Faux Rhum Le Faux Rhum Faux Rhum  

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Sortir des limbes  
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Paulus van Tard
Paulus van Tard
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29/06/2012
Posté le 13/02/2021 à 13:07:28 



Je vois des choses qui ne sont pas données à voir. Une face retournée du monde que j'ai connu autrefois, où des silhouettes parlent une langue que je ne comprends pas. Au milieu de mes compatriotes j'avance d'un pas opaque, j'y vois clair tout en noir et blanc.

Opium ? Je sais que non, même s'il serait plus aisé de le croire. Theatrum Mundi, disent-ils et comme ils ont raison : je caresse du bout du doigt des lignes de narration, et contemple les didascalies jouer comme des chiots. Je vois tout, je sais tout, je peux lire dans les pensées.

Il y a de quoi devenir fou, mais Fou je l'ai toujours été, amuseur tragique, galérien des limbes à trop me réduire à un concept je me suis détaché du monde entier. Adieu l'innocence qui m'a toujours échappé et tant pis alors, s'il me faut assumer cette nature en clair-obscur, ni bien de ce monde, ni jamais d'un autre.

Quitte à jouer une même pièce à l'infini, autant y occuper le rôle principal.
Paulus van Tard
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29/06/2012
Posté le 13/02/2021 à 13:15:36 



Je respire un air marin, me redresse dans ma couche ballotée par les flots. L'océan. Quel beau lieu pour renaitre ! J'en rirai presque, d'ailleurs je ne me gêne pas. Ma peau sèche comme du parchemin vient rencontrer l'eau salée : j'entends tout mon épiderme craquer de déshydratation. Je suis une momie, je le savais, nous ne mourrons jamais vraiment et même dans cet état si lamentable me voila encore en vie.

Autour de moi une goule pousse le fauteuil. Elle a l’œil vide et des lambeaux de veste de costume délavés qui lui pendent aux membres. Je cligne des yeux dans un bruissement de feuilles mortes. Où allons nous ?

- Où allons nous ?

Je croasse. La goule ne répondra pas, bien entendu. Elle n'a pas été conçue pour cela. La machine infernale s'est transformée en un petit radeau, Don Jef a décidément pensé à tout... Il faut boire, reprendre de l'énergie par la consommation d'éléments extérieurs à moi, m'abreuver au monde, puiser dans cette oasis infernale les moyens de ma subsistance dans l'entre-deux.

- A Liberty !

Je dis ! Et que mes grelots sonnent encore une fois.
Paulus van Tard
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29/06/2012
Posté le 13/02/2021 à 21:24:54 

- Allez plus vite mon vieux !

Je ne sais pas combien de temps j'ai passé en mer avant de me réveiller mais force est de constater que ma chaise a pris l'eau. Résultat tout un tas de mes jouets sont devenus inutilisables et j'ai dû me débarrasser de splendides morceaux de cadavres et de spécimen de champignons absolument remarquables. Pour l'heure, la seule chose qui m'amuse un minimum est donc de donner des coups à la goule pour la faire nager plus rapidement. Ce n'est pas très efficace mais ça passe le temps.

Cela va faire deux jours que nous pataugeons sans voir de terre à l'horizon. Pourtant ce sont les Caraïbes, ça ne manque pas d'îlot mais je suspecte quelque règle invisible de ce monde qui me ramène vers une île bien précise... Liberty. Je survis en dévorant des poissons qui confondent mes doigts avec quelques algues filandreuses à brouter.

- Listen my dear, pas que ta compagnie m'ennuie mais enfin j'ai connu des conversations plus palpitantes en causant avec une mouette alors bon Dieu du nerf !!

Le pauvre Stuart va finir par me claquer dans les bras, c'est le coup de trop, sa tête se disloque en deux et le contenu d'une caboche pourrie comme une noix se répand dans l'océan. Diable...

Diable.

