Faux Rhum Le Faux Rhum Faux Rhum  

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Her koyun kendi bacağından asılır  
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Aurela Kelmendi
Aurela Kelmendi
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22/07/2014
Posté le 31/03/2022 à 00:52:04. Dernière édition le 05/04/2022 à 01:03:35 

- Bah alors beauté, ça baisse la garde ?

   Aurela fusilla du regard l’espèce de gaillard rabougri qui servait de maître canonnier, à défaut de ne pouvoir le faire de son pistolet. Sans même daigner lui répondre, elle se remit à scruter l’horizon doré.

        Son œil cyan aiguisé balayait la mer, se plissait sous les rayons d’un soleil d’été à son zénith, ne laissant filtrer qu’un rai de lumière chaud et vibrionnant. La brise gorgée de fraîcheur caressait sa poitrine, faisait danser sa chevelure ondulée, s’amusait à s’éparpiller le long de son corps par l’échancrure de sa liquette. Agrippée au mât de misaine, elle était assise sur le bord de la frégate pour contempler ce ciel sans nuages et ce paysage aux couleurs saturées qui s’éloignait peu à peu. Cela faisait maintenant des jours que l’équipage voguait sur la mer des Caraïbes sans une once de présence humaine. Tous commençaient un peu à s’ennuyer, les batailles et les raids manquaient. La soif de combat se faisait sentir. Seule la violence la faisait vivre, la faisait se sentir vivante, nourrissait sa haine crépitante.

  - T’es beaucoup plus belle quand tu fermes ta gueule. », continua-t-il de lui grogner, en s’approchant d’elle. « Mouarf,   les grognasses vous êtes toutes pareilles de toutes façons ! Vous pouvez pas vous empêcher de piailler pour r… »

   Le poignard d’Aurela vint légèrement s’enfoncer dans la main boudinée qui s’était posé sur ses hanches.

  - Je vais être diplomate. Soit tu dégages ta grosse patte de moi, soit je te tranche les derniers doigts qu’il te reste. », lui cracha la fougueuse Albanaise.

   Il pouffa de rire.

  - Gentille, la Kelmendi… Tout doux, la petiote. Du calme. » lui souffla-t-il comme on calmait un chien en fureur, en la reluquant « Tu vas pas faire ça à tonton canonnier quand même ! Sans moi, vous mourrez tous dans ce rafiot ahaha… »

  - Rien à foutre. », répliqua-t-elle, sans même le laisser continuer, appuyant encore un peu plus fort le coutelas. « Encore quelques secondes et je te fais un moignon. »

   Sans broncher, l’homme retire sa main. Mais voilà que froissé dans son égo, il ne peut s’empêcher de profiter d’un instant d’inattention pour la pousser dans le vide.

  - Crève, mégère ! » et s’adressant aux autres équipiers : « Que ça serve de leçon, morbleu ! »

     En une fraction de seconde, voilà qu’Aurela disparaît, chutant vraisemblablement par-dessus bord. Il fallut qu’il se penche juste un peu pour que, cramponnée à la coque du bateau, la virago resurgisse par surprise en sautant sur le bonhomme. Pris d’un sursaut, il perdit l’équilibre et s’écroula sur le sol, Aurela sur lui, la dague entre les dents.

  - Enfshhoiré, tshhu vas v...


                                                            *


      Mais une voix rauque et autoritaire interrompit soudainement la scène qui avait déjà attiré la moitié de l’équipage, formant une cohue autour des deux individus.

  « Ohéeeee, du bateau ! Parez à mouiller ! Ennemi en vue ! A vos poooooostes ! »

   La foule se scinda en deux, laissant place à un capitaine basané au charisme imposant.

