Faux Rhum Le Faux Rhum Faux Rhum  

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Au pire moment 1 -2- 3  
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Gemini
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Posté le 04/08/2020 à 11:38:44 

Enfin de retour !

Effie l'avait accueilli avec de tonitruantes démonstrations d'affection, les plus débordantes qu'il eût jamais subies.

Il avait quasiment le repaire pour lui tout seul... Tous les autres à l'exception d'un ou deux étaient partis en expédition, loin dans les entrailles de quelque forteresse oubliée. Il l'aurait presque regretté, n'eût été sa jeune amie...

...Qui, avec sa croûte de sang séché autour des narines et une hygiène plus que déplorable, insistait pour se jeter à son cou, lui parler, le toucher.

Lui demander ce qu'il avait là, dans ce sac bien fermé.

Il avait été obligé de lui expliquer le principe des couronnes... La petite, qui avait d'abord lorgné avec dédain sur les billets, avait maintenant les yeux qui brillent en comprenant que chaque petite coupure équivalait à mille pièces d'or.

A la réflexion, il aurait peut-être dû éviter de lui dire ça.

Il tourna le dos une seconde, une seule, et la petite truande plongea les mains dans le sac, se saisissant de poignées entières de billets qu'elle jeta dans les airs, avant de se rouler frénétiquement dans ceux retombés mollement à terre.

Spoiler


Gemini
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Posté le 07/08/2020 à 00:09:21. Dernière édition le 07/08/2020 à 00:11:00 

"Gare ! Un adversaire qui met longtemps à mourir peut continuer de se battre et te blesser... Évite donc le ventre, sauf si tu veux qu'il souffre ou que tu n'as pas le choix. Ça demande d'être très près, c'est pas une bonne idée pour toi... Reste mobile.

- D'accord.

- Profite de ta vitesse et de ton agilité. Tu ferais mieux de couper dans les jambes : un bon coup derrière le genou ou derrière le mollet, sur le tendon d'Achille -là, tu sens la "corde" juste au-dessus de ton talon ? La vache, le tien est...?! Hm, pardon. Tu dois avoir une sacrée détente.- pour l'handicaper, si possible qu'il tombe et qu'il ne puisse pas te suivre... Après, à terre, tu fais un peu ce que tu veux. Tu tranches la gorge ou tu perces le coeur pour l'achever le plus vite possible. Ton petit gabarit te limite mais il peut aussi être ton meilleur atout.

- Hm-hm.

- Si tu arrives à surprendre quelqu'un par-derrière, tu vises les reins, ils sont à ta hauteur en plus. Ne vise SURTOUT PAS entre les omoplates, c'est une idée de merde. Évite aussi la colonne vertébrale. Tu n'auras pas assez de force pour la trancher et ta lame risquerait trop de rester bloquée dans un os.

- ...

- Quoi ?

- C'est qui, mon petit gars Barry ?"
Gemini
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Posté le 12/08/2020 à 10:52:04 

Gemini dormait, calé sur une couchette sommaire. En travers de lui, étalée de tout son long comme un chat sans gêne, Effie ronflait. Lui faisait semblant de ne pas s'en apercevoir, elle s'en fichait.

Tous deux rêvaient.

Gem' était de retour dans son rôle d'homme de main. Il pouvait sentir la corde de cuir lui scier les doigts... Quelques secondes plus tôt, le capitaine Clodomir lui avait ordonné d'un ton sec de le débarrasser d'un mauvais payeur ; alors il s'était animé, avait passé le lacet d'étrangleur autour du cou de l'infortuné et avait commencé à serrer avant que l'autre ne puisse réagir. Autour, on faisait comme si de rien n'était : Clodomir le contrebandier avait graissé les bonnes pattes.

Euphemia se rêvait telle qu'elle aurait dû être : une jeune fille grande et maigre aux traits trop anguleux, avec la même tignasse brune et sauvage. Elle se trouvait belle.

Elle geint dans son sommeil, soudain contrariée.

Comment ça, "telle qu'elle aurait dû être" ?
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Posté le 14/08/2020 à 16:53:54. Dernière édition le 14/08/2020 à 18:39:30 

"Tout. Ils m'ont tout pris.
 
- Tout ? Alors, avec quoi vas-tu me payer, d'abord ?
 
- Mes derniers bijoux. La seule chose qui a pu échapper au désastre.
 
- Montre-moi ! C'est bon... Tu payes mieux que les autres bétjé qui ne savent pas à qui ils s'adressent. Je satisferai tes désirs. Qu'attends-tu de moi ?
 
- Qu'ils souffrent ! Leur famille, ruinée ! Leur nom, sali ! Leur mémoire, oubliée ! Leur domaine est prospère et leur famille puissante. La petite héritière est en pleine santé, elle se gavera du lait de mes troupeaux, mangera le pain retiré de ma table et se réchauffera au feu allumé par le bois coupé sur mes terres. Un avenir radieux, bâti sur les tombes de ma propre dynastie avortée. Change tout cela, houngan ! Fais-leur honte ! Ruine-les ! Je te supplierai à genoux s'il le faut !
 
