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Folie des grandes heures  
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James
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15/01/2015
Posté le 05/07/2021 à 02:49:45. Dernière édition le 05/07/2021 à 15:05:23 

Je pensais à l'origine que je ne gardais pas de séquelles de la convalescence de l'hiver dernier. Certes, j'avais un tempérament plus irritable à mon retour, mais rien de trop étrange, j'étais en sevrage imposé pendant plus d'un mois. Et puis... mon bref passage dans le domaine d'Oulipo m'a bien fait comprendre que je n'étais pas tiré d'affaire. Derrière chaque ombre, devant chaque fantôme, il était là, bien trop présent et réaliste, puis disparaissait. Avec un peu de recul, je commence à croire que le lieu était peut-être propice à ce genre de manifestations. Bien sûr qu'il serait attiré par un royaume de terreur et de cauchemars. Son visage dur et fermé m'attendait en permanence, à l'occasion déformé par un sourire narquois qui tordait ses joues pâles. Oh, how i hate him.

Je commence à me souvenir. Il m'a rendu visite quand je récupérais des forces au Pub. D'abord, il ne disait rien, puis il me parlait, sans attendre de réponse. Un monologue des choses que nous avions vécu, des choses qu'il ferait dans un futur proche. Mais que faisait-il sur Liberty ? C'était pourtant si loin des lieux de stupre et de classe qu'il fréquentait... bien que les affaires sombres et glauques de l'île convenait parfaitement à un type de son espèce.
 
Je m'approche de cette antre de cauchemar, à nouveau. Ce bref séjour au repaire m'a troublé, il est temps de mettre les choses au clair. A peine arrivé dans cette sorte de zone hors du temps que je le vois. Mon némésis. Ses cheveux noirs dressés en arrière, son long manteau sombre chatouillant le sol nu, et ses mains gantées qui se serrent autour de sa cane. Il m'adresse un sourire neutre, puis disparait derrière un mur. Il veut donc jouer à ça, hein ? Bloody cockroach. Je lui arracherais les dents une à une, je briserais les os de ses doigts, avant de l'abandonner dans la mer. Non, l'insolent serait capable de s'en tirer. Alors... une balle entre les yeux. Je ne suis pas un monstre. Je ne suis pas... lui.
James
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Posté le 28/07/2021 à 11:06:32 

17 juillet 1706, la nuit, dans les rues de Liverpool
 
Malgré l'absence de lune, on peut voir dans la faible lueur des étoiles un gamin efflanqué traverser les rues ça et là, le pas apparemment hasardeux. Un regard plus attentif, peut-être éclairé par une fenêtre encore animée, révélera des cheveux sombres et un visage blafard. Et quel visage : désert de toute expression humaine, calculateur, sournois ? Il semble bien difficile à décrire, même encore.
 
Un passant observateur regarderait peut-être son manège quelques minutes : il avancait dans les rues, s'arrêtait, regardait à gauche puis à droite avant de reprendre sa route. On trouvait bien peu de monde dans cette partie de la ville mal famée à cette heure là, mais le jeune homme finit par trouver quelqu'un : un autre mioche, à la stature relativement similaire qui semblait s'ennuyer dans son coin, bien que ses yeux verts et ses cheveux de la couleur d'une terre battue par le soleil contrastaient avec les attributs physiques de son interlocuteur. Son visage avait beau être tout ausi fermé, il avait déjà l'air plus avenant que le premier garçon qui avançait désormais d'un pas certain vers l'autre. Plus ennuyé aussi, car cela devait faire des heures qu'il tapait nerveusement sur le banc où il était assis.
 
"Hé toi, t'as pas une pièce ?"
 
Le pauvre gamin, assis sous le toit d'une auberge douteuse, finit par lever les yeux. Une lueur de défi habitait le regard de l'autre, code universel qui montrait une absence de peur, une envie du sang. Des caractéristiques communes dans ce quartier, mais rarement à ce niveau là.
 
"J'ai rien à te donner. Go away.
 
- Pas grave, je vais rester là aussi de toute façon. Tu t'appelles comment ?
 
- 'te regarde pas, laisse-moi."
 
Le premier s'assit paisiblement sur les marches, avant de poursuivre.
 
"T'inquiète pas, j'compte pas t'faire mal hein. Tu veux venir voir les combats clandestins ? Moi c'est Jo.
 
-Les combats clandestins ?
 
-Les vieux croulants des trois bars ont organisé des bagarres entre les plus gros cogneurs, pour se faire des pièces en plus. Et j'connais le passage pour v'nir sans qu'on nous voie."
 
Intrigué, le pauvre brun était déjà perdu, happé par une curiosité qui avait depuis longtemps eu raison de son ennui.
 
"Entendu. Je m'appelle James, tu viens d'où ?"
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Posté le 30/07/2021 à 15:21:07 

"Attends, il lui a pas cassé le nez avec ça ?"
 
