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Posté le 16/11/2007 à 23:33:27
Cela faisait un moment déjà que Luun arpentait les mines et ses couloirs hantés, un moment qu'il faisait connaissance avec les natifs de l'île et leur culture. Il avait fait ses preuves en allant aider à pacifier ces couloirs, en renvoyant dans les limbes maints esprits, démons et autres créatures. Neuf mois en tout qu'il passait par là régulièrement afin d'aider Ihto et ses frères. Aujourd'hui enfin il s'ouvrait au jeune français, le trouvant suffisamment bon et proche de lui et ses frères pour lui révéler certains secrets.
-Tu es un homme bon Luun, pas comme ces corsaires qui sont venus voler nos terres et détruire nos roches! Ma famille a besoin de toi. A cause des mineurs, qui toujours ont creusé plus profonds, les esprits de mes ancêtres sont ulcérés. En plus des démons ont été libérés! Il faut les renfermer dans la terre!
Le jeune Ihto semblait chercher sa respiration, son cœur palpitait tellement fort dans sa poitrine que c'en était visible. Luun resta silencieux, attendant qu'il poursuive.
-Le souci...c'est qu'ils sont menés par un esprit, très fort. Et pour le sceller il n'existe qu'un moyen: une urne sacrée. Or...et bien...un mineur l'a volée l'an passé.
-Il faut donc que je retrouve cette urne, affaiblisse suffisamment l'esprit pour le sceller dedans...et après tout ira?
-Non. Non, il restera encore une étape. Loin dans les profondeurs du tunnel B, il y a un puits sans fond. Il te faudra y jeter l'urne pour espérer qu'il ne ressorte jamais de sa prison.
Luun hochait la tête sans vraiment regarder l'aborigène. Il caressait déjà le manche de son épée. Il allait lui falloir être prudent. Il avait déjà eu affaire avec les esprits là-bas, et ce n'était pas des êtres du genre accueillants. Enfin, il le fallait alors...Le Loup serra l'épaule d'Ihto et partit, sans dire un mot, fermant son esprit à tout sentiment, dégainant son épée, oubliant son humanité, laissant le Loup tapi en lui prendre le dessus, bien qu'il lui laissa la corde au cou pour l'instant.
Trois jours plus tard il avait atteint la cachette de l'esprit, l'urne sous le bras. Elle n'avait pas été facile à trouver, heureusement il avait déjà eu affaire avec l'expédition de ces mineurs, et avait pu réduire son champ d'investigation grâce à cela. Maintenant il lui fallait encore l'y enfermer. La salle où il se trouvait été vaste, recouverte d'os et de chair en décomposition. Un pentacle de sang se discernait là dessous, au centre, et un ou deux feux follets donnaient quelque lumière au lieu. En un mot: lugubre. Luun s'avança, courbé, faisant attention à ses pas. L'esprit ne semblait pas encore l'avoir remarqué. Ne semblait pas...car arrivé à moins de cinq mètres de lui, il se retourna, ouvrant bien trop largement sa bouche en un rictus hideux et inhumain. Une sorte de voix en sortait, mais rien d'intelligible. Toutefois nul besoin de comprendre les mots pour cerner le message: il était enragé et voulait du sang, celui du français.
Luun ne demanda pas à l'esprit s'il voulait discuter, il préféra prendre les devants et attaqua. L'esprit était plutôt immatériel, mais c'était l'envie de paix et la bonté du cœur du loup qui, par le biais de sa lame, frappaient l'esprit. Le combat fut assez bref mais pas sans séquelle: le loup avait été mordu à l'épaule, et du pus en suintait. Il préféra néanmoins partir d'ici après avoir scellé l'esprit dans l'urne avant de s'en occuper. Un cataplasme et quelques herbes...et la douleur se rappela à son corps, éreinté. Il s'endormit avant même d'y penser. Le lendemain il avait les yeux pochés, le teint blafard. Il enleva les bandelettes et regarda sa plaie: elle s'infectait. Sans médecin à ses côtés il n'avait pas le choix. Il prit son couteau, fit un feu, et y plongea la lame. Une fois le fer rougit il serra les dents, et l'appliqua sur les lèvres violacées de la morsure. Il hurla quand il découpa la zone infectée. Il refit un nouveau cataplasme, espérant cette fois avoir stoppé l'infection. Ce jour là sa marche ne fut guère rapide. Il était assommé par la douleur, à moitié absent, seule sa volonté le faisait avancer. Dans l'après midi un damné se jeta sur lui dans son dos, il ne put esquiver. Roulant à terre il réussit à lui passer l'épée à travers le buste et le découper en deux jusqu'en haut du crâne. Puis il sentit quelque chose de dur sous sa tête, et tomba dans l'inconscience.
Des rêves hantèrent son sommeil, des morts qui marchaient, des lames qui volaient, maniées par des êtres invisibles, une voix féminine qui appelait à l'aide, son cœur qui battait à rompre, et partout la pénombre, éclairée de temps à autre par des flammes railleuses.