- Ogou Feray ! Ogou Badagris ! Ce soir il danse avec moi au potomitan. Les voleurs s'en mordront les doigts ! L'enfant sera le reflet de leurs péchés, je le jure."
 
Euphemia frissonna violemment, émergeant brusquement de ses rêves comme elle aurait crevé la surface d'une mare d'eau glacée.
 
Un réveil brutal. Pas sympa. Elle se racla la gorge et ouvrit difficilement ses yeux collés par les saletés. Il faudrait encore marcher longtemps aujourd'hui, elle allait être à la traîne et Gemini allait la gronder. Elle songea brièvement à se recoucher pour grappiller un peu de sommeil supplémentaire, mais les rayons du soleil levant douchèrent ses espoirs. Bon... Fallait bien y aller, hein.
 
Levée avant Gemini ? Ça, c'était rare (bien que de moins en moins). Elle allait pouvoir traîner un peu quand même... La toilette lui était essentielle, quoi qu'en dise son mentor : un peu de flotte sur le visage et un peu sous les aisselles pour se débarbouiller et c'était parti pour une longue journée remplie de trucs à voler. Elle passa en revue ses plus beaux trésors -le peigne en ivoire, les boutons de chemise colorés, les deux fourchettes en argent et la cuillère du même métal... Brillante, si brillante. Et réfléchissante comme un miroir.
 
...Heu !?
 
La voix criarde de la môme vrilla les tympans de Gemini, éclata sa bulle de rêves comme une aiguille dans un ballon ; ensuite, une petite conne quelqu'un se mit à le pousser avec insistance et ceci acheva de le tirer du sommeil.
 
"Hrm...
 
- GEM.
 
- La ferme...
 
- Je me suis réveillée comme ÇA !
 
- Qu'est-ce qu...? Quoi ? Tu...?!
 
- OUI ! Je SAIS !
 
- COMMENT ?!
 
- Mais Je sais PAAAS !"
 
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Gemini
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Posté le 16/08/2020 à 16:12:03. Dernière édition le 16/08/2020 à 20:21:00 

"Mille tonnerres ! Si quelqu'un pouvait m'expliquer...

- Ouais bah j'pourrais pas t'aider, vu que je comprends encore moins que toi !"

Gemini était longtemps resté coi tandis que la jeune fille surexcitée trépignait sur place, écrivant à Cendre, raturant sa lettre, se caressant la peau, regardant ses mains, passant le doigt sur ses dents. Y fallait bien se rendre à l'évidence... Il l'avait reniflée un bon coup, pour être sûr... Assise en tailleur, elle s'efforçait d'amener un de ses pieds à hauteur de son visage pour l'examiner sous toutes les coutures.

"Tu as la même voix, tu parles comme elle... Tu pues autant... Pas de doute, c'est bien toi !"

 Elle se releva d'un bond, levant le bras pour renifler son aisselle avec méfiance.

"Je pue ?

- Tu as bu un truc ? Mangé quelque chose ?

- Mais non !!"

La jeune fille haussa les épaules, désemparée. Elle était bien plus grande qu'avant et maigre à faire peur, avec de longs cheveux noirs ébouriffés tombant très bas ; toute trace de son physique impossible avait disparu en l'espace d'une nuit. Qu'y comprendre ?!

"J'ai rêvé... Des gens qui parlaient. Une femme. L'autre avait un fort accent.

- Un accent ?

- Ouais, comme les marins de l'autre jour. Les Noirs."

Gem fronça les sourcils. Cette fois-là, il avait dû aller chercher la petite canaille jusque dans les caisses de la cargaison d'un navire en provenance d'Haïti avant qu'un des esclaves servant de main-d'oeuvre ne les remarque. Les caisses étaient remplies de coquillages. Effie avait empesté pendant plusieurs jours suite à ça.

"Y parlaient de quoi ?

- Sais plus. Ça m'a réveillée, en tout cas. J'ai fait ma toilette...

Gem renifla.

"SI ! J'ai fait ma toilette ! Et après j'ai observé mes..."

Un éclair d'ambre se refléta dans ses yeux -maintenant vert mousse.

"...mes trésors..."

Gem' aurait juré qu'elle était légèrement plus petite qu'avant.

"Aïïïe !"

Elle tâta ses dents, se mettant les doigts dans la bouche sans cérémonie.

" 'ointu ! 'e 'uis 'ordue 'a 'angue !"

- Tu reverdis...!

- Noooon !

- Eff !

Elle se racornit devant lui, retrouvant griffes, yeux de chat, oreilles d'âne et tout le toutim. Il ne se considérait pas vraiment comme un tendre, même avec elle, mais la vision de sa jeune amie de retour dans un état si pathétique lui fendit le coeur comme ça ne lui était pas arrivé depuis longtemps.

"J'étais n-normale !"