  « Osman ! Kelmendi ! Qu’est-ce-que vous foutez ?! A vos postes ! »    

Très vite, l’agitation - mêlée à une sorte de panique - s’empara des ruffians, qui s’empressèrent de préparer les canons, la poudre des tromblons, d’aiguiser les lames. Le maître-canonnier poussa violemment la donzelle de son torse   - sans grand effort puisqu’elle était ridiculement légère – et de nouveau debout, il se dépêcha d’aller à son poste en jurant de le lui faire payer une fois la bataille achevée.

  « Pas de quartiers, les gars. Aucun répit, mais ramenez-moi le capitaine vivant ! Je le veux entier. », aboya le vieux pirate dont les traits orientaux trahissaient l’origine ottomane.

    A ces mots, la furie se remit promptement sur ses pattes, attrapa sa tignasse d’un geste vif et les noua en chignon, comme à chaque fois qu’elle s’apprêtait à en découdre. Un sourire en coin. Le début des détonations des boulets de canon en fond sonore. Elle fixait maintenant d’un regard ardent le navire ennemi qui s’approchait de plus en plus. Enfin, du sang.
Aurela Kelmendi
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Posté le 31/03/2022 à 23:16:29. Dernière édition le 03/04/2022 à 23:06:48 

    Avec rage, l’impétueuse tornade brune assénait des coups à la fois violents et réguliers qui résonnaient comme les percussions d’un orchestre funèbre, dont la chorale ne laissait échapper que des cris graves et étouffés. Aurela se battait comme un fauve, avec hargne et agilité dans le bras, mais la grâce – néanmoins sauvage - qui accompagnait ses mouvements trahissait son sexe. Elle semblait danser dans ce concert sanglant qui alternait cliquetis d’armes et explosions d’escopettes. Hop, un petit jeu de jambes, joli ballonné qui distrayait l’opposant et qui lui permettait de lui transpercer le cœur. La fougueuse Albanaise bondissait, reculait, esquivait les dagues et les balles de manière bestiale puis finissait par trancher la gorge de ceux qui s’approchaient un peu trop près d’elle. Ses mèches rebelles et sa liquette masculine un peu trop large suivaient férocement les cabrioles.
 
    Dans son élan belliqueux, elle n’avait pas vraiment pris le temps d’observer l’autre capitaine, bien qu’elle l’eût évidemment remarqué dès l’entrée au combat. A vrai dire, on ne pouvait pas le rater. Le colosse attira son attention quelques secondes, entre deux giclées d’hémoglobines. Pas mal !, se serait écrié une pimbêche lambda. Mais ce n’était pas vraiment ce dont se souciait Aurela Kelmendi. A vrai dire, c’était peut-être une fois éliminé, la tête embrochée par sa machette ou, tout au plus, gisant dans son sang qu’elle aurait trouvé son cadavre séduisant. Non, si elle jetait de plus en plus son regard furtif vers ce dernier, c’était qu’elle ressentait un mauvais pressentiment. Trop loin des deux commandants qui se faisaient face, elle ne parvenait pas à entendre leur affront mais… son œil perçant devinait déjà qui menait la danse entre les deux. Et cela ne présageait rien de bon.
 
- Salope !
 
    Mais voilà qu’on l’assène déjà d’un autre coup, cette fois directement dans la mâchoire. Sonnée, la virago roula sur le sol pour esquiver le couteau que le forban s’apprêtait à lui lancer. Elle reprit aussitôt ses esprits, essuyant dans une ardeur maladroite le sang qui dégoulinait de ses lèvres. Encore à terre, sur un genou, elle tenta d’attraper son pistolet pour faire payer d’une balle dans le crâne l’enfoiré qui avait osé esquinter son joli visage. Mais le cri d’agonie qu’elle reconnut en fond sonore réveilla en elle quelque chose de familier qu’elle ne saurait exprimer. L’instinct de survie, certainement. Dans son champ de vision, au loin, son capitaine qui venait tout juste de s’écrouler, gisant sur le sol, le ventre fendu, les intestins à l’air. Anticipant déjà le futur désordre que cela allait provoquer, elle ne prit que quelques secondes pour appuyer sur la détente, viser le front de son adversaire et une fois la balle partie, elle s’élança en direction du chef ennemi.
 
