banque d'Ulüngen ? Ou le coffee ? Je pourrais faire des blessés, même si certains seraient ravis de voir une pluie de couronnes ou d'herbes euphorisantes s'abattre sur la cité. 
 
Alors, si, je bois, molto. Sans cela je ne peux pas avoir une conversation normale. Et grâce à ça je maintien une sorte d'illusion. Je souris, je discute. Si, va bene, va bene. Jusqu'à ce qu'enfin j'abdique dans la nuit : je laisse toute la place aux visions, je les laisse se déchainer à loisir, et au petit matin, je rampe au soleil pour oublier et reprendre un peu de place dans mon chez moi.

Je vous hais Maître Massimo, vous qui m'avez fait lire tous ces gens, ces âmes pleines de secrets maudits. Jamais je n'aurais voulu les Voir.
Ni leur passé, ni leur présent et encore moins leur avenir. Maintenant, ils sont là, avec moi, pour toujours, comme si j'étais leur temple, une résonnance des bouts de leurs âmes dans cette misérable vie.

Mais je ne veux pas être leur foutu temple! Qu'ils s'en trouvent un ailleurs, fait de pierres et de croix de fer. Qu'ils aillent chez les Catholiques !! Qu'ils aillent au Diable, tutti !!!

 
Et l'absinthe... ma douce absinthe, n'y fait plus grand chose. Pourtant, en Italie j'avais trouvé l'équilibre. Il n'était pas parfait mais acceptable, j'arrivais à vivre avec mon petit rituel journalier :
 
Le verre d'absinthe du matin, le petit verre qui évite les tremblements de mains.
Le verre d'absinthe du midi, celui qui me donne du répit,
Trois verres d'absinthe le soir, pour éviter les cauchemars.
Cinq verres... pour les cinq doigts de la main.
 
Et je recommence, ancora et ancora.
Et va bene.
Mieux qu'ici. 
 
Ici... les verres se transforment en bouteilles... mais même mes plus vieilles amies aux reflets de pré d'été n'y peuvent rien. J'ai essayé la poudre d'opium l'autre soir... c'était un peu similaire à ce que me faisait prendre Maître Massimo. J'ai mélangé avec des herbes... c'était... intéressant, mais pas satisfaisant.

Le lendemain, c'est pire. Tout revient en force, comme pour se venger du léger répit que je me suis offert. Alors je refais des mélanges, je tâtonne dans les dosages, dans les choses à employer ou même comment les employer... Lili Belle me jette des regards un peu curieux, parfois inquiets, mais tant que je paye... Alors je paye, et bien. J'achète son silence. Tout à un prix, même la tranquillité.
 
 
Je me suis disputée avec Signore Kayvaan à ce propos, mais au fond je sais bien qu'il n'a pas tord. Que je bois trop. Qu'à force de vouloir contrôler ces tempêtes, je vais finir par me détruire. A ce rythme je ne tiendrais plus longtemps. Le soleil aide encore un peu, mais... trop peu. E allora ?
 
Etrangement, par un phénomène que je ne comprends encore pas tout à fait, sans doute à cause de la nature des limbes, ou de son passé inexistant, il y a une personne qui peut m'apaiser sur cette île mystérieuse. Mais on ne peut pas dépendre d'une personne, c'est ridicule.

On nait seul, on vit seul, on meurt seul. 

Tu le sais bien, Sibylla. C'est una costante. La verità. Inaltérable.
No, il faut que je trouve quelque chose de stable. Il faut que je me débrouille seule. Comme avant. Au travail Sibylla, personne ne trouvera la solution pour toi, ma fille !
 
Je ne peux m'empêcher d'y réfléchir parfois... qu'a donc cette île de si particulier pour me retourner la tête sans dessus dessous ? J'ai bien demandé à Edwin si ses absinthes étaient frelatées, il l'a mal pris. Molto. J'ai cru qu'il allait m'envoyer un tonneau de rhum à la figure ! Il ne plaisante pas avec ses bouteilles.

Elles ont sensiblement le même gout qu'en Italie, ou en France, alors je ne crois pas que ce soit cela. No, il y a autre chose... il y a quelque chose d'étrange ici. Une sorte de... force ? Qui amplifie mes dons. Sans doute ceux des autres aussi. J'ai rencontré quelques personnes avec des dons similaires aux miens. Il faudrait que j'en discute avec elles. Si. Plus tard.

In verità, les propriétés de cette île sont intéressantes, et pourraient me permettre de créer plus, avec moins... ce qui n'est pas négligeable.

Mais tant que cela exacerbe les visions, elles tourmenteront la création pour l'entrainer dans le chaos. J'en fais donc ma priorité, il faut que je les contrôle.
A tutti i costi !!!


https://youtu.be/u9Dg-g7t2l4 (Disturbed - The sound of silence)
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 22/04/2021 à 12:19:14 

Italie - plusieurs années auparavant


Une jeune femme est assise au sol dans une petite chambre, riant seule, les mains levées dans les airs, jouant avec une cinquantaine de papillons multicolores qui se posent sur ses cheveux, sur ses bras, ou sur le mobilier de la pièce.
 
L'homme entre sans frapper, comme à l'accoutumée et reste bouche bée devant ce spectacle désolant.
 
- Qu'est ce que tout cela, Sibylla ?
- ... des papillons ? (elle rougit coupablement)
- Je vois bien. Mais pourquoi faire ?
- Ils sont beaux...
- Et alors ?
 
 
Il s'avance et ouvre la petite fenêtre pour les faire partir d'une main impatiente. Elle les regarde voler vers le soleil dans un soupir de tristesse.

