 Le Faux Rhum
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Posté le 09/09/2007 à 00:00:54
Ce matin là, les nuages avaient lentement quitté un ciel morne et gris pour venir se frotter à une mer tumultueuse. Le mur de brumes, qui camouflait désormais l’horizon, était devenu le linceul du « Seagull », un navire anglais en provenance de Portsmouth. Le frêle bâtiment transportait en son sein des passagers et diverses marchandises, il naviguait lentement en direction d'une île perdue au milieu de la mer et qui, dit-on, renfermait maintes et maintes richesses.
Après quelques lieues d’errance dans les limbes de la mer des Caraïbes, la lumière du phare de New Kingston perça à travers le brouillard, et tel le passeur, la tour guida le bateau jusqu'à destination.
Liberty Island...
New Kingston, la colonie anglaise de Liberty Island. C’était une petite ville qui avait vu le jour il y a de cela quelques années, elle s’était rapidement développée et est, encore aujourd’hui, en pleine expansion.
Il faisait froid ce jour-là, et comme en plein océan, les nuages étaient descendus dans les rues de la ville, ce qui donnait un air de ville fantôme à la colonie.
Les dockers déchargèrent les quelques marchandises que contenait le navire pendant que les immigrants descendaient calmement du ponton. Parmi eux, un homme de petite taille, emmitouflé dans son manteau d’où ne dépassait que son long nez, se hâtait de s’enfoncer dans le quartier des docks. Après quelques minutes de déambulations, il trouva enfin ce qu’il cherchait. Il s’avança vers un vieux bâtiment en bout de quai auquel était adossé un homme de grande taille à la mine patibulaire. Lorsque celui vit venir l’inconnu, il sortit de sa manche un petit poignard, qu’il tendit en avant d’un air menaçant :
- Qui va là ?
- Et bien, quel accueil… répondit le petit homme. Vous êtes « Huggy », je présume ?
Le dénommé Huggy baissa sa lame, un peu surpris par ce nouvel arrivant.
- C’est Javelin qui m’envoie.
Suite à cette déclaration, le géant se fendit d’un grand sourire et remit son arme à sa place d’origine.
- Vous devez donc être …
L’intéressé lui fit signe de la tête.
- J’ai beaucoup entendu parler de vous. Reprit le colosse, toujours aussi souriant.
Il ouvrit la porte du bâtiment auquel il était adossé et invita le petit homme à y entrer. |
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Posté le 11/09/2007 à 16:50:58
L’endroit était en fait une sorte de petit entrepôt où étaient entassé, ça et là, diverses marchandises de toutes sortes, allant des armes aux matériaux de constructions. Huggy fit signe à son invité de le suivre jusqu’à ce qui paraissait être le bureau d’Huggy. Le petit homme prit place sur une vieille chaise à moitié défoncée, tandis que le docker s’installait derrière son bureau dans un vieux fauteuil de cuir d’où le rembourrage s’échappait en plusieurs endroits.
Il fouilla dans ses tiroirs et en retira un assez grand paquet de forme rectangulaire qu’il présenta à son hôte.
- Vous y trouverez des vêtements, quelques équipements… et une lettre de marque de la Reine.
L’homme au long nez haussa un sourcil.
- C’est un faux, bien sur, lui expliqua Huggy. Mais en cas de problèmes, ça s’est toujours révéler très utile ce genre de paperasse…
L’inconnu défit le paquet et entreprit de se changer de suite, mieux valait passer inaperçu dès le départ.
Le géant, toujours affalé dans son vieux fauteuil, examina de plus près son invité. Il ricana :
- Je vois que vous êtes à la hauteur de votre réputation, j’ai déjà pu apercevoir trois dagues sur vous, et je suis certain que vous en cachez d’autres.
Le petit homme se fendit d’un sourire carnassier :
- On n’est jamais trop prudent, surtout en pays étranger. Et puis, sans elles, je me sens nu comme un ver.
- Vous ne possédez pas de tromblon, par contre, constata Huggy.
- C’est exact, je ne suis pas un grand amateur de pétoires. Trop bruyant, ce serait un comble pour … une personne telle que moi, n’est-ce pas ?
- En effet, mais sur cette île, fit le contrebandier, en fouillant à nouveau dans ses affaires, les coups de feu sont monnaies courantes et il n’existe pas une journée sans qu’une tonne de plombs ne soit tirée. Prenez ceci, et puis, qui sait ? Vous y prendrez peut-être goût…
L’Anglais prit le pistolet que lui tendit Huggy, non sans un rictus de dégoût.
Après une petite discussion sur la situation de l’île, les deux hommes quittèrent le bureau et revinrent sur les quais. Le petit homme remercia Huggy pour son aide, mais il voulu lui poser une dernière question avant de partir :
- Auriez-vous vu une jeune femme blonde, arrivée il y a de cela quelques mois, sur cette île ?
- Vous savez, des femmes, j’en croise beaucoup dans le coin, je peux même vous conseiller la petite Chloé du Black Beer P…
- Pas ce genre de femme, Huggy… l’interrompit l’autre.