   Dans sa course, elle repéra un baril de poudre assez épais dont elle se servit pour se cacher, reprendre son souffle et éponger rapidement les plaies fraîches qui décoraient son corps ambré. Elle n’était pas encore assez mal en point pour crier défaite. Loin de là, ne dit-on pas que la haine anesthésie la douleur ? Camouflée par le tonneau, elle examinait avec concentration les gestes du géant. C'était un homme bistré d'une carrure assez massive et dont le torse velu, qu'il laissait à la vue de tous, était décoré d'innombrables tatouages et cicatrices.

    Et on l'entendait grogner, de sa voix grave et rocailleuse. « Dis donc, tu aurais pu mieux entrainer tes hommes. Que me vaut ce stupide abordage ? »

    Il laissa échapper un rire méprisant avant de poursuivre.

« Ahahah, tu as donc sacrifié tes hommes pour une histoire de vengeance ? La famille nous rend toujours si vulnérable… »  

   Il suffisait qu’elle le tue lui. Et alors elle pourrait peut-être faire pencher la balance. Avoir le respect de son équipage. Les mener à la victoire. Il suffisait qu’elle le tue lui. En fait, l’assurance qu’il avait – qu’elle jugeait plutôt comme de la condescendance - donnait à la fière amazone l’envie de gerber. C’était ça qui la poussait encore plus à l’abattre. Ni une, ni deux, elle fonça.
 
   Ils se toisent de loin, se dévisagent. Ça y’est, ils ne sont plus qu’à quelques mètres. Mais alors qu’elle dégaine sa machette, un autre ennemi lui barre la route. Décidément, tout le monde veut la faire chier. Elle lança un rapide coup d'œil mutin au commandant, comme pour lui dire de bien vouloir la laisser faire, histoire de lui montrer ce qui l’attendait. Histoire de le provoquer un petit peu. Son délicieux minois raviné de quelques égratignures, çà et là, se crispa alors de haine.

    Sans même un temps de pause, elle empoigna sa dague comme on empoigne un archet et troua le ventre de l’opposant d’un même mouvement. Il ne tomba pas malgré le poignard encore en place, certainement encore habité par un semblant d’espoir. Mais elle s’acharna encore,   cette fois c’est sa machette qu’elle planta dans son crâne entre les deux yeux. Il s’écroula dans une mare de sang. Elle récupéra sa dague en le scindant littéralement jusqu’à la tête. Puis sa machette, qu’elle se retrouva obligée de saisir à deux mains en calant un pied contre l'épaule du cadavre, elle n’arrivera même pas à l’extraire puisque c’est la nuque qui céda en premier sous la pression, libérant ainsi la lame avec la tête embrochée.
 
- A nous. », lança-t-elle effrontément au viril capitaine qui faisait, tout au plus, deux têtes de plus qu’elle. Leurs regards se croisèrent enfin véritablement.
Aurela Kelmendi
Aurela Kelmendi
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Posté le 05/04/2022 à 00:59:56. Dernière édition le 05/04/2022 à 01:17:59 

« Non. », répondit-il d’une voix rauque en l'analysant lentement du regard, tout en restant impassible face à ce véritable spectacle gore qu’elle lui avait offert. Il remonta son attention sur son délicieux visage jusqu’à ce qu’un sourire carnassier vienne étirer ses lèvres charnues. Alors, il s'avança et pointa son sabre vers elle en lui lançant :

    - Je ne perds pas mon temps avec ceux qui ne sont rien à mes yeux. Tu vas devoir faire tes preuves, avant de te mesurer à moi ma douce. »  

  Et au même instant, l’un de ses associés - son bras droit semble-t-il - vint assommer la belle par derrière, d'un coup de planche suffisamment violent pour qu'elle s'écroule à ses pieds. Au fond, il venait probablement de sauver la vie à cette impudente trop ambitieuse.
    Un reniflement bruyant se fit entendre. L’homme qui l’avait mise KO observa avec perplexité ce corps féminin étendu.

