Faux Rhum Le Faux Rhum Faux Rhum  

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L'Institut -1- 2  
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Felicia Dolorès
Felicia Dolorès
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06/11/2017
Posté le 11/04/2018 à 03:05:06  [ Message Modéré ]

Felicia Dolorès
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Posté le 11/04/2018 à 13:44:55 

Cas n°1 & 3
 
Un frisson. Une peau frémissante se recouvre d’une délicieuse chair de poule alors qu’elle rentre en contact avec un objet froid et métallique. L’acoustiflex collé tentait de retranscrire des battements de cœurs jusqu’à l’oreille attentive de la doctoresse. L’ambiance était feutrée, parfumée d’une légère odeur mentholée. Les quatre chandeliers étaient faibles mais suffisants. Il n’y avait pas de fenêtre mais beaucoup de rangements. Cette vieille pièce accueillait tous les livres et les carnets de l’hidalga. Son cabinet n’était pas ouvert au public, il était encore au stade d’un laboratoire. Le paysage était aussi sombre que la robe que l’intendante portait. Lorsqu’elle se trouvait ici, elle était comme changée. Une imperceptible froideur gagnait son regard. La sévérité se transformait en insensibilité, les quelques comportements de réception sociale tels que les mouvements de tête, les battements de cils ou encore les approbations disparaissaient ici. Il n’y avait plus qu’une glaciale scientifique qui ne répondait plus aux demandes, qui ne regardait plus les gens et qui n’accordait son attention qu’à ses expériences. Bizarrement, ses bégaiements étaient moins prononcés ici.
Elle était chez elle. Dans son élément. Son précieux cocon étroit dont la décoration angoisserait tout autre être qui y pénétrerait. Ici, elle était elle-même. Et parfois, lorsque quelqu’un avait l’honneur être amené dans ce petit cabinet, il pouvait ressentir comme une étrange sensation d’être observé. C’est ce que la servante se demandait, parfois, tandis que sa maîtresse l’auscultait. Madame Dolorès était-elle seule ?
 
Voilà presque deux mois. Le 23 Février s’est mis en place le tout premier rouage de sa machine infernale. La personne concernée ne se souviendrait probablement pas de cette date mais l’espagnole l’avait soigneusement noté afin de pouvoir suivre l’avancée de son plan. Donc presque deux mois. Sa servante était fatiguée. Une fatigue anormale pour une femme dont le rôle était de servir sa maîtresse à Esperanza et ensuite d’y rester en son absence. Au premier crachat de bile involontaire, Dolorès l’avait emmené dans son laboratoire pour quelques examens.
Elle ne saurait confirmer. Elle n’entendait pas de deuxième battement de cœur. Il y avait celui de la dame, il n’y avait pas celui d’un fœtus. Mais les deux mois n’étaient-ils pas encore atteints.
 
Elle nettoya son acoustiflex. Elle congédia pour l’après-midi sa domestique avec interdiction de venir la déranger. Elle parcouru ses doigts sur le verre fluide d’un bocal. Il contenait du formol et, en son sein, une petite silhouette dont la taille était plus petite que la paume d’une main. On pouvait y reconnaître ce qui ressemblait à un crâne difforme, rose et presque translucide. Il semblait avoir un début de bras et de jambes, la chose avait une silhouette humaine. Elle caressa le pot avec sensualité. Et tout en le fixant, elle s’assit et se plongea dans ses pensées.
« S’il y a bien un embryon en elle, le cœur ne bat pas encore. J’ai de grands projets pour toi. Nous avons quelques semaines seulement pour faire battre ton cœur avant que ne batte le sien. C’est primordial. Vos développements doivent rentrer en symbiose parfaite pour la cohabitation. Tu deviendras ma première réussite. »
Elle se leva et entama quelques missives. Une femme enceinte était nécessaire mais non sa servante. Il allait falloir lui en chercher une isolée. Elle savait où se rendre pour trouver la boule de soufre nécessaires à l’électrisation de ses expériences. Quant au sang, ce n’est pas ce qui manquait ici et ses premières analyses allaient consister à trouver un donneur compatible avec ce qu’elle recherchait.
 
Elle se leva de son siège et commença à établir son plan dans ses carnets.
« Personne ne doit savoir ce qu’il se passe ici. La servante ne doit jamais quitter Esperanza. Elle aura pour obligation un couvre-feu de 21h chaque jour. Si elle ne me déçoit pas, s’il s’avère qu’elle est bien enceinte alors toute sa vie sera réglée par mes consignes, de la nourriture jusqu’aux sorties autorisées. Il nous faut faire vite, nous n’avons pas beaucoup de temps. »
Felicia Dolorès
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Posté le 21/04/2018 à 21:42:26. Dernière édition le 02/05/2018 à 17:43:50 

Cas n°3  

La domestique apposait et retirait du charbon selon les ordres de sa maîtresse. Au début, elle croyait que cette étrange machine cuivrée était un moyen de chauffage mais la Dolorès était si attentive au thermomètre florentin disposé à l’intérieur qu’elle lui comprit une autre vocation. Elle avait pour mission de maintenir l’intérieur de cet objet à 37°. Sa maîtresse avait même pris soin de tracer un symbole à côté du nombre pour que sa servante ne chauffe ni dessus, ni dessous. Cette hidalga était un réel mystère pour la servante enceinte qui s’inquiétait parfois de son manque cruel d’empathie.  

Dernièrement, elle lui avait ordonné de lui apporter sa propre urine dans des flacons. Pas une fois, ni deux, mais plusieurs fois pendant plusieurs jours. Et elle avait vu la Dolorès travailler avec dans une composition liquide et salée. Jusqu’à ce qu’il y en ait assez pour remplir la cuve de cuivre.  

Les jours qui suivirent marquèrent le sacrifice de plusieurs mammifères. Chattes, chiennes, singes, oursonnes, toutes enceintes, avant de comprendre qu’un assemblage d’une veine et de deux artères cousus dans un tissu humain suffisait à faire un cordon ombilical.  

Le plus délicat fut le transfert du bocal à la petite cuve. Ce fœtus mort devait absolument rester intact. Une fois plongé dans le liquide à bonne température, elle referma puis elle sortit. Cette expérience ne faisait que commencer, et la chose n’allait pas se développer par magie. D’ailleurs, selon la Dolorès, la magie n’était rien à côté de la science.  
Red Smoke
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11/02/2018
Posté le 22/04/2018 à 11:33:10. Dernière édition le 22/04/2018 à 11:34:20 

Une rencontre fortuite sur Liberty, du moins en apparence, fut le déclencheur d'un fantastique engrenage. La générosité d'une Marraine en devenir et surtout sa curiosité détermina son destin de manière insoupçonnée.

Bousculant ses habitudes, l'hildaga se prit d'intérêt pour une enfant, et pour cause, en était-elle vraiment une? Ce fut certainement cette question, première d'une liste interminable, qui remis en cause son avis tranché sur l'âge de ses interlocuteurs et leur capacité à surprendre. Il était néanmoins certain que la puérilité apparente d'une jeune gosse des rues hollandaise masquait un peu plus d'esprit que la moyenne.

