Posté le 01/11/2008 à 15:21:50
S'approchant main tendue et rigide, semblant quémander pour changer, Cercamon s'empare des clefs avec un empressement certain.Ses yeux s'illuminèrent sur le moment, entrevoyait-il assez surement, les gains qui accompagneraient cette responsabilité. Tristes breloques sur mitaines perçées, l'allure de ce troubadour laisse croire qu'il doit vivre de courtisanes quand ce n'est pas de truandaille.Quelle grapille tirerait-il de ces jeux ? Pour le moment, le voici déjà à la supplique :
Ayez pitié, ayez pitié de moi, A tout le moins, s'il vous plaît, mes amis ! En fosse gis, non pas sous houx ne mai, En cet exil ouquel je suis transmis Par Fortune, comme Dieu l'a permis. Filles aimant jeunes gens et nouveaux, Danseurs, sauteurs, faisant les pieds de veaux, Vifs comme dards, aigus comme aiguillon, Gousiers tintant clair comme cascaveaux, Le laisserez là, le vil Cercamon ?
Princes nommés, anciens, jouvenceaux, lmpétrez-moi grâces et royaux sceaux, Et me montez en quelque corbillon. Ainsi le font, l'un à l'autre, pourceaux, Car, où l'un brait, ils fuient à monceaux. Le laisserez là, le vil Cercamon ?
Il resta là de longues minutes avant de se rendre compte que personne ici ne lui prêtait attention.Aussi se redressa-t-il, se couvrit-il d'un haillon un peu plus cossu, et lança-t-il sur sa posture érecte :
Car ou soies porteur de bulles, Pipeur ou hasardeur de dés, Tailleur de faux coins et te brûles Comme ceux qui sont échaudés, Traîtres parjurs, de foi vidés ; Soies larron, ravis ou pilles : Où s'en va l'acquêt, que cuidez ? Tout aux tavernes et aux filles.
Rime, raille, cymbale, luthes, Comme fol feintif, éhontés ; Farce, brouille, joue des flûtes ; Fais, ès villes et ès cités, Farces, jeux et moralités, Gagne au berlan, au glic, aux quilles Aussi bien va, or écoutez ! Tout aux tavernes et aux filles.
De tels ordures te recules, Laboure, fauche champs et prés, Sers et panse chevaux et mules, S'aucunement tu n'es lettrés ; Assez auras, se prends en grés. Mais, se chanvre broyes ou tilles, Ne tends ton labour qu'as ouvrés Tout aux tavernes et aux filles ?
Chausses, pourpoints aiguilletés, Robes, et toutes vos drapilles, Ains que vous fassiez pis, portez Tout aux tavernes et aux filles.
Cercamon icy du parler, Vous foit langer pour paryer, Osez, osez ! Les jeux sont fais, Tout aux tavernes et aux filles.
Il s'assied alors à même le sol, attendant au milieu des passants qu'on veille bien lui proposer service. Si de Bozzo ou d'autres troubadours il ne restait que peu, c'est bien à lui qu'il faudrait faire appel. |