Des larmes perlèrent à ses yeux. Gem' laissa tomber un instant son numéro de truand et prit la gamine dans ses bras.
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Posté le 24/08/2020 à 16:38:41 

Elle regardait ses mains en marchant, très intensément ; elle avait l'impression d'avoir la peau moins verte lorsqu'elle plissait ses yeux jaunes... Peut-être qu'en se concentrant de tout son être, cette fois, ça marcherait ?

Hnnng...

C'était sûr, ça allait marcher. Il fallait que ça marche. Miarde ! Peut-être qu'elle se concentrerait mieux si seulement elle ne butait pas toutes les vingt secondes sur les cailloux et les racines du sentier...

Un Gemini exaspéré par ce manège qui durait déjà depuis des heures finit par lui envoyer une bonne taloche derrière la tête.

"Regarde où tu mets les pieds, bon sang !"

Loin en-dessous d'eux, l'une des pierres délogées du chemin par Effie roula follement dans la pente et finit sa course dans la mer.
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Posté le 27/08/2020 à 22:28:00. Dernière édition le 27/08/2020 à 22:34:16 

Extrait du journal personnel de Gemini - 27 août 1720

Enfin arrivés !


Je déposai mon sac au sol, fourbu, les pieds douloureux après cette longue marche sur les durs sentiers des contrebandiers. Les autres arrivaient au compte-gouttes, certains frais comme des gardons, les autres affichant une mine sinistre... L'expédition au Corbeau Noir ne s'était pas vraiment déroulée dans les meilleures conditions, si j'avais bien compris ce qu'en disaient mes camarades. Mais le capitaine était capable. Il saurait gérer ce genre de trucs.

Quant à la mioche, vexée par mes remontrances sur la route menant au point de rendez-vous, elle était introuvable. Elle rôdait sans doute autour des sacs laissés sans surveillance...

Je me demandai combien de pirates l'avaient vue malgré moi.

S'en suivent plusieurs phrases rendues illisibles. Sur le peu qu'on peut encore lire, il y est question d'espoir et d'une certaine Faye.
Effie
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27/08/2020
Posté le 29/08/2020 à 14:05:24 

Elle tira doucement les pièces de la poche de Faye, une à une. Elle s'améliorait... Oh oui, elle s'améliorait...!
 
A chaque fois qu'elle réussissait à soutirer un doublon à quelqu'un, l'envie de prendre la pièce suivante se faisait plus dévorante.
 
Et Faye, hé ben, non seulement elle était canon, mais en plus, elle avait du FRIC. De l'oseille. Des

T R É S O R S

de fou. Et puis, elle prêtait pas souvent attention à sa bourse, vu comme elle était souvent occupée avec le manège de ces messieurs visitant sa chambre.
 
Oh, elle était pas bête, elle s'appelait pas Effie-le-Génie pour rien (bien que Gemini détestât qu'elle se surnomme ainsi elle-même), elle savait très bien ce qu'ils faisaient : ils jouaient aux dés. Aux dés, et aux cartes. Ils jouaient BEAUCOUP D'ARGENT sans doute, et ces bruits-là, ces cris et ces coups répétés dans les murs, c'était quand l'un d'eux perdait contre Faye ! Mauvais joueurs ! Clair comme de l'eau de roche tout ça !
 
Et après, elle baisait avec pour les consoler.
 
Qu'elle était forte, Faye !
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Posté le 31/08/2020 à 23:16:43 

Extrait du journal personnel de Gemini - 31 août 1720

Elle n'a pas arrêté de fouiller les sacs des autres pirates durant tout le temps que nous étions dans les cavernes.


Je l'ai surprise en train de lorgner vers mes mollets à plusieurs reprises, cela alors qu'elle nourrit une passion malsaine pour les "coups de schlass", ainsi qu'elle persiste à appeler sa lame.

Je ferais mon possible pour faire sortir cette détestable expression de son vocabulaire mis à mal par sa fréquentation des lieux de débauche d'Ulüngen, ville qu'elle semble avoir adopté récemment. Elle l'appelle "la ville qui pue" et en tire un grand plaisir ; j'avoue ne pas comprendre le rapport de cette jeune fille aux odeurs.

Elle me regarde encore. Si je ne la connaissais pas mieux, je croirais qu'elle calcule ses chances de me larder les mollets et de se tirer avec le magot avant que je l'attrape.
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Posté le 04/09/2020 à 22:40:44. Dernière édition le 04/09/2020 à 22:41:30 

Ça lui trottait dans la tête depuis quelque temps.

Non, là, vraiment, il fallait qu'elle lui demande.

"Gem. Si je me rase les jambes, est-ce que je cours plus viteMMmpFf !"

Il lui avait violemment plaqué la main sur la bouche pour la faire taire. Il n'enleva sa main que lorsque il lui eût lancé un regard qui aurait fait s'enflammer un rocher.

"Si on peut pu' rien demander... Pas trahir la cachette, gna gna gna...

- Alors toi, j'te jure !"
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Posté le 07/09/2020 à 16:36:33. Dernière édition le 07/09/2020 à 16:39:37 

Extrait du journal personnel de Gemini - 7 septembre 1720

J'ai eu beau inspecter le sceau sous toutes les coutures, rien à faire. Il est rigoureusement authentique : trois serpents entrelacés formant un trident.