   - C'est un gars ou une donzelle ?
   - Un peu des deux, je présume. Reste à voir si elle va nous servir.
  - On pourrait la vendre. C'est un beau brin de fille... Enfin, sans ses loques d'homme.  

    - Non… », déclara le colosse en secouant la tête avant de s'accroupir face au corps inconscient. De son doigt rustre, il effleura sa pommette, déplaçant ainsi une de ses mèches de cheveux qui collait à sa joue sale. « J'ai d'autres projets pour elle. Désarme-la et enchaîne-la avant d'me la ramener dans ma cabine. Quant aux autres, alignez-les à genoux sur le pont, poings liés. »

    - À vos ordres, Capitaine. » répondit son second en esquissant un sourire goguenard. Les autres marins lui jetèrent un regard empli de convoitise.  


                                                             *


Cabine du capitaine ennemi, une demi-heure plus tard.    
  
 
    Trou noir. Malgré toute la véhémence enfouie au plus profond de son être, elle ne reprit connaissance que lorsqu’elle fut soulevée par le marin pour être amené à son commandant, celui que certains surnommaient « Le lion ». Le fait qu’elle soit enchaînée ne l’empêchait néanmoins pas de se débattre avec animosité comme un bête capturée qu’on emmenait à l’abattoir. Mais l’homme était bien trop robuste pour céder à cette contorsion turbulente et enragée. Il l’emmena, non sans peine, à son capitaine, avant de crocheter la chaîne qui retenait ses poings liés. L’ardente pirate était tellement agitée qu’on lui avait attaché les chevilles, et désormais ses mains, elles aussi scellées, suspendaient ses bras au mur.

      - Laissez-nous. », ordonna-t-il d’un ton autoritaire.

       A ces mots, son sang bouillonnant ne fit qu’un tour. L’idée qu’elle allait se retrouver seule, sans pouvoir se défendre, avec un homme lui rappela soudainement des réminiscences térébrantes qui la crispa tout entière. Aucun mot ne sortit de sa bouche. Juste le douloureux bruit métallique de la chaîne qui empêchait la captive de s’enfuir, qu’elle tirait, tordait, secouait de manière frénétique dans tous les sens jusqu’à s’en faire saigner les poignets. Et lorsqu’elle faisait cela, elle fixait de ses yeux furibonds le flibustier râblé qui avait ordonné cela. Mais elle avait déjà bien trop lutté, elle commençait vraiment à fatiguer et elle avait bien compris que le fer ne céderait pas. En tout cas, pas de cette façon. Haletante, elle calma son ardeur - en tout cas elle le fit paraître – et lorsqu’il lui demanda son nom, elle rouvrit les paupières qu’elle avait clos le temps d’un instant.

    - Alors ? Ton nom ? Parle.

      Nonchalant, il croisa ses longues jambes musclées sur son secrétaire et porta une coupe de vin à ses lèvres, ses yeux éclatants fixés sur elle et sa chevelure humide de sueur tombant sur ses larges épaules. On le voyait au regard du capitaine, il était fasciné de voir autant de froideur et de dureté dans une créature aussi délicate.

   Mais ce calme arrogant que prenait le gaillard  énervait Aurela. Elle fit pénétrer ses yeux emplis de dédain dans les siens, rejetant ses cheveux qui s'étaient détachés en arrière, sans lui adresser une parole. Elle se contenta de le toiser, de haut en bas, le parcourant entièrement du regard. La longueur de ses pieds, la consistance de ses jambes, sa ceinture, ses mains larges en passant par son torse velu, jusqu’à sa crinière brunâtre pour en arriver à sa barbe tâchée de sang, sur laquelle s’était échappé une goutte de vin. Tout était épluché dans les moindres détails, de façon méticuleuse. Avec l’expérience, elle avait appris qu’un adversaire qui gagnait était un ennemi qu’on n’avait pas assez observé, dont on n’avait pas assez pris connaissance des forces… ni discerné les points faibles. De nature méfiante, elle ne put s’empêcher d’esquiver la question. Sur la défensive, elle laissa échapper d’un ton affirmé :