- Combien leur as-tu donné ? Une heure ?
- Un jour.... (ou plutôt dix, pense-t-elle)
- Un jour ? Ces maudits papillons n'ont pas besoin de vivre un jour, ni même une seconde ! Tu gaspilles ton énergie. Tu te gaspilles. Je te l'ai déjà pourtant expliqué.
- Si... rien n'est gratuit.
- Voilà. Et je ne suis pas prêt à payer pour des papillons, ou des bulles d'eau comme l'autre jour. Des bulles, Sibylla ! De l'air, enveloppé de... Niente !
- Mais moi si. Et ce sont mes grains de sable, vous l'avez dit.
Il la gifle sévèrement
- Tant que tu vis sous mon toit, ce sont les miens. Tu es à peine en lune croissante, et je compte bien te garder jusqu'à la lune décroissante, quand tes cheveux seront blancs et ton ventre empli de sagesse. Compris ?
- Je suis née pour créer... si je ne peux pas rendre ce monde plus beau à quoi sers-je ?
- A créer... le désordre... la mort... à me donner les petits secrets des gens.... a nous enrichir, Sibylla ! A rendre notre monde plus beau. Avec de l'or, de l'influence, des pouvoirs démesurés.... Les fleurs ne servent a rien dans la conquête de la Mort !
- Elles sont belles.
- Le beau n'amène rien. Niente !
- Il amène du baume dans le cœur ?
- Le cœur ?  Le cœur ! Le cœur est un petit bout de chair inutile qui t'emprisonne et te tourmente l'âme.  Il ne te mènera nulle part dans la vie, sauf à gaspiller ton temps sur ces choses inutiles. Tu veux créer de belles choses ?
- Si
- Viens brûler le parlement avec moi, raser des villages, lire les vices cachés des plus grands de ce monde, arracher la vie aux corps de ceux qui se mettent en notre chemin, prolonger celle de nos alliés... faire de grandes choses !
- No... je veux simplement faire de jolies choses.
- Inutiles ! Tu es inutile Sibylla !
 
Il la gifle deux fois : l'aller, et le retour.

Elle ne bouge pas, serre les dents, plante son regard sans le sien pour lui exprimer tout son mécontentement et son dégout pour ce qu'elle sait qu'il s'apprête à lui faire.
Lui, esquisse un sourire, l'envie de dompter sa pupille se fait sentir.
Il lui envoie une nouvelle gifle, plus forte cette fois et la retourne contre le mur.

Le nez en sang, elle perd son regard dans une petite fissure du mur, tellement fine que personne ne la remarque... elle fraye son âme dedans, petite, malléable, en sécurité dans sa fissure. Elle se concentre... ailleurs. Un autre temps. Un autre endroit... Un cerisier de fleurs roses apparait, au milieu d'un champ vert pré. Le soleil lui réchauffe la peau nue, l'odeur de l'herbe verte emplit ses narines puis le bleu de l'océan tout autour, dans lequel elle se fond... le cerisier grandit pour emplir son âme... elle est loin de l'ici et du maintenant. Affranchie. Elle sait qu'il reste quelques années. Et ensuite, elle sera libre.

Tic-Tac...
 
 
 
Il quitte sa chambre une fois sa colère assouvie, sans lui jeter un regard, et claque la porte. La violence du bruit la fait sursauter, la ramène à l'ici et au maintenant. Elle met du temps avant de se relever, s'appuyant au bois du lit pour se faire. Elle titube, blême, puis remet sa robe d'aplomb d'un geste devenu reflexe. Elle replace son corset, repasse minutieusement de ses mains glacées les pans froissés de sa robe, avec insistance jusqu'à ce que tout soit parfait, pour effacer toute trace de violence. Ses mains tremblantes recoiffent ses cheveux, pour enlever les quelques nœuds, et fait tomber quelques mèches blondes au sol par la même occasion.

Elle passe ses mains sur ses joues pour sécher ses larmes et s'agenouille au sol, le regard déjà parti ailleurs. Elle se met à créer des fleurs.... des dizaines de fleurs de couleurs et de formes différentes, aux parfums enivrants sucrés, citronnés, musqués, qu'elle cache sous son lit jusqu'à ce qu'elle tombe d'épuisement et cède à un sommeil agité.

 
https://youtu.be/Bf01riuiJWA (Exit Music (for a film) - Radiohead )
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 26/04/2021 à 19:53:21. Dernière édition le 26/04/2021 à 19:56:55 

Italie - plusieurs années auparavant
 

Une jeune femme d'une quinzaine d'années fait les cent pas dans une petite pièce, en levant les mains au gré de ses paroles, agitée.

- Un village entier ! Mais vous êtes complètement cinglé ! No. Et puis, pourquoi ?
- Un homme puissant est en colère. Ils n'ont pas payé la taxe, ils ont voulu se révolter, imagine un peu, Sibylla...  pauvres fous (il lance son rire démoniaque, comme elle l'appelle) Il veut se venger. Et il paye bien, ainsi je serais dans ses bonnes grâces. Ce sera bon pour nous Sibylla.
- No, je ne le ferais pas. Et je vous ai déjà dit qu'il n'y a pas de "nous". Il y a "vous" et "moi", toute votre violence n'y fera rien, je ne suis pas "nous". Il n'y a pas de "nous" !
- Je peux te forcer... ou tu peux, pour une fois, le faire seule. Prendre possession de tes pouvoirs. Les assumer.
- No. 
 
Elle secoue la tête vivement, entêtée comme toujours, et croise les bras tout en lui lançant un regard noir. Lui, esquisse un sourire tranquille. Il sait comment la faire plier et lui faire user ses talents à ses propres fins, même s'il aurait, pour une fois, préféré qu'elle y prenne du plaisir.
 


Quelques semaines après leur discussion, lors de la nuit de la nouvelle lune, elle reconnait bien trop tard le goût de la belladone dans le verre qu'il lui tend... 

Elle se réveille face à une bourgade, au beau milieu de la nuit. La lune moqueuse éblouit le paysage. Les fumées s'échappent des cheminées de pierre, quelques petites bougies allument les fenêtres ça et là pendant que le reste dort paisiblement...
 
 
Un cri lui fige les entrailles. Elle la cherche du regard sous les reflets de la lune et la trouve après quelques secondes. Clara est retenue par deux hommes, mais Sibylle discerne d'autres formes autour d'elle. Massimo fait un signe de tête vers eux.
- Tu veux sauver ta Clara, tu fais ce que je te demande. Ou bien....
- No ! Vous aviez promis ! Diavolo !

Elle se met à pleurer, des larmes au gout de colère et de haine. Des larmes pour ce monde trop sale. Pour ces hommes trop cruels, qui n'ont cesse de tourmenter leurs victimes encore et encore. Et encore. 
 