James regardait le spectacle, effaré. Jo, confortablement assis au milieu de la poutre suspendue qui maintenait le plafond du sous-sol du bar, sourit froidement.
 
"Sûrement. 'sont pas v'nus ici pour s'étreindre jusqu'au p'tit matin hein !
 
- Mais... mais ils ont rien fait de mal !
 
- James mon gars, ils sont là pour gagner et chopper d'quoi nourrir leur marmaille. C'est pas un bout d'nez en moins qui va les en empêcher !"
 
Le combat qui faisait tant réagir les deux garçons ne manquait pas de violence. Lukas, le forgeron, semblait très déterminé en effet à appliquer l'empreinte de ses phallanges rougies sur le visage déjà assombri du pauvre Caleb, l'outsider de la compétition qui avait inexplicablement réussi à se tirer jusqu'au dernier combat de la journée. Malgré son corps si fin que ça en deviendrait alarmant, il restait vif et clignait des yeux entre chaque coup de la brute qu'il affrontait - souvent donc -, et ne semblait qu'à peine sonné.
 
Après un crochet particulièrement vicieux expédié à la mâchoire du pauvre garçon, le forgeron attrapa Caleb par le col et tenta de finir sa besogne d'une mandale dans le nez. L'action aurait pu être très belle si sa victime ne s'était pas soudain libérée de sa poigne pour lui coller deux coups imperceptibles de chaque côté de la nuque, avant d'envoyer son pied pile entre les yeux de Lukas. A la surprise générale, le colosse chuta sur ses genoux avant d'étaler son visage encore immaculé sur le sol terreux.
 
"VICTOIRE DE CALEB !" scanda l'arbitre, apparemment pas surpris du tout du résultat, ni de la bourse qu'un spectateur grimaçant lui lança.
 
"Pas étonnant, lâcha Jo. L'reître est du genre très endurant, pour un gars de sa stature. Peut s'prendre une avalance de pierres et s'en sortir en se foutant de la gueule des roches. Et 'manque pas d'force non plus, de toute évidence.
 
- J'étais sûr que Lukas aurait gagné, il avait l'air en pleine forme...
 
- Faut pas s'fier aux apparence ici. C'comme ça qu'tu ressors avec la gueule barbouillée de poussière."

Haussant les épaules, James s'assit plus confortablement sur la poutre. C'était la troisième soirée qu'il passait avec Jo dans ce pub crasseux à suivre les combats illégaux qui se déroulaient dans le sous-sol. Apparemment interdits mais tolérés grâce à la générosité du patron envers les gardes - dont deux se trouvaient autour de l'arène, applaudissant à tout rompre -, ils rassemblaient toute la populace la plus douteuse de la ville portuaire. Mais Jo appréciait ce lieu, où il pouvait "apprendre des meilleurs". Il n'était pas du genre à dissimuler ses ambitions de truand, James l'avait bien compris, et ce dernier s'assurait qu'il n'avait rien à voir avec lui, qu'il s'agissait seulement d'une de ces connaissances qu'on croise en coup de vent. Malgré tout, chaque jour, il attendait avec impatience la tombée du jour pour retrouver son nouveau camarade près de la fontaine des archers.

Évidemment, cette relation insolite ne pourrait pas durer, ni finir bien.
James
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Posté le 30/07/2021 à 17:57:10. Dernière édition le 02/08/2021 à 17:30:57 

A propos de Jo

1706

Jo est un drôle de compagnon. Il a l'air d'être en permanence de mauvaise humeur, même si ça ne l'empêche pas de sourire. Mais ses sourires sont toujours un peu bizarres, avec un côté méchant... il a une obsession pour les bestioles les moins sympa, comme les corbeaux, les araignées, les cafards (enfin, ça c'était pendant la semaine dernière, depuis hier il ne manque pas d'en écraser s'il en voit un).
 
Je sais pas d'où il vient, il en parle pas beaucoup, mais je crois qu'il n'a jamais vraiment quitté les rues, vu comment il les connait bien. Enfin, il a jamais été odieux avec moi, j'espère qu'il va m'apprendre beaucoup ! Il sait où trouver beaucoup de choses, et on va tous les soirs voir les combats sous le bar, peut-être qu'un jour on s'y bagarrera aussi !


Avril 1721
 
Jo était un putain de lunatique. Un fou, un malade, un grand barré. Si son comportement... weird, at best avait pu m'éclairer quand j'étais môme, j'aurais fui ce sale gosse comme la peste à la première occasion. J'ai même eu la stupidité de porter son deuil quand je l'ai cru mort pour la première fois. Ce gars a déteint sur moi de la plus crade des manières, et je l'en ai remercié. Son décès soudain il y a quelques années m'a soulagé, mais pas assez. Qui sait, peut-être faut-il qu'il meurre à nouveau. Oui sûrement, third time's the charm. Il va crever, ce chien.
 