    - Pas le temps pour les présentations. Qu’est-ce que tu me veux ? »

   Là encore, il aurait été marrant - dans une ambiance plus conviviale - de comparer la suavité naturelle de sa voix et l’agressivité de son verbe. Il avait devant lui un véritable paradoxe. 
Aurela Kelmendi
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Posté le 07/04/2022 à 18:34:39. Dernière édition le 12/04/2022 à 11:44:50 

    - Change de ton avec moi, ma grande.  Ici, c’est moi le maître à bord.

    Il eut un petit sourire entendu, bien que son regard demeurât glacial.

    - La rage a du bon, mais tu sembles ne pas savoir la contrôler, ce qui en fait ta faiblesse. Si tu penses détruire tes ennemis en te laissant guider par la haine, alors tu fais fausse route ma belle… C’est toi-même que tu détruiras.

    Il poursuivit, grave :

    - Outre te jeter à la mer, je pourrais  te vendre à un esclavagiste aimant briser des filles de ta trempe. J'en connais des sadiques qui paieraient cher, mais voilà...

    Il déposa son verre sur son secrétaire puis s'adossant plus confortablement sur sa chaise, il entrecroisa ses doigts boudinés sur son ventre en la détaillant lentement du regard.

  - Je t'ai vu à l'œuvre tout à l'heure. Rares sont les femmes ayant des compétences de marins et de faits d'armes. Je me demande même ce qui a pris ton défunt capitaine pour accepter une telle grognasse à bord.   Mais force est de constater que domptée, tu peux être un atout intéressant. Alors ce que je veux ? C’est simple.

    À cette question, il s'avança un peu en déposant ses coudes sur le bureau, et d’un ton flegmatique, il déclara :

    - J’aimerais que tu m’en dises plus sur toi. Qu'est-ce que tu sais faire sur un navire ? Voyons voir si tu me seras plus utile qu’en tant que prisonnière.

    Un gloussement dédaigneux se fit entendre.

    - Qu’est-ce-que tu attends ? » s’exclama la sauvageonne, toujours aussi impudente malgré les avertissements dont elle n’avait que faire. « Que je me vende auprès de toi ? Dans l’attente passive que tu décides si, oui ou non, je suis légitimement libérable ? »

    Elle haussa les sourcils avec mépris et en le provoquant du regard, elle enchaîna :

    -   Plutôt crever.
 
    Ici, le célèbre dicton prenait une tout autre forme. A cet instant, c’était plutôt la tempête qui avait laissé place à une certaine platitude. Elle débitait ces paroles insolentes sans la moindre agitation. Certes, l’intonation qu’avait pris sa voix était acérée mais elle prononçait cela de manière amèrement calme. Elle parlait avec bagou, avec une certaine élocution qu’elle semblait maîtriser. Comme lui d’ailleurs. Elle semblait savoir dompter ses mots, moins ses actions.
 
    - Où sont les autres ? Vous les avez tués ou sont-ils tous en train de croupir enchaînés dans la cale ?

     Elle laissa échapper un soupir cynique.

    -  Pour sûr qu’ils ont dû te supplier de les épargner, ces femmelettes.
 
  La virago n’était pas du genre très bavarde. Même un brin laconique. D’accoutumée, c’était plutôt par ses actes qu’elle se faisait entendre. Mais dépourvue de ses mouvements, elle se retrouvait contrainte d’user de sa voix.
 