L'intérêt fut réciproque. La collaboration débuta.

~~~~

Liées, personne n'aurait pu affirmer sans se tromper qui était la protégée de l'autre. Chacune avait semble t-il à y gagner et c'était sans surprise que la Doña pouvait entendre résonner en elle, une voix l'encourageant dans ses efforts. Mais également sentir par dessus ses épaules, un regard aux volutes de fumée pourpres, dansantes au gré du ravissement de son hôte.

En jeu, La Clé.
Felicia Dolorès
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Posté le 22/04/2018 à 12:20:07. Dernière édition le 02/05/2018 à 17:43:31 

Cas n°4
 
« Tu as bien fait de m’envoyer vers lui, Pijn. Il a la culture qu’il me manque combinée à l’éloquence orale dont j’ai besoin. Je vais me pencher davantage sur son cas dans les jours à venir. D’abord, il nous faut trouver un traitement au mal de l’île. Son esprit trituré ne doit pas en pâtir. S’il est aussi fou qu’on le dit alors il doit le rester, n’est-ce pas ? Fort heureusement, d’autres sont aussi infectés. Je vais pouvoir les utiliser comme sujet test avant d’appliquer le bon remède sur lui. Il me semble que l’un d’eux est un solide gaillard, outre son bandeau noir il ferait un parfait cobaye pour expérimenter les guérisons. »
 
Un livre fermé dans la main, un verre de vin de Catalogne dans l’autre, elle réfléchissait intérieurement depuis une table reculée du Black Beer Pub. Probablement ne se serait-elle pas mêlée à la concertation des autres médecins si cette maladie non contagieuse ne contrariait pas ses propres intérêts en touchant l’un de ses désignés sujets. Ainsi elle plaçait de côté son petit projet le temps de se concentrer pleinement sur un élégant spectacle d’infectés à l’agonie. Au contraire des GRML présents, probablement, elle s’y complaisait grandement.
Felicia Dolorès
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Posté le 26/04/2018 à 14:49:23. Dernière édition le 02/05/2018 à 17:42:56 

Cas n°3  

Les rouages de fer s’assemblaient à la perfection. L’artisan les avait stabilisés avec un bois de châtaignier et vernis à l’aide d’un revêtement graisseux. Ce mécanisme était disposé à même le sol, derrière la cuve de cuivre et relié à deux espèces de marteaux en caoutchouc qui s’abattaient sourdement sur le verre chaque fois que l’un des points du rouage se trouvait en bas. Le choc était loin d’être violent. Il se constituait d’un premier battement et de son rebondissement, faisant ainsi un agréable « boum boum » avant que la remontée du rouage n’écarte à nouveau les objets. Le moteur de cette machine était alimenté à l’eau du port qui jouxtait le laboratoire.
Felicia en avait fait dériver une infime partie afin de créer son propre court d’eau qui rejoindrait de nouveau la mer ensuite. Elle avait mesuré et créé un sas qui se chargeait d’obstruer le passage de l’eau afin de régler au détail près le volume se déversant sur le mécanisme. Ainsi, elle pouvait régler la force du cours et donc le rythme auquel les marteaux cognaient contre la machine. Le fœtus était toujours sans vie à l’intérieur. Ses cellules étaient mortes et elle n’en était pas encore passée à l’étape ultime. Avant cela, elle souhaitait reconstituer le contexte parfait de sa condition de vie afin que le choc environnemental d’un prochain transfert ne lui soit fatal si elle parvenait à ses fins.
Désormais, un nouveau bruit de fond vint emplir le laboratoire rempli de livres de l’hidalga. « Boum boum. Boum boum. Boum boum…. »    

Cas n°4  

Il avait une ouverture d’esprit bien plus large que la sienne. Une capacité orale que l’on ne pouvait pas démentir. Ce prestidigitateur était ce qu’il manquait à la scientifique pour mener à bien ses expériences. Mort, il ne lui serait d’aucune utilité. Même si elle éprouverait un grand plaisir à ouvrir et explorer le cerveau de cet homme, c’est néanmoins bien en vie et en pleine possessions de son esprit qu’elle le voulait. Qu’importe ses défauts, ses tics et ses opinions. Elle voulait que le quatrième sujet soit son collaborateur.
Ainsi, elle lui montra son laboratoire. Après l’avoir fait venir dans Esperanza, elle l’invita à la suivre. Sans un mot, sans une seule explication, elle lui ouvrait la porte et le laissait pénétrer dans son sanctuaire. La servante enceinte s’occupait du ménage et d’entretenir la chaleur de la grosse cuve bercée de battements. Des livres de toutes langues surplombaient les étagères. Ceux posés sur le bureau parlaient notamment d’anatomie et de greffes. L’encens couvrait une odeur de poussière que la domestique chassait chaque jour pour garder l’endroit impeccable.
Ainsi, quelqu’un était désormais dans la confidence. Elle remerciait encore Pijn d’avoir mis ce garçon entre ses griffes.
Mad Max
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Posté le 26/04/2018 à 16:48:19 

La première chose qui frappa vraiment Maximilien en observant le laboratoire de Dolorès, et par première chose il ne comptait pas l'installation quasi pharaonique que l'intendante avait réussi à bâtir sous Esperanza, mais bien que tout ici n'était que machines, rigueur et méthode. Combien d'européens lettrés, pris d'un désir de savoir un peu plus, avaient ainsi bâti dans des espaces perdus des laboratoires ésotériques ? On y trouvait pentacles, bocaux remplis de poudres et d'herbes venues du monde entier, des flacons entrelacés et des assiettes en bois gravé de runes protectrices. L'ère du temps était à l'alchimie, l'occulte, les frasques en latins et les phrases de démonistes amateurs. Combien en avait-il vu, de ces sorciers endimanchés, qui dans leurs manoirs croyaient percer des secrets insondables ? Fadaises ! Travaux d'enfants prétentieux sans esprit de raison, de nobliaux ou grands bourgeois, délires de riches, passions d'oisifs au ventre rebondi et à la tête pleine de contes pour enfants !

Mais ici, rien de tout cela. Le Fou le vit immédiatement. Le laboratoire n'avait pas cette organisation fouillie des chercheurs dispersés et impatients. Il transirait la méticulosité, le sérieux, l'austérité élégante. C'était un lieu de science et non de hobby bourgeois.

Sans mot dire, et c'était rare, sauf lorsqu'il ménageait son effet, Maximilien pris le temps de faire le tour de la place, d'observer les cuves fumantes, déchiffrer les titres des manuscrits, effleurer les outils, inspecter les expériences. Ici on trouvait un fœtus en bocal, là des morceaux organiques prêts à passer à la lentille du microscope. Le Fou n'était pas homme de science, lui, c'était un domaine qui lui aurait demandé de la pratique et de la minutie, il n'avait ni le temps pour la première, ni l'esprit pour la seconde. Mais il connaissait beaucoup de théorie et avait des amis dans tous les mondes possibles, à force d'avoir arpenté les lisières. Bref, il n'entravait rien à ce que la Dolorès mijotait, mais il était tout à fait impatient de le découvrir.

Il désigna le bocal dans lequel flottait le fœtus mort.

- "C'est le votre ?"
Felicia Dolorès
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Posté le 02/05/2018 à 17:40:45. Dernière édition le 02/05/2018 à 17:41:32 

Cas n°4

Il devait en avoir des questions. Et il aura également des réponses. À dire vrai, ce simple fait de dévoiler ou non certains secrets était un jeu pour elle. Saura, saura pas ? Vérité ou mensonge ? Un divertissement qui, pourtant, lui faisait horreur lorsqu'elle n'en était pas la maîtresse. Cette île ne réussissait pas à son esprit étriqué. La liberté qui lui était offerte lui permettait d'accomplir des besognes bien plus toxiques qu'elle ne pouvait se permettre sur le continent. Ici, elle pouvait se projeter de devenir un jour reine des abeilles. 

L'installation du laboratoire ne lui appartenait pas. Elle louait en attendant d'avoir sa propre installation. La décoration et les outillages intérieurs en revanche étaient bien de son fait. La bibliothèque provenait de sa propre demeure familiale sur le continent et si l'on y faisait attention, on pouvait peut-être s'apercevoir que certains ouvrages sur l'anatomie humaine étaient de son fait. 

Elle fixait ce jeune homme comme si elle espérait le sonder à chacun de ses faits et gestes. Elle ne pouvait réfréner une certaine fierté à montrer tout ceci à Maximilien. Il pouvait prendre tout le temps qu'il souhaitait pour arpenter les lieux, explorer tous les recoins et peut-être même toucher à tout. La dame n'était pas possessive, du moment qu'il ne cassait rien. Et puisqu'elle avait besoin de son esprit aiguisé alors elle ne comptait pas le laisser dans le flou. Ainsi, elle avait décidé de montrer patte blanche. 
À la question de l'intendant, elle pencha sa tête sur le côté. 

" Cela m'ap.partient, en effet. " lui répondit-elle en dardant un regard protecteur sur le fœtus en question. Il est le sien car il lui a été offert, mais elle n'en était pas la créatrice.  