La peste soit de lui et de sa manie des bestioles.
James
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Posté le 02/08/2021 à 17:31:35. Dernière édition le 02/08/2021 à 17:31:56 

1708, Liverpool

"Nan, plus à droite. Un peu moins... voilà, tu vois ?
- Je lève pas la lame ?
- Ça c'est pour ces abrutis qui s'disent qu'un duel c'est pour la parade. S'tu veux te battre, tu l'fais pour ta vie. La lame cachée."
 
Il semble étonnant de voir deux jeunes hommes d'une quinzaine d'années, tout au plus, s'exercer à l'escrime en plein milieu d'une rue de Liverpool. A vrai dire, c'est peu étonnant au vu de l'abandon du quartier, la scène en serait presque banale. Jo, un sourire narquois sur les lèvres, regardait non sans amusement le pauvre James tenter de prendre une posture plus digne d'une bagarre de coupe-gorge : une lame de poignard collée au poignet, l'autre bien visible, un stylet rouillé pointant l'adversaire imaginaire.
 
" 'pis tu plantes. Dans le coeur si tu peux, t'es à peu près sûr de t'en sortir comme ça. Un coup sec, tu r'tires."
 
Et comme pour mieux montrer, il s'empare de son propre stylet et le lance un coup sec en avant, perforant l'air un bref instant.
 
"Okay... c'est pas aussi classe qu'un duel d'escrimeurs, mais ça a l'air violent...
- C'est le but. Si t'as d'autres bonhommes à mater, tu mets un coup comme ça au premier qui s'approche, et les autres se tirent. On t'a jamais appris à te battre ?
- Non. J'étais sensé apprendre, chez moi, mais mon enseignant est mort un peu plus tôt cette année, donc j'ai juste appris à me battre au bâton.
- Mmh, intéressant. Et tu restes ici pour toujours ?
- Jusqu'à ce qu'on vienne me chercher."
 
Maussade, James regardait les allées venues des anglais moins dépenaillés dans la rue adjacente. L'Écosse lui manquait certainement, mais il n'y repensait plus tous les jours, désormais. Vivre "à la dure" dans ces quartiers glauques en compagnie de son partenaire de méfaits lui procurrait un étrange réconfort.
 
"Viens James, on va voler d'la viande pour ce soir. Y a l'boucher qui ramène des pièces folles, on va voir ce qu'on peut graille ce soir."
 
Anormalement compatissant, Jo traîna son compagnon dans les rues sinueuses de la ville portuaire.
James
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Posté le 03/11/2021 à 03:39:54 

"T’as enfin décidé d’arrêter de courir, foutu clebs !"

L’insolent souriait. Un sourire sans joie, pervers, rempli de malveillance.

"C’est toujours un plaisir de t’emmerder, tu sais bien. Mais oui, la mort, c’est pas fameux pour la stamina mon gars, tu verras un jour.
- Marrant, je me disais qu’un plomb au niveau de ton pif, ça t’irait bien.
- T’en es pas capable James. T’es pas un tueur. Au mieux, un ivrogne un peu pêchu qui gueule un peu trop fort quand il gagne une main aux cartes."

Je l’ai coursé pendant près de deux jours et deux nuits sans sommeil. Il apparaissait, au fin fond d’un corridor sombre aux formes cauchemardesques, me souriait, puis sa silhouette semblait s’évanouir quand je me rapprochais. C’était son truc : la ruse, la manipulation, la tromperie. Le meurtre. Au fin fond d’une pièce éclairée par une lueur inquiétante, il m’attendait, les bras croisés.

Il ne bouge pas plus que moi. Je sens sa concentration, derrière sa parade arrogante. Il est nerveux.

"Il t’arrive quoi ? Tu vas te faire dessus ?
- Tu sais, j’ai vraiment attendu que tu viennes visiter ce cauchemar. Tu pensais quoi, qu’il s’agirait d’une bête expédition ? Que ce lieu de torture et de hantise, c’était un simple détour après deux trois culbutes au bordel du coin ? T’es venu parce que t’en avais besoin. Et maintenant, j’ai besoin que tu… disparaisses."

La course a puisé dans mes forces, j’ai encore le front trempé et les jambes qui m’ont l’air prêtes à exploser sous la pression. Il sort un stylet de sa manche, je sors mon coutelas. La lame recourbée me donne un avantage, mais je ne le sous-estime pas. Il se fend, je contre : le combat débute. Il est vif, je suis fort, mais il est surtout très à l’aise. Trop à l’aise. Il devine chacun de mes coups, chacune de mes bottes, chacune de mes parades. Son stylet dévie sur ma lame et place un coup sur mon poignet, puis sur mon épaule. C’est ensuite mon bras gauche qui est incapacité. Je sors une bouteille de mon sac : pas question de laisser des émotions à la con entraver mon duel. Mais ça aussi, il l’a deviné.

Sa lame vient se planter dans mon abdomen.

Il retire son stylet, me laissant chuter en avant.

“T’en fais pas, James. C’est que le début.”
 

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