Quelques mots lapidaires, d'une écriture que je reconnaîtrais entre toutes, élégante et énergique. Le papier est de bonne qualité, avec en signature un "H" qui ne fait que confirmer ce que je savais déjà en ouvrant la lettre. Ma seule surprise ? Qu'elle me parle en tant qu'égale, exit la hiérarchie.

La guerre a repris là-bas. Une guerre larvée, silencieuse, mais terrible : meurtres à la faveur de la nuit et marins noyés. Mauvaises chutes et incendies malencontreux. Finies les troupes en bon ordre de marche, on ne se bat plus comme avant. Cela serait beaucoup trop voyant.

Elle est furieuse, bien sûr.

Je la connais si bien ! Si je refuse, elle n'hésitera pas une seconde à m'envoyer quelqu'un -peut-être même la bande entière.

Je dois réfléchir.
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Posté le 10/09/2020 à 12:06:18. Dernière édition le 10/09/2020 à 12:10:32 

"Ce que tu dois savoir", extrait #1 (auteur anonyme)

Gem m'a dit "le tant temps presse". Il a accéléré l'entraînement... J'ai un peu la trouille maintenant, et je sais pas pourquoi.

Au moins, j'écris mieux. Ça me ferait chier¹ d'écrire tous les soirs et de ne pas écrire mieux.

Ouch. Il lit par-dessus mon épaule et n'aime pas quand je jure.



¹NDE : à cet endroit, le trait dérape fortement en travers de la page comme si l'on avait soudainement fait bouger l'auteur. La suite de l'extrait peut éventuellement nous éclairer sur l'incident, mais nous en sommes réduits aux suppositions.
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Posté le 13/09/2020 à 18:24:07 

La môme s'amusait, elle profitait de quelques instants de complicité avec Cendre et la dénommée Carmilla (s'il s'agissait bien d'elle ? Plusieurs témoins disaient l'avoir vue mourir de la main d'Howell Davis... prudence). Tant mieux pour elle ! Qu'elle se sente un peu normale, pour une fois. J'avais bon espoir que Faye trouve de quoi l'aider.

Lui aussi peut peut-être l'aider. On se trouve des alliés où l'on peut, Marco.

Je ne sus pas quoi répondre à mon frère ; ma main alla machinalement caresser la clé que je conservais en permanence autour de mon cou. Salamandre n'éprouvait pas le même malaise que moi en présence de notre prisonnier, restait sourde à ses suppliques et un briquet à silex lui suffisait pour tout loisir pendant des heures. La tâche de le garder lui était donc échue tout naturellement, à mon grand soulagement... Quant au nabot, il ne supportait pas les gémissements torturés de son plus vieil ami. Il n'était allé le voir qu'une fois et était ressorti de la cache le visage décomposé, ne trouvant pour une fois rien à dire.

De l'autre côté de la chambre d'auberge, Euphemia, vexée, brandissait le peigne en ivoire que je lui avais offert sous le nez de Cendre pour lui prouver qu'elle prenait soin de sa tignasse -pour l'heure emmêlée et pleine de saletés. Une grenouille s'enfuit de sa poche et alla se perdre sous le mobilier.
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Posté le 15/09/2020 à 16:56:27. Dernière édition le 15/09/2020 à 16:57:18 

Extrait du journal personnel de Gemini - 15 septembre 1720

J'aurais juré avoir vu Espérandieu sur le quai d'Ulüngen lors de la fête, avec sa maudite canne à la main.
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Posté le 17/09/2020 à 11:57:25 

"Ce que tu dois savoir", extrait #2 (auteur anonyme)

Gemini boit, mais je ne l'ai jamais vu bourer bourré. Note : ne pas lui offrir d'alcool. Préférer autres cadeaux. Armes ?

(j'ai goûté le rhum, j'aime pas mal)
Effie
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Posté le 17/09/2020 à 15:36:54 

"Ce que tu dois savoir", extrait #2 (bis)

J'ai perdu ma grenouille. C'est très important.



NDE : quelqu'un (très vraisemblablement l'auteur) a gribouillé dans la marge un amas vert avec deux yeux globuleux et deux longues pattes. On suppose que c'est une représentation de la grenouille mentionnée plus tôt. Elle est dessinée avec les coins de sa bouche tirant vers le bas.
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Posté le 18/09/2020 à 17:14:22. Dernière édition le 18/09/2020 à 22:14:14 

Extrait du journal personnel de Gemini - 18 septembre 1720

Voilà trois jours que j'oublie de me raser -la petite s'amuse à frotter ses doigts sur mes joues par surprise avant de détaler, hilare, en s'écriant que je râpe. Je me sens un peu plus vieux à chaque jour qui passe. Abîmé. Et si les fils gris apparus dans mes cheveux n'étaient pas déjà une preuve suffisante, je m'aperçois que je tiens moins bien l'alcool qu'avant...

