Faux Rhum Le Faux Rhum Faux Rhum  

Le forum > Taverne > Elle court nue dans un champ de coquelicots...
Elle court nue dans un champ de coquelicots...  
Auteur Message
Mad Wiggins
Mad Wiggins
Déconnectéparia
Inscrit depuis le :
24/06/2006
Posté le 03/05/2008 à 00:43:06 

Le 13 février, New Kingston. De sombres nuages s’étaient agglomérés au dessus de la ville anglaise toute la journée, ils déversaient à présent un flot lourd et glacé sur les pavés des ruelles de la colonie britannique. Une silhouette encapuchonnée glissa discrètement entre les ombres en direction du port. Un éclair illumina brièvement le visage du mystérieux rôdeur. Un bandeau noir, un regard clair, un sourire cynique, Wiggins était de retour dans la ville qui l’avait accueilli alors qu’il fuyait le vieux continent. Il savait qu’il risquait sa vie en revenant à New Kingston, mais il avait une affaire à régler qui ne pouvait souffrir d’aucun délai. L’obscurité et la pluie furent ses alliés, le pirate irlandais ne rencontra presque personne. En tout cas, aucune alerte n’avait été donnée. Il arriva à un vieil entrepôt sur les quais, apparemment abandonné, et frappa trois fois sur la lourde porte en bois. Un battant y glissa, ne révélant que les yeux de ce qui semblait être une brute épaisse. La voix rauque et profonde du gorille se fit entendre à travers la porte, mystérieuse, presque inaudible. J’ai du fromage corse, as-tu la polenta ? Wiggins retira sa capuche et soupira. C’était ridicule. Il chuchota sa réponse en un souffle, sur un ton tout aussi mystérieux. J’ai pris d’la polenta, tirladida. J’ai pris du bon jambon, tirladidon. Le clapet se referma brusquement et la porte s’ouvrit avec un grincement lugubre. Le pirate pénétra dans l’antre peu éclairée et enfumée en grognant. La porte claqua à sa suite, le laissant seul en ce lieu hostile, cherchant des yeux l’objet de ses convoitises, qu’il avait perdu en devenant pirate, et qu’il comptait bien récupérer, par la force si nécessaire.
Mad Wiggins
Mad Wiggins
Déconnectéparia
Inscrit depuis le :
24/06/2006
Posté le 03/05/2008 à 00:43:32 

Wiggins fit quelques pas dans l’antre enfumée et malodorante. Les premières volutes de fumée âpre qui l’attaquèrent lui donnèrent le tournis. Il s’appuya sur une poutre sortant du sol et plissa les yeux, sondant les alcôves décrépies dans la lumière fuyante. Ce devait être ici, c’était bien le lieu puant et insalubre qu’on lui avait décrit. S’enfonçant entre les épaves humaines avachies de part et d’autres de la pièce, et parfois jonchant le sol, le pirate avança précautionneusement, les sens en éveil, essayant de ne pas laisser les vapeurs d’opium lui monter à la tête. L’atmosphère était pesante, seuls quelques toussotements et râles ponctuaient le silence horrifiant du paradis artificiel dans lequel s’étaient plongés les clients de la fumerie. Wiggins n’aurait pas été surpris de voir un prêtre offrir les derniers sacrements à un mourrant. La mort était presque palpable. Il pressa le pas, souhaitant sortir de ce trou au plus vite, et alors qu’il allait se résigner à demander des indications à un des tenanciers, il la vit allongée, non affalée, sur un tas de coussins usés, cadavre au milieu des autres cadavres. Son teint livide était celui d’une mourante, ses yeux n’avaient guère plus de leur éclat pétillant qui donnait tant de malice à son regard. Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même...
Mona la Gabière
Mona la Gabière
Déconnectéparia
Inscrit depuis le :
14/08/2006
Posté le 03/05/2008 à 00:59:14 

Je m’enfonce doucement dans ce gigantesque et moelleux coussin de velours rouge. Le tissu soyeux se glisse lentement entre mes doigts, il s’étire petit à petit en de délicates et aériennes gouttes écarlates. Elles s’envolent une à une, au-dessus de moi, puis éclatent comme des bulles de savon dans un tintement cristallin. Elles se métamorphosent alors en de délicats pétales de coquelicots, virevoltants au gré d’une brise tiède. Je tends la main pour les effleurer. Fumée épaisse et entêtante… Le temps s’étire lui aussi, et le ciel prends des teintes roses ocres. Ca fait vraiment joli avec toutes ces fleurs rouges, je trouve. Je sens que Dieu ne va pas tarder à m’apparaître. Déchets humains qui ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes vautrés ça et là… Il traîne un peu quand même, Dieu, mais je ne suis pas fâchée. J’attends. Ce vol de mouettes violettes mouchetées de jaune me distrait assez pour le moment. Quelqu’un qui avance vers elle, dans l’indifférence générale… Soudain, il est là, son visage penché sur le mien. Dieu en personne. Mais sous des traits qui ne me sont pas inconnus. Je passe mes doigts dans ses longs cheveux noirs, et y sème au passage quelques pétales de coquelicot. Le rouge et le noir, j’ai toujours trouvé que ça allait si bien ensemble… Le visage de Wiggins me sourit. Que Dieu est sexy ! Un peu provoc’, mais tout de même, il ne s’est pas foutu de ma gueule pour sa première visite. Incongru, aussi, je vous l’accorde, mais il faut croire que Dieu a de l’humour.
Mad Wiggins
Mad Wiggins
Déconnectéparia
Inscrit depuis le :
24/06/2006
Posté le 03/05/2008 à 20:41:25 