Massimo fait un signe de tête aux hommes qui commencent à violenter une pauvre Clara qui hurle et se débat sans toutefois avoir aucune chance de leur échapper. Sibylle tente de la rejoindre pour l'aider, mais des chaines la retiennent fermement agenouillée au sol, mains contre terre. Elle hurle elle aussi, furieuse, comme jamais. Une bête sauvage attachée à un piquet. Toute la rage qu'elle a contenue pendant des années de maltraitance virevolte dans son corps. Toute la colère qui se terre en elle depuis sa naissance remonte dans un flot incontrôlable :
La colère contre ces parents qui n'ont pas voulu d'elle, qui l'on rejetée dans un endroit sans âme et sans chaleur.
La colère contre les Soeurs qui ont eu trop peur de sa différence.
Et sa colère, la plus terrible de toutes, contre ce père qui n'en est pas un... contre Massimo et ses mains qui forcent, sa bouche qui vole, ses bras trop forts, son corps trop lourd, son verbe qui blesse, son éducation qui salit son âme. Tout de lui enflamme sa colère comme un brasier sur l'herbe sèche de quinze étés.




Les cris de Clara déchirent l'âme de Sibylle, son cœur se serre jusqu'à étouffer sans la moindre goutte de sang à pomper. Ce monde est si laid. L'envie irrépressible de le détruire pour en reconstruire un plus beau germe en elle. De tout son poids, Massimo lui écrase le corps au sol, face contre terre, mains en croix. Ses poings jusqu'alors serrés à se faire saigner les paumes de ses petits ongles s'ouvrent petit à petit, pour encrer les doigts dans le sol... Alors la colère qui se déchaine dans son corps et dans son âme la font chavirer, l'énergie brute et puissante laisse libre cours au chaos. Il n'y a plus rien à sauver dans ce monde. Tout détruire. Tout annihiler, pour pouvoir recréer plus beau, plus fort, plus juste, plus... Plus tout.
 
Les racines se soulèvent alors pour tirer tout ce qu'elles trouvent, serrer, déchiqueter, les insectes qui rognaient l'humus en décomposition se jettent sur tout ce qui bouge, tandis que les entrailles de la terre s'ouvrent pour tout engloutir.
 
Son ventre brûle de haine, et de plaisir aussi. Une force créatrice à laquelle elle n'avait jamais gouté auparavant. Le chaos de la création.

Incontrôlable, incontrôlée... comme un animal, elle déverse son ire sur tout ce qui l'entoure. Elle ne sent plus les mains ni le poids de Massimo, elle n'entend que les cris qui résonnent dans sa tête en boucle, et qui la poussent à détruire encore plus... jusqu'à ce que le silence se fasse enfin. Le répit. Le néant... une page blanche. L'espace pour, enfin, créer quelque chose de plus beau. Mais elle n'en a plus la force.
 
Lorsqu'elle lève son visage, il est trempé de larmes sur lesquelles la terre s'est collée. Elle cherche des yeux. Clara et ses agresseurs ont disparu, tout comme le village. Tout est sans dessus dessous, englouti dans un gouffre tumultueux.
 
 
Elle aimerait tuer son Maître. Lui prendre la tête et lui faire frire l'esprit jusqu'à ce qu'il devienne aussi fou qu'elle. Mais elle a à peine la force de bouger avant de sombrer dans sa petite partie de dés avec la Mort.

 
 

 
 
La chaleur inonde son âme de douceur... elle revient peu à peu. Difficilement, sous la caresse généreuse de l'astre solaire, qui emplit chaque parcelle de sa peau pour lui redonner un peu d'énergie.

Allongée, nue sur une couverture de lin dans le jardin, ses gestes sont extrêmement lents. Le ventre apaisé. Le cœur tourmenté. Elle met un moment à se souvenir de la nuit passée... et lorsqu'elle le fait, elle se roule en boule pour pleurer la ligne qu'elle vient de franchir et dont on ne revient jamais.
 
Tic-Tac, Sibylla.
 
(La grenade, Clara Luciani )
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 04/05/2021 à 14:00:22. Dernière édition le 04/05/2021 à 14:02:48 

Journal de poche
Liberty, jour 96



Il y a eu une autre crise. Ancora.

Des Port-Louisiens qui s'en sont pris à Cendre... du sang, de la violence et ma tempête est revenue aussi certaine que la nuit chaque soir au coucher du soleil. J'étais tellement en colère, j'ai failli tout détruire. Je crois que Cendre a eu peur de moi. Je n'arrivais même plus à la soigner, j'ai dû la laisser agoniser des heures avant de pouvoir faire quoi que ce soit. C'est là que j'ai réalisé que je ne peux pas vivre comme cela. Je ne veux plus. Solal a raison. Alors tant pis. Je ferai ce qu'il faudra, pour pouvoir garder le contrôle. Et ça tombe bien, on est en route pour un endroit mystérieux, empli d'âmes noires...
 
 
Paulus nous demandait l'autre soir de quoi nous avions peur. Je n'y ai jamais songé. En y réfléchissant (à l'aide d'un peu d'opium dans la pipe de Signore Dejais), je crois que j'ai peur de tout. Et avoir peur de tout, c'est effrayant, en soi. Avoir peur de la peur... ça c'est encore bien pire. Alors je dois être une peureuse, comme Massimo le disait. Et ça, je ne veux pas. No.

Il faut que j'y travaille, mais dès que je fais quelque chose d'instinctif, sans prendre le temps d'en avoir peur, on dirait que c'est mal. Je crois que je fais tout à l'envers, ou que je dis les mauvaises choses. C'est fatiguant d'avoir des amis. Massimo ne me l'avait pas dit. Peut-être est-ce pour cela qu'il ne voulait pas que j'en aie ? C'est plus facile quand on est seul, il avait raison là aussi. Vile bête. Mais maintenant je ne veux plus vraiment être seule, mes amis me manqueraient trop. Alors tant pis, je vais travailler à dire et faire les bonnes choses. Même si je n'ai absolument aucune idée comment faire.

Paulus dit que pour ne plus avoir peur il faut s'entrainer au combat... c'est une théorie qui tient debout. Une première piste au moins. Cendre m'a offert une belle épée, que je chéris parce que c'est justement la sienne. Mais elle est extrêmement lourde... je la traine derrière moi comme un boulet. Elle tinte dans les escaliers, frotte le sol de sa pointe dans un crissement métallique, et je la manie mal, à la minuscule force de mes deux bras, malgré les encouragements de mes compagnons. Pour m'entrainer à la porter, je place des livres sur la tête et sur les bras et je marche en équilibre... avec le temps ça aidera, j'en suis certaine. Et puis c'est drôle.
 