J'imagine qu'il est désormais trop tard pour revenir en arrière... celui qui fut mon serviteur pendant ces longues années d'incontinence vient de rendre l'âme une seconde fois et moi, je me retrouve de nouveau perdu au milieu de l'océan.
Paulus van Tard
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Posté le 13/02/2021 à 23:41:17. Dernière édition le 02/03/2021 à 10:26:08 


- Vous foutez quoi là ?


Non mais il est sérieux ce gosse là avec sa bite à l'air ? Il a failli me pisser dessus en plus le con !

Comment ça ce que je fous ? Vous, qu'est-ce que vous foutez là ? Je suis chez moi ici je vous signale.

Z'êtes anglais ?


- Et pas qu'un peu, Intendant de New Kingston je vous ferai dire mon petit bonhomme ! Alors rangez moi votre engin et un peu de respect je vous prie.

- N'import'quoi ! C'est Shelby l'Intendant et on sait qu'm'dame Fagney tire les ficelles en coulisse !


J'ai rêvé de New Kingston cette nuit et m'y voici ce matin. Comme il est simple de voyager en songe et comme les vents du destin me ramènent encore et toujours vers cette maudite Cité.

- Oui bon. Aidez moi à remonter sur le quais, vous voulez bien ?

Je lui rend la main et il la saisit avec mauvaise grâce. L'éducation se perd de nos jours mon Dieu mon Dieu...

- Et pourquoi z'êtes tout maigre d'abord là ? Vos jambes marchent pas ?

- Ah, ça ? Of, ma foi, banale histoire de résurrection et de vengeance pirate, aïe aïe aïe... je vous passe les détails mais dites moi mon vieux, vous n'avez pas l'air dans votre assiette non plus ?

C'est clair qu'il a mauvaise mine et ne serait-ce l'obscurité je jurerai qu'il a les yeux rougis.

Non mais c'rien.


Well my dear boy, vous vous adressez à un grand amateur de rien. Videz donc votre sac, je ne vais pas littéralement vous dévorer.


Je n'aurai peut-être pas dû dire ça. Le voila qui me déballe sa journée comme un mort-de-faim avide d'une oreille attentive. Je ne m'en plains pas, cela fait une éternité que je n'ai pas entendu une bonne histoire !


- Oui enfin excuse me but c'est un peu des banalités terribles que vous me chantez là. La magie noire, voila déjà autre chose ? Vous avez déjà communié avec le démon ? Non bon alors ne venez pas me chialer sur les genoux parce qu'une donzelle vous a posé un lapin, enfin, un peu de nerfs !

- Pourquoi ? Z'êtes un sorcier ??


- Amateur seulement, je vous rassure ! Dites, vous aimez les grelots ?
Paulus van Tard
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Posté le 14/02/2021 à 00:10:34. Dernière édition le 14/02/2021 à 00:11:43 



Ha.
Haha.
Ha !

Je ne pensais pas que ça fonctionnerait.

Invoqué par le son du grelot noir me voila rendu en entier, mais changé ? J'ai trop puisé dans le gamin pour récupérer mes forces... jusqu'à me perdre ?

Nous verrons bien ce que cela donnera. Pour le moment, profitons de cette insouciance qu'il m'a légué... et de ces deux jambes, également.
Un bonhomme paumé
Un bonhomme paumé
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Posté le 14/02/2021 à 00:36:51. Dernière édition le 02/03/2021 à 10:27:00 

Oh my dear Chelsey, quel plaisir de vous revoir !

Who the fuck are you...?


Adorable cette fille, je l'ai toujours moins détestée que les autres. Well done, New Kingston s'offre à moi dans un apparat constellé de pétales de roses. Jesus Christ il était temps que je revienne, chacune de ces guirlandes est une balafre de plus sur le doux visage de ma cité...

Je frappe trois coups, puis cinq à la porte, puis deux, puis un temps, puis je siffle, puis sept coups. J'espère qu'ils n'ont pas changé le code secret de la prison depuis mon départ ? La porte s'ouvre dans un grincement sous le regard halluciné du garde.