Felicia Dolorès
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Posté le 05/05/2018 à 19:37:36. Dernière édition le 05/05/2018 à 19:37:51 

Cas n°2
 
Elle avait fourni quelques échantillons de secrétions de ce sujet à Don JeF un peu avant que ce dernier ne sorte le fameux jus de goule. Les récits se raccordaient et les sciences concordaient entre elles. Et pour avoir confiance dans les compétences intellectuelles du travesti, l’hidalga avait précieusement conservé une bouteille dans son laboratoire. Si elle menait son projet à bien alors il est fort probable qu’elle fasse appel à lui, bientôt, pour une mise en scène aussi glauque que glorieuse.
 
Le cas n°2 fut un monstre enragé aujourd’hui libre de ses moyens mentaux. Un être aussi dangereux que blessé dans son orgueil, si bien qu’elle ne pouvait plus l’approcher comme elle s’était permis de le faire un mois plus tôt. Elle possédait toutefois encore bon nombre d’échantillons de salives, de fourrure, un œil tombé lors d’une métamorphose, du sang et quelques lambeaux de chair. D’un côté, nous avions les goules capables de se mouvoir malgré leur statut de mort apparente. D’un autre, une bête sanguinaire capable de régénérer les blessures causées par sa transformation, durant sa transformation. Elle était donc en train d’ordonner ses biens non loin de la cuve. Un miracle qu’elle soit encore vivante après tous ces risques pris dernièrement. D’autant plus qu’elle prévoyait de se rendre dans le volcan pour y récupérer du soufre et explorer l’électrisation de cellules.
À l’heure de cette narration, peut-être y était-elle déjà.
 
Le temps presse et le troisième mois s’annonce bientôt. À son retour, si elle en revient, elle passera aux expérimentations finales.
Mad Max
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Posté le 06/05/2018 à 15:11:16 

Max prit finalement place dans un grand fauteuil, près de la cheminée en hochant la tête à la réponse de l'espagnole.

- En tout cas, on peut dire que vous n'avez pas chômé, c'est spacieux... plutôt cosy. Enfin, je suppose. Il faut aimer les cuves, et les cages, c'est assez proche du style Louis XI en tout cas, vous vous y connaissez.

Il toussa un peu, pour se remettre les idées en place.

- Bien, hum. Pour être honnête, même si j'admire l'installation, il faut bien reconnaitre que vous êtes resté plutôt vagues sur vos projets, le pourquoi du comment et puis il y a... le Livre.

Il se redresse, incapable de rester statique bien longtemps et se dirigea vers l'étagère.

- D'ailleurs, en parlant incunable, je ne sais pas très bien où vous avez trouvé le manuscrit de botanique de Sœur Géraldine de Grimouville-sur-mer, mais à moins que vous ne comptiez disséquer des phoques chanteurs...

Il lui lança un regard intrigué.

- Vous possédez un phoque chanteur ? Enfin bref, je vais avoir besoin d'en savoir un peu plus, lady, bien que par principe, ma curiosité et mon aide vous soient acquises.
Felicia Dolorès
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Posté le 02/07/2018 à 21:11:52. Dernière édition le 02/07/2018 à 21:12:04 

[Si un admin passe par là, je souhaite changer le titre du sujet en "L'Institut". Merci ^^ ]

« Cher papa.
 
Mara et moi sommes arrivées avant-hier sur l’île et tout s’est bien passé. Cette histoire de Kraken qui fauche les navires près de Liberty, c’est du vent !
Comme promis, doña Dolorès nous attendait au port. Nous n’avons pas eu le temps de nous reposer car elle nous a tout de suite conduit à l’Institut. Mara est en admiration devant elle mais moi je la trouve horriblement distante. Pour une directrice d’orphelinat, elle n’a pas l’air très chaleureuse avec les enfants. Mais pardonne-moi, je ne devrais pas parler comme ça d’une si grande dame.
 
Les rénovations ne sont pas terminées. Les hommes qui y travaillent sont des autochtones à ce qu’elle nous a dit, l’argent de la cour d’Espagne les paye pour rentrer l’Institut parfaitement fonctionnel. Pour commencer il y aura deux salles de classe, une pour moi et une pour doña Dolorès. Il y a une chambre pour chaque enfant. Nous n’y avons pas vu de salle de jeu mais vu le grand terrain ovale derrière, madame Dolorès nous autorise à y aménager les activités que nous souhaitons pour les enfants.
 
Mara a repéré un mur dans le fond avec une grosse porte en bois. On a tenté de regarder au travers de la grosse serrure et apparemment ça mène vers le port de la ville plus bas. Madame Dolorès nous a repris à l’ordre. Elle nous a dit qu’il s’agissait de son cabinet et que nous ne devons jamais y aller, ni nous ni les enfants. On a vraiment eu peur de se faire virer lors de notre premier jour !
 
Toute la journée elle nous a donné des consignes. Ce n’est pas notre première expérience mais qu’est-ce qu’elle est exigeante ! Nos horaires de repas, le style de la nourriture pour les enfants jusqu’à leur cycle de sommeil, elle veut tout contrôler ! Mara a tout noté. Je crois que ma petite sœur s’est trouvée un nouveau modèle.
En tout cas, l’orphelinat est grand. Il y a une cuisine et madame Dolorès nous a dit qu’une fois que les « arrivants d’Août » seront là alors elle engagera un cuisinier. J’ai vu un clavecin, une harpe, deux violons, une lyre, quelques flûtes et même une épinette pour les plus petits. Ce qui m’a le plus ravie, c’est l’immense bibliothèque près de l’entrée. C’est incroyable, et nous avons le droit de toucher à tous les ouvrages ! Madame Dolorès veut que tout soit rangé et consigné chaque soir.  Mara et moi dormons à l’étage avec les enfants. Nous voyons parfois des gens que nous ne connaissons pas traverser l’orphelinat pour aller jusqu’au cabinet au fond du jardin mais madame Dolorès nous a donné une liste des personnes qui pouvaient aller et venir à leur guise.
 
Aujourd’hui, nous sommes allées chercher le premier enfant.  D’après madame Dolorès, d’autres arriveront en août et deux autres encore en Octobre. On ne sait pas trop comment elle peut programmer à l’avance l’arrivée des orphelins. Nous avons vu une servante enceinte alors nous supposons un rapport. La petite s’appelle Rosemay. Elle fait déjà sept kilos et 69 centimètres. Son père est un vaillant soldat de France qui ne peut malheureusement pas l’emmener avec lui sur le front, c’est pour cela qu’elle va vivre à l’Institut. À l’heure où je t’écris, Mara est en train de la nourrir. Elle est notre toute première alors je pense que nous allons beaucoup nous y attacher. Je ne sais pas pourquoi madame Dolorès a dit au monsieur qu’il y avait déjà des enfants dans l’Institut. Je pense qu’elle voulait le rassurer. Nous avons vu comme ça lui a déchiré le cœur à ce monsieur Cavendisch de se séparer de sa fille, c’en était très émouvant. Si j’avais eu le droit à la parole alors je l’aurais rassuré mais madame Dolorès ne voulait pas que l’on dise quoique ce soit. Quand nous sommes parties de Port-Louis, elle nous a confié l’enfant et nous a aussitôt demandé de nous éloigner si elle venait à pleurer. Quand madame Dolorès regarde la petite, j’ai l’impression d’y voir quelque chose de pas net. Enfin, je me fais sûrement des idées. J’ai hâte d’arrive à l’Institut.
 
Nous t’embrassons toutes les deux,
 
Francisca & Mara.
Intendant Maximilien
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Posté le 14/07/2018 à 12:06:58. Dernière édition le 14/07/2018 à 12:11:04 

Maximilien appréciait bien la Dolorès. Bien sûr, elle était froide et cruelle, mais pour le sociopathe qu'il était lui, ce n'étaient que des traits de caractère comme les autres, un exemple de plus de la grande diversité humaine et il aurait été fort malavisé de juger sans connaitre. Après tout, Félicia s'était jusqu'ici montré bien plus efficace et intéressante que bon nombre d'honnêtes gens.

Si le Fou avait au départ quelque peu douté de son utilité dans les recherches de la Dolorès, se sentant parfois comme la cinquième roue d'un carrosse à l'allure improbable, les événements du mois dernier, la pendaison d'Alanis et leur allégeance conjointe au Front Réuni Anti-Pirate lui avaient confirmé qu'ils pourraient trouver tout deux un grand profit à une collaboration.

Car elle lui avait procuré un enfant. Oh pas n'importe quel enfant, bien sûr, Max ne mangeait pas de ce pain là - de quel pain mangeait-il d'ailleurs ? - mais une petite fille, très spéciale et très vulnérable qui avait, pour son malheur, une hérédité à problème. La fille du pirate Elliott et de la folle Jane Seymour, un couple à la fois si tordu et bossu qu'il en devait attirer à la ronde toutes les promesses de vie exécrable qu'on pouvait imaginer sur sa progéniture.

Et en effet, le destin de la petite s'annonçait chargé. Ramené par convois express par le démon Metzengerstein et la Dolorès, elle se trouvait à présent en "sécurité" à l'institut de cette dernière. Une baraque encore modeste qui ne demandait qu'à s'agrandir, perdue dans une région sordide de l'île, avec la bénédiction du Gouvernement anglais et Espagnol.