Mona… Elle l’avait reconnu, il en était sur. Il avait cru reconnaître cette lueur qui lui était si chère au fond de ses yeux alors qu’un semblant de sourire éclairait son visage. La main de l’anglaise passa dans ses cheveux. Il frissonna. Ce simple geste avait ramené à la mémoire du pirate des souvenirs d’un temps meilleur, loin de ce bouge miteux et de ce poison qui tuait son amante à petit feu. Emu, il caressa sa joue du revers des doigts. Son sourire s’élargit et un peu de sa beauté d’antan refit surface. C’était bien elle. Wiggins se pencha au dessus de la belle et déposa un baiser sur ses lèvres avant de murmurer quelques mots tout bas. Mona, il faut qu’on sorte de ce trou… regarde toi… Il prit sa main et essaya de la lever, mais son corps resta flasque et inerte. Elle se contenta de marmonner des mots incompréhensibles pendant que le pirate essayait de la soulever et de la mettre sur pied. Oh… une fleur ? Est-ce que c’est… une pivoine ? Comme elle est belle ! Toute turquoise comme un soleil au clair de lune… Viens… viens avec moi pour attraper cette hirondelle… J’espère que tu n’as pas peur d’être mouillé… Wiggins grogna de plus belle. Autant essayer de faire réagir une pierre de meule. Toutes ces bulles… c’est comme dans mon rêve, continua de bafouiller Mona, mais je ne me rappelais pas que le ciel était si loin… mais si… il est loin… hihihi… comme un arbre sans racines… L’irlandais soupira et la reposa délicatement sur les coussins. Elle n’avait pas l’air décidée à quitter les lieux, et après réflexion, elle ne l’avait peut-être pas reconnu non plus. Il retira sa veste et s’assit à coté d’elle sur les coussins, se frottant le front. Mona, elle, lui souriait béatement en recrachant une volute de fumée. C’était, semblait-il, le plus beau jour de sa vie.
Mona la Gabière
Mona la Gabière
Déconnectéparia
Inscrit depuis le :
14/08/2006
Posté le 03/05/2008 à 22:15:16 

Les heures s’égrainaient et les coquelicots intérieurs de Mona s’étiolaient lentement mais sûrement. Elle leva une main nonchalante pour apostropher le tenancier, avant de se rendre compte qu’elle n’était plus seule sur ses coussins.

Elle se pencha d’un air blasé vers l’intrus en marmonnant un
M’enfin qu’est-ce qu’il fout ici c’ui là ? S’font pas chier ces Chinois, avec le prix qu’on paye, pas fichus de faire c’qui faut pour être peinard !

Elle scrutait la pénombre pour identifier l’inopportun. Elle crut d’abord à une réminiscence de son expérience sensorielle toute fraîche, mais finit par se rendre à l’évidence en se vautrant sur un coude pour le voir de plus près.

Ca alors… Wiggins…

Il a consommé quelque chose pour dormir comme ça ? demanda-t-elle au Chinois.
Non madame, il a payé le prix habituel mais simplement pour passer la nuit à vos côtés, il n’a plus toute sa tête si vous voulez mon avis… lui répondit l’Asiatique avec une mine mi dépitée mi dédaigneuse. Vous prendrez autre chose, madame ?

Elle allait acquiescer, mais elle se ravisa en regardant Wiggins avec tendresse.
De nous deux, je ne suis pas certaine que ce soit lui le plus timbré pour une fois… répondit-elle en congédiant le tenancier. Gardez cela pour demain, je vous prie…

Son Wiggins onirique l’appelait à grands cris pourtant. Putain de descente… Le « vrai », lui, avait certainement du prendre sur lui pour venir la retrouver dans ce cloaque. Elle pouvait bien faire l’effort d’une nuit sans vagabondage cosmique en retour, même si la dignité de ce geste lui semblait vaguement futile dans ce concentré d’immondices qu’était cette fumerie. Pourtant, elle s’allongea tout contre lui, et s’endormit ainsi.