 
L'avantage dans cet endroit, c'est que visiblement il est toléré (recommandé d'après Paulus ?) de tuer ces gens...  De toute façons c'est eux ou nous, car dès qu'ils nous trouvent, ils sont d'une violence indescriptible, certains me rappellent Massimo. Impossible de négocier quoi que ce soit avec eux. Alors plutôt que de courir loin d'eux, ou me recroqueviller l'âme dans la fente d'un mur, je les affronte. Je fais ce que je sais faire... mais... avoir échappé à Massimo pour revenir à la case départ ?
Un po. Mais au moins cette fois, je décide qui, comment et où. En l'occurrence, ces brutes, avec mon esprit, et dans leur propre planque.
 
Au début c'était un peu mal dosé...  maintenant je reprends le coup de main. Je relâche plus doucement. Surement. Un petit bout de tempête sans lâcher le cyclone. Des petites doses de terreur dans les esprits de ces malfrats qui nous attaquent sans relâche. Mes compagnons m'aident même parfois à les débusquer, où à trouver leurs carnets pour que j'y découvre leurs cachettes, ou d'autres histoires tout aussi fascinantes qu'effrayantes.
 
Ma technique est très imparfaite : Ils ne se laissent pas faire comme les cibles que Massimo avaient préalablement pris soin d'enivrer, et me criblent des coups alors que je m'occupe d'eux... mais, éventuellement, inévitablement, l'esprit lâche. Dans un crissement de souvenirs glauques, un crépitement d'avenir effroyable, ils craquent tous... ils embrassent la mort comme une délivrance. La mort, cette vieille copine. Est-ce mal d'avouer qu'à chaque fois j'y prends aussi du plaisir ? Que le chaos que j'y déverse me procure un sentiment de délivrance ?
Peut-être, no ?
 
Mais déverser le chaos dans leurs esprits maléfiques n'est pas sans conséquences, certains d'entre eux trempent dans de bien sombres histoires qui à leur tour viennent me hanter. Tout a un prix n'est-ce pas ? Même se débrasser du chaos. Certo. Je suis prête à le payer.
 
 
 
Il fait une chaleur des enfers dans cet endroit, le brasero brûle nuit et jour. J'ai la peau qui colle, du sang partout, le mien et celui des autres. Mais parfois quand je m'échappe pour prendre l'air tout en haut, mon cœur s'envole avec cette vue imprenable. Je deviens un oiseau qui plane au-dessus de l'océan, et du vert infini de Liberty. C'est magnifique. Je pourrais mourir à cette vue dans la paix la plus totale.
 
Tout le monde me répète qu'il ne faut pas aller sur la planche, mais m'avancer dessus, ouvrir les bras et regarder le monde en bas, me procure une délicieuse sensation de vertige, comme lors de mes petites danses avec la Mort. Et puis si je tombe, ce sera mon destin, et je mourrais comme un oiseau, moi qui rêve d'en être un.
Vole, vole, Sibylla !
 
 
Malgré les réticences de tout le monde - que je ne comprends pas : pourquoi dormir dans une cave aux odeurs douteuses quand le monde s'offre à nous ? -  j'ai réussi à passer une nuit en haut et regarder les étoiles, la lune et le lever du soleil. Effie m'y a accompagnée et nous avons passé une belle soirée toutes les deux. Un peu comme quand elle m'a accompagnée à Esperance, sauf que cette fois-ci, j'allais un peu mieux, alors elle avait l'air moins soucieuse. Je n'aime pas quand elle est soucieuse, Effie. Les autres non plus d'ailleurs. C'est pour eux aussi, que je veux reprendre le contrôle.
 
 
Ces années de travail avec Massimo n'auront pas été tout à fait vaines. Elles m'ont donné un moyen de comprendre et maîtriser ce qui m'arrive. Même si la maîtrise que je pensais avoir acquise en Italie se reconstruit du tout au tout sur cette ile folle, mais c'est une autre histoire. Au moins, j'ai quelques pistes, et pour le moment, grâce à l'aide précieuse de Solal et toutes ces âmes de bandits que je fais frire à haute dose, j'arrive à garder un certain contrôle. Mes mains sont plus sûres d'elles, mon esprit tangue mais ne coule pas dans la tempête. C'est bien mieux que l'enfer des dernières semaines.

Alors pour le moment... va bene.
 
 
( Bad guy, Billie Eilish )
 
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 18/05/2021 à 12:09:42 


Journal de Poche,
Liberty, jour... molto... 15 Maggio - je compterais forse un giorno...


 
 



Je suis toujours au phare. La chaleur de cet endroit est insoutenable lorsque je vais griller des âmes. Je colle tellement que je pourrais me transformer en plante carnivore, comme celles du jardin. Si.... le jardin... les papillons et les mains entrelacées sous la nuit étoilée...
 
Concentre-toi Sibylla !
 
Si, si, mais cette chaleur  ! Je donnerais tout pour pouvoir me baigner à la plage... l'eau turquoise et le sable fin... le cœur qui tambourine si fort qu'il menace d'exploser, les caresses sur des corps nus brûlants d'envies... 
No. J'ai dit concentre-toi Sibylla !
 
Impossible. Im-po-ssi-ble. Sors de ma tête, sors de mon corps, diavolo mio ! Cette satanée vague de tristesse qui me submerge à chaque fois. Mierda, je ne savais pas que l'on pouvait souffrir autant des mains d'un homme. Ou du manque de ses mains. Pourtant, avec Massimo, je croyais avoir subi le pire. Mais no. Comme quoi, on ne sait jamais rien. Jamais. 

 
Effie m'a dit que j'étais amoureuse, mais no c'est stupido. Quand on est amoureux, on veut se marier, avoir des enfants, une maison... je veux rien de tout cela. Je veux simplement me glisser dans ses bras de temps à autre. Sentir sa chaleur contre mon corps, son désir tout près du mien. Je ne veux pas de mariage, pas d'enfant, ou de chien. Je n'en ai plus le temps de toutes façons. On fait quoi en quelques mois de liberté ? On virevolte comme une petite poussière, on se brûle les ailes sur un soleil trop éblouissant. Et puis peut être que c'est ça, la vie. Non è così male.
 
Alors no, je ne suis pas amoureuse. Mais ça s'enfonce dans mes entrailles, comme un parasite qui y fait son nid de plus en plus profond. Alors basta. Ca suffit, si. J'ai saigné patiemment des années pour ma liberté, ce n'est pas pour la souffrir dans cet imbroglio d'émotions, de la plus douce à la plus violente, de la plus joyeuse à la plus triste, le tout orchestré au gré des envies d'un mystérieux soleil d'été. Je crois que ça y'est je suis veramente devenue folle. Avec toute cette absinthe ce ne serait pas si étonnant après tout.
 