- Thank you Thomas, hum, dites...? Vous n'auriez pas, vous savez, un lieu tranquille... pour des choses... privées... hm...? Une cellule fera l'affaire, oui !

Je claque des doigts devant son nez. Allez, hop !

- Resaisissez-vous mon vieux, on ne va pas y passer la nuit, hein !

J'entrouve un peu plus la porte. La machine infernale entre à ma suite. Lovely. Dans mon grand fauteuil le gamin s'est assoupi. Faut dire qu'il a mis du coeur au processus, ça doit fatiguer un déchirement d'âme.

- Ça vous embête de me garder un oeil sur lui ? Il a juste besoin de dormir un coup, ça ira mieux demain, oui oui.

Je demande, mais Thomas n'a pas l'air très réceptif. Je lève les yeux au ciel.

- Jésus Christ faut-il vraiment que je vous injecte de la chaux dans l’œil pour vous cramer le lobe frontal ou allez-vous commencer à obéir ?
Un bonhomme paumé
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Posté le 14/02/2021 à 00:57:24. Dernière édition le 02/03/2021 à 10:29:59 

Right from the ashes ! Haha ! I knew it ! Je le savais ! Jésus, reprenons nous. Sur ce corps rendu à sa jeunesse je trace mes pentagrammes, la lucidité de mes gestes contraste avec mes hésitations d'autre-fois. Tout est plus clair désormais et j'aborde ce purgatoire avec une douce décontraction.

-   Thomas ? L'aiguille, please.

Ne laissons pas ces choses s'évanouir, il faut se les graver directement dans le cœur ou le temps comme le reste effacera mes sortilèges et loque j'étais, loque je redeviendrai. Je passe la pointe dans la flamme d'une bougie jusqu'à la porter au rouge.

-   Belzébuth, faut-il encore que j'en appelle à toi ou me feras-tu la grâce de tes bêlement ?

L'aiguille se teinte d'un pigment noir. Le Grand Capri a daigné chier sur mes outils.

Loué sois-tu ! Vieux croûton cornu... J'ajoute d'un ton plus bas.

Thomas est un bon gars mais clairement le pauvre n'était pas prêt pour tout cela. J'ai bien fait de lui crever les yeux, sorte d'acte miséricordieux j'imagine ? Et pourtant si la raison me souffle que c'était là la plus belle chose à faire, un loitain écho me remonte du fond du cœur. Une voix qui déraille et profère des jurons.

-   Vas-tu te taire petit imbécile...?

Pour un peu je me pourfendrai moi-même pour sortir la tripaille et extirper les bons sentiments mais diable, je ne suis pas aussi sot et une partie de ma bonne fortune provient du gamin. Je soupire. Les prochains mois s'annoncent étranges, en attendant s'il m'agace déjà, je dois m'assurer que le petit ne va pas filer à la première occasion.

-   Thomas, détournez le regard je vous prie, ma pudeur...

Je me frappe le front.

Oh sorry, j'oubliais, hm, prenez cela comme une taquinerie.

Bon, la plaisanterie a assez duré. Gravons sur notre peau un contrat infernal.

... comment s'appelle le gamin déjà ?

l'inconnue
l
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29/01/2021
Posté le 16/02/2021 à 14:54:03 

Une histoire de Fou...
 
Il se passe quelque chose avec monsieur Paulus depuis la nuit dernière. Il est un peu... différent, j'ai besoin de vérifier si mes impressions sont bonnes, alors je l'entraine dans le cimetière - oui, je sais ce que diront les mauvaises langues - mais au moins là-bas on est tranquille.
 