A l’aube, la fumerie se trouvait dans un état d’agitation qui contrastait avec le calme habituel du lieu, et un grand Chinois hurlait vers Mona.

L’énergumène qui vous sert de compagnon a délesté notre honorable clientèle de toute sa menue monnaie et autres breloques clinquantes au petit matin avant de reprendre la route !!! Qu’en est-il de vos biens, vous aurait-il épargné !?!

Elle enfonça la main dans ses poches et senti du bout des doigts que tout y était, et cru même sentir contre la paume de sa main une pierre sertie ayant certainement appartenu à cette vieille rombière allongée plus loin. Elle soupira en haussant les épaules, ravalant un sourire attendri.

Il faut croire que sa fourberie n’a pas de limite, il me reste à peine de quoi payer la prochaine tournée, raclure de pirate…

Elle suait et tremblait de plus en plus. S’allongeant à nouveau, elle fit signe au tenancier en lui désignant la pipe sur la table basse, en murmurant pour elle-même avec un petit sourire en coin tout en baissant la tête :

Mon Wiwi n’a jamais eu besoin de payer pour dormir près de moi, bande de bouseux.



Mona la Rouge
Mona la Rouge
Déconnecté
Inscrit depuis le :
14/08/2006
Posté le 03/03/2010 à 21:41:02 

Quelques mois plus tard, à New Kingston…   


Mona était assise sur le bord du quai où avait accosté une belle frégate anglaise. Les pieds dans le vide, elle tirait songeusement sur sa pipe et soufflait lentement la fumée. Le tabac avait remplacé l’opium depuis quelques temps, après qu’une vieille connaissance était passée la sortir du bouge où elle croupissait, à grand renfort de coup de pied au cul.
 
Elle passa la main sur ses seins et ses côtes. Elle s’était bien remplumée, songea-t-elle. Mais le seul avec qui elle aurait aimé partager ses rondeurs retrouvées brillait par son absence. Il était repassé pourtant, même après l’épisode houleux du dépouillage en règle des loqueteux enfumés. Aucune certitude cependant, elle savait que ses souvenirs n’étaient pas très fiables. Pourtant, elle le « sentait. » Et quand Mona sentait quelque chose, ma foi, ça valait le coup de s’y attarder par ce qu’elle avait souvent du nez.
 

Les cris d’un marmot vendant le quotidien local la tirèrent de ses pensées. 
 

Un assassin court nos rues ! piaillait-il afin d’allécher le client.
 

Mona lui fit signe, fouilla dans sa poche et lui tendit un peu de monnaie en échange de la feuille de chou.
 

Merci bien, m’dame ! lança le mouflet avant de recommencer à hurler au meurtre.
  


***  Martha O’Neil, une serveuse d’à peu près 25 ans, a été retrouvée morte ce matin à son domicile. Elle vivait dans le vieux quartier du port depuis toujours, et était appréciée par les gens du voisinage. Ce geste suscite bien des questionnements tant les indices sont maigres. Ses voisins semblent n’avoir rien entendu. Elle a portant été poignardée à plusieurs reprises, et le chaos régnant sur les lieux laissent présumer qu’elle a tenté de se défendre. Le crime aurait été commis après minuit : des proches de la victime témoignent l’avoir quittée à cette heure là, et ont fournit un alibi solide aux autorités.
Aucune piste n’a été mise en évidence à l’heure actuelle. Le seul élément intrigant dans cette sombre histoire serait une fleur, laissée sur le corps de la victime. Un coquelicot selon les enquêteurs. ***
Mad Wiggins
Mad Wiggins
Déconnecté
Inscrit depuis le :
24/06/2006
Posté le 08/03/2010 à 00:39:26 

Le tonnerre grondait dans les rues de New Kingston. Une pluie torrentielle s'abattait sur les pavés de la ville Anglaise, et un froid à glacer l'âme en faisait trembler ses habitants. Une atmosphère malsaine était descendue sur la ville, l'effroi était sur toutes les lèvres. On n'osait à peine en parler, de peur de se voir attirer l'infâme malédiction.

Trois morts.
Trois morts en trois nuits.
Trois jeunes femmes à la chevelure sombre, retrouvées égorgées et sauvagement mutilées.
A chaque fois, un coquelicot d'un rouge de sang avait été retrouvé dans la chevelure, ou à proximité de la victime.

Dans l'esprit des habitants de New Kingston, il ne faisait aucun doute que l'hécatombe n'était pas terminée, et les femmes en particulier vivaient dans l'angoisse d'être la prochaine victime.
Ruthie Watson était l'une de ces femmes, clouée dans son lit par la peur. Un sentiment effroyable emplissait son coeur, à tel point qu'elle en avait du mal à respirer.