Luun finit par reprendre ses esprits, il avait perdu la notion du temps dans les cavernes. Il lui était impossible de savoir combien de temps il était resté là inconscient. Etait ce le matin, le soir, le midi? Il n'en avait aucune idée. Son ventre le rappela à la vie, au moins une chose qui fonctionnait encore chez lui se dit il. Il fit un feu et sortit quelques champignons et racines, ainsi qu'une tranche de lard et un fond de liqueur. Pendant qu'il faisait réchauffer le lard il vérifia l'état de son crâne, une vilaine bosse rien de plus, et de son épaule. Là au moins les nouvelles étaient bonnes. Son traitement avait été efficace et la plaie était saine. Il changea le pansement et mangea enfin. Ragaillardi il éteignit le feu et reprit la route. Il s'arrêta près du pseudo tertre de l'ancienne expédition des mineurs. Les squelettes semblaient implorer leur pardon, mais ce n'était pas lui qui pouvait le leur donner. Il continua donc.
Luun n'avait encore jamais visité ce coin là du tunnel. Il y avait de la lave, et de vieux ponts à moitié rongés permettaient de passer au-dessus. Encore fallait il ne pas trop déséquilibrer le tout, et faire attention à où l'on mettait les pieds. Plus il avançait et plus l'atmosphère était lourde. C'était assez étonnant, mais il l'avait remarqué: depuis qu'il avait scellé l'esprit dans l'urne, les spectres et autres adversaires étaient plus nombreux à l'attaquer, et c'était encore pis en s'approchant du puits. Désormais il ne pouvait pas faire un pas sans qu'un squelette se relève devant lui, ou qu'un damné apparaisse tout à coup. Le jeune bretteur fendait les corps, les os, esquivant comme il pouvait les coups de ses vis à vis, diminué comme il l'était. Finalement il arriva en vue du puits. Il était au bout d'une nouvelle salle...Pour l'atteindre il fallait passer un pont...gardé. Le colosse ne semblait guère agile et mobile. Peut être sentait il sa présence, mais il ne venait pas à lui. Se rendant compte de cela Luun préféra prendre quelque repos avant de continuer.
Et il fit bien car en effet le garde semblait cantonné au pont, incapable de s'en dégager. Les quelques heures ainsi passées à se reposer lui permirent de l'attaquer en assez bonne forme. Même son épaule avait arrêté de lui faire mal. Mais il restait prudent: le pont était peu large, et de chaque côté un abîme au fond insondable se trouvait. Il valait mieux ne pas tomber sans quoi...il pouvait toujours rêver remonter un jour à la surface. Prudemment il s'avança, le garde reniflait, il semblait comme aveugle, ou pas loin. Luun arma de ses deux mains son geste, et violemment se jeta sur lui. Son épée fendit la large bedaine qui lui faisait face et le garde rugit, d'une voix à en faire ébranler les murs. Une main aussi large que son buste fila à sa rencontre. Il dut se plier en deux pour l'éviter, et profita de ce mouvement pour trancher les mollets du colosse...qui lui enfonça le pied sous le menton, l'envoyant valser trois mètres en arrière. Des étoiles brillaient tout autour de lui mais il devait continuer. Il s'avança donc à nouveau, les lèvres retroussées, les cheveux éparpillés autour de son visage. Le colosse fut le premier à bouger, abattant sa main devant lui. Plus rapide Luun se fendit, passa sous le bras et enfonça son épée dans son aisselle. Le géant hurla à nouveau, du sang jaillit avec force lorsque l'épée fut retirée. Luun se jeta sous ses jambes et escalada son dos. Arrivé sur ses épaules il leva bien haut les bras et les rabaissa de toutes ses forces, plantant la lame entre la clavicule et l'omoplate, dans la zone tendre amenant aux artères et au poumon. Le colosse vacilla et Luun sauta en arrière, son épée encore fichée dans l'épaule du garde. Avec chance il s'affala sur le pont et il put la récupérer.
Tout semblait tout à coup calme, plus un son ne se faisait entendre alors qu'il avançait vers le puits. Un vent glacial en remontait, faisant frissonner le loup. Il lui fallut bander toute sa volonté pour réussir à sortir l'urne de son paquetage, et encore plus pour aller jusqu'au dessus du puits. Les mains au dessus du vide il bloqua. Une sorte de murmure lui parvenait. Il ne comprenait pas mais son sang était glacé. Lâcher, lâcher l'urne dans le puits, la jeter, pour sceller l'esprit, il le fallait! LACHER! Comme au ralenti il vit ses doigts s'écarter, l'urne lui glisser des mains, et irrémédiablement descendre au milieu des ténèbres. Un cri de rage monta jusqu'à lui...et se perdit en même temps que l'urne disparaissait. C'était fait. Il en avait fini avec l'esprit. Il n'avait plus qu'à...rejoindre Ihto et lui...annoncer...la.....nouvelle.
C'était du moins ce à quoi pensait Luun avant de tomber de nouveau dans les bras de l'inconscience, vidé de ses forces. Heureusement il n'avait rien, et le lendemain il put reprendre la route. Les mines semblaient plus calmes, les rôdeurs damnés moins présents. Cela le rassurait un peu. Deux jours plus tard il était revenu auprès de l'aborigène qui le regarda avec de grands yeux, il n'osait y croire. L'esprit était scellé, c'était vrai? Ses ancêtres allaient pouvoir se reposer? Luun hocha la tête avant qu'il ne pose même la question, et Ihto n'eut plus qu'à venir lui serrer chaleureusement la main, le remerciant silencieusement, une larme à l'œil.
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Le Faux Rhum