J'essaye de le faire parler, je cherche... et au milieu des souvenirs d'un adolescent, un tintement de grelot m'alarme. Il sonne faux. Pas comme un ivrogne qui chante dans la rue. Ni comme un instrument cassé. Plutôt comme s'il n'y avait pas sa place. Un corps étranger. Je fouille plus loin : les amourettes de jeunesse, les jeux, les disputes avec sa mère, les concours de pisse avec les ivrognes, les baignades dans les eux du port de ce qui ressemble à Ulüngen... et ce tintement qui me donne la migraine. Quelque chose cloche, sans vouloir faire de jeux de mots.

Paulus van Tard
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29/06/2012
Posté le 16/02/2021 à 18:09:48. Dernière édition le 16/02/2021 à 18:10:15 

Faut-il donc que j'en sois à ce point prévisible pour avoir négocié la nuit avec mon jeune ami ? Y a-t-il un seul amateur d'occultisme sur cette pauvre île qui n'ait levé les yeux au ciel en soupirant à cette annonce ? Peu importe, j'entends progressivement gagner du terrain, non pas à ses dépends comme me soupçonne cette fille mais avec lui. Il a tout a gagné à sa présence, et moi à la sienne.

Des possessions, j'en ai déjà vu une foule. Rodrigo, Walter, l'Engeance, et j'en oublie certainement. Tous avec leurs démons intérieurs, à se consumer de fébrilité. Quelle vulgarité. Rien de tout cela ici, il y a bonne entente, il y a... cohabitation. Je ne suis pas un monstre, du moins pas comme on l'entend, rien qu'une âme vagabonde, transcendante, qui a besoin d'une justification pour s'incarner de nouveau.

Paulus van Tard, vous êtes ma justification.

Alors tous les deux, trinquons à un avenir étonnant ! Plein de surprises et d'aventures, sur cette île infernale dont on ne sort jamais vraiment !

- D'solé mais j'toujours pas bien compris c'que j'y gagne, moi.

- Mon assistance, petit ingrat ! En toute chose !

- Donc z'allez m'apprendre le... "charme" ?

- Bon Dieu mais il n'y a vraiment que ça qui te motive dans la vie ? Et l'ambition ? Et la gloire ?

- Non mais ça c'bon, j'l'ai déjà.

- Allons bon.

- Et j'être plus fort aussi ! Et plus grand !

- Oui, bon. J'imagine que ça c'est possible, hum, on a déjà vu des gens grandir à toute vitesse et mourir aussi vit...

- Et d'l'or aussi !

- Veux-tu bien ne pas me couper la parole espèce de sale gosse !

Je sens que tout cela va être long. J'aurai peut-être dû littéralement le dévorer en fait.
l'inconnue
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29/01/2021
Posté le 16/02/2021 à 19:45:50 

Il faut me protéger de ce tintement qui ne m'inspire rien de bon, mais je ne trouve pas d'orties en ville. Quelle poisse. Comment aider monsieur Paulus ? Je l'aime beaucoup. Trop peut-être. Sans doute. Je m'étais pourtant jurée de ne toucher personne sur cette île, de ne pas m'impliquer, ne pas m'attacher, les risques sont trop grands. Mais à Ulüngen, ce soir là dans cette taverne, il était si attachant. Je n'avais pas rencontré de personne aussi gentille depuis des mois... peut-être même des années. Alors, je n'ai pas pu m'empêcher de Voir... juste un petit peu... par curiosité...
 
Solal me questionne. Comment j'ai su, l'autre soir ? Comment je sais... ce que je sais ? 
Pas le temps, monsieur Dejais est déjà là, comme s'il avait épié notre conversation. Il m'apparait comme l'autre soir, mais cette fois-ci en chair et en os. Il évite mon contact, nous propose un jeu de devinettes... je saute sur l'occasion, il faut que je Voie, pour trouver un moyen d'aider monsieur Paulus. 
 
Je remporte la première devinette. Je sais parfaitement ce que je veux, mais il y a un public de badauds, et l'exécuteur anglais qui me regardent. Je n'hésite pas longtemps. Pour sauver Paulus, je creuse ma tombe. 
 