    Elle marqua une pause, redevint muette le temps d’un instant. Son entaille à la cuisse, qu’elle essayait tant bien que mal de cacher pour ne pas dévoiler sa vulnérabilité, la fit grincer des dents tant cela commençait à lui lancer. C’est une fois l’adrénaline du combat retombée que les douleurs se réveillent.
    La déchirure de son pantalon à la hanche laissait entrevoir une entaille plus ou moins profonde et encore vive, bien que le sang qui en dégoulinait avait quelque peu séché. Insensible, la captive à la peau dorée essayait tant bien que mal de trouver une position assise qui la seyait davantage. Mais comme elle n’arrivait pas, elle tenta de se mettre debout malgré les chaînes qui lui rendait la tâche difficile. Une fois levée, elle se jeta alors doucement en avant pour se rapprocher le plus possible, lui soufflant au visage dans un turc aux effluves étrangères :

    - Benim hakkımda gerçekten bilmek istediğin şey buysa, o zaman beni özgür bırak, kendin için yargılayacaksın. Aksi takdirde, beni öldür, beni satamazsın. Asla uysal olmayan bir köle satın alma riskini almazsınız. Ve bunu biliyorsunuz.*

    *- Si c’est ce que tu veux vraiment savoir de moi, alors relâche-moi, tu le jugeras par toi-même. Sinon, tue-moi à défaut de ne pouvoir me vendre car tu n’y arriveras pas. On ne prendra jamais le risque d’acheter une esclave aussi peu docile. Et tu le sais.
 
    La langue avait été scrupuleusement choisie. Elle savait, elle l’avait deviné, son faciès oriental ne lui était pas étranger. L’occupation Ottomane sur le territoire Albanais avait au moins permis à Aurela de maîtriser plusieurs langues, dont le turc bien que ça ne soit pas totalement parfait. On pouvait percevoir un léger accent albanais et si on tendait bien l’oreille, peut-être même accompagné d’une de ces sonorités grecques.

    - Ama sana yalvarmamı bekliyorsan, o zaman uzun süre bekleyebilirsin... Beni yeterince incelemedin.*

    *- Mais si tu attends de moi que je te supplie alors tu peux attendre longtemps... Car c’est mal me cerner.
 
   Et les pauses qu’elle laissait, donnaient à son élocution entrecoupée un caractère plus dur encore que les phrases qu'elle prononçait. Il l'intriguait. Elle n’était pas dupe, pourquoi était-elle la seule à avoir été amenée face à lui ? Il avait une idée en tête, c’était certain. Monstrueuse, pouvait-elle être. Elle avait du mal à croire qu’il puisse vouloir la faire entrer dans son équipage, qu’il veuille l’épargner alors qu’elle était une femme et qu’elle avait voulu le tuer. D’ailleurs, si elle n’en était pas privée, c’était ce qu’elle aurait fait. Là. Maintenant.
 
    Mais ce n’était pas elle qui menait la danse à ce moment précis. Il pouvait faire ce qu’il voulait d’elle, qu’aurait-elle pu bien faire privée de ses membres et entourée d’ennemis ?
Aurela Kelmendi
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Posté le 18/04/2022 à 18:34:51. Dernière édition le 18/04/2022 à 19:15:27 

    Dure, mais pas invincible, le rustre gaillard la voyait déjà perdre de son aplomb. Ses yeux obscurs se braquèrent dans les siens et l'ourlet de ses lèvres s'étira en un petit sourire condescendant. Alors il lui lâcha, dans la même langue :

    « Tu as déjà été esclave, n'est-ce pas ? Cela expliquerait que tu sois à présent une aussi farouche hors-la-loi. Regarde-toi, tu n’as rien à perdre. Tu serais prête à mourir pour ne pas retomber dans l'enfer que tu as certainement vécu. »

    A ces mots, il pencha imperceptiblement la tête. Il était très proche d'elle, trop peut-être. Elle lâcha un léger rire moqueur, quelque peu dédaigneux avant de lui répondre.

    - N’essaie pas de déduire mon passé à travers ce que je montre, c’est peine perdue mon lionceau. », murmura-t-elle mystérieusement, leurs deux visages s’effleurant à peine.