Un méthodier plus brutal, sans doute, aurait joué de rançon et de chantage pour s'attaquer à la Confrérie. La vie d'Elliott contre celle de sa fille et sans doute le pauvre gigolo à la larme sensible aurait fini par se rendre après quelques nuits à chercher le sommeil, rongé de culpabilité et de dilemmes moraux. Mais Max se méfiait de ces méthodes un peu trop prévisibles. Les pirates ne manquaient pas de ressources, ils l'avaient prouvé maintes fois, et des approches trop frontales n'étaient décidément pas à la hauteur de leur réputation.

Il s'agissait d'envoyer un message, aussi. Par diablerie et corruption, le mage de la Confrérie, Nico le Voyageur, avait détourné l'esprit de l'un des leurs, Nikolaï Azarov, la bête russe, et l'avait poussé à se tourner contre les siens. Par goût du sang, par goût du pouvoir. Bien sûr, de telles pratiques étaient passibles de la peine de mort, pour sorcellerie, mais Nico n'en avait cure et jouissait de son statut de hors-la-loi pour répandre ses miasmes sataniques sur toute l'île sans crainte de conséquence.

Seulement ce fou avait-il oublié une chose. En ce bas monde, il existe deux sorte de privilège. Celui, brut et bestiale, des ermites et des parias qui hors des murs de la civilisation s'adonnent, loin du jugement de leurs paires, à toutes les exactions qu'ils souhaitent. Et celui, plus raffiné, des antichambres du pouvoir, dont rien ne sort et rien ne se sait, où le luxe et les passe-droits étouffent le bruit de l'indécence. Max était de cela et, Intendant d'Angleterre, comptait bien jouir de la discrétion des serviteurs et l'insonorisation des murs clos de l'Institut Dolorès pour user d'arcanes interdites.

Il ne prétendait en rien affronter le Voyageur sur son terrain. C'était peine perdue. Le pirate tenait son pouvoir de quelque démon, si ce n'est du diable lui-même, et Max n'était qu'un petit occultiste de salon, à peine bon à invoquer les esprits et faire des tours de carte. Mais même le plus médiocre des hommes, s'il est besogneux, peut reproduire les formules, tracer les pentacles et invoquer les forces naturelles du monde, qui ne dépendent pas de la sorcellerie mais sont simplement en attente, jusqu'à ce qu'un linguiste des lisières daigne s'adresser à elles.

La filiation était de ces forces. Le pouvoir du sang, du même sang que partagent deux individus et qui les lie à jamais. On ne peut échapper à ce genre de fardeaux, à moins de garder sa semence pour soi, ou de fermer son ventre comme une nonne. Maximilien avait sa fille, il avait donc Elliott. Nico découvrirait bientôt qu'il n'était pas le seul sur cette île à pouvoir arpenter les confins interdits.
Felicia Dolorès
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Posté le 07/09/2018 à 20:32:20. Dernière édition le 07/09/2018 à 20:34:04 

Numéro 0 : Reste un mystère. Mais j'ai confiance.

Numéro 1 : Il semble se développer correctement. Son cœur bat presque à l’unisson de numéro 2 avec qui il partage sa poche utérine. La servante se plaint de douleurs et de migraines mais elle encaisse mieux que je ne l’imaginais cette grossesse malgré l’implantation du n°2 en elle. J’espère que les deux seront viables à la naissance. J’ai de grands projets pour n°1, il mènera les autres. Quant à n°2… Vu l’intérêt que lui porte son père biologique, il pourrait bien s’avérer encore plus précieux que prévu. La servante ne quitte désormais plus l’Institut. Pour avoir été fécondée en Février, elle devrait expulser en Octobre. Je tâcherais de faire un rapport au donateur de n°1 si son fruit m’apporte satisfaction. J’ai ordonné aux deux gouvernantes de maintenir la servante enceinte alitée. Vu son état de faiblesse, l’un des deux embryons achèvera de lui absorber son énergie avant la naissance. Je soupçonne n°2 d’être plus gourmand que son frère.
 
Numéro 3 : Elle est à l’Institut depuis deux mois. Désormais âgée d’un peu plus d’une demi-année, elle suscite un vif intérêt de la part de Maximilien. Ce dernier veillera à ce qu’elle ne manque de rien. Je ne sais encore quels types d’expérience il exercera sur elle mais il a carte blanche. Si cet enfant nous offre autant de robustesse que possède son père biologique alors elle devrait nous ravir. Il va lui en falloir, si elle veut survivre. J’ai bon espoir que le señor Maximilien ne casse point son jouet trop vite car il me faudra alors lui en offrir un autre.
 
Numéro 4 : Décédé en été 1718. Empoisonné par sa mère.
 
Numéro 5 : Sœur du précédent numéro, il me faut encore la ramener à l’Institut. Je la contacte immédiatement. Elle aidera les gouvernantes à s’occuper des autres. J’espère qu’elle est dénuée de curiosité, elle pourrait s’attirer des ennuis.
 
Numéro 6 : Né le 31 août 1718, vivant et viable. Nourri de différents laits, il semblerait qu’il commence déjà à être attiré par les viandes. Sa difformité est exquise. Une petite merveille arrachée à sa famille, il sera le défenseur de l’Institut. Pour le moment, il ne présente aucun signe de changement comme son père. Peut-être grandira-t-il ainsi. Je l’habituerais à la chair humaine pour qu’il se développe à ma convenance. En attendant, il est nourri à l’écart des autres habitants de l’Institut.
 
Numéro 7 : La plus âgée de tous. Elle sera un guide excellent pour rappeler à chacun leur place dans l’Institut. Premier modèle à suivre quant à l’obéissance qu’il faudra nous porter. Bémol : Elle ne parle pas encore notre langue et plaît à beaucoup trop de monde. Ces traits plaisent à son maître mais je trouve fâcheux que l’on veuille nous la subtiliser. Elle est nôtre.
 
Numéro 8 : Supposé conçu cette année. Il sera l’outil de comparaison absolu avec n°6. Malheureusement, je n’ai guère encore la main dessus. Mais je sais où ce fœtus est conservé, il sera mien à sa naissance.
Mad Maximilien
Mad Maximilien
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Posté le 23/09/2018 à 01:06:07. Dernière édition le 23/09/2018 à 02:54:28 

La diligence banalisée avançait à vive allure sur le terrain pourtant à demi-marécageux qui séparait New Kingston de l'institut. Au delà de la jungle de l'île, le soleil venait de disparaitre, et avec lui suivraient bientôt les dernières lueurs du jour.
Maximilien sortit la tête du véhicule et donna un petit coup sec sur la porte pour se faire entendre du cocher qui avait relevé son manteau sur ses oreilles, pour se protéger du vent froid et bruyant.

- Dépêchez-vous mon vieux, j'aimerais être à l'Institut avant la nuit...

L'Intendant rentra en hâte son visage pour retrouver la chaleur de l’habitacle et sourit au jeune garçon qui s'y trouvait aussi. C'était un pauvre bougre, haut comme un mal nourri et maigre comme trois pommes, qu'on avait tout de même pris soin de débarbouiller avant de le faire assoir sur la banquette de la diligence, histoire de ne pas la tacher.

- Ne vous en faites pas, d'ici une demi-heure vous serez dans un lit sec avec une tasse d'eau chaude entre les mains.

Comme il n'était pas homme à se taire, ni à aimer patienter, il n'attendit guère pour relancer la conversation sur quelques précautions d'usage avant de rencontrer la Dolorès pour la première fois.

- Bon, little boy, je vous rappelle tout de même d'être poli et bien élevé, dans la mesure du possible. Saluez la Dolorès, ne lui coupez pas la parole et de préférence ne parlez pas sans qu'on vous y autorise.

Si l'on vous donne des cours, gare à la distraction, le chemin est long avant d'être enfin un homme de bonne éducation, il faudra travailler dur et être attentif, mais si vous suivez les règles, nous vous tirerons de la misère et de la bêtise, je m'y engage.

Se disant, il ne regardait pas l'enfant dans les yeux, pas qu'une pointe d'hypocrisie l'empêcha d'assumer des propos qu'il savait en parti mensongers, la Félicia n'avait rien d'une préceptrice, mais surtout parce qu'il était très occupé à scruter l'obscurité de l'extérieur, cherchant à y apercevoir quelques monstres embusqué. Max n'aimait pas la nuit, il n'aimait pas ne pas voir où il allait.


Ils arrivèrent finalement à l'Institut après une vingtaine de minute à rouler dans l'herbe humide. Le cocher descendit ouvrir la porte et les deux garçons sortirent pour découvrir une petite allée de gravier, qui menait tout droit à l'imposant bâtiment. C'était une bâtisse au style anglo-hispanique que nous laissons à la Dolorès le soin de décrire selon sa convenance.
Refermant sa veste pour échapper au froid, le Fou poussa Jan dans le dos pour l'inciter à ne pas trainer et les mena ainsi jusqu'à la porte où il frappa trois fois.

Puis ils attendirent.
Jan-Jan het Straatkind
Jan-Jan het Straatkind
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02/09/2018