Tu ne crois pas que tu as assez de problèmes comme cela, ma fille ? Tu peines à garder le contrôle d'un chaos grandissant, je te le rappelle? Tu braves la tempête pour y rester à flot, alors ta mer de tristesse, tu vas rapidement la faire disparaitre, si ?
Si. J'ai besoin de calme et de contrôle pour ce que je m'apprête à faire, sinon je cours au disastro.
 
Bene. Ça c'est décidé. C'est rassurant écrit comme cela, sur mon journal. Semplice. En plus, Signore  Elijah m'a expliqué comment faire, même si je n'y arrive pas encore, je vais m'appliquer à essayer d'exécuter sa méthode. Il y a aussi des sortilèges, mais c'est hasardeux. Je ne n'ai pas tout à fait envie de finir comme Madame Samhain. J'ai besoin des sentiments pour créer, et je n'ai pas envie de renoncer à ce pour quoi je suis née.

 
Je voulais me retrouver seule ici pour tout oublier... Pour passer mes journées à frire des âmes. C'est devenu ma source de libération. J'attrape, je fris, j'encaisse les coups (plutôt mal, malgré les efforts de mes compagnons les semaines passées à me montrer diverses techniques) et je recommence. Au moins, cette douleur la, je la connais. Je sais la contrôler, la dompter même. Elle est la bienvenue, rassurante. Frappe, frappe, frappe tu ne m'auras pas... Je ne suis pas veramente là. 
 
Mais au lieu d'être seule, je me retrouve à veiller celui qu'il a choisi... Il faut dire qu'il s'affaiblit trop celui là, à vue d'œil. Si, le temps presse pour lui. Veramente. Il faut accélérer les choses, arrêter les recherches et passer à la pratique.

Au moins lui ne me fait pas la leçon sur les risques à tomber du haut du phare. Il dit même que ça l'amuserait de me voir m'écraser. Bene, tant qu'il a de l'énergie pour ses piques, c'est qu'il ne va pas si mal.

Nous restons à l'air libre, sous le soleil et la lune, sous les étoiles et le vent et cela me convient. Je travaille, je fris, je surveille son état de santé, et je continue de travailler. C'est un peu gênant. Je devrais être contente de le voir s'éteindre, no ? Mais... no. Même ça je n'y arrive pas. En fait, je préférais le surveiller lorsqu'il proposait des petits contrats louches à toutes les âmes d'Ulüngen qui s'aventuraient au coffee shop. C'était presque amusant. Si. Plus que de surveiller qu'il ne glisse pas de nouveau dans les limbes.
 
Il me reste le travail. Si. Molto. Je m'y plonge sans retenue, nuit et jour. Je suis à deux doigts de finaliser le premier sortilège, puis je m'attaquerai à finir le deuxième. Ils vont de pair, comme la lune et le soleil. Dès que j'ai fini de frire, je m'y remets, l'esprit clair et plein d'idées plus folles les unes que les autres. J'aime créer dans cette vague de folie, certains grimoires sont si sages, c'en est navrant. Pas le temps d'être sage quand le sablier est quasi vide.

 
 
Les autres me manquent. Mais c'est mieux pour eux qu'ils ne soient pas là. Je suis trop dangereuse, trop fatiguée, trop inutile. J'espère que Cendre a retrouvé ses futurs parents. Que Paulus pêche tout plein de poisson. Que Calica et Anne profitent l'une de l'autre. Qu'Effie lit pleins d'histoires avec Simon. Elle va sûrement s'empresser de trouver une mygale pour Solal. C'est une véritable amie pour lui. Je suis heureuse qu'il l'aie dans sa vie, je crois qu'il en aura besoin. Massimo avait beau dire qu'elles ne sont pas fiables, je crois que c'est bien de pouvoir compter sur des personnes. 
 
Certo, il leur faut deux corps. Et beaucoup d'énergie temporelle. Si. Molto. Je vais leur offrir ma plus belle création à ces deux là, et après, ils n'auront plus qu'à y graver la mélodie de leurs vies, au rythme de leurs envies. 

 
Drôle de monde, ce monde libre. C'est plus complexe que ce que je m'imaginais depuis ma chambre chez Massimo. Je n'étais peut être pas faite pour ça après tout. Tiens toi tranquille vieux diavolo, je te rejoins presto et je ferai de ta vie un enfer. Parce que ça, je sais faire. Molto bene. 
 
Mais avant... je vais créer le plus fou des sortilèges. Et je vais réussir. Parce que tu le disais toi même, vieux diavolo, ne suis-je pas à la fois la plus têtue et la plus douée que tu n'aie jamais possédée ?

https://youtu.be/V6-pQSWjwqc
(The Games you play, Wax Taylor)
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 29/05/2021 à 22:18:05 

Journal de Poche
Liberty, sud-est, 24 Maggio



Finalmente !

Après des jours de négociations, le chef des indigènes du village de la presqu'ile m'a légué une de leur plume du savoir. Elle est dotée de pouvoirs qui font partie intégrante de mon sortilège de protection, le premier des deux qui forment l'ensemble clé pour réussir. Sans elle, je craignais de perdre certains de mes acquis... Maintenant je peux m'assurer que cela n'arrivera pas. Lo avanzo !
Ils sont coriaces en affaires là-bas. Le médecin de leur village, qui est aussi leur chamane, n'était pas d'accord jusqu'à ce que je lui prouve ma valeur. J'ai dû y passer beaucoup d'énergie, ils ne me l'ont pas offerte contre des pierres ou des couronnes... ces choses là ne les intéressaient pas le moins du monde. Ils ont bien raison. No, ils voulaient la magie, necessariamente.

J'ai dû accomplir trois sortilèges pour eux, dont un vraiment complexe pour ramener un esprit d'entre les morts. Des choses couteuses en somme, et ils le savent bien. J'ai appris d'eux, car ils ont des approches un peu différentes de ce que nous faisons avec Massimo. Leur sorcier, ce chamane, est un être intéressant, j'aurais aimé passer plus de temps avec lui, il y a encore des choses à apprendre. Il manie certains arts que je ne connais que très peu, et vice et versa. Forse più tardi.