Paulus van Tard
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29/06/2012
Posté le 18/02/2021 à 00:06:56. Dernière édition le 02/03/2021 à 10:34:49 

Nous sommes dans les égouts. Même du temps où j'habitais le Palais de New Kingston, ces lieux puants et discrets étaient mes préférés de la ville. J'aime le luxe et la grandeur et à ce titre, j'apprécie également la saleté et la laideur. Ce sont les deux faces d'une même pièce, misère et richesse, noblesse et vulgarité, chacun perdrait en substance sans l'autre. Il est bon de fréquenter les pauvres, les faibles, les crapuleux, la lie, la plaie, la maladie et la fermentation, je rêve d'un monde dévoré par mes champignons, où la pourriture donnerait naissance à mes enfants.

En attendant, je me contente des égouts et des prisons. Là où s'entreposent les rebus du monde.

Paulus semble s'en foutre. Normal, une enfance dans les ruelles d'Ulüngen a dû depuis longtemps le vacciner contre la répulsion. Chaque cité si opulente soit-elle laisse pourtant ses gamins patauger dans la fange : cela les éduque. Il faut s'habituer aux déjections et à la mort, elles nous suivent toute notre vie.

Dites moi tout Sir van Tard, pourquoi cet attrait pour la gloire ? Y a-t-il quelque sombre projet dont vous auriez omis de me parler ? Ou une ambition inavouable et dévorante...?

Je lui souris, cajoleur. Cela semble le laisser de marbre. Ce gamin m'énerve.

- Bin j'en ai marre qu'les filles trouvent que j'suis trop jeune.

Je dois me retenir de lever les yeux au ciel. Pourquoi faut-il toujours que je m'entoure des plus crétins ? L'Institut en était rempli, mais je n'ai plus de nouvelles de Dolorès depuis longtemps...

- Un amour impossible ? Voila qui est intrigant... peut-être est-elle promise à un autre ? Un autre qu'il faudrait faire... disparaitre ?

- Ah non j'disais ça en général quoi.

Délicatement, sensuellement, je passe ma main sur son épaule, dis moi tout Paulus, révèle moi tes fantasmes les plus enfouis, donne moi des rêves à dévorer, que je les transforme en opportunités...

- Tu as des idées en tête ? Tu dois en rêver chaque nuit, j'imagine, tu pourrais la forcer ? Par la brutalité physique, par l'or ou par la loi ? La rendre dépendante, soumise, une vraie catin entièrement livrée à ton plaisir crasse, lui faire tout ce que tu désires...?

- Bin j'voudrai bien l'épouser à l'église et qu'on ait une maison et un chien en fait...

Par le diable vivement que je m'en débarrasse !
Paulus van Tard
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Posté le 23/02/2021 à 12:58:02. Dernière édition le 23/02/2021 à 12:58:16 

- Vous pouvez arrêter d'me parler quand j'fais la guerre là ? J'ai b'soin d'me concentrer.

Je soupire.

Vous prenez ça un peu trop au sérieux mon p'tit bonhomme, des guerres il y en aura d'autres...

- Pas contr'les français, s'relèv'ront pas d'celle là, hinhin.

- On se relève toujours, croyez-en mon expérience, dites quitte à ce que je vous laisse la pleine possession de vos moyens pendant les affrontements, vous pourriez au moins me faire la conversation.

- J'suis pas vot'mère, parlez vous tout seul.

Si j'étais sa mère, je l'aurai étouffé dans son sommeil depuis longtemps.

- M'sieur ?

- Je suis pas vot'mère, gnagnagna.

- Ça va, z'allez pas faire la gueule pour ça.

- Bon, quoi ?

- Si j'grandis d'un seul coup, j'vais pas prendre d'l'expérience au même rythme, non ?

Je cille.