Posté le 23/09/2018 à 02:13:04. Dernière édition le 23/09/2018 à 02:25:20 

«... et surtout, ne monte pas dans la voiture d'un inconnu! »

Les dernières paroles du Père Vermeer, avant qu'il ne quitte Ulungen, semblaient résonner dans son crâne alors qu'il regardait défiler les arbres par la fenêtre de la diligence de l'intendance anglaise.

Jan-Jan était arrivé à New-Kingston le jour même pour accomplir quelques sales besognes, pour le gouverneur anglais, dont il avait déjà oublié la teneur. Et voilà qu'après quelques échanges avec Maximilien, il quittait déjà la colonie britannique et filait vers l'inconnu. A cet instant, le jeune batave déglutit, se demandant s'il n'avait pas manqué de discernement. Le ciel s'assombrissait rapidement et dans l'obscurité, le jeune intendant anglais ne lui paraissait plus aussi chaleureux et avenant que sous les lustres du Black Beer Pub.

«... boy, je vous rappelle ... »

Le ton sec de l'intendant le sortit de ses pensées et il secoua sa tête pour retrouver toute son attention. Poli oui, bien élevé, heu... ça devrait aller, dire bonjour et tout et tout, oui, c'était évidemment des recommandations qu'il avait déjà reçues et qu'il appliquait à la perfection.

« — Et est-ce qu'i' y'aura d'autres enfants comme moi chez dame Dolorès ? s'empressa de demander Jan-Jan en s'imaginant déjà être dans une salle de classe entouré de camarades de son âge, tous plus disposés les uns que les autres à chahuter au grand dam du professeur »

Le sourire bienveillant de Maximilien le rassura et c'est mû d'un enthousiasme retrouvé que le jeune garçon marcha en direction de l'institut, après avoir tanné pendant les dix dernières minutes de route son interlocuteur pour savoir si "ils arrivaient bientôt". Il avait tenu le pas à l'intendant, dont les jambes étaient deux fois plus longues que les siennes, sur toute l'allée, mais à l'approche de la bâtisse son entrain s'estompa.

« — Pourquoi personne il ouvre ? finit par lancer Jan-Jan après une longue minute d'attente. Elle as-tu de vieilles cannes la dame Dolorès ? »

Comme pour lui épargner les remontrances dont il aurait évidemment écopé, la grosse porte en chêne s'entrouvrit et deux jeunes femmes qui se ressemblaient fortement firent leur apparition. Jan-Jan lança alors un regard interrogateur à son compagnon, ne sachant pas si l'une d'elle était l'hôte des lieux. Il était manifestement déjà effrayé à l'idée de commettre un manquement à l'étiquette. Aussi, constatant qu'il ne recevrait aucun soutien de la part de l'intendant anglais, il improvisa une révérence très maladroite puis attrapa la main de la fille plus proche qu'il se plaqua sur le front, comme le lui avait montré son copain Stijn.

« — Jan-jan van Ulungen pour que j'puis vous servir mad'moiselle !»
Felicia Dolorès
Felicia Dolorès
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06/11/2017
Posté le 23/09/2018 à 20:07:40. Dernière édition le 23/09/2018 à 20:09:08 

Numéro 9 ?
 
C’est un manoir tout en hauteur qui représentait l’institut, discernable sur sa petite péninsule et bordant la mer à l’ouest de l’île. L’allée manquait de fleurs et nécessitait l’entretien d’un véritable jardinier pour être accueillante. Mais la bâtisse était récente. Si de jour elle semblait tout à fait anodine, elle se déformait dans la nuit sous une voûte menaçante lorsqu’on se trouvait à ses pieds. Des ombres apparaissaient tantôt pour disparaître derrière quelques fenêtres alignées. Les lieux étaient austères, à l’image de leur directrice probablement. La décoration intérieure était incroyablement sobre. Bien meublée, quelques peintures sur les murs et des sculptures occidentales qui rappelaient le vieux continent. Il n’y avait pas un seul livre sur le sol, pas une trace non plus. Le hall était aussi triste que propre.
 
Ce sont Francisca et Mara qui ouvrirent aux visiteurs et qui eurent la surprise de recevoir toute la politesse du garçon en face. Très vite, elles firent entrer les invités afin de les mettre au chaud. Retrait de veste, présentations, invitations à pénétrer dans un vaste salon pour s’y réchauffer avec une boisson, elles savaient accueillir et mettre à l’aise. Ces gouvernantes étaient compétentes. Et elles étaient disposées à répondre à toutes questions ne concernant pas les expériences de la Dolorès, ce dont elles n’étaient bien évidemment pas au courant.
Au vu de l’heure tardive, il n’était pas envisageable de croiser la servante enceinte ou même les autres résidents déjà endormis dans leur couche. Mara partit chercher la maîtresse des lieux pendant que Francisca faisait chauffer l’eau.
 
C’est ainsi qu’elle remonta d’un sous-sol verrouillé et caché derrière la cage d’escalier qui menait aux étages. Tenant le bas de sa robe noire pour éviter de la salir jusqu’à être parvenue jusqu’à la dernière marche, elle emboita le pas à Mara pour pousser la porte du salon et tout de suite prendre état des deux convives. La Dolorès était finement maquillée d’une cire noire aux yeux et d’un rouge à lèvres carmin. Un chignon serré et impeccable tirait ses cheveux noirs vers le haut de son crâne. Ses yeux froids se posèrent tantôt sur la silhouette la plus familière de l’intendant anglais, puis sur cet étrange petit bonhomme. Elle avait été prévenue de cette nouvelle rencontre par missive quelques jours plus tôt. Elle prit quelques instants pour jauger ce garçon du regard. Sa première pensée d’orienta vers Saskia qui serait la partenaire de jeu idéale pour ce petit homme. Ses mains gantées jointes devant elle, elle commença par un premier ordre adressé à Francisca.
 
« P.préparez un bain à ce jeune señor, je vous p.prie. »
 
La première gouvernante quitta les lieux en déglutissant. Elle n’aimait pas l’idée de devoir aller chercher de l’eau à en pleine nuit. La Dolorès s’avança jusqu’à l’intendant anglais qu’elle gratifia d’une courtoise révérence parfaitement maîtrisée.
 
« Il m’est ag.gréable de vous revoir, intendant. »
 
Puis elle se tourna vers Jan-Jan qui eut droit à une inspection totalement détaillée d’un regard scrutateur. Un bras sur sa poitrine, elle posa son autre main dessus en frottant son index contre son pouce dans sa réflexion.
 
« Comment t’ap.ppelles-tu ? »
Jan-Jan het Straatkind
Jan-Jan het Straatkind
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02/09/2018
Posté le 02/10/2018 à 00:17:46. Dernière édition le 08/10/2018 à 23:10:02 

« — J'm'appelle Jan Jansen m'dam... »  lança le marmot qui tâchait de lire sur le visage imperturbable de son interlocutrice une quelconque réaction. Un quelconque signe imperceptible qui aurait pu l'aider à finir correctement sa phrase, en vain. 
« ... oiselle!  »
finit-il par lâcher après avoir maintenu sa respiration beaucoup trop longtemps, ce qui lui provoqua une quinte de toux. A cet instant, il regrettait de ne pas avoir questionné davantage l'intendant anglais sur le protocole à suivre et il espérait que ça ne lui porterait pas trop préjudice.

« Mais tu peux... osa-t-il avant de se reprendre immédiatement, mais v'pouvez dire Jan-Jan comme tous mes copains », comme si cette précision pouvait avoir la moindre importance.

Le jeune hollandais n'avait jamais eu l'occasion de croiser une vraie dame jusqu'à ce soir là. Les seules femmes qu'il côtoyait d'ordinaire, c'était les racoleuses vérolées des bas-fonds d'Ulungen, les crieuses du port, les pleureuses du Temple ou encore les courtisanes de la Muller. Et si ces dernières se dandinaient dans des robes dernier cri et se maquillaient comme à la cour de Versailles, elles ne trompaient personne.  

Aussi, dans ce cadre sobre et froid que ni les sourires discrets des deux jeunes assistantes, ni le feu de la cheminée ne parvenaient à réchauffer, Jan-Jan se figea dans un mélange d'intimidation et de fascination à l'égard de l'hôtesse des lieux. Une seconde, une minute. Il ne savait pas dire combien de temps il s'était égaré dans ses pensées, dont il ne sortit qu'à la vue de Francisca une serviette à la main .

« — Oh! Un vrai bain comme ceux-là avec de l'eau propre ?
lança-t-il à l'attention de Dolorès, tout en pointant du doigt la jeune fille » 
Mad Maximilien
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29/06/2012
Posté le 13/10/2018 à 22:40:00 

Maximilien remercia les deux femmes en recevant la tasse de thé chaud qu'on lui apporta et se rapprocha du feu le plus proche, laissant son protégé à ses nouvelles tutrices, non sans lui accorder un discret clin d’œil encourageant.
Il n'avait pas encore terminé de se réchauffer lorsque entra la Dolorès, menant avec elle un courant d'air qui semblait venir d'outre-tombe... ou des plus profondes caves de l'Institut.

Il la salua avec une politesse et une charmant sourire. Petit spectacle de marionnette que chacun interprétait religieusement à chaque rencontre, sans cynisme ni naïveté.

