Posté le 16/02/2021 à 00:43:18. Dernière édition le 16/02/2021 à 00:43:51
"S'il vous pl-"
Solal referma la porte de la chambre du Gouverneur avant que son prétendant ait pu terminer sa phrase. Puis il s'affaissa contre le bois et soupira longuement, appréciant sa quiétude retrouvée.
Quiétude qui ne dura que quelques secondes. A peine avait-il sensiblement compris que le jeune homme ne comptait pas ressortir de sitôt que le deuxième homme de l'autre côté du mur se répandait en plaintes et en appels désespérés.
"Mais enfin, tout ceci est ridicule." bougonna Solal en fermant à double tour.
Ah il s'en souviendrait de ces festivités ! Lui qui venait innocemment pour découvrir les événements mondains de l'île, et voilà qu'il se retrouvait adjoint du shérif de New-Kingston, embarqué dans une enquête - en est-ce seulement vraiment une ? - dont il est loin de tout comprendre. Sans compter le drame des relations inter-personnelles qui semblent agiter tout un chacun.
Mais la primeur revenait indubitablement à cet impressionnant assemblage de muscles parfaitement imberbes qui le pourchassait désormais à travers le palais en lui déclarant mille poèmes. D'une qualité moindre d'ailleurs, les poèmes.
On ne l'avait point prévenu. Pour être honnête, il n'avait pas cherché à se renseigner plus que de raison. Les bruits avaient couru qu'un "concours de séduction" allait prendre place ce soir-là. Il fallait voler le cœur de deux prétendus célibataires endurcis, une femme et un homme.
Solal avait voulu s'essayer à l'exercice, par amour du jeu plutôt que dans n'importe quel espoir de réussite. Il s'était dirigé vers l'homme, sans y penser, la femme était occupée et au fond peu lui importait. Il s'était approché, s'était hissé sur la pointe des pieds et lui avait murmuré quelque chose à l'oreille.
Et le pire, est que cela avait marché. C'était absurde. Il ne se souvenait même pas de ce qu'il lui avait chuchoté.
Mais la gueule d'ange - Solal était bien placé pour le savoir - avait semblé subjugué, et s'était jeté genoux à terre en lui déclamant son amour.
Et puis quoi encore ?
Et bien un bijou, une chaine d'or avec un pendentif de cœur en pierres précieuses - splendide au demeurant. Et une sérénade continue dans les couloirs du palais. A tel point que Solal avait résolu de fuir purement et simplement, et de mettre une très lourde porte entre eux deux.
Assurément, cela ne pouvait pas durer. Il ne pourrait rester cloîtré dans cette chambre ad vitam aeternam. Il fallait qu'il affronte la situation, et y mette un terme une bonne fois pour toutes.
Il prit une grande inspiration, tourna le verrou, et ouvrit la porte d'un seul coup.
La reproduction de dieu grec s'étala de tout son long sur le sol. Lui aussi visiblement s'était effondré sur le bois. Pour d'autres raisons, si l'on en croyait l'air éploré qu'il arborait.
De nouveau, Solal respira profondément, pour s'insuffler du courage.
"Brandon, c'est bien Brandon votre nom n'est-ce pas ? Brandon, il faut que l'on parle, vous et moi."
Tout en l'aidant à se relever, le jeune homme posa son index sur les lèvres de son prétendant pour lui intimer de faire silence.
"Croyez-vois, je sais les passions qui vous étreignent à mon égard, j'en suis même flatté, n'en doutez point. Mais enfin Brandon, une idylle entre nous est impossible voyons ! Je vous en conjure, soyez lucide ! Nous n'avons rien en commun, nous venons littéralement de deux mondes différents !"
Solal soupira, et enchaina, remarquant que Brandon s'apprêtait à répliquer.
"En votre cœur vous savez que les étoiles ne sont pas alignées en notre faveur. Dans une autre vie, peut-être surement, mais pour celle-ci... Enfin Brandon, Pamela attend votre deuxième enfant, pensez à elle ! A eux !"
Le jeune homme affecta une mine contrite.
"Je sais que vous m'auriez rendu heureux, et peut-être suis-le le plus grand idiot sur cette île de me refuser à vous mais, pour l'heure, choisissons de croire que c'est mieux ainsi."
Il marqua une pause, puis reprit :
"Bien évidemment, je consens à garder le bijou, ne serait-ce que pour éviter l'indélicatesse de vous rendre votre présent. Qu'on ne doute jamais que je sois un gentilhomme. Pour le reste, faisons le deuil de ce que nous aurions pu être et reprenons nos chemins. Séparément."
Il tapota ensuite le biceps de Brandon puis s'en alla par la porte sans attendre de réponse. |