J'ai bu hier soir, plus que d'habitude, sans même m'en rendre compte. Cette histoire m'affecte bien plus que je ne le croyais ; comme si je perdais lentement pied. J'écoutais Euphemia bavarder, parler d'une grenouille à laquelle elle s'était attachée le temps d'un soir avant de la perdre. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je lui ai tout raconté. La guerre entre les clans, l'alliance inébranlable entre le mien -l'Abysséen- et nos frères -l'Hydre. Puis la trahison prévue de longue date, longuement planifiée par ces faux frères. Couteau dans le dos, gracieusement planté là par ma compagne de toujours. La lente absorption de mon clan par l'Hydre, mes amis et camarades jurant fidélité à d'autres. Mon refus de les suivre. Mon exil. Ma recherche d'un abri auprès d'Ishaq et de son propre clan -seulement pour me rendre compte qu'il était trop tard : un accord avait été passé. Il ne s'élèverait pas contre l'Hydre.

J'avais fui, d'abord en Europe, et tous m'avaient laissé mener mes affaires tant que je n'intervenais pas dans leurs petits jeux, jusqu'à ce que j'arrive finalement ici, à l'autre bout du monde. Mes efforts pour remonter un clan digne de l'ancien s'étaient révélés vains, stupides, idiots. Je n'avais réussi qu'à construire une parodie. Ah, qu'ils avaient dû rire de mes tentatives, au pays !

Mais ils avaient fini par se lasser. Vingt ans plus tard, la guerre couvait à nouveau. On exigeait mon retour. On m'accordait le pardon. En ne répondant pas, je faisais pire qu'ignorer une missive écrite de Sa main sacrée : je L'insultais. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'on ne vienne me corriger. Ma seule consolation était que les années n'avaient pas dû être plus tendres pour mes vieux amis qu'elles ne l'avaient été pour moi.
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Posté le 22/09/2020 à 21:26:15. Dernière édition le 22/09/2020 à 21:47:04 

Extrait du journal personnel de Gemini - 22 septembre 1720

Une bonne chose de faite. On ne passe pas près de six ans avec des contrebandiers sans amasser un peu d'or… Euphemia connaît l'emplacement de la plupart de mes planques personnelles maintenant. Cela devrait lui assurer un minimum de sécurité, quoi qu'il puisse m'arriver.

Angus et Salamandre ont leurs instructions. Je n'ai pas pu me résoudre à leur demander de condamner le cachot avec notre prisonnier encore dedans… Quelque chose m'en a empêché. Mon frère est convaincu qu'il a encore un rôle à jouer… J'espère de tout coeur qu'Euphemia n'aura jamais à rencontrer ce vieux fou -mais j'ai bien peur que nous n'ayons pas le choix.
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Posté le 07/10/2020 à 11:51:28. Dernière édition le 07/10/2020 à 16:54:35 

Extrait du journal personnel de Gemini - 7 octobre 1720

J'ai mis mes affaires en ordre. Maintenant, je vois plusieurs visages connus à chaque fois que je mets le pied en ville, des visages tirés de mon passé -des visages qui ne devraient pas être là. Je crois avoir vu Tulip, une rouquine râblée beaucoup plus abîmée que dans mes souvenirs, qui faisait le pied de grue sur un toit. Comme un sentiment de déjà-vu. Je commence à craindre qu'Elle n'ait fait venir tout le monde. Rien que pour moi -pour nous ? J'espère que non. Cela voudrait dire, au choix, qu'elle m'accorde beaucoup trop d'importance pour mon bien… ou que ses plans ont été contrariés en Europe, que ce sont des réfugiés. Et si Sa guerre était déjà perdue ?


Je suis presque tenté d'aller les voir pour leur demander. Je vois d'ici la tronche impassible d'Espérandieu, calme en toutes circonstances. J'ai tellement envie de le poignarder.
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Posté le 13/10/2020 à 20:25:05. Dernière édition le 13/10/2020 à 20:27:35 

"Ce que tu dois savoir", extrait #3

C'est presque devenu un jeu ! On se promène, et quand Gemini voit un ancien copain, il me le montre, me donne son nom et m'explique c'est quoi son truc à lui ou elle : qui court vite, qui boite, qui est doué avec un fusil, qui entend mal de quelle oreille… Il me les fait noter pour que je les connaisse. La plus facile à reconnaître c'est Tulip la rousse. Elle est moche (Gem me dit qu'elle l'était pas autant avant) mais elle est trop classe avec ses cheveux rasés et ses cicatri sses -ces.

Je fais des progrès tous les jours. J'ai décidé d'écrire mon journal aussi. Je l'ai appelé "Ce que tu dois savoir", parce que c'est tout ce que je dois savoir ! Et pour me souvenir, aussi… Parce que plus j'apprends de choses plus je remarque que je les oublie des fois, pendant quelques heures. Si je suis normale, j'arrêterai p'têtre d'oublier des trucs.