- Milady. C'est toujours un plaisir de vous retrouver. Est-ce moi ou l'Institut est de plus en plus chaleureux avec le temps ?

Il laissa trainer son regard sur le petit bonhomme hollandais. A chaque fois qu'il ramenait un enfant des rues ici, il sentait poindre au fond de lui quelque petite flamme paternaliste et misérabiliste. Heureusement cela finissait toujours par passer.

- Je ne vous en ramène qu'un cette fois, mais un d'Ulungen. New Kingston a épuisé ses réserves d'orphelins, je le crains, mais j'ai bon espoir que la prochaine guerre en fournisse une nouvelle fournée.

Prétextant la fatigue du voyage pour laisser la Dolorès à ses oeuvres, il fit signe au cocher de monter ses bagages jusqu'à la chambre qu'on lui avait assignée, puis s'adressa à Mara, la gouvernante.

- Dites moi Mara, comment se porte la petite ?

- Oh, bien monsieur, mais... elle dort pour le moment...

- Bien sûr, bien sûr. Pourrez-vous me l'amener demain matin, après déjeuner ? Et hm, j'aurai besoin de la clef de la petite pièce à côté du laboratoire, en bas. Vous penserez à la dépoussiérer avant ? Il faut que les marques sur le sol soient bien visibles.
Jan-Jan de Verzorgerij
Jan-Jan de Verzorgerij
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02/09/2018
Posté le 04/11/2018 à 03:13:51. Dernière édition le 04/11/2018 à 03:34:08 

Au cours des semaines qui suivirent son arrivée à l'Institut, Jan-Jan n'avait pas vraiment eu le temps de s'ennuyer. Ses journées étaient minutées, du petit déjeuner au souper, et étaient largement occupées par d'interminables leçons que le marmot hyperactif avait du mal à assimiler.

« — Mais pourquoi qu'tu m'racontes toutes ces histoires dame Francisca? Quoi qu'j'm'en moque de qui c'est qu'elle a marié la reine Isabel ?
— Épousé, qu'elle a épousé, l'interrompit l’aînée des deux sœurs qui se demandait encore pourquoi elle reprenait le gamin sur ces vices de langage quand tout le socle était à revoir. 
— Ben c'est qu'est-ce que j'ai dit, lui rétorqua Jan-Jan en fronçant les sourcils, épouser, marier, quoi qu'c'est la différence?
— Ben oui Francisca, explique-nous, quoi-que-c'est la différence? lança sa cadette amusée qui assistait de loin à cette séance de torture le nez plongé dans un livre. 
— Mara, s'il te plait ! Ne rends pas ça plus compliqué veux-tu !»

Jan-Jan avait profité de ces quelques secondes d'inattention pour se lever de son pupitre et se saisir d'une règle en bois, qu'il brandit en direction de son institutrice.

« — Moi j'veux qu'tu m'dis des histoires de batailles dame Francisca, que y'a plein d'morts et de sang ! Comme celles-là dl'a Sainte-Hermandad et des sorcières !
—  Des sorcières? s'enquit la jeune femme en se retournant à nouveau vers sa sœur, les mains sur ses hanches. Mara ! Combien de fois t'ai-je dit de ne pas faire passer tes contes pour des faits d'histoires ! Tu gâches tout mon travail ! Si Doña Dolorès l'apprenait... »

"Si Doña Dolorès...". Cette formule magique dont la plus âgée et la plus sérieuse des deux gouvernantes abusait trop fréquemment auprès de sa sœur, mais qui avait le mérite de la faire taire immédiatement. La fascination que Mara vouait à l'hôtesse des lieux était manifestement teintée d'une crainte parfaitement légitime. Toutefois, pour ne pas saper la fragile autorité qu'elle avait réussi à inspirer au jeune garçon, Francisca évitait de faire de même avec lui et préférait user de méthodes plus subtiles.

« — Ben dis-moi dame Francisca, repris de plus belle Jan-Jan en agrippant la robe de la jeune femme ! Promis que si tu m'dis des histoires de chevalier, j'lirai 10 pages sans que j'parle  Même que j'irai faire mes calculs! Des histoires de Chevaliers, de Dragons et de Pirates..  !! »

...

Face à la réaction des deux sœurs, et de Mara en particulier, dont le sourire facile s'effaça immédiatement pour laisser place à une grimace de dégoût, le garçon réalisa qu'il venait de prononcer un mot qu'il s'aviserait de ne plus jamais répéter entre ces murs.
Felicia Dolorès
Felicia Dolorès
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06/11/2017
Posté le 16/11/2018 à 22:29:42 

L'hyperactivité était un trait de caractère que la Dolorès avait commencé à découvrir chez une jeune rouquine adulte. Pour quelqu'un d'aussi calme qu'elle, c'était extrêmement difficile à tolérer. Par manque d'empathie, elle ne comprenait pas que quelqu'un puisse tant s'agiter alors qu'il suffisait de se poser devant un bon livre ou bien même de fixer un point pour passer le temps durant des heures. Mais il n'y avait là encore aucun problème avec ce garçon qu'elle découvrait aujourd'hui. 

Maximilien commençait à vaquer à ses propres affaires. Il était dans cet Institut comme chez lui. Il y avait ses propres attirails et surtout, son propre cobaye. Et à la grande surprise de la maîtresse des lieux, il avait prouvé il y a peu qu'il méritait amplement cette confiance. Pour être tout à fait honnête, elle avait réellement songé à l'assassiné lorsque la confrérie l'avait capturé afin de l'empêcher de dévoiler quoique ce soit. Heureusement qu'elle ne put parvenir jusqu'à lui car il s'avéra fiable. Mais bref. Un détail qu'il valait mieux ne pas lui confier. 

Jan-Jan semblait s'accommoder. À dire vrai il était l'un des seuls enfant en âge de bien s'exprimer, d'agir et surtout de se comporter normalement depuis la disparition de Lewys. Autrement dit, il devait être une réelle bouffée d'air frais pour les deux gouvernantes. Peut-être a-t-il déjà commencé à croiser numéro 6 qui doit commencer déjà à marcher et à japper. Si on les habitue tous deux dès leur jeunesse alors ils ne se craindront pas. Dolorès remettait régulièrement un pied à l'Institut pour s'assurer que tout se passe bien. Jan-jan était libre de sortir, de découcher, à dire vrai aucune chaîne ne l'attachait. Et c'est peut-être pour cette raison qu'il y revenait. L'instruction qu'il pourra trouver ici était censée le tourner petit à petit vers une notion de science déshumanisée. Développer son intellect mais pas son social. Elle ne forçait en rien et il pouvait apprendre ce qu'il voulait, mais ce n'est pas dans l'Institut qu'il pourrait trouver les contes qui avaient une fin heureuse. 
Le but de la Dolorès était de, en douce, l'habituer à la présence des autres et de développer assez ses facultés cognitives pour qu'il ait plus tard l'envie de protéger ceux qui grandiront ici auprès de lui. 

Numéro 1 et Numéro 2 n'était toujours pas sortis du ventre de la servante. Cela faisait plus de neuf mois, c'en devenait inquiétant. Felicia allait devoir prendre les choses en main et provoquer l'accouchement. 
Jan-Jan de Verzorgerij
Jan-Jan de Verzorgerij
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02/09/2018
Posté le 30/12/2018 à 00:55:53. Dernière édition le 30/12/2018 à 13:12:33 

« — Oh ben dis, t'as vraiment une drôle de tête toi ! s'exclama le jeune garçon en soulevant le drap qui recouvrait le mystérieux couffin de la "Chambre Interdite". Un grand panier d'osier, tapissé de coussins, avait été posé à même le sol au beau milieu d'une pièce sans meubles et dont les volets n'étaient jamais ouverts. Ah ah. Et t'es tout poilu en plus. Roooh !! Mais t'es pas du tout un bébé en fait ! Quoi qu'tu fais là p'tit bonhomme ? »

La Chambre Interdite n'était, en vérité, pas tout à fait "interdite". De même que la Bibliothèque Enchantée était on ne peut plus ordinaire, quoi que fort bien fournie, et naturellement poussiéreuse. Quant au terrifiant Antre du Dragon, de près, il ressemblait ni plus ni moins à l'âtre d'une belle cheminée. Mais lorsqu'il s'agissait d'affronter la solitude et l'ennui, Jan-Jan n'était pas à court d'imagination et le vaste manoir était vite devenu pour lui le théâtre de milliers d'aventures.

« — Pourquoi qu't'es tout seul icite toi ?! poursuivit le gamin en approchant sa tête de la drôle de créature qui émergeait de sa sieste. J'savions pas qu'elle avait des p'tits chiens dame Dolorès. Ben dis, t'as quand même une tête toute drôle tu sais ! Jamais vu un chien qu'avait des yeux comme ça, t'es bizarre! Mais faut dire que j'ai jamais trop eu l'droit d'jouer avec des chiens moi. 

Encouragé par le regard attentif de son interlocuteur, Jan-Jan s'accroupit devant le panier et poursuivit son monologue en croquant dans un trognon de pomme qu'il avait certainement dû ramasser par terre.

«  — *cruuunch cruunch* C'est pa'ce que l'vieux Père Vermeer, il disait qu'les chiens, c'était rien qu'd'la vermine et qu'ça donnait plein d'maladies d'pauv'es! Comme celles-là qui grattent les fesses. Moi j'lui disais que j'pouvais ben emm'ner l'chien avec moi dans l'port pour qu'il s'lave mais c'était toujours non! Non! Et pis j'allais comme même pas désobéir tu vois, précisa-t-il en levant l'index en l'air pour sacraliser l'instant, pa'ce qu'une fois un copain du Dépotoir - Ah oui qu'tu sais pas, le Dépotoir c'est là-bas que j'dormais à Ulungen avant que j'viens icite avec m'sieur Max. *cruuunch cruunch* M'sieur Max tu connais? Non? Ben j't'expliquerai dis!»