    Mais voilà que, laissant échapper un rictus, sa grande main vient soudainement lui saisir les cheveux, et tout en l’attirant à lui, il dégaine de son autre main un poignard qu’il dépose contre sa nuque. Une position fort inconfortable somme toute. Férocement, il resserra sa puissante étreinte et se perdant dans ses yeux furieux, il esquissa un sourire carnassier. Leur visage était si proche que leurs lèvres se touchaient presque. Un doux effleurement calculé qui contrastait avec la prise dominante.

    - Non, ma belle, je ne veux en rien que tu me supplies. Reste que tu dois respecter mon autorité à partir de maintenant, car le fait que tu sois une femme ne t'épargneras pas des tréfonds. Fais-toi une place et adapte-toi à la stricte discipline que j'impose à mon bord, tu gagneras le respect qui t'es dû. Sois révoltée, tu mourras après que je t’ai souillé. Par Allah, j'en fais serment.

    Et elle aurait voulu mordre hargneusement ses babines bien trop proches des siennes pour les déchiqueter, mais déjà, il enchaînait ses menaces insignifiantes avant de les mettre partiellement en pratique. Un bruit de lame se fit entendre, de longues mèches brunes tombèrent sur le plancher. Non, ce n’était pas un petit rafraîchissement des pointes. Il venait de lui couper la moitié de ses cheveux. Il venait de lui arracher une partie de sa féminité – et Dieu sait qu’il lui en restait peu.
    Humiliée. Ce fut ce qu’elle ressentit. Son œil cyan était tellement sombre, tellement noir de haine qu’on jurerait presque un changement de couleur le temps d’un instant. Au tremblement fiévreux de ses lèvres, l’on devinait qu’elle se retenait d’exprimer sa rage. Se voir imposer cela, la soumettait en quelque sorte. En tout cas, symboliquement. Des siècles plus tard, l’image humiliante des « tondues » de la Libération française illustrera parfaitement ce qu’elle avait bien pu ressentir à ce moment précis. Mais très vite, sa colère redescendit… à la manière de ses mèches mordorées qui tombaient sur le sol.

    Déjà, parce qu’elle ne voulait pas lui faire ce plaisir. Et, surtout, parce qu’il était dans son caractère de paraître totalement de marbre lorsque l’on effleurait ses failles. En fait, elle s’en foutait de tout ça. D’ailleurs, c’était plus pratique pour se battre et puis c’était même assez sexy, ce carré brun bestial. Mais c’était ce que ça symbolisait. Elle l’avait pris comme un véritable affront envers sa propre personne, une domination, une emprise qu’elle ne supportait pas. Son égo, en tout cas, ne l'encaissa pas. Et il allait le payer, elle se le jura. Qu’il ne s’inquiète pas, elle était patiente.
 
    « Bien. Ainsi, tu troubleras moins mes hommes. », lui lança-t-il en rengainant son coutelas. Il empoigna alors le trousseau de clé dans sa poche-arrière et le lui lança sans plus d'hésitation en enchaînant :

    « Libère-toi et ramène les chaînes à la cale, là où on met les prisonniers. Ensuite, va voir Hamed, notre chirurgien, il te soignera. Yusuf, mon second, te donnera les tâches à faire sur le pont. Tu peux disposer. »

    Alors la fougueuse apache attrapa le trousseau avec ses dents, se dégagea de ses chaînes, caressa sa chevelure raccourcie dont le reste jonchait le sol crasseux avant de tourner les talons sans même prendre la peine de ramasser ce qu’il lui ordonna, roucoulant d’une voix mielleuse – mais non sans une pointe d’ironie :

    - Je te laisse mes cheveux en souvenir. Tu penseras à moi ce soir. (Clin d’œil)

    Diable… Qu’elle était terrifiante quand elle se mettait à prendre son petit air concupiscent.
 

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