Gemini a les yeux fous en ce moment. Souvent. Ça me file un peu la trouille (juste un peu). C'est pire quand il croise ses potes, à chaque fois qu'il en voit un nouveau y devient un peu plus furieux, il réfléchit plus pareil… Il fonce tout droit, comme s'il pouvait jamais crever. Je crois qu'il a peur ?

Ça, ça me file carrément la trouille.
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Posté le 14/10/2020 à 20:46:35 

J'ai croisé l'autre tête de sguègue en cherchant Belle-Faye. J'ai réussi à le voler, il avait des tonnes de trucs. Mon butin grandit encore avec tous ces

T R É S O R S

mais j'garde la tête froide, promis. Pour Faye.



Gemini
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Posté le 20/10/2020 à 20:25:04. Dernière édition le 25/10/2020 à 14:39:48 

Extrait du journal personnel de Gemini - ???
 
Ces derniers jours, passés principalement en compagnie d'une Faye que je prenais plaisir à découvrir, avaient été d'une douceur rare. Cette complicité nouvelle me mettait du baume au cœur.
 
Ses débuts ne m'avaient pas ému, son parcours avant de nous intégrer m'avait même paru fade. Combien d'autres corsaires plus méritants avions nous dû écarter, refuser, combattre même ? Pour Faye, un pressentiment diffus m'avait fait prendre mon mal en patience malgré ses timides tentatives pour briser la glace… Et plusieurs mois plus tard, j'étais immensément heureux de m'être trompé sur son compte : c'était une de ces femmes que l'on aurait crue forgée dans l'acier.
 
Hier, j'avais enfin percé l'abcès et commencé à parler de cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de ma tête à deux de mes consœurs. Cela avait été difficile bien sûr, mais je me sentais soulagé. Peut-être que mettre les mots sur un destin funeste peut aider à l'accepter.
 
Je m'étais isolé dans ma planque favorite après un dernier passage à Ulüngen. Le moment était proche, je le sentais jusque dans mes os. Euphemia m'accompagnait. Je n'aurai pas pu la convaincre de m'abandonner de toute façon. Et puis, je suis certain qu'ils ne lui feront pas de mal, à elle.
 
***

Je levai ma plume, mis de côté la dernière page de mon journal et pris un parchemin vierge -à destination du capitaine cette fois-ci. Je tâchai de rester simple et concis dans mes explications, car j'étais convaincu que moins mes confrères en sauraient plus ils auraient de chances d'éviter une énième vendetta coûteuse et inutile. Il leur suffisait de me faire confiance, après tout…
 
Ce n'est qu'après avoir bien entamé ma lettre que je m'adressai enfin à l'homme bien habillé qui attendait à l'entrée, debout et les mains sur une canne. Il était entré il y a déjà plusieurs minutes, sans se cacher. Euphemia s'était instantanément figée, assise à mes pieds, et fixait l'intrus sans ciller comme un chat aux aguets. Je dois avouer que je ne m'attendais pas à cela… Un couteau dans la nuit, une balle entre les deux yeux, ou du poison, oui ! Mais un entretien civilisé…? Que je sois damné ! Je fis de mon mieux pour instiller tout le mépris que je ressentais dans quelques mots.
 
"Mais quelle bonne surprise ! Accorde-moi un instant pour terminer cette lettre et je suis à toi."
 
- Bien sûr, Gemini."

Son ton glacial me fit jubiler, je crus même voir l'ombre infime d'une grimace sur son visage sévère. J'avais toujours le "truc" ! J'étais bien le seul à réussir à incommoder ce sagouin d'Espérandieu.


Spoiler

Espérandieu
Gemini
Gemini
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Posté le 25/10/2020 à 14:31:30. Dernière édition le 25/10/2020 à 17:57:38 

"Avez-vous fini ?" 

Je lui fis négligemment signe que oui. J'avais bien pris mon temps pour terminer ma missive, recommençant même de zéro une fois en feignant d'avoir fait une erreur. Je prenais beaucoup trop de plaisir à l'agacer pour m'arrêter aussi facilement.

"Alors, très cher laquais, que se passe-t-il du côté de la Maison ? Toujours en guerre ? On a perdu, peut-être ? J'ai cru voir Tulip et d'autres rôder…

- Nous n'avons pas perdu. En fait, nous avons même gagné."

Ah, ça, c'était nouveau.

"Elle a réussi, alors

- Oui. Au-delà de toute espérance."

Sa fierté était palpable. Je ne l'en détestai que plus encore.

"...En fait, elle tenait à vous en parler elle-même."

Un frisson glacé me parcourut brusquement l'échine. Soudain, la raison de la présence des meilleurs membres de la secte sur Liberty devenait beaucoup plus claire. Je maudis mon arrogance et ma paranoïa, qui m'avaient poussé à croire qu'ils étaient là pour moi, pour me chercher ! Le petit sourire narquois qu'Espérandieu se permit d'afficher confirma mes doutes, il n'était pas dupe de mon erreur. Je remarquai enfin le coffret qu'il portait, objet de bois simple et solide. Il l'ouvrit sous mes yeux, à nouveau sérieux comme un pape, pour me révéler son contenu.