  — Ouuaf ouuuaf woouff, jappa son petit compagnon qui se dressa sur ses quatre pattes avec l'air de dire que le jeune batave manquait de discipline dans son exercice narratif. 
  — Ah oui ! reprit Jan-Jan dont le regard fut attiré par le petit collier qui pendait désormais au cou de l'animal et sur lequel était inscrit simplement "N°6". J'disais que faut pas désobéir à l'vieux Père Vermeer, même si comme même il est pas si pire. Pa'ce que voilà, quand mon copain Stijn il a ram'né un p'tit chien en cachette dans not' piaule, bah l'père là, il l'a 'ttrapé par une patte pis il l'a 'crasé contre l'mur. Comme ça, PAF! fit-il en mêlant le geste à la parole, ce qui fit sursauter son compagnon.
— Ouuaf ouuuaf Grrrrr Grrrrr, répondit aussitôt ce dernier, manifestant clairement son aversion soudaine à l'égard du bigot batave.

Jan-Jan poursuivit ses histoires quelques minutes encore, sans transition aucune et ponctuant son discours de nombreuses pauses pour se curer le nez ou se décrotter les chaussures avec ses ongles. Le petit chien, de son côté, ne semblait pas s'en offusquer, contrairement à dame Francesca qui lui aurait sans doute déjà martelé ses dix doigts avec sa règle. 

«  — Oh tiens ! J'suis malpoli dis! Pt'être que t'as faim toi aussi ? Tu veux-tu un peu d'ma pomme? J'aime pas beaucoup l'bout du milieu qu'est dur avec les graines, tiens, c'est pour toi ! dit-il en tendant ce qu'il restait du fruit à l'étrange canidé.
— Ahhhhhahhhahhhh Ohhhohhhhohhh, Aoooutch ! Aooooutchhhh ! AAAAAHHOOOOUUUCHH ! s'écria Jan-Jan, rapidement au bord des larmes, tout en essayant de retirer son doigt de la gueule du petit carnivore qui avait visiblement trouvé mieux à se mettre sous la dent qu'un vieux trognon pourri. »

Sans doute effrayé par l'état dans lequel il venait de plonger le gamin, le petit chien, qui ne ressemblait au passage à aucun chien que le garçon avait pu croiser, desserra les crocs pour le libérer. Manifestement confus, il s'allongea aussitôt sur le sol, les pattes sur la tête en guise d'excuses. 

«  — Bah j'sais bien qu't'as pas fait exprès vilaine Canaille, lui rétorqua Jan-Jan qui reprenait ses esprits. R'garde mon bout d'doigt va, y'a même du sang tellement que t'as mordu très fort!! C'est pas bien qu'tu manges les p'tits enfants m'sieur Canaille tu sais ! Si t'as très faim, suffit qu'tu m'dis et on ira chiper des bouts d'lards à la cuisine ! »

Sur ces mots, le jeune garçon quitta la pièce, suivi de près par la bête, le susnommé Canaille, qui semblait comprendre parfaitement les intentions de son nouveau compagnon.
Felicia Dolorès
Felicia Dolorès
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Posté le 18/01/2019 à 15:51:44 

Les muscles de ses doigts étaient terriblement crispés car cela faisait des heures maintenant qu’elle coulait l’encre sur le papier. Le bureau était infesté de schémas, de notes et de sang. Au-dessus d’un bac d’eau, elle frottait frénétiquement des ongles noirs d’encre pour les laver. Elle semblait totalement ignorer la présence d’une servante qui ressortait de là en portant sur son épaule une toile bien pleine, de laquelle coulait un fluide rougeâtre qui traversait le tissu. Quand la maîtresse de maison semblait d’une humeur noire, il valait mieux éviter de la déranger. Mais avant qu’elle ne pousse la porte pour sortir, la voix glaciale de l’hidalga retentit dans sa direction.
 
« App.porte-moi numéro 2. »
 
La servante disparut. Les lueurs vacillantes des chandelles donnaient des ombres macabres aux cadavres gisant sur les couvertures. Des expériences glauques avaient lieu ici durant des nuits pour un seul et même objectif, un objectif resté bien mystérieux aux yeux de tous les autres membres. Plus les jours passaient et plus les tests étaient sombres. Les yeux perçants de la Dolorès fixaient imperceptiblement le regard mort et vide d’une tête féline posée sur un corps canin. Les coutures à sa gorge étaient propres, la fourrure était lavée et les dimensions parfaitement trouvées. Pourtant, l’animal n’avait pas survécu. Et il n’était pas le seul. Deux ratons laveurs décédés partageaient chacun la tête de l’autre. Les souris étaient nombreuses à avoir reçu ce traitement et même des volatiles en furent l’objet. Un corps humain était allongé, la gorge ouverte, les cordes vocales arrachées. Quels que furent les projets, ils n’étaient pas encore aboutis. Pourtant, elle se sentait toute proche d’arriver à des résultats. Vraiment proche.
 
La porte s’ouvrit de nouveau et la servante réapparût en tirant derrière elle une laisse. Au bout de cette laisse, une planche à roulette sur laquelle était attachée une ignobilité de la nature. Des lambeaux de chair suintant la mort pouvaient donner l’impression d’un bébé à qui l’ont arrachait la peau comme on pelait un fruit. D’immondes gargouillis et de secrétions sortaient de sa gueule constamment ouverte. Cette chose sans âme grognait et semblait vouloir mordre toute main qui approchait.
 
« Numéro 1 dort, madame. Mais en sortant son frère de la pièce je l’ai vu tressa… »
 
Elle s’interrompit lorsque l’hidalga lui fit signe de se taire. Les yeux avides de la Dolorès scrutaient ce monstre aussi difforme que fascinant pour elle. Chaque jour, ils ne savaient s’ils arriveraient à le maintenir vivant ou non. La chose était piquée, saignée, massée, stimulée avec une attention plus que considérable pour être sûr qu’elle reste consciente.
 
« Madame… Le petit Jan-Jan semble s’être lié à l’animal. »
 
Felicia leva la tête, pensive. Elle balaya la pièce du regard en pinçant ses lèvres.
 
« Bien. Laissez num.méro 9 et numéro 6 ensemble. Numéro 6 est c.coincé ici, il sera donc le meilleur argument p.pour que numéro 9 nous soit lié à jamais. Enseignez-lui les valeurs et la gratitude envers ses nouveaux tuteurs. Si mes p.prodiges grandissent, alors n°9 leur montrera le chemin. Maintenant laissez-moi avec m.ma créature.»
« Bien madame. »
 
Ses yeux plongèrent dans les iris blanchâtres de l’immondice. Les coulées de pu qui sortaient de ses pores rappelaient à Felicia combien il était une réussite. JeF serait fier également de voir l’expérience avoir autant de succès.
Kristal Haderach
Kristal Haderach
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Posté le 19/01/2019 à 15:17:08. Dernière édition le 19/01/2019 à 15:18:48 

Je n'aurais jamais imaginé être là il y a quelques mois, moi qui avait tant rêvé d'y mettre le feu et de la tuer. J'avais même un accès libre d'aller et venir à ma guise dans cet institut.

Peu à peu ...depuis la naissance de cette chose, j'avais pris mes habitudes. Berçant un enfant pour l'endormir, racontant une histoire à un autre ou bien même simplement jouer avec eux, leur apportant ainsi douceur et amour qui leur manquaient cruellement. 

Dolorès qui en était incapable, me faisait confiance et c'était devenu réciproque. On ne pouvait pas encore parler d'amitié mais de respect oui. Elle avait sa part de folie mais elle était une femme remarquable et d'une rare intelligence. 

Pour sa part, elle me voyait presque comme un sujet d'étude. Une femme capable de ressentir des sentiments puissant et de ne pas avoir honte de les montrer, se battre pour la vérité sans jamais renoncer, mettre de côté sa douleur pour avancer.

Elle avait tenue parole et c'est dans le plus grand secret que j'avais assisté à l'accouchement de la servante entourée de gardes espagnol ... au cas où ... l'envie de meurtre me revienne ...

Je crois que ce moment a été l'élément déclencheur de ma renaissance. Quand cette chose immonde est sortie, j'ai bien évidement été sous le choc mais j'ai réalisé que ma relation avec Nico était belle et bien finie. Il aurait dû être là mais, comme il y a quelques mois lors de ma fausse couche, il fuyait ...incapable d'accepter l'inacceptable, incapable d'assumer et d'être à mes côtés dans cette douloureuse épreuve.

Le soutien je l'avais trouvé ailleurs, chez Liet, un homme bon et humain, un bonheur simple et sincère où le rire avait remplacé les larmes quotidiennement depuis de long mois.

L'institut quant à lui me permettait de continuer mon travail de deuil, distribuant bisous et câlins, tant d'amour que j'avais à offrir .. que j'aurais du pouvoir donner à celui qui restera à jamais numéro 2 mais dont j'étais incapable.

Une nouvelle escapade secrète ... aujourd'hui dans mes bras ...numéro 1 ... son "colocataire"...quand je vois son sourire en réponse au mien, je n'ai plus de regret. 

Don JeF
Don JeF
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Posté le 01/02/2019 à 14:39:33. Dernière édition le 01/02/2019 à 14:49:43 