- Ah… Laissez moi réfléchir. Une blonde… Je crois me souvenir d’une jeune femme blonde, effectivement, qui est passé me voir, il y’a déjà un petit temps. Comment la décrire… Elle avait un splendide sourire qui creusait ses fossettes et qui me…
Liselle…
- C’est bien elle, coupa l’autre. Quand l’avez-vous pour la dernière fois ? Où se rendait-elle et qu’est-ce qu’elle comptait y faire ?
- Holà, on se calme, mon vieux ! C’est votre donzelle ou … ?
Le petit homme lui jeta un regard des plus glacial.
- Hum… Le géant déglutit péniblement. Je ne l’ai plus vu depuis son passage à l’entrepôt. Je crois qu’elle avait à faire dans l’Est de l’île, chez les Hollandais… C’est tout ce que j’ai pu savoir.
- Merci, mon bon Huggy. Voici votre récompense pour vos services, dit l’inconnu en s’éloignant. Et il jeta négligemment par-dessus son épaule une bourse pleine d’or. |
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Posté le 14/09/2007 à 17:14:07
Le palais du Gouverneur se situait au nord de New Kingston. D’après les quelques personnes présentes au pub que lui avait conseillé Huggy, le « Black Beer Pub », le Gouverneur, un dénommé Winston Hillchurch, confiait de temps à autres une mission aux nouveaux arrivants en quête d’aventures, d’or… voire même de pouvoir. Car pour pouvoir accéder à des postes importants sur cette île, comme partout ailleurs, il faut se faire bien voir par ses supérieurs. Quoi de mieux que d’exécuter une basse besogne à leur place pour entrer dans leurs petits papiers…
C’est ainsi que l’homme au museau de fouine dû traverser la moitié de la ville pour enfin arriver au Palais. Un grand escalier de marbre blanc menait à un jardin au pied du bâtiment. C’est dans ce même jardin que l’inconnu trouva le Gouverneur, affalé sur un banc de pierre. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, le peu de cheveux qui lui restait hésitaient entre le gris et le blanc, il était enveloppé d’une longue cape noire dont les bords étaient brodés de fils d’or. Ses yeux paraissaient éteints, comme si le poids des années avait fini par trop pesé sur sa personne. Pourtant, lorsque son visiteur s’approcha de lui, il releva soudainement la tête et ses petits yeux regagnèrent instantanément leur éclat et se mirent à passer en revue le visiteur.
- Bonjour, jeune homme. Que puis-je faire pour vous ? Demanda Sir Hillchurch, avec un bon sourire.
- Ce serait plutôt à moi de vous poser cette question, Sir. Répondit le petit homme, en s’inclinant.
- Ah ! Encore un aventurier en quête d’aventure et de la gloire qui l’accompagne.
- Mon seul et unique désir n’est que la suprématie de l’empire britannique sur cette île, Sir.
Le gouverneur se remit à scruter son hôte comme s’il voulait voir à travers l’esprit tordu du petit homme. Il sourit et demanda :
- Humoriste à ces heures perdues, avec ça. Quel est votre nom, mon garçon ?
L’inconnu lui tendit la lettre de marque que lui avait donné Huggy. Hillchurch la déplia et se mit à la parcourir :
- Sir… Harry Cover, marchand d’épices au service de la Reine.
A cet instant, la tête de fouine maudit le jour où le crétin qui avait rédigé ce faux document avait pu trouver un nom aussi stupide.
- Pour vous servir, répondit l’intéressé, avec un grand sourire. Je souhaite faire de New Kingston un comptoir de renom dans le marché des épices, on raconte que ses îles regorgent de marchandises de toutes sortes, et vous savez à quel point les aristocrates adorent les mets exotiques.
- En effet… Pour en revenir à votre mission, je crains de n’avoir aucune affaire ayant un quelconque rapport avec le commerce d’épices. Par contre, un certain MacDonnell Doogie m’a fait part d’un problème qu’il vaudrait mieux résoudre au plus vite, et je cherchais justement quelqu’un qui pourrait faire l’affaire, seriez-vous intéressé ?
- Bien sur, où puis-je trouver cet homme ?
- Il habite dans une tente un peu au nord de la ville, au pied d’une petite montagne, vous devriez trouver facilement.
- Merci bien, je me mets en route immédiatement…
- … Si je puis me permettre, Sir Cover. Je ne saurai que trop vous conseiller d’emmener une arme avec vous. Cette île regorge de danger, il vaut mieux être prudent. Bien que je doute qu’il puisse vous arriver quoi que ce soit, jeune homme.
Le Gouverneur avait dit cette dernière phrase d’une bien étrange façon, il avait l’air d’en savoir plus qu’il ne le montrait. « Harry » en était convaincu, cette mission ne serait qu’un test pour s’assurer que Hillchurch avait vu juste. Quoi qu’il en soit, il ne fallait pas décevoir ce brave petit vieux. Ainsi, le petit homme se dirigea vers les portes de la ville, accompagné de ses dagues affûtées comme des lames de rasoir. |
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