Je suis exténuée après tout cela, je vais me reposer avant de continuer ma route. Il faut que j'aille passer un marché avec un mystérieux homme à Esperance afin d'obtenir la dernière pièce manquante du sortilège. Il fut difficile de mettre la main sur son nom et sa planque, j'ai du débourser une petite fortune et passer par Lili Belle. Elle aussi, sait bien négocier... elle aurait plu à ce vieux diavolo de Massimo. Au moins elle m'a offert quelques petites "douceurs" en sus, j'imagine que c'est que je m'en suis bien sortie dans la négociation... Me ne frego après tout, tant que je parviens à mettre la main sur ce qui manque pour finir le sortilège. 
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 30/05/2021 à 00:13:24 

Liberty, Ulüngen,
29 Mai


La vieille couturière se tient debout dans son atelier, un bonnet blanc enfoncé sur les cheveux. Devant elle, une Sibylle aux traits fatigués, exhibant quelques coups récents aux bras et au visage fait la moue en balbutiant quelques excuses.

- Juffrouw Sibylle, auriez vous l'amabilité de m'expliquer pourquoi le Médecin en chef me contacte afin de vous prendre à ma charge ? N'aviez-vous pas de jeunes personnes fringantes à faire venir, plutôt qu'une vieille dame qui peine à finir ses travaux dans les temps ?

Sibylle grimace. Elle aurait bien dit au médecin de contacter Solal, ou bien encore Effie, mais elle savait que trop les remontrances qu'ils allaient lui faire. Sans parler du soucis qu'ils auraient. Alors que la gentille couturière, elle, il était plus facile de la quitter pour retourner à ses travaux... Elle soupire et se met à jouer avec un petit dé à coudre.

- Si... mi scusi Madame Marit... ils ne voulaient pas me laisser sortir sans qu'une personne ne se porte garante.
- Ils ont bien raison ! Vous avez encore maigri depuis la dernière fois où je vous ai vue. Vous allez me promettre de vous remettre à manger, vous qui aviez un appétit féroce lorsque je vous ai rencontrée. Je ne reprendrais pas votre corset et votre robe tous les mois. M'entendez-vous Juffrouw Sibylle ?
- Si. Bene. Mais je mange vous savez, moins que d'habitude mais je mange... seulement je n'ai pas faim, alors j'oublie...
- Et si je viens tambouriner à la porte de votre maison trois fois par jour, vous n'oublierez plus ?

Elle hausse les épaules :
- Je n'y suis pas, à la maison...
La vieille dame soupire et s'assoit dans son fauteuil, les yeux toujours rivés sur Sibylle:
- Vous savez que si vous ne mangez plus, vous allez en mourir ?

Sibylle écarquille les yeux, puis se met à rire doucement, réveillant une douleur dans ses côtes. Elle grince des dents de douleur avant de répondre :
- Oh, Madame Marit... j'ai vu ma mort et je peux vous assurer que ce n'est pas par la faim... ni même l'alcool ou les autres choses que je prends parfois. Alors ne vous faites pas tant de soucis... je vous dis que va bene.
- Non ? Mais alors, qu'est ce donc, Juffrouw Sibylle ?

L'Italienne fait la moue, puis soupire tout en regardant une étole que Madame Marit a posé sur sa table de travail. Elle est rouge carmin, aux reflets orangés, comme un feu. Elle est magnifique et irait bien à Signore Simon, qui a l'air d'apprécier ce genre d'étoles. Madame Marit se racle la gorge, rappelant Sibylle à elle. La jeune femme lève ses yeux clairs vers elle, puis lui lance un regard franc
:
- Il vaut mieux ne pas savoir ces choses là, Madame Marit.
- Mais d'ailleurs... pourquoi étiez-vous à l'hôpital en premier lieu ?
- No lo so. Je travaillais, une brute m'est tombée dessus... Peut être un des hommes de Signore Salim... sans doute même. Notre entrevue n'a pas été des plus amicales...
- ...Salim ? Mais dans quoi vous êtes vous encore fourrée ? C'est un homme réputé dangereux sur cette île. On dit qu'il travaille à la contrebande avec les pirates !
- Si, justement, j'avais besoin d'un petit service...
La vieille dame soupire :
- Vous devriez retrouver vos amis, ils vous diraient certainement la même chose que moi.
- No lo so. Dites, Madame Marit... Pourriez-vous reprendre ma robe et mon corset? Juste un po ? Per favore signora Marit ? Ils vont encore me disputer...
- Tant mieux !
- ...et se faire du soucis... S'il vous plaît ? (elle lui lance un regard implorant)

La vielle dame soupire et observe Sibylle avec insistance avant d'abdiquer :
- D'accord. Mais c'est la dernière fois ! Et vous allez aussi essayer cette robe là bas pour la peine...
- La jolie noire avec la dentelle ? Mais, je n'en ai pas du tout l'utilité...
- Oui, celle là. Vous ne discutez pas, Juffrouw Sibylle, c'est ma condition si vous voulez que je reprenne votre corset et votre robe. Et puis elle devrait vous plaire, je lui ai fait des poches... (la dame offre un sourire bienveillant à Sibylle qui lui rend immédiatement)
- Si. Bene, grazie, madame Marit. Vous êtes trop généreuse avec moi. Je vais l'essayer puis je resterai avec vous pendant que vous reprenez mes affaires...
- Pour vous cacher de vos amis ?
- Si. Un po...
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 03/06/2021 à 18:26:14. Dernière édition le 03/06/2021 à 19:08:23 

Liberty, Esperanza
30 Mai


 
 
Elle entre précautionneusement dans l'endroit indiqué par Lili Belle. Une vieille taverne malfamée en périphérie d'Esperanza.
 


- Je cherche Signore Salim.
- C'est moi.
- Perfetto. J'ai besoin d'un morceau de stella. On m'a dit que vous pouviez m'en procurer ?
- Ca dépend qui demande.
- Me.
- Qui ?
- Moi. Sibylle.
- Sibylle qui ?
- ... Sibylle tout court.
- J'fais pas confiance aux gens "tout court".
- Pourtant, vous êtes bien Salim tout court, no ?

Il plante son regard acier dans le sien, jaugeant la petite brindille blonde qui lui tient tête, puis se met à rire bruyamment :
- T'es audacieuse de venir chez moi, me faire la morale... (il regarde la chouette sur l'épaule de Sibylle et la montre du menton) J'veux ton oiseau. Et ton cul. Pis après on verra.

