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Euphemia
Euphemia
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Posté le 25/02/2021 à 11:05:46. Dernière édition le 25/02/2021 à 18:54:46 

Enfin ! Là, rien qu'une toute petite ligne tout d’abord qui avait accroché son regard, au beau milieu d’un gros bouquin taché de moisissure, après des jours entiers passés à décortiquer ces maudits registres… Elle avait inhalé assez de poussière pour tousser du sable jusqu'à la fin de ses jours, et ses yeux rougis trahissaient le manque de sommeil. Elle n'avait pas quitté le palais, volant sa nourriture dans les cuisines, dormant où elle le pouvait. Ses efforts avaient été récompensés.
 
« De Windt, Gustaaf et Letizia. Enregistrement dans la colonie : janvier 1704. »
 
S'ensuivaient d'autres informations détaillées sur leurs activités, les différentes autorisations de commerce concédées par le gouvernement, une liste d'affaires importantes à leur nom (dont une quantité non négligeable de rachats d'activités concurrentes) et tout ce qui concernait leur domaine, un grand terrain perché sur les hauteurs d'Ulüngen dont on détaillait la superficie et les travaux d’aménagement ainsi que la quantité d’esclaves prévus pour y travailler. Le cœur de l'adolescente battait la chamade.
 
« Mars 1705 : naissance de l’héritier. »

La date correspondait. En calculant à la louche, elle savait qu’elle tournait autour des quinze ans lorsqu’elle avait rencontré Gemini, et une année s'était déjà écoulée depuis… Le passé de sa famille se déroulait sous ses yeux en pattes de mouche, témoignant du succès fulgurant de son père, gros exportateur de sucre qui s’était vite imposé comme un élément solide de la domination de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales dans la région. Cependant, la tendance s’inversa au cours de l’année 1708 -au même moment où elle avait été abandonnée, se rendit-elle compte, si elle en jugeait par sa vision d’elle-même se perdant, à trois ou quatre ans, dans le Manoir hanté. La liste qui rapportait avec emphase les grandes étapes de la vie de la famille De Windt devint petit à petit une énumération de malheurs plus qu'autre chose, ajoutés d’une main de plus en plus indifférente : rachats par la concurrence, saisies de biens, soupçons de vols et enquêtes subséquentes ralentissant les affaires, mauvaises cultures, épidémies décimant la main d’œuvre, et beaucoup, beaucoup de dettes. Ses yeux s’arrondirent devant le montant astronomique indiqué dans la marge : une vie entière de rapines ne lui suffirait pas à rembourser ce montant. Et, enfin, conclusion sommaire de l’histoire d’une famille autrefois influente tombée en disgrâce…
 
« Août 1712 : décès des époux De Windt. Héritier disparu. Lignée éteinte. »
 
Effie accusa le coup, relisant encore et encore ces quelques mots qui barraient la page, qu’elle finit par arracher en prenant bien soin de ne pas l’abîmer, puis elle la plia et la rangea à l’abri dans ses vêtements.
 
- Non, pas éteinte. Je suis Euphemia de Windt. EUPHEMIA DE WINDT ! hurla-t-elle à pleins poumons, partagée entre l'allégresse de ce nom retrouvé et l'effroi de réaliser qu'elle incarnait ainsi l'unique héritière d'une famille déchue.
 
Un peu partout dans l'aile des archives, des bureaucrates concentrés sur leur travail sursautèrent à cause du hurlement soudain. Le gardien des archives lui-même tressaillit violemment, éparpillant en tous sens la liasse de formulaires qu'il consultait avec application. Un quatuor de fonctionnaires agacés vint très vite féliciter Mademoiselle de Windt pour sa découverte, et la prier par la même occasion de quitter instamment le palais et laisser les gens travailler en paix, merci bien.
 
Elle émergea du grand bâtiment et se retrouva dehors pour la première fois depuis des jours, s’arrêtant un instant sur l’esplanade immaculée qui menait aux jardins. Elle y savoura la caresse du soleil qui réchauffait son visage, les cris des mouettes mêlés aux bruits de la ville, et l’air frais parfumé par les fleurs du jardin, qui ne cachaient pas tout à fait les fragrances salines de l’océan tout proche. Elle avait atteint son but. Bon d’accord, ce n’était qu’une étape… Mais là, pour l’instant, elle se sentait bien.
 
A suivre
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