Six symboles placés dans un écrin, certains encore tachés du sang de leur ancien propriétaire. Parmi eux je reconnus la broche d'Ishaq, donnée de son plein gré lorsqu'il avait choisi de devenir un simple vassal, ainsi qu'un anneau que je connaissais bien vu qu'il avait été arraché à mon doigt juste avant mon exil… Un serpent de mer enroulé sur lui-même. Elle avait vraiment gagné. Je cherchais mes mots, pris au dépourvu devant l'énormité de ce projet fou qu'elle avait apparemment mené à bien. Je ne réussis qu'à arborer un sourire de façade, piètre tentative pour gagner du temps. Euphemia était partie se cacher, effrayée de me sentir ainsi démuni. Une deuxième silhouette se découpa dans l'entrée de mon refuge. J'eus un rire nerveux.

"Tu ménageais ton entrée, n'est-ce pas ? Désolé pour l'attente.

- Bonjour, Marco."

Elle n'avait pas changé d'un iota. Espérandieu s'inclina avec toute la grâce d'un majordome rompu aux exercices de la cour -le coffret ne bougea pas, en équilibre dans sa main comme un plateau- et s'effaça pour laisser entrer sa maîtresse.


Spoiler

???
 
Gemini
Gemini
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Posté le 31/10/2020 à 16:59:03. Dernière édition le 31/10/2020 à 17:26:44 

"Je vois que tu te portes bien."

Doux euphémisme. Elle était plus royale que jamais dans ses riches vêtements, le port altier et la tête droite, dégageant une aura propre à faire plier l'acier. L'incarnation vivante d'un magnum opus auquel elle s'était dévouée corps et âme durant vingt ans. Et elle avait réussi. Ô dieux, elle avait réussi. Le seigneur de guerre suprême de notre race, que nous croyions tous vouée à l'oubli, se cannibalisant elle-même dans une guerre sans fin, maintenant réunie sous une seule bannière. 

Je fis la seule chose qui me parut être la bonne : je me mis à genoux devant l'Unificatrice. Le laquais Espérandieu -qui n'avait d'yeux que pour sa maîtresse toute-puissante- ouvrit la bouche, estomaqué. C'est dans ma plus totale humilité que j'arrivai à le perturber le plus.

"J'ai juré que je sauverai notre race dégénérée, et je l'ai fait. Je reviens vers toi, le dernier -les derniers- des insubordonnés. Je t'ai donné un choix, et tu as choisi l'exil… Pour atterrir ici. Dans les colonies décadentes, violentes, pourries jusqu'à la moëlle, abandonnant ta famille et tes amis au chaos plutôt que d'appuyer mon ascension comme tout sage aurait dû. Comment as-tu pu ?"

Je ne pus rien dire ; mes yeux parlaient pour moi. L'amertume m'étreint. J'avais refusé de la servir il y a vingt ans, ne digérant pas sa trahison lorsqu'elle avait pris le contrôle de mon clan, ne m'offrant qu'une parodie de choix une fois les armes tirées et mes plus fidèles soldats passés sous sa coupe. J'avais été réduit à néant, préférant garder le peu de fierté qu'il me restait et m'exiler plutôt que de n'être qu'un vassal. Plutôt mourir que de ressentir la pitié des autres.
 
"Vingt ans… Pendant vingt ans, je n'ai souffert aucun obstacle. C'est ta dernière chance d'être sauvé et de retrouver ta place parmi les tiens."
 
Une seconde aura intervint, plus puissante celle-ci. Elle ébranla tous les présents, déstabilisant un instant la cheffe de guerre et son lieutenant, m'aveuglant sous sa force. Je reconnus la "voix" de mon frère, l'étrange créature éternellement prisonnière de ma chair et moi de la sienne. Le petit cachottier n'en avait pas perdu une miette, il avait attendu son heure. Nous fûmes bombardés de visions de grandeur qui dépassaient l'entendement. Chaque clan uni sous une même bannière, tendu vers le but suprême, clamant le nom du Grand Rêveur d'une seule voix. Ma chère, très chère Héloïse, que je n'avais jamais cessé d'aimer même malgré le poison suppurant de sa trahison, à notre tête, sabre levé éclatant vers le ciel… Et moi à sa droite. Héloïse chancela ; la dernière pièce du puzzle tentaculaire se mettait en place, la dernière bribe d'incertitude qui se dressait entre elle et la Fin depuis vingt ans. Espérandieu se précipita pour la soutenir mais elle le repoussa sèchement. Ses lèvres tremblèrent.

"Merci, merci ! Iacopo, seigneur, prophète ! Sage parmi les sages ! La vieille Europe est exsangue… Il nous faut partir, bien sûr. Et quel meilleur endroit où recommencer de zéro que les Amériques ? On nous offre ce nouveau monde riche et sauvage sur un plateau, et il est grand temps que nous nous offrions une belle part de ce gâteau."

