Faux Rhum Le Faux Rhum Faux Rhum  

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Paris gueule  
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Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 13/03/2015 à 14:50:18 

J'aime les foules. Elles me font l'effet des parfumeries.

On s'y promène au hasard, parmi les gens qui se ressemblent, sans trop savoir ce que l'on cherche. Au début, vous n'avez qu'à vous laisser aller. Toutes les senteurs se mélangent, au point de n'en pouvoir distinguer un parmi les autres. C'est une soupe, une ambiance. Et puis soudain, attiré par l'un des flacons, sans trop savoir pourquoi, vous vous en approchez, fermez les yeux pour vous concentrer, saisir une identité, pleine d'odeur et d'histoires.

C'est en général à cet instant que la fille se met à crier que j'ai mon nez dans son cou.
Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 13/03/2015 à 15:34:35 

Elle sourit comme sourient les filles intéressées, se penche pour prendre son verre, dévoile un peu sa poitrine. Dans ce genre de jeu, chacun pense mener la danse. Elle doit avoir un mac dans la taverne. Elle me prend pour un blanc-bec et se croit hors d'atteinte. Comme d'habitude.
Je ne minaude pas, ça m'a toujours agacé. J'ai de l'argent et le lui ait fait savoir en début de soirée, pourquoi toutes leurs affaires doivent donc trainer ainsi...? Elle monologue plus que nous ne discutons, pour ma part, je termine mon deuxième verre. Par force d'habitude, je tiens bien l'alcool. Elle aussi, nous jouons serré.
Au bout d'un moment, elle finit par accepter que la situation m'emmerde, et tire un peu la gueule, pour le principe, avant de se lever. Enfin.

Nous sortons de la taverne. Le parfum frais du soir m'arrache un hoquet, les docks empestent. La chaire nécrosé des poissons du jour, brûlés au soleil prisonniers de leurs filets, les latrines que l'on vide à la mer le soir venu et la sueur des marins déambulant, l'haleine des ivrognes qui imprègne le temps et rend l'air humide...
Trop de monde, trop de pistes. Elle me tire par la main, m’entraine dans la ville basse, dans les ruelles.
Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 13/03/2015 à 16:05:24 

Les grandes villes ne sont pas des endroits sûrs. On y fait de mauvaises rencontres, on y reçoit de mauvais coups.
Elle suit les lanternes qui peuplent les faubourgs, plus par réflexe que par crainte. Comme tout bon petit soldat au service de ses patrons, elle a bien appri sa leçon. Son pas pressé bat le pavé, jupon relevé, toutes se savent vulnérables tant qu'elles ne sont pas arrivés à la maison close.
Je le sais aussi.

Les ténèbres d'un perron me suffisent. Je lui attrape le bras, la plaque contre la porte, l'embrasse. Elle me repousse.

- « Pas ici... » Désolé.

Sa gorge fond tendrement entre mes dents alors que son cri se noie dans le sang qui envahie sa bouche. Ce soir, Paris gueule.
Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 13/03/2015 à 21:43:58 

Personne n'aime avoir du sang sur les mains. Alors je les lave dans le port.
Allongé, le ventre contre la pierre froide, les mains qui trempent et la tête au dessus de l'eau, j'observe mon reflet. Cheveux noirs et sales, la peau pâle et la bouche maculée de rouge, je me ferai presque peur. L'odeur du sang se répand autour de moi, tandis que sa couleur se dilue dans l'eau. La nuit est parfumée de carnage.

J'ai agi sans réfléchir, sur ce coup là. Quelqu'un aura forcément vu ma tête, la gamine fait parti d'un réseau. Je ne pourrai sans doute plus revenir dans ce quartier avant un moment. J'ai agi sans réfléchir. A ma décharge, j'avais faim.

La faim est une sensation très intéressante, j'ai eu de nombreuses occasions de l'étudier. Contrairement à la douleur, qui vient s'ajouter au corps, la faim est un manque, un besoin que tout tend à combler. Essayer d'y résister ne fera qu'accentuer l'envie. Essayer d'y résister ne retient jamais longtemps ma barbarie.
Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 13/03/2015 à 22:32:23 

J'ai jeté le corps dans le port, pour retarder sa découverte. Avec la moitié de la gorge arrachée, le ventre boulotté et le sol teinté vermeil, personne ne croira jamais à un accident. S'il prenait l'envie à quelqu'un d'ouvrir ma besace, il y trouverait le bras d'une câtin malheureuse. Je peux difficilement emporter plus, il faudra chasser de nouveau.