Un claquement à la fenêtre, une silhouette sombre s'y découpant devant un éclair.
Son coeur se figea, elle ne parvint pas à respirer. Ce ne devait être que le volet qui claquait. Elle essaya de rationaliser. Cette tempête donnait au moindre détail des aspects sinistres. Le lendemain le soleil se lèverait, les nuages seraient partis, et cette nuit n'aura été qu'un horrible rêve.

Un reflet par la fenêtre attira son attention.
Une lame. Un carreau cassé. Du verre sur le sol.

Une grande figure sombre encagoulée pénétra dans sa chambre par la fenêtre brisée, son visage ne pouvait-être décerné. Elle leva sa lame.

Les cris de Ruthie ne déchirèrent pas la nuit, les éléments déchainés en couvrirent l'horreur. On ne découvrit sa mort que le lendemain, après que le soleil eut chassé la nuit et le vent les nuages. Un coquelicot avait été déposé entre ses doigts pleins de sang.

Le meurtrier avait frappé pour la quatrième fois.
Mona la Rouge
Mona la Rouge
Déconnecté
Inscrit depuis le :
14/08/2006
Posté le 10/03/2010 à 10:12:45 

Le rubis volé à la vieille rombière de la fumerie était posé sur la table. Une belle pierre, taillée avec adresse et à la monture finement ciselée. Mona était assise et la regardait du coin de l’œil, songeant au fait que c’était le dernier objet qu’ils aient partagé, le dernier objet à être passé entre les mains de Wiggins. Depuis elle ne se souvenait de rien.  

Un fouillis incroyable régnait sur la table, couverte d’objets insolites. Des morceaux de papiers brûlés, un lézard séché, des bocaux emplis de bestioles étranges, des ustensiles de cuisine, pilons, couteaux, des herbes séchées, des fragments d’os… Et au milieu était posé le bijou étincelant. Mona était perplexe, son amant était en vie, elle en était certaine. Pourtant elle sentait comme un halo autour de lui, une sorte de brume qui n’augurait rien de bon. Elle enrageait de ne pas trouver davantage d’informations ou même de sensations à exploiter. De colère, elle balaya le pan de table devant elle du revers de sa main.
  

Une main couverte de sang qu’elle essuya négligemment sur le revers de son tablier.
Mad Wiggins
Mad Wiggins
Déconnecté
Inscrit depuis le :
24/06/2006
Posté le 31/03/2010 à 17:43:36 

La première chose que Wiggins remarqua à son réveil était le mal de crâne à se cogner la tête contre un mur qui percait son cerveau.
La seconde chose qu'il nota et qu'il faisait terriblement noir. Et froid. Et humide. Et qu'à l'odeur, un rat mort devait se décomposer un peu plus loin.
En tâtonnant autour de lui, le pirate se rendit compte qu'il pataugeait dans une espèce de boue à moitié séchée.
Il étrécit les yeux, espérant qu'ils s'habitueraient à l'obscurité. Il resta dans le noir.

Wiggins avait mal partout, l'impression que chacun de ses muscles avait été passé dans une presse, il essaya de se lever avec difficulté et un grognement. Ses jambes ne parvenaient pas à le soulever, il s'effondra dans la boue.

Aucun souvenir. Il ne savait pas ce qu'il faisait là, ni depuis combien de temps il était là. Son dernier souvenir était celui de Mona. Droguée, avachie sur un coussin au fond d'une fumerie douteuse, elle n'était plus que l'ombre de la femme qu'elle avait été. Il avait quitté le lieu avec le coeur lourd et des larmes aux yeux. Puis le noir.

Une lumière eblouissante l'aveugla soudain. Une porte s'était ouverte. Wiggins n'y voyait rien, n'y comprenait rien. Une silhouette noire se découpa devant l'ouverture et s'approcha. Le voleur leva les yeux, essayant de distinguer un visage, un trait familier, mais en vain.

Sans un mot, le mystérieux personnage lui mit un coup de pied dans les côtes.
Wiggins ne se demanda pas vraiment pourquoi, il avait acquis au cours des ans une réputation fâcheuse, et il arrivait souvent qu'il se fasse casser la gueule sans plus d'explications.
Un autre coup de pied.
Un coup de poing.
Les coups commencaient à voler, et le pirate ne pouvait rien faire d'autre que d'encaisser. Encaisser jusqu'à mourir. Ou perdre connaissance à nouveau.
 

Le forum > Taverne > Elle court nue dans un champ de coquelicots...


Si vous souhaitez répondre à ce sujet, merci de vous connecter.
Marquer tout le forum comme lu
© 2004 - 2024 pirates-caraibes.com - Tous droits réservés