Le Faux Rhum
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Posté le 16/06/2020 à 23:20:11
Une nuit agitée. La lune était haute dans le ciel et abreuvait d'une pâle lueur les pavés de la cité anglaise de New Kingston. Quelque part en ville, dans sa couche, l'intendant anglais semblait dormir du sommeil agité, non pas du cauchemar, mais du rêve de celui dont l'esprit n'est pas tranquille.
crr...crr...
Les branches bruissaient, agitée par un de ces vents qui n'en finit jamais de parcourir les prairies et forêts du sud de l'Angleterre. Encouragé par le souffle de ce vent, un enfant traçait son chemin à grandes enjambées et en ligne droite s'éloignant du manoir attenant à la propriété. Ce manoir synonyme de l'ennui mortel des leçons de piano et des cours d'histoire des grandes familles anglaises. A chaque inspiration de l'air frais qu'il prenait, il respirait de la liberté pure et fragile, et il lui sembla que s'il cessait sa course, ou même que s'il ralentissait, cette liberté s'évanouirait. Rester en mouvement, c'était l'objectif.
A sa suite, un majordome un peu gauche et paniqué courait après l'opposé : chacune des inspirations de son souffle difficile le rapprochait de plus en plus de remontrances et d'un avenir incertain. Il devait rattraper ce sale gamin avant que cela ne lui retombe dessus.
Au bout du chemin, une vieille dame parut. Elle sembla réconcilier l'irréconciliable lorsque les deux coureurs s'arrêtèrent en même temps pour lui adresser un grand sourire : l'un de la béatitude de l'enfant qui retrouve un être aimé et oublie une seconde sa quête de liberté, l'autre de la gratitude du servant qui craignait d'être congédié pour incompétence.
crr... crr...
Convard se réveilla en sursaut, chercha quelque repère famillier dans la zone éclairée par la lune de sa chambre. Il songea alors qu'il n'avait pas rêvé depuis bien longtemps à son enfance. |
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Posté le 22/06/2020 à 14:49:47
La moiteur pesante caribéenne était une chose à laquelle personne ne pouvait s'habituer complètement. Un homme né dans le sud de l'Angleterre ne faisait sûrement exception. Agité pour une espèce de fièvre induite par ce climat pesant, le sommeil de l'Intendant anglais semblait une fois de plus plus troublé qu'à l'accoutumée. Dans sa chambre de fonction quelque peu poussiéreuse, une bête araignée, seul témoin de son enfièvrement, se promenant paisiblement sur son fil.
Crrr ... Crrr ...
Les années étaient passées, mais la situation n'avait pas changé. Convard courait toujours à perte d'haleine le plus loin possible du manoir familial et des mondanités imposées par son ascendance. Et la seule chose dans cet environnement qui lui rendait supportable cet environnement, c'était sa grand-mère. Une vieille dame aimante, et dont le mari était mort quelques décennies plus tôt dans les Caraïbes en dirigeant quelque flotille de commerce dont la prospérité avait permis à la famille continentale de trouver quelque essor.
Le fils, père de Convard, avait ensuite pu profiter de la fortune familiale et de la traction de son commerçant influent de père pour grimper quelques échelons politiques et devenir une sorte de pointure locale. La famille Enoal avait donc réussi à imposer son existence urbi et orbi. Mais tandis que les affaires politiques de la petite bourgeoisie anglaise n'intéressait guère Convard, l'appel de l'aventure outre-globe faisait bouillir ses veines.
Et sa grand-mère, Margareth, n'avait eu de cesse d'aiguilloner ce besoin chez Convard, en lui contant les milles merveilles des Caraïbes et les filouteries que feu son mari avait inventé pour échapper aux pirates, jusqu'à la dernière filouterie, celle qui n'avait pas fonctionné ...
L'image qui revenait en rêve à Convard en cette nuit était celle d'un jour de printemps où il avait pris la fugue. Mais pas une de ces fugue d'adolescent revêche. Celle du garçon qui veut devenir un homme, un homme que son entourage refusait de voir en lui, du moins. Baluchon sur le dos, il avait décidé de prendre le risque de présenter ses adieux à sa grand-mère, craignant toutefois qu'elle refusât de le laisser partir.
"- Je ne suis pas surprise jeune homme. L'impétuosité de ton grand-père coule dans tes veines. Va, je sais qu'il est vain de te retenir. - ... Merci. Quand j'aurais vécu milles aventures et à mon tour fait rayonné le nom Enoal dans les Caraïbes, je reviendrais te conter mes propres aventures ! - Je n'en doute pas. Adieux, Convard, et surtout ... ne commet pas l'erreur de ton grand-père. "
Une longue embrassade et quelques sanglots étouffés plus tard, Convard était au port, prêt à embarquer en tant que mousse sur un navire de commerce à destination de la Jamaïque, incognito.