Elle écarquille les yeux, regarde autour d'elle, avise deux hommes aussi musclés que trois Paulus réunis, et prend alors le temps de se calmer avant de lui répondre. Dans sa tête, tout un tas d'insultes italiennes fusent, dans ses mains, le chaos gronde, mais elle a besoin de lui. Alors, elle affiche un sourire poli, serre les poings, et lui répond d'une voix sans équivoque :

- No. L'oiseau n'est pas à moi. Et il n'est pas à vendre. Mes fesses non plus.
- Pourtant elles sont à toi, tes fesses ? Ou j'dois négocier avec ton mari ?
- Elles sont à moi.
- Et si l'oiseau est pas à toi, il est à qui ?
- A lui. Il s'appartient. J'imagine que c'est un concept étrange pour un contrebandier, mais tout ne s'achète pas.
- Tout s'achète, faut juste y mettre le prix. Et si ça ne s'achète pas, ça se capture... (il s'approche de Sibylle et essaye d'attraper de ses grosses mains la chouette qui le mord d'un coup de bec.)

Il grimace et fait ensuite un signe de tête à ses hommes qui s'approchent de Sibylle, l'air mauvais. Ni une ni deux, elle avance prestement vers la porte de l'établissement, prend l'oiseau et le lance dans les airs avec force pour lui donner son élan, tout en murmurant "volare !". L'oiseau s'envole loin, et elle revient vers Salim, un sourire en coin :

- Bene. Maintenant que ce leggero désaccord est réglé, nous pouvons négocier, Signore Salim.


 
Plusieurs heures plus tard, Sibylle s'extrait de chez Salim en se tenant la tête entre les mains, livide et tremblante. Elle titube avec grand peine jusqu'à l'auberge d'Esperance et s'étale sur le bar de Carlos, marmonnant qu'elle veut un remontant. Une main chaude se pose sur son épaule et lui donne des instructions et un prix élevé pour obtenir ledit remontant. Elle sort une liasse de billets, les fourre dans la main sans compter et lutte pour monter les escaliers. Arrivée devant une porte entr'ouverte, elle frappe et entre :
 
- Buongiorno, êtes-vous Signore Leo ? Je viens pour le remontant... 
- Holà mademoiselle. Bien sûr, une minute et je suis à vous, installez vous ici...

Le jeune homme a un visage d'ange, et après avoir pris le temps de regarder Sibylle de bas en haut, il affiche un fin sourire et s'en retourne à ses tâches.
Elle s'affale sur la chaise, comme indiqué, regarde la chambre sans vraiment la regarder, tenant ses mains contre ses tempes, prête à tout faire sauter.

Concentre-toi, Sibylla... se répète-t-elle en boucle ... concentre-toi... le cerisier à fleurs roses, l'odeur douce et sucrée des fleurs ... le champ d'herbe, l'odeur verte et fraîche... l'océan bleu, les embruns sur la peau... le vent frais...
 
 
Elle se demande où il planque les bonnes bouteilles.... sans doute dans cette grosse commode ? Bonnes ou pas d'ailleurs... me ne frego, mais rapidement, pense-t-elle.
 
Tout à coup, des mains chaudes se posent sur sa nuque et se mettent à la masser légèrement. Elle sursaute, mais il la retient avec un mélange de douceur et de fermeté. Elle se crispe et pose ses mains glacées sur celle du jeune homme tout en se dégageant et en balbutiant :
 
- Que faites-vous...?
- Mon travail ?
- Mi scusi ?
- Vous m'avez payé...
-...pour un remontant...!

Elle se lève difficilement et lui lance un regard inquisiteur. Il se met à rire joyeusement :
- Oui, c'est moi. 
- C'est vous ?
- Je suis le remontant (et il sourit fièrement)

Elle écarquille les yeux :
-Mais... je... pensais à un remontant un peu plus... liquide...
Il la regarde curieusement et elle se reprend :
- Dans une bouteille.... il me faut... de l'alcool...?

Il sourit, hoche la tête amusé puis va fouiller dans son armoire, déballant des corsets, des éventails, des fouets, des cravaches... puis finit par sortir une bouteille emplie d'un liquide ambré et l'apporte à Sibylle en tenant deux verres dans son autre main.

- Comme ceci mademoiselle ?
- Si. Oui. C'est mieux. Grazie, Leo... Leonardo ?
- Comme vous voulez. (il lui lance un sourire charmeur)
Elle lâche un rire tout en s'écroulant de nouveau sur sa chaise.
 
Il lui sert à boire: un verre, deux, trois, qu'elle boit cul sec jusqu'à ce qu'il ouvre une deuxième bouteille. Il l'accompagne pour lui tenir compagnie, dans un silence religieux après qu'il ait tenté d'engager la conversation sans aucune réponse.

Après avoir bu ses deux bouteilles, elle ferme les yeux, passe ses mains sur ses tempes et lâche un soupir de soulagement. Ereintée, elle menace de s'endormir sur sa chaise. Il l'aide à se relever, et l'accompagne jusqu'à son lit tout en s'asseyant à ses cotés, et en posant sa main sur le dos de la jeune femme :

- Vous êtes sûre que vous ne voulez pas que je m'occupe de vous ?
- No, grazie.
- Vous avez déjà réglé la somme... et je ne souhaite pas avoir de reproches.
- Vous n'en aurez pas. Je ne dirais rien, promesso, Signore Leo.
- Signore ? (il rit) Comme vous voudrez mademoiselle. Une autre fois, alors ?
- Forse si.

Il se relève en prenant soin de glisser un drap jusqu'aux épaules de Sibylle, déjà endormie.

 
Le lendemain matin, elle se réveille avec un mal de crâne du diable. Elle met quelques instants à se souvenir où elle est. Son corps est fatigué, le chaos recommence à grandir et il est temps qu'elle quitte la ville. Elle a besoin de trouver quelques âmes à frire... 
 
La chouette est perchée sur la chaise du jeune homme, la scrutant de ses grands yeux. 
 
 
Lui dort sur un fauteuil, à l'autre bout de la pièce, torse nu. Elle l'observe attentivement, sourit avec bienveillance, puis offre son épaule à la chouette tout en lui murmurant :
- Alors toi, c'est Leonardo, finalmente ?
La chouette hulule doucement sur son épaule.
- Si. Leonardo, c'est joli.

Sibylle fouille dans son sac, en sort un éclat d'améthyste qu'elle pose sur la table de nuit du jeune homme, puis quitte la pièce silencieusement.
Sibylle
Sibylle
Déconnecté
Inscrit depuis le :
29/01/2021
Posté le 04/06/2021 à 20:43:52. Dernière édition le 04/06/2021 à 20:46:25 

Liberty, Ulüngen
2 Juin

 
La couturière s'apprête à prendre les mesures de Sibylle, afin de finir une belle robe noire, faite de soie et de dentelle, et son étole assortie. Elle s'approche de la jeune italienne et s'arrête instantanément dans son travail.

