Madre Anna
Fleur de Paimpol
 

On m'appelle La Fleur de Paimpol
Je suis un petit sloop corsaire.
Qu'il pleuve ou qu'il vente je m'envole
Je suis un vrai oiseau des mers.

Ces quatre vers de ritournelle retentissaient dans chaque port, � chaque d�part, entre les cris des marins. Tandis qu'ils v�rifiaient les voilages, les cordages, le bastingage, ils se donnaient du cœur � l'ouvrage en fredonnant gaiement l'hymne de leur bateau.
Il valait mieux qu'ils fussent joyeux, ces matelots, car chaque voyage pouvait bien �tre le dernier. Dans la mer des Antilles, la mer �tait impitoyable, une erreur, impardonnable. Rencontre, temp�te, r�cif, hasard ou embuscade, chacune de leur manoeuvre pouvait �tre mortelle.

On m'appelle La Fleur de Paimpol
Je suis un petit sloop corsaire.
Qu'il pleuve ou qu'il vente je m'envole
Je suis un vrai oiseau des mers.

Ces quatre vers de ritournelle r�sonnent maintenant au beau milieu des flots. La mer est calme, pas une voile � l'horizon, c'est l'heure de la lessive ou du courier. Des dizaines de petites voiles improvis�es fleurissent sur les haubans, claquant au gr� de l'aliz�e. Les matelots qui frottent, les marins qui se lavent, les mousses qui r�curent, fredonnent tous les notes, qui les ram�nent autant que le feraient les mots vers leurs terres bretonnes, vers leurs lointains rivages.
Il valait mieux qu'ils fussent soign�s, ces matelots, car ce voyage pouvait bien �tre le dernier. Une voile noire arrivait � l'horizon, et cette rencontre pouvait �tre mortelle.
Les marins qui se souviennent, les marins qui �crivent, les marins qui esp�rent, rentrer dans leur pays, revoir leur dulcin�e, embrasser leurs enfants.
Il valait mieux qu'ils fussent frivoles, ces matelots, car ce voyage pouvait bien �tre le dernier. La vigie aper�ut le vieux pavillon noir, on cria le branle-bat, et ce combat allait �tre mortel.

On m'appelle La Fleur de Paimpol
Je suis un petit sloop corsaire.
Qu'il pleuve ou qu'il vente je m'envole
Je suis un vrai oiseau des mers.

Ces quatre vers � peine audibles vibrent dans le fracas des armes. Les voiles ne sont plus blanches, noircies par les canons. Celle-l� qui claquait tendue en haut du m�t se contente de battre, mollement, lentement, lac�r�e de boulets. Les marins qui les chantent ont des accents rageurs, le couteau � la main, ils bataillent et �gorgent. Le linge qui s�chait est rougi par le sang. Les pirates sont l� et pillent sans piti�.
Il valait mieux qu'ils fussent vaillants, ces matelots, car ce combat pouvait bien �tre le dernier. La voile repartait, charg�e de leurs richesses, emportant leur jeunesse. Et le combat avait �t� mortel.

On m'appelle La Fleur de Paimpol
Je suis un petit sloop corsaire.
Qu'il pleuve ou qu'il vente je m'envole
Je suis un vrai oiseau des mers.

Ces quatre vers surnagent lorsque le bateau coule. Le sloop a d�m�t�, et sa coque est perc�e. Les cadavres jet�s sans m�me une pri�re, l'aum�nier a p�ri aussi bien que les hommes. Les canots sont � l'eau, quelques hommes � bord. Ils rament en chantonnant, complainte vengeresse et hommage fun�bre.
Il valait mieux qu'ils fussent soud�s, ces matelots, car ce combat ne serait pas le dernier. Ils repartaient au port, leurs derni�res forces ramant. Ils repartaient au port, trouver un charpentier. Ils repartaient au port, mais pour r�embarquer. Un nouveau sloop na�trait, on le baptiserait. Le Fleur de Paimpol � nouveau flotterait.

On m'appelle La Fleur de Paimpol
Je suis un petit sloop corsaire.
Qu'il pleuve ou qu'il vente je m'envole
Je suis un vrai oiseau des mers.

Madre Anna le 15 f�vrier 2006.
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