Le Faux Rhum   

Quelques heures à peine après son intronisation, c'est un gouvernement fronçais partiellement remanié - oui, ce cher Montalvès est encore ministre, n'hésitez pas à feindre la surprise - qui a, sous l'impulsion de son nouveau général, commis l'irréparable : frapper l'icône locale d'ostracisme. Véritable camouflet à l'encontre de l'opinion publique (103% des Fronçais consultés se prononcent contre cette mesure, NDLR), cette action fortement décriée annonce-t-elle la fin des privilèges ou le début d'un mandat placé sous le sceau de la terreur ?

Interrogés par nos services, la plupart des acteurs de cette affaire se renvoient la balle plus rapidement encore que ne le font les amants de Dudu avec elle - c'est dire si ça fuse -, d'aucuns ne voulant assumer sa part de responsabilité dans cette affaire. Par exemple, le nouvel intendant, qui brille d'ordinaire sur les champs de bataille, décide de botter en touche : « Oh, moi, vous savez, c'est mon prédécesseur (Joaquim, NDLR) qui a lancé le vote. Il est un peu couillon, Jojo, toujours là pour demander si quelqu'un veut tirer sur son doigt, vous voyez le genre. Alors j'ai cru que c'était encore une blague de sa part, mais il s'avère « qu'il avait des ordres ». J'ai fait tout mon possible pour que ça n'arrive pas, mais la détermination de Messire Chiryacht (c'est comme ça qu'il veut qu'on l'appelle, mais n'allez pas raconter que j'ai dit ça) à évincer Banane de la colonie ne souffrait aucune contestation. »

À la lueur de ce témoignage édifiant, notre équipe s'est empressé de demander son avis à au principal intéressé qui ne s'est fendu que d'un sourire satisfait, son repoussant visage suintant une euphorie jubilatoire des plus irrévérencieuses.

Quant à Juan, dont l'état de santé nous inquiète beaucoup, il se sera contenté de répondre à nos questions en nous répondant qu'il faisait un prix de gros à partir de 100 eaux de Styx achetées.


Si l'identité du sombre individu peu scrupuleux tirant les ficelles dans l'ombre ne fait plus aucun doute, une dernière question ébranle Liberty jusque dans ses tréfonds : dans quelle colonie La Banane Masquée va-t-elle atterrir ?

Eeeeeet, comme le hasard fait bien les choses, il se trouve que notre journal possède également une accréditation de commissaire-priseur et que nous sommes donc tout à fait en mesure de tenir les enchères pour qui veut s'attacher les services du fruit le plus populaire de l'île.


Tout d'abord, l'individu en question ! 


Oui, oui, nous savons.
Mais il est moins con qu'il en a l'air.
(Enfin, tout est relatif.)

Sa réputation tonitruante le précède, mais pour ceux et celles qui ne sauraient pas encore qui est la Banane Masquée, voici quelques-uns de ses faits d'armes :

- Co-auteur de la mise sous tutelle de New Kingston, pour laquelle il a été remercié par une pendaison locale.
(Sauf que la corde a glissé, ah ah, bougre de cons d'Anglois.)
- Général émérite fronçais dès son second mois sur Liberty, avec de multiples pillages à la clef.
- Érigé en parangon de modestie au moins trois fois par ses pairs.
- Possède un style inimitable pour allier l'ultimatum à la romance.
- Triomphateur (si, ça existe) mirifique lors d'un duel à handicap, où il a gagné ses lettres de noblesse en escrime.
- Guilde auto-proclamé du jeune Cendre, dont tous les auspices indiquent qu'il finira capitaine de la Chimère.
- Amant maudit de Maximilien Dejais.
- Fondateur de l'alliance Franco-Hollandaise.
- Véritable diamant de réserve et de pudeur (il a refusé par treize fois déjà de faire la couverture des vérités du Nénuphar).
- A gagné le respect de Phil Blake.

Nous en passons et des meilleures !

Et vous laisseriez passer cette chance d'attirer dans votre colonie la coqueluche de Liberty ?
(Déconnez pas, il fait de la peine, tout seul.)

Messieurs-Dames, à vos offres !

Dites, très cher et talentueux rédacteur de ce journal, je ne voudrais pas avoir l'air de faire la fine bouche, mais il s'avère qu'il manque quelques lignes à mon dithyrambique Curriculum, hein. Comme, par exemple, je ne sais pas, moi :

- Accomplissateur d'extraordinaire (a réussi à se faire repousser par Faye).

- Perdant de la première table de Perudo de l'histoire de Liberty (mais participant quand même).

- Disciple (de Kayaan) ayant dépassé son maître.

- Détenteur du record de note de frais de la FNAC.

- Aède malhabile à ses heures.

Si, aède, tout à fait. 

Et voyez comme je le prouve tout de go en remerciant ma bienfaitrice !

 

Monsieur,

 

Allons, revenir dans votre colonie comme cela ? Tel un enfant qui fait son caprice afin d'avoir l'attention de ses parents ?

 

Vous êtes un homme de défi, sous ce costume grotesque, aussi voici ma proposition. Puisque vous ne semblez pas capable de décider par vous-même où le vent mènera vos pelures laissez-moi prendre votre destin en main. Je vous assure il sera mieux écrit si vous me laissez en tenir la plume.

 

Retrouvons-nous pour un duel qui scellera votre sort voulez-vous ? 

 

 

On se fait un Jenga mon grand ?

Ah... que ne faut-il pas faire pour quelques deniers, pas vrai?
Bon, en l’occurrence un sacré paquet de deniers.

Mais bon, quand la disette menace, on rejette le potassium pour la protéine après tout. 82kg de Bananes bien tassées, voilà qui paierait bien quelques rations du soir...Et puis finalement ça n'avait même pas été si dur à faire accepter aux fronssays. Plusieurs se frottaient même les mains, Montalvès notamment de revoir enfin partie de son investissement, même s'il ne l'avouerait jamais publiquement. On peinait même à écouler les stocks de savons à la Banane.

Il fallait leur reconnaître un truc aux Espagnols: vous leur donniez un lieu et une heure de rendez-vous et ils étaient là, sans faute. un discipline et une organisation sans faille, pour peu que la récompense soit à la clé. Ou plutôt peut-être qu'elle l'était justement parce qu'ils étaient si organisés...bref.

Pas un chat dans cette foutue clairière, parfait. Fallait dire, Banane avait le chic pour s'enfermer loin de tout, ça facilitait les choses.

Le plus dur ça avait plutôt été d'enchaîner le tout... Les Espagnols avaient été très clair: il fallait des chaînes. Pour la tradition, pour la forme. ça n'aurait tenu qu'à lui, un bête échange de titre de propriété (qui pouvait vraiment contester qu'on pouvait s'échanger pour 150 livres de bananes bien mûres si on en avait envie?) et l'affaire eût été conclu sans tout le clinquant. Ça glissait sans cesse sur la pelure, mais le client est roi après tout.

Tout fût réglé rapidement.

Un poil...trop.

Aussi, ramassant le fichu au sol, et le faisant tourner entre ses doigts, Jax dit, l'air pensif:

"Une minute... je crois que nous n'avons toujours pas convenu du prix de cette transaction. Point de vente sans contrat, et vous n'en voulez pas, mais point d'affaire sans argent et je n'en vois pas l'ombre. Je vous ai amené ce que vous vouliez, maintenant... négocions. Qui sera en charge? C'est qu'on a des ratios pertes et profits à solder... On ne veut pas forcément que de l'or, on peut se contenter...disons, de pierres. En forme de tours. avec des drapeaux français dessus."