- Si, c'est une bonne idée l'étole, Madame Marit, ça cache les bleus sur les bras...  et elle est si douce. J'aime beaucoup.
- Très jolie cette amulette Juffrouw Sibylle... que représente-t-elle ? (la vielle dame s'approche pour regarder de plus près et apprécier le travail d'un œil expert) Une chouette ! C'est rare d'en voir des représentations sur Liberty. Elle est finement travaillée. Extrêmement minutieux, l'artiste pourrait venir m'aider à broder dites donc !
 
Sibylle sourit tendrement et porte machinalement sa main à son cou pour caresser la petite chouette en bois blanc :
- Si, c'est une amie qui me l'a offerte. Une amie très chère qui... que...  (se mord les lèvres et soupire) Elle est belle, no ? C'est elle qui a tout fait vous savez ! Enfin sauf le bois (glousse) C'est curieux, par le plus grand des hasards, elle ressemble à Leonardo !
- Leonardo ?
- Si, la petite chouette qui aime venir m'aider à porter mes missives, vous l'avez déjà vue je crois (glousse puis passe son autre main sur l'amulette pour l'envelopper affectueusement).
 
Marit se coupe le doigt maladroitement en coupant le tissu du châle et râle :
- Aie ! Non, je vais mettre du sang sur votre robe, ne bougez pas !
- Laissez-moi vous aider madame Marit.



Sibylle prend délicatement le tissu des mains de la femme pour le déposer sur la table de travail, puis va fouiller son sac et en sort un petit bandage et de quoi désinfecter la plaie. Elle commence à s'occuper de la coupure, mais un anneau doré autour de son doigt la gêne dans son travail. Elle le retire et le pince entre ses lèvres le temps de soigner la couturière. Cette dernière regarde l'anneau avec un air curieux :

- Cette bague est nouvelle ? Elle brille comme un sou neuf. Vous n'en portiez pas il me semble ?
Sibylle répond en marmonnant, tenant toujours sa bague entre les lèvres :
- No, je n'en ai jamais porté... mais c'est un ami qui me l'a offerte, alors...
- Alors il faut la porter ?
- Bien sûr ! C'est un joli cadeau no ? (hausse les épaules) Comme ça je pense un peu à lui. Ne bougez pas c'est presque fini... Voilà !

Sibylle sourit, remet sa bague et rend sa main à Marit, satisfaite de son travail.
Marit opine du chef et sourit à Sibylle après l'avoir scrutée silencieusement :

- Je vous trouve plus en forme aujourd'hui que les dernières fois. Vous mangez mieux ? Trois fois par jour comme je vous l'ai demandé ?
- Oh... si, j'essaie Madame Marit. Bientôt il vous faudra agrandir mon corset, promesso ! (rit) Et puis... (elle caresse de la pulpe de ses doigts une épingle en forme d'étoile, cachée dans sa longue chevelure et esquisse un sourire) Si. Ca va mieux. Molto bene.

Marit remarque l'épingle et la regarde avec curiosité :

- Oh, et un autre ici... moi qui croyais que vous ne portiez pas de bijoux.
- Moi aussi (hausse les épaules puis se met à rire) Mais en fait, je crois que j'aime bien (elle sourit comme une enfant, ses yeux pleins d'étoiles) Vous savez, j'ai eu l'impression que c'était ma fête ces derniers jours, avec tous ces cadeaux ! Et l'un d'eux était enveloppé ! Vous vous rendez compte ? Imaginez ! J'ai dû le déballer... comme un cadeau d'anniversaire ! (elle fait un grand geste de la main dans les airs, manquant de casser le nez à Marit) 
- D'ailleurs, quand est-ce ?
- Non lo so... (hausse les épaules) Je ne l'ai jamais fêté. Tenez c'est peut-être une chose que je devrais faire. Choisir une date au hasard et pouf ! (fait un signe des mains pour mimer une explosion) ...le fêter.
- C'est une bonne idée Juffrouw Sibylle, j'espère que vous m'inviterez. Mais dites, ce n'est pas une épingle ordinaire... on dirait qu'elle...
Sibylle sourit de nouveau avec tendresse :
- No... c'est... (elle balbutie et se mord les lèvres)
- Ne vous fatiguez pas, je reconnais cette aura.
- ...elle m'aide à contenir le chaos. Il est plus lointain, juste un remous qui va et qui vient sur une berge abandonnée au fond de mon esprit.. c'est extraordinaire, j'arrive à mieux me concentrer, il y a ce sentiment de... de... calma. (elle soupire d'un air apaisé tout en passant de nouveau sa main sur l'épingle placée dans ses cheveux, comme pour s'assurer qu'elle est toujours là puis se parle à elle-même). Je n'en reviens pas qu'il ait réussi. C'est veramente un magicien (affiche un sourire béat puis se reprend) Avec ça et le sortilège que je prépare, je crois que je pourrais être... normale ? Hm. No. N'exagérons rien... mais... j'aurais du répit. Si. Molto. Au moins pour un temps. Comme avant d'arriver sur cette île étrange.
- Alors tant mieux. Et les trois bijoux vous vont à ravir. Vous avez de la chance d'avoir beaucoup d'amis qui pensent à vous. (elle esquisse un petit sourire)
- Vous dites cela comme si c'était mal... Est-ce mal ?
- Non, je ne crois pas. C'est bien d'avoir des... amis. (elle lance un sourire amusé à Sibylle, se souvenant de sa propre jeunesse avec un brin de nostalgie)
- Grazie. Si. J'ai la chance d'avoir des amis qui sont bons avec moi. J'aimerais leur offrir un cadeau moi aussi, pour leur faire autant plaisir qu'il m'ont fait plaisir, mais il va me falloir réfléchir. Imaginez, j'offre quelque chose qu'ils haïssent ? Je serais mortifiée !
- C'est le propre du cadeau Juffrouw Sibylle... il faut se lancer à l'eau. Et puis arrêtez de gigotter, sinon je vais vous mesurer un bras plus grand que l'autre.
-1- 2  

Le forum > Taverne > L’essentiel en enfer est de survivre


Si vous souhaitez répondre à ce sujet, merci de vous connecter.
Marquer tout le forum comme lu
© 2004 - 2024 pirates-caraibes.com - Tous droits réservés