- C'est une question... surprenamment pertinente. J'imagine qu'il y aura un temps d'adaptation. Ou bien...

Si la gamine avait accepté de me donner quelques années de sa vie, nous n'en serions pas là, je sens que je vais devoir bricoler et cela ne me plait qu'à moitié. Ce n'est pas comme rafistoler des morceaux de cadavres avec Don JeF cette fois-ci, il s'agit ni plus ni moins d'un esprit entier qui se reconfigure.

- Ou bien quoi ? Alors ?

- Silence, je réfléchis.

Il me vient bien une idée, aussi fascinante que risquée. Dès que j'aurai un moment, je me mettrai au travail. D'ici là, terminons cette guerre absurde.
Mad Maximilien
Mad Maximilien
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Posté le 24/02/2021 à 17:32:50. Dernière édition le 24/02/2021 à 17:34:30 

Indéniablement une belle victoire, vous avez été vraiment héroïque sur ce coup là.

Je lui chuchote alors que le sommeil le gagne. On réfléchit moins bien le nez dans l'édredon et j'ai une proposition à lui faire qu'il ne doit surtout pas refuser.

- Hm ? ... ah bin... oui... c'sûr ça...

Il se redresse dans le lit, nous parlons tous bas, les autres ne doivent pas nous entendre.

Vous savez, j'ai réfléchi à toutes vos histoires, pendant que vous crapahutiez à travers Liberty pour chercher je-ne-sais-quoi...

- C'des drapeaux enn'mis.

Oui, voila. Bref. Vous savez, pour le moment notre contrat stipule que je me contente de vous... "emprunter" quelques temps, sans autres réelles conséquences que des absences de votre part...

- Et en échange vous d'vez m'donner du pouvoir !

Dites, vous venez de gagner une guerre, z'allez pas commencer à me chier une pendule là !

- Hinhin...!

Taisez-vous ! Je disais, donc, si vous me donniez un peu de votre débordante vitalité...

- Parce que l'truc avec les absences ç'suffit pas là ?

Franchement si vous parlez tout le temps ça va être insupportable. J'allais justement vous proposer de laisser tomber tout ce charabia bureaucratique, on révise le contrat, on simplifie les termes, ce sera plus simple pour tout le monde ET...! ... j'ai peut-être moyen de nous séparer.

- Mais j's'rai quand même plus fort ?

Je vous ai dit que oui.

- Nan parce qu'vous causez beaucoup mais j'vous vois pas trop vous battre hein.

- Je me considère comme un pacifiste.


- N'importe quoi z'êtiez un boucher en Angleterre je l'sais.

- C'est Jan-Jan qui vous a raconté ça ? Je vous signale qu'on ne lui a rien fait à lui, et à la petite Cendre non plus d'ailleurs, alors que franchement ce n'était pas l'envie qui manquait.

- En tout cas z'êtiez un tyran et tout l'monde vous détestait.

Je les détestais aussi donc ça s'égalisait.

- Ah bon ?

Oui, ce sont des mathématiques, dites je peux continuer ou vous avez décidé de faire une nuit blanche ?

Il baille et se renfonce dans les oreillers. Je te balancerai des mauvais rêves espèce de crapule.

- Le principe est délicieusement simple, pour l'heure je suis encore particulièrement diminué, mais en transférant un peu de votre vitalité en moi, je pourrai trouver la force de me détacher complètement de vous... et ainsi de vous aider au mieux. Voyez cela comme un investissement.

- Et ça m'coûte quoi à moi vot'truc ?

Rien qu'un petit coup de fatigue, je vous le promets.

- Bon... d'accord, mais d'main.

Oui, demain.
Mad Maximilien
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Posté le 24/02/2021 à 17:50:45. Dernière édition le 01/03/2021 à 14:49:22 

A nouveau, j'ai communié avec le cygne noir, Baâl, Belphégor, Méphistophélès, enfer, enfer, enfer ! J'ai dévoré les hosties sanglantes, abandonnées trois jours dans la fausse aux porcs d'un paysan païen, tracé les pentacles aux murs et prononcé les paroles interdites.