Crrrr .... Crrr ....
Le réveil fut à nouveau brutal pour Convard. Une larme avait coulé sur sa joue pendant son sommeil. Il balaya du regard la pièce, quelque peu hagard. Les souvenirs ne cessaient de s'imposer à lui dernièrement, et le souvenir précis de cette promesse non-tenue lui déchirait à présent le coeur. |
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Posté le 23/06/2020 à 00:30:52
La vieille dame venait de débarquer sur le quai, Très droite, très digne, elle observe cette nouvelle ville, lui trouvant instinctivement un air décadent. Ses vêtements, hors de mode, sont soigneusement repassés, ils sentent l’amidon et un peu le renfermé. Il ne s’en dégage guère de fantaisie. S’appuyant sur sa canne, elle se met en train. A un certain age, tout semble ralenti. C’est donc pas à pas qu’elle se dirige vers le palais du gouverneur. Un pas lent mais fermement décidé.
Nul n’osera se mettre sur son chemin. On ne s’oppose pas à certaines personnes : le port de la noblesse ouvre bien des portes. Ainsi, elle fait son chemin jusqu’à celui qu’elle cherchait, pour qui elle a fait un si long chemin.
"- Mon Nounou ! Mon Dieu, comme tu as grandi ! Tu es un homme maintenant. Et tu es si beau dans ton costume d’Intendant. Ah, si tu savais pourquoi je suis venu jusque là..."
Non, elle ne devait pas estimer nécessaire de le laisser répondre,
"- Tes parents, mon pauvres… Quel malheur..."
Elle sort un mouchoir brodé pour, dignement, essuyer une larme.
"- C’est terrible. Alors que ton père et ta mère étaient en voyage, leur navire… leur navire a été arraisonné. Des pirates !"
Ce mot résonne dans sa bouche comme si elle le crachait du plus profond de son être.
"- Il n’y a pas eu d’assaut, leur navire s’est rendu. Mais ta mère était trop belle, ils ont voulu abuser d’elle. Mon fils n’a pas failli, il a sorti son arme mais… seul contre cent, que pouvait-il faire ? Ces monstres ont eu ce qu’ils voulaient, plus la vie de tes parents.
Quel malheur, mon Nounou. Je n’ai plus que toi aujourd’hui. Et tu n’as plus que moi. A cause de ces maudits pirates !" |
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Posté le 24/06/2020 à 16:50:12
L'intendant chancela quand la voix surgie de son passé résonna dans le palais du gouverneur. La surprise, puis sa grand-mère, ne lui laissèrent guère le temps de bafouiller une réponse. La nouvelle qu'elle portait acheva de décontenancer Convard et il lui fallut une longue minute pour encaisser la totalité des informations qui venaient de lui être assénées en quelques secondes. Il se murmura à lui même :
" - Quoi ... Mais que faisaient-ils dans les mers caribéennes ... ? Me cherchaient-ils ? Quel équipage de ruffian s'en sera pris à un navire de voyage !? "
Puis, ayant laissé ses réflexions faire naître en lui en colère sourde, l'anglais serra le poing et les dents et regarda sa grand-mère, avant de s'approcher et de la prendre dans ses bras.
" - Si tu savais comme ... comme je suis heureux que tu n'aies pas connu le même sort ... "
Il s'écarta de la vieille dame et retourna auprès du gouverneur Hillchurch, et lui souffla véhément quelques paroles en pointant du doigt la vieille dame à plusieurs reprises. Puis il revint vers elle.
" - Laisse moi t'accompagner à un endroit où tu pourras te reposer de ce long voyage. Je te promets que tu es en sécurité ici ... Je vais y veiller personnellement. Pas un seul fichu pirate ne pour s'approcher de toi! " |
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Posté le 24/06/2020 à 17:58:58
Au beau milieu de la Madone, Madre Anna pestait. Ce maudit Concard Enoal était partout, sauf là où elle l'aurait bien envoyé: au diable!
Elle profita d'un moment de répit dans le combat pour l'espionner rapidement. Des lettres de Dulcina, de James... rien d'important...oh... si... quelques mots....
"Oh, mon nounou... je suis si contente de te voir!"
Hum....une certaine Lady Margaret Enoal appelait l'intendant Anglais "mon nounou". La nonne pouffa. L'Anglais perdait un peu de sa superbe avec ce surnom. Mais qui était Margaret? Une amante? Une personne de sa famille? Elle allait enquêter, et elle deviendrait bientôt une cible de choix pour la Confrérie. |
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