Je m'allonge sur ma paillasse, sous les combles. Je ne me nourris qu'une unique fois par mois, environ, et ai de gros besoins de sommeils après le repas accompli. Mes paupières se ferme, sur les toiles d'araignées qui meublent ma chambre. Sombrer dans le noir.
Nous autres ne rêvons pas.
Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 13/03/2015 à 23:12:02 

Saviez-vous que c'est dans les mâchoires que se trouvent les muscles les plus puissants de notre corps ? Les os craquent et s'y brisent comme du bois sec.
J'ai neuf ans. A genoux dans le réfectoire, mes doigts fouillent fébrilement dans les replis de la soutane déchirée. Cherchent la chaire.
Je me revois, les joues creusées, profondément cerné, fiévreux, torturé d'une faim insatisfaite par les nourritures terrestres, aguiché des fumets banals que tout un chacun dégage.
Je revois le prêtre m'attirer à l'écart, me demander encore l'origine de mon trouble.

- « As-tu pêché, mon fils ? » dit-il de cet air soucieux, déjà vu maintes fois.

Mes mains tremblent alors que j'ai du mal à respirer... et cette odeur... Cette odeur de vieux mâle, de tissu poussiéreux imprégné des sueurs de l'effort, de la peur du malin...

- « Tu sais, Malchus, les tourments peuvent être une chance. C'est éprouver la même douleur que celle du Christ, celle qui rapproche de Di » il ne finit pas sa phrase alors que mes dents se referme sur sa glotte et l'extirpent d'un coup hors de la gorge du malheureux.

Il s'écroule, parcouru de spasmes. J'ai neuf ans et j'apprécie le goût de son cou. Mes ongles noircissent à vu d'oeil, déchirent la bure, trouvent la peau, la percent. Je mange tout.

Je me souviens...

Paris gueule lorsque je déglutit.
Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 14/03/2015 à 19:20:29 

J'enchaîne les rues à pas lourds. Voûté sous le poids, mon sac me cisaille les épaules.
Je me souviens. J'ai quinze ans, je suis commis pour un bouge bas de gamme à Paris. Comme je n'ai pas à payer ma nourriture, il me suffit de gagner un loyer pour survivre. Alors je loge dans une petite chambre de bonne, à l'étage, qui me prend presque tout mon salaire.

Haletant, je dépose mon fardeau contre un perron pour reprendre mon souffle. Mon corps est moins endurant que la moyenne, je suppose que c'est dû à l'alimentation. Assis à côté du sac, j'observe le soir gagner la ville.
Le passage diminue, laisse les odeurs sortir du sol...

Gosses, parents, soldats et mendiants. Je "vois" tout. La vermine grouille sous mon nez, chatouille mes instincts et me pousse au vice.
Je me souviens. Je suis jeune et différent. Un peu seul, moi et ma faim.

Je suis jeune et le monde ne me sied qu'égorgé.
Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 14/03/2015 à 20:22:12. Dernière édition le 03/09/2019 à 01:16:28 

La nuit est mon domaine.
Je me souviens, quand j'étais petit, le père m'avait lu une histoire. Dans l'ombre du dortoir, perdu au creux d'une paillasse, les ombres que projetait la bougie sur son visage illustraient son récit...

- « Mon garçons, en ce bas monde, chacun de nos actes a de lourdes répercussions.  Ainsi commençait-il toujours les histoires, leur préférant la morale. Nos doutes et nos angoisses nourrissent des monstres dont nous n'avons même pas idée... »

Je me souviens d'avoir osé alors, poser une faible question.

- « Mon père, est-ce les gargouilles...? »

- « Leur image seulement, pour nous rappeler les maléfices des pêcheurs. Et son visage, à l'ondulation de la flamme, prenait des formes affreuses comme ces gravures au coin des Bibles. Sais-tu que c'est l'ombre des démons qui provoque la nuit ? Qu'à chacun de tes mensonges, l'un d'eux rugis et vomit les poux et la vermine...? »

Je l'écoutais et dévorait ses paroles, qui devaient me marquer. Je buvais, assoiffé d'identité, les description des créatures qui faisaient écho en moi...

Seul dans le noir, je joue à décrocher ma mâchoire.