J'ai senti les forces enfouies remonter du creux de la terre, passer à travers ce garçon comme un filtre, venir me nourrir au sein : j'ai tété la mère charogne aux mamelles purulentes, son flot de lait brun me baptise et me voila de nouveau enfant des royaumes infernaux !

Sur le clavier d'ivoire sculptée dans les défenses des premiers monstres j'entame la mélodie diabolique, l'hymne d'une terre inconnue où flottent des oriflammes en peaux de rat. La chanson s'élève au milieu d'un monde saturé d'une pâleur acide, attire à moi les goules.




Bientôt je serai libre de nouveau, et le gamin... tant pis pour lui.
Paulus van Tard
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Posté le 01/03/2021 à 14:42:14. Dernière édition le 01/03/2021 à 14:46:07 

Agars comme mes goules je pénètre l'intérieur du Coffe Shop d'Ulüngen. Un lieux cosy et embrumé de volutes d'opium où j'ai débuté naguère ma descente en enfer. Je salue d'un geste ce lascars de Teuf-Teuf et le petit Jam, au vu du temps que j'ai passé en ce lieux qui a vu la décrépitude de mon corps je suis pour ainsi dire un habitué : presque littéralement un meuble au point qu'on ait stratégiquement déplacé un sofa pour y ranger mon fauteuil. Où est-il celui-là d'ailleurs ? A la chasse, sans doute, des mois de privation en mer l'ont rendu affamé et il commençait à chercher à me grignoter les doigts. Les sortilèges sont comme des bêtes sauvages, la force les mate, la peur les tient en respect mais jamais sincèrement ils ne vous obéissent...

Le lieux est désert à cette heure de la journée, la plupart des hollandais lui préférant l'auberge. Je jette valise et manteau sur un divan et m'y écroule lourdement. Ce corps revigoré n'est pas complètement le mien et perclus de crampes le moindre effort soutenu est encore douloureux. Je dois tout réapprendre, y compris l'élasticité de ma peau qui encore parfois craque et se fend de crevures quand je n'y prends pas garde. A tâtons, je cherche ma pipe à opium, le bois noir a imbibé des années de fumée et sent désormais comme une cheminée suspecte, gardant la trace de tant de feux impies.

Soupire. J'ai essayé de me détacher de l'esprit du garçon, mais alors que les maléfices auraient dû me servir de lubrifiant il m'est apparu qu'il allait falloir m'arracher à lui dans la douleur. Comme des peaux étrangères cautérisées par le feu, le diable ce salopard nous a bien fusionné ! Encore une fois je me retrouve à moitié prisonnier de mes propres malices, ah foutre qu'il serait plus plaisant d'être de ces magiciens de nature, ceux que l'on croise parfois, pour qui tout semble si simple. Moi j'avance à l'aveugle, crevant à grand coup de formules et de violence traumatique le voile des possibles. Je laisse derrière moi des lambeaux décharnés et sanglants de réalité quand certains mieux habiles se content de les contourner. Tant pis.

J'ai renoncé à la séparation, j'ai compris que je risquais d'y perdre un peu d'âme, mais le retour au giron fut éprouvant, comme on tombe de haut dans un lac ma tentative a un peu éclaté de nos esprits ensemble et je me sens à présent touché d'éclaboussures étrangères, je suis un peu moins moi et certainement lui un peu moins lui. Diable, diable, diable !! L'enfer l'emporte, des idées parasites me trottent dans la tête, quel imbécile de se lier à un adolescent...

J'ai des frémissements dans le corps, là où naguère il n'y avait qu'un désert froid. Hum.

Allongé dans les coussins, je sors John Locke et la poésie de mes amis européens. La lecture et la philosophie suffiront certainement à me tirer de ces considérations matérielles.

 

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