Cela faisait longtemps que Don JeF n'était venu à l'Institut. Il y avait aménagé son laboratoire dans les sous-sols du lieu et s'était occupé de Fëantir avant de retourner vers l'étude qui l'obsédait ces derniers temps.

Mais cette période faisait place à plus de calme. Aussi, lorsqu'au détour d'un échange, Félicia lui parla de numéro 2, il décida d'aller constater par lui-même l'évolution du fœtus goulifié.

Le chemin vers l'Institut, pour ardu qu'il fut, était à présent bien connu du scientifique. Il arriva évidemment alors que la nuit était tombée et qu'un orage la zébrait de sa colère.

Après avoir utilisé le lourd heurtoir de la porte le travesti et son chien attendirent stoïquement qu'une servante leur ouvre.  C'est ainsi que Mara les découvrit, dégoulinant mais avec le sourire aux lèvres:

- Bonsoir Mara, si cela ne vous dérange pas, je vous confie mes quelques affaires à déposer dans mes appartements. Pour le reste, je vais me réchauffer quelques instants auprès de l'âtre.

- Ou.. oui bien sûr maître... esse...

La réaction de la plus jeune des servante amusait toujours autant le travesti. Son regard perplexe, jeté en douce à chaque fois qu'il venait ici, il ne s'en lassait jamais. Mais il n'était pas venu pour jouer avec ses préjugés.

Aussi, après s'être un peu séché, il alla se changer et retrouva l'aînée des servantes.

- Francisca, j'aimerais voir numéro 2, mais avant cela, j'aimerais que vous me parliez de lui.

Plus aguerrit aux questions pièges que sa sœur, elle se retint de parler du dégoût que lui inspirait la créature.

- C'est un... bébé... plutôt calme. Madame Dolorès en prend le plus grand soin. Et... voilà monsieur.

- Vous sembliez vouloir ajouter quelque chose. N'hésitez pas, soyez franche avec moi.


Le regard inquisiteur, le sourire aimable inspirant la confiance et l'habituelle gentillesse de Don JeF vainquirent les réticences de la servante.

- Eh bien monsieur, ce monstre... Francesca ouvrit grand les yeux et se mit la main devant la bouche après avoir exprimé le mot par lequel elle nommait la créature. Mais rassuré par l'expression aimable de Don JeF, et sa demande muette elle continua

- ... numéro 2 donc, semble être très lié à son frère, numéro 1. Ce dernier réagit lorsqu'on les sépare. Mais c'est peut-être un hasard. Pardonnez-moi d'avoir osé émettre un jugement. Je vous en prie, n'en parlez pas à madame Dolorès.

L'homme en robe leva alors la main pour couper court au discours de la servante.

- Ce n'est rien Francesca. C'est une information qui pourrait se révéler précieuse. Merci à vous. Vous pouvez aller le chercher à présent. Amenez-le moi dans mon laboratoire.

Don JeF descendit alors dans le lieu, qui avait un peu pris la poussière (il devait être le seul à en posséder la clé) et se mit à préparer son examen. Peu après la servante amena la créature, qui pouvait effectivement être qualifié de Monstre sans nul doute.

Une peau diaphane avec des nuances verdâtres à certains endroits, des pupilles blanches, des suintements purulents un peu partout et des cris gargouillants de fond de gorge, sans parler des autres difformités physiques, comme si toutes les partis de son corps n'avaient pas grandis au même rythme. Mais malgré ces quelques défauts c'était une merveille. C'était un fœtus lorsqu'il a subit le traitement, et à présent il était devenu un bébé, tout contrefait qu'il était. Il avait donc évolué, grandit. La puissance du processus de croissance de la vie qu'il avait reçu a sa conception avait su s'allier au traitement par l'élixir de quasi-vie.

Toutefois, elle semblait encore fragile. Il fallait impérativement la renforcer, lui permettre d'atteindre un jour l'age adulte. C'était une nécessité scientifique.

Don JeF avait prévu de rester à l'Institut pour quelques temps. Il avait hâte d'y retrouver Félicia. La prochaine discussion avec elle promet d'être intéressante.
Max de coeur
Max  de coeur
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Posté le 09/02/2019 à 02:06:17. Dernière édition le 09/02/2019 à 02:22:17 

Une pièce à la cave, ce qui a été pensé comme une salle de récréation pour la faune infantile mais manque cruellement de jouets. C'est à peine si quelques animaux en bois, mordus jusqu'à la racine par des bambins voraces parsèment comme des cadavres de mouche le dallage froid.

Confortablement sanglé dans mon fauteuil, j'observe bébé. Petite bestiole d'à peine un an, d'ordinaire bavarde, elle ne babille pas en ma présence, elle se tait et me fixe. Peut-être n'aurais-je pas dû jouer à "bouche qui claque" avec elle ? Assise en tailleur, à même le sol, la nourrice l'a déposée là à ma demande, sans plus de cérémonie. Rosemay est habillée comme une petite poupée, de robe et de fanfreluche. Poupée, elle n'est que ça, un être qu'on entrepose, qu'on scrute, avec lequel on joue et puis qu'on range, jusqu'à la prochaine fois.

Chaque fois que je viens ici, Rosemay a un peu grandis. C'est l'âge qui fait ça, les jours comptent plus pour elle que pour moi. On me la dit enfant plaisante, le sourire facile malgré quelques grosses colères que les coups de bâton ne peuvent encore calmer. Il faut de la cervelle pour y faire entrer du plomb et Rosemay n'en a pas encore. D'après les médecins, à cet âge, on n'a ni conscience, ni douleur. Rien de plus qu'un animal, en somme. Autant en profiter.

- Tu sais, je n'ai rien contre les enfants, j'en ai même été un à une époque, c'est pour dire.

Je parle plus pour moi que pour elle. Même si elle ne me quitte pas des yeux -ou est-ce mon fauteuil - elle ne comprend sans doute pas un traitre mot de ce que je dis. Tant pis pour elle, elle ne sait pas ce qu'elle rate.

Des mois que j'ourdis mon plan, toute mon évasion existentielle devait me conduire à cet instant. D'où vient alors que ma main n'est pas si assurée qu'elle le devrait quand je lui tends une sucrerie ? Il me faut lui lancer la douceur, un morceau de caramel mou, de circonstance pour quelqu'un qui n'a pas encore de dents. Elle l'engloutit sans douter, elle. J'observe sa petite gorge s'agiter, peu importe si elle vient à s'étouffer, mais la petite est dégourdie et très vite le caramel est engloutit.

Je sors ma montre et attend. Rosemay est toujours silencieuse, mais avec le temps, ose à présent quitter ma chaise des yeux pour laisser balader son regard sur le vide de la pièce. Les minutes passent. A un moment je sors une lettre de ma veste, la parcours, formule dans ma tête une réponse. Quand j'en lève les yeux, Rosemay est morte, alors je range la lettre. Dans mon dos, de l'ombre se décalque une silhouette. C'est Stuart le majordome réanimé par Don Jef. Il repose d'ordinaire dans le dossier de ma chaise mais je vais avoir besoin de sa force. Lui aussi est mort. Ce soir à l'institut, les vivants sont en minorité.

- Au centre du pentacle, mon bon, et ne vas pas en effacer les bords avec tes pieds, balourd...

Les psychopompes ne devraient pas tarder à arriver pour se nourrir du corps du défunt frais, mais je dois les en garder éloigner. Rosemay est mienne et j'entends bien sa pureté et son lignage me servir encore longtemps. Il y a des choses qui ne se disent que mort, car elles vous tueraient. Est-ce que les grenouilles chantent des airs de pinçons ? Est-ce que les vers imitent la forme des fleurs ? Est-ce que les enfants d'un an font des phrases construites ? Bien sûr que non, et pourtant...

- Dis moi, ma puce, dis moi où il se trouve ?

_____________________________

Je n'ai pas le talent de Don Jef pour retirer les organes, mais je sais tout de même faire un peu de couture. Ouvert en deux sur ma table d'opération, j'ai remplacé le petit coeur chaud de ma protégé par un prototype de mon invention. Mi biologique mi ésotérique, mon arcane fongique s'est remise à battre quand j'ai prononcé son nom ancien.

Maintenant, la petite parle et elle me sourit à moi aussi. Pour un peu, je tomberai sous le charme. Bien sûr, elle ne parle pas notre langue, celle-là, elle l'apprendra d'ici un an ou deux, mais les discussions que j'ai avec elle ne sont pas de nature à se causer en européen. Il faudra que je pense à prévenir les nourrices, même si je me doute que Félicia doit leur en faire voir des plus étranges. Qu'elles ne s'étonnent pas si la petite se met à prononcer des mots d'ailleurs, dans un bruit de dents qui grincent et de feu qui craque.

Rosemay n'est pas une goule, elle continuera sa croissance comme une petite fille normale, se mariera, rira, pleurera, vivra. Mais dans un coin de son cœur, enfouie très profond, se trouvera toujours ma marque à moi, comme l'artiste signe sa toile, je me réserve une fenêtre organique sur toute sa lignée. Et en passant une main à travers elle, c'est le père que j’agrippe.
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