Elle serra les lèvres, dégaina un long cimeterre du fourreau incrusté de joyaux qui pendait à sa hanche, et en appuya la pointe sur le sol. Je la regardai droit dans les yeux, et j'y lus une supplique qui me fendit le cœur.

"Je guiderai notre peuple et le sortirai des ténèbres auxquelles il était condamné. Je fonderai un empire. Le temps de l'hésitation est révolu."

 Elle me tendit la main. L'alternative était claire.
Effie
Effie
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27/08/2020
Posté le 07/11/2020 à 15:43:20. Dernière édition le 07/11/2020 à 17:14:25 

 
J'en perdais pas une miette. C'était de la folie, un machin qui m'avait mis le bazar dans la tête… J'avais vu des gens hurler de joie et de fierté, escaladant un monceau de cadavres mutilés. J'avais eu envie de hurler avec eux et de crier mon amour. Mon amour pour *quoi* ? J'avais eu envie de me griffer les yeux lorsque j'avais essayé d'imaginer la réponse. C'était beaucoup, beaucoup plus grand que moi, partout, tout le temps. Pas compréhensible.

Gemini lui avait embrassé la main et là, la dame avait carrément laissé tomber son sabre en faisant un boucan d'enfer. Le Noir en costume derrière ne bougeait plus. Elle avait relevé Gemini des deux mains, et ensuite elle l'avait étreint avec beaucoup de force, comme deux amants longtemps séparés. J'avais presque envie de me cacher les yeux pour ne pas voir quelque chose d'aussi intime. Ils ont parlé, longtemps. Elle lui a rendu un anneau aussi, très laid… Zéro pierres, pas de joyaux. Après ça, lui aussi avait l'air fier et fort, plus jeune. Il a redressé la tête, rejeté ses épaules en arrière et là il dominait tout le monde. J'avais jamais vraiment réalisé à quel point il était grand. Il avait jamais autant eu l'air d'un guerrier. Il retrouvait un but.
 
Ils ont parlé de Salamandre et d'Angus. La seule condition que posa Gemini fut que le pardon s'étendit à eux aussi, que personne parmi la "Maison" ne les chasse ni ne leur tienne rigueur d'avoir été, eux et eux seuls, les derniers fidèles de Gemini dans son exil. Ils resteraient sur Liberty, en paix, libres de leurs actes. Et puis, ils ont parlé de moi. Je n'ai retenu qu'un truc : ils ne voulaient pas m'emmener avec eux. Là bas, sur la "Côte Est", ce serait certainement pas une promenade de santé. Chacun aurait droit à son lot de privations, de combats et de malheurs, sans parler du climat en rien comparable aux Caraïbes. On ne pouvait pas s'encombrer d'enfants dans un moment pareil ; sans parler de mon apparence. Peut-être que sur Liberty on avait l'habitude des bizarreries, mais sur le continent… Gem n'essaya même pas de me défendre. J'ai commencé à pleurer. Aussi, j'ai bondi sur la jambe de Gem et je m'y suis accrochée de toutes mes forces. J'ai planté mes ongles dedans.

Il m'a décrochée très doucement. Il s'est penché à ma hauteur, et il m'a parlé tout bas à l'oreille. J'ai fermé ma bouche et j'ai écouté. J'ai tout gravé dans ma tête. Je garderai ça pour moi, toute ma vie. Pour finir, il m'a prise dans ses bras -fort ! Il avait les yeux secs, mais je jurerai avoir vu un reflet douteux sur sa joue au moment où moi seule pouvait voir son visage. J'étais sur le cul, j'peux vous le dire. Ça m'a même fait rigoler (un petit peu).

La dame ne me parla que longtemps après qu'il eut fini.
 
"Je peux enfin te voir de près. Euphemia, c'est bien cela ? Je connais ton nom mais tu ne connais pas le mien, je suppose… Tu peux m'appeler Héloïse."

Le Noir tressaillit imperceptiblement, surpris par cette familiarité accordée à une petite sauvageonne. Sa voix était douce, mais elle me foutait une trouille de tous les diables. Là, elle a tendu la main vers moi. J'ai failli reculer… Et elle m'a caressé le visage, avec plein de tendresse comme je n'en avais jamais eu. C'était du vrai amour. Je me suis abandonnée à son contact ; j'ai ressenti de l'amour pour elle, quelque chose de profond. Elle m'hypnotisait. D'un coup j'avais plus DU TOUT envie qu'Elle me voie pleurer, alors j'ai essuyé ma morve et mes yeux avec ma manche. Juré, j'aurais des tripes. J'le prouverai. Gem me préparait depuis des mois. J'étais grande. Seule ou pas, je saurai me débrouiller. Et un jour, je les rejoindrai. J'avais ma place parmi eux, quoi qu'il arrive.
 
Mon père continuerait d'évoluer parmi eux comme s'il faisait encore partie de leur monde, jusqu'au départ. Son cœur avait retrouvé ses vrais maîtres. Sauf que maintenant, je savais pour sûr que j'avais réussi à en choper un sacré morceau rien que pour moi.

J'vous jure, ça me donnait assez de courage pour bouffer l'île entière.
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