Spoiler
le Cormoran
le Cormoran
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25/02/2015
Posté le 16/09/2015 à 23:19:44 

Je me réveille sur la paillasse, la bouche sèche du sang de la veille. J'ai dormi une journée entière si bien qu'il fait de nouveau nuit, mais l'ambiance a changée. Il y a une sale odeur de fumée, ce qui a du me tirer du sommeil.
Je me relève et me rince rapidement les dents d'une gorgée de vieille eau, celle-ci ressort pleine de caillots. La charpente empeste un mélange de graillon et de feu de cheminée, assez diffus mais bien net à la narine exercée. Du coup je sors ma gueule à travers ma lucarne, pour jeter un œil à la rue. Un bouillon de sueur, de colère et de torches m’explose le nez d'un coup de fumet, à m'en faire feuler.

Je me retranche, ça pue la guerre civile, ou la justice populaire, ce qui n'est pas mieux. Ce soir, Paris grogne...

Je me tire, avec un sac rempli de vêtements et quelques breloques qui me tiennent à coeur, dont le crucifix. Filer de ces odeurs de haine et de peur, ça déteindrai presque sur moi, je me sens poisseux. A moi les docks, là bas, au moins, l'odeur du poisson couvre tout.
le Cormoran
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25/02/2015
Posté le 16/09/2015 à 23:46:00 

Adossé au mur de la capitainerie, mes ongles grattent ma peau à l'en effriter, je me mes de la chaire plein les mains, jusqu'à ce que la panique me quitte. Trop d'instinct me tuera un de ces jours, j'ai les nerfs et les muscles de l'avant-bras à vif.
Se redresser, soupirer, jurer un peu et cracher un vieux restant de salive que je n'ai pas eu le temps d'avaler pendant ma course. Je me sens lourds, sale et gras, gorgé d'homicide et de monstruosité, incapable d'en faire disparaitre les traces, souillé, pas de remords, non, mais de ces odeurs qui ne vous quittent pas, ces auras macabres et ces airs de croque-mort qui crient, crient à la face du monde "inhumain ! inhumain !"... Je me torche avec la loi des hommes et voila qu'elle me colle au cul.


Voila que je me promène, comme un de ces bourgeois qui ont du temps à perdre, la nuit, mais eux ne vont pas là où je me rends, ils craignent l'inconnu des recoins sombres, ils les craignent car c'est là que je rôde. Me voila de nouveau chasseur, mais sans proie, chasseur repus arpentant son territoire pour le plaisir de rappeler à tous qu'il est maître ici bas, maître de leurs vies.
Caché derrière des caisses, j'épie le nid de pie où somnole une vigie. A sa source, des marins discutent autour de trois dés. 6, 2 et 3, très exactement. Je les observe et déguste leurs rires naïfs, ils ne savent pas, non, ne savent pas que dans l'ombre j'épie.
Dans l'obscurité d'une ruelle, là un tanneur vient à passer, reconnaissable au fumet de ses mains, une odeur incrustée, profondément, à force de frotter chaque jours les peaux d'un autre. Il vient dépenser quelques pièces pour un alcool fort, sans doute, ou s'acheter des cigarettes de contre-bande. Il n'a pas peur mais son pas pressé m'amuse. Presse, presse-toi donc, petit homme, ta soirée dépend de mon bon vouloir car ce soir, tu arpentes mes terres.


Ainsi j’ouïs, me rassure au contact de ces frêles sujets. Mon avant-bras est presque de nouveau recouvert de chaire blanche, comme après chaque repas, mes cauchemars trépassent.
Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 03/09/2019 à 00:51:55. Dernière édition le 03/09/2019 à 00:52:27 

On a trouvé mon cadavre. Enfin, mes cadavres, ils supposent que la pute n'est que la première d'une longue liste d'affaires non résolues. Il se trouve qu'ils ont raison.

Paris gueule, Paris grogne. Paris est sujet à l'émeute, elle pue la colère et la mort, elle pue la peur et l'excitation. Paris marche sur mes terres en meute car Paris s'est lassée d'être chassée. Je vois des yeux et du nez, le rougeoiement des ruelles et le parfum musqué des soirées qui sentent le souffre, ça empeste la peste rouge, celle qui pend aux ruelles, les pauvres, les bizarres, les bourgeois, les différents.

Je suis différent.

Tanneur, regagne ton chez toi et prend garde à ce que Paris ne t'ouvre pas la gorge, ce soir, moi, je te fais grâce et d'un pas quitte Paris.
Malchus Colin
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Posté le 03/09/2019 à 01:07:52. Dernière édition le 03/09/2019 à 01:19:45 

Evidement qu'ils m'ont trouvé, je ne sais pas à quoi je pensais.

Le premier jour, derrière les tonneaux, je déchire méthodiquement la chaire de mon bras. Si seulement l'odeur du sang pouvait masquer le reste. Mais il n'y a rien ici. En même temps il y a trop. Pour la première fois, je suis aveugle. Balloté dans le plus profond de la cale, dissimulé dans tous le noir que j'ai trouvé, c'est d'effluves que je suis tourmenté.
Concentré de sel, bouillon humain d'hommes forts en rute, les brutes lavées au sel qui dorment les uns sur les autres, vivent, la pisse et la chiasse dans les seaux balancés à la mer, les restes digérés de biscuits secs baignés au rhum et aux acides gastriques, rejetés par l'arrière, évacué sans cérémonie, débarrassé du plancher mais pas pour moi, moi je sens encore la trace qui s'accumule comme une sale tâche de sang sur une chemise blanche, putain, sel, merde, sueur et ma faim, qui revient et l'envie de vomir aussi, mais de vomir rien.

Caché derrière mes tonneaux à nouveau j'ai peur, enfin, je sens l'odeur de ma propre frousse et celle de ma sueur des mauvais jours. J'ai la sueur aigre, un coup de langue me le confirme : je me pisserai dessus si j'avais quelque chose à pisser.

Ils ont mis six jours à me trouver. Vu comme je pue, moi je me serai trouvé tout de suite.

- « Putain Adam, regarde ce que j'ai trouvé...! »

Putain. La putain est morte et moi aussi maintenant.
Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 03/09/2019 à 12:19:13. Dernière édition le 15/01/2021 à 23:40:02 

Assis sur le pont du navire, je grignote un biscuit sec. Le gâteau dur comme la pierre s'effrite dans ma bouche avec un goût de craie, mon palais ne saurait se rassasier des nourritures humaines.
Autour de moi, les marins continuent à s'affairer. Je n'ai droit qu'à quelques regards obliques à l'occasion. C'est mieux ainsi. Finalement je respire : ici l'odeur musquée du confinement de la viande a été balayée par le sel marin. Il n'y a rien que le sel qui anesthésie tout, dévore tout le reste du monde. Entre deux éblouissement, le visage protégé du soleil par mes doigts, j'ai contemplé l'océan. Nous sommes une île chargée de parfum entourée de la stérilité sèche du sel.

Ca n'empêche pas tout le monde d'être trempé et bientôt moi avec. Un embrun m'a stérilisé, moi aussi. Me voila lavé un temps de mes odeurs rances de peur et de maladie.

Je sais cependant que cela ne durera pas, déjà la luminosité me fait transpirer et la faim me donne des vertiges. Le capitaine empeste le foutre et un tabac qui vient de loin.

- « Bienvenue aux Indes Occidentales gamin. Maintenant j'aimerai bien que tu me dises ton nom et comment t'as fait ton compte pour te retrouver sur mon bâtiment. »

Il vient d'aller pisser et moi je ne vois que sa peau blanche, plus pâle que celle de ses hommes, protégée par un large couvre-chef, palpitante en dessous. J'essaye de prendre mon inspiration mais ne respire que des miettes et m'étouffe. Une rude tape dans le dos me fout par terre.

- « Eh bin. Faut prendre du muscle, hein... »

Je l'aurai bouffé pour ça mais il m'aide à me relever. Je n'ai senti aucune hostilité sur ce bateau depuis ma découverte, au pire rien que du dédain. Avec le temps je sais renifler les émotions. Je me suis remis à puer le stresse, une question m'obsède.

- « Combien de temps... en mer ? »
Malchus Colin
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25/02/2015
Posté le 03/09/2019 à 15:23:12. Dernière édition le 03/09/2019 à 15:23:33 

Trois mois. Trois mois de mer, si tout se passait bien, voila ce que j'allai endurer. En général, il fallait compter une lune entre chacun de mes repas. Par prudence, j'espaçais ces-derniers de quarante jours, régime alimentaire qui me laissait souvent tremblant et fiévreux en fin de jeûne, mais qui avait le mérite d'espacer la chasse et de laisser l'eau passer sous les ponts.

Trois mois. Dans un lieu confiné fumant le fumé marin, la proximité de la chaire suante, noueuse, mal nourrie peut-être, carencée mais salée comme du lard, comme les hommes salent leurs provisions. Je suis pris au piège entouré de gourmandises. Et j'ai déjà faim.

Le capitaine a dit que si je voulais manger, il faudrait travailler, mais c'est un mensonge. On m'a d'abord mis à briquer le pont mais le soleil causait d'effroyables brûlures à mon dos alors on m'a renvoyé à la cale. Dans les ombres moites sous le pont, j'épluche les maigres légumes censés me nourrir, et colmate les trous, surveille l'état du bois, rampe, me faufile dans le noir tout à mon oeuvre comme un rat.
Le travail est dur mais je n'y pense pas, j'ai toujours travaillé dur. Je pense à la faim qui grandit, chaque jour un peu plus quand je vomis mes repas à l'abri des regards, cette faim immense, gargantuesque qui me recouvre comme un manteau, qui caresse puis tenaille chaque centimètre de ma peau. Je sais que je ne tiendrai pas bien longtemps. Même avec une étonnante force de volonté, jamais je n'ai pu résister plus de cinquante jours sans me nourrir, la fièvre me consume, mes idées deviennent grises, mes dent claquent au nez de tout ce qui s'approche, puis vient l'autophagie.
Malchus Colin
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Posté le 03/09/2019 à 15:39:19 

- « Qu'est-ce que tu fous à trainer encore dans le noir Cormoran ? »

Il a commencé à m'appeler Cormoran, parce que j'ai le poil noir et qu'on ne sait pas trop comment je suis monté à bord. Certain disent pour rire que c'est en volant.

Je lui jette un regard fébrile, je cache mes mains qui tremblent. Vingt jours que nous sommes en mer, presque trente-cinq que je n'ai rien avalé. Hier on m'a dit que j'avais les yeux sanguinolents, ça n'ira pas en s'arrangeant.

Un type est mort récemment. Un bout a cédé et il s'est écrasé sur le pont. J'ai senti l'odeur du sang jusqu'à plusieurs jours après. Pour un peu, j'aurai enduré les marques du soleil si ça m'avait permis d'être celui qui nettoie ce bordel, peut-être qu'à l'abri des regards j'aurai pu récupérer quelques bouts ?

- « Qu'est-ce que tu caches derrière ton dos ? Pourquoi t'as les ongles rouges comme ça ? »

Il m'attrape au poignet, je lui pète le genoux d'un cou de pied sec, il gueule, je lui bouffe la glotte avec délice. Il spasme un peu, je me fous de savoir si quelqu'un nous a entendu.
Malchus Colin
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Posté le 03/09/2019 à 16:01:21 

Caché derrière les caisses, je me suce les doigts. Putain, je déteste cette sensation d'être dans la merde jusqu'au cou. J'ai un corps sur les bras et une folle envie de dormir pour digérer, mais il ne faut pas. Surtout pas. On me retrouverait, me balancerait à la mer. J'ai du sang partout sur la chemise et le pantalon, merde, c'est pas comme si j'avais des habits de rechange...
D'un moment à l'autre, quelqu'un peu passer la porte de la cambuse, ça arrive tout le temps. Peut-être qu'il ne nous verra pas ? Dans le fond, dans le noir ? D'ici ce soir il y aura l'appel, on se demandera pourquoi il n'est pas au tafia. On le cherchera. Immanquablement, on le trouvera, et moi avec lui si je ne bouge pas. La nuit il y a une vigie, et même, je ne peux pas attendre la nuit, putain.

J'ai les idées claires, l'esprit enfin lucide depuis longtemps, mais cette foutue envie de dormir, les yeux qui se ferment, je fais un effort surhumain pour me relever et me cogner l'arrière du crâne contre le pont supérieur.

J'ai foutu le corps dans un baril, transféré les graines dans un sac pour faire de la place. J'en ai renversé un peu, j'espère que personne ne remarquera. Le barril est noir, noir dans le noire de la cale, si l'odeur n'attire pas l'équipage il peut y rester quelques jours avant qu'on ne pense à le fouiller. Reste mes vêtements. Je retire ma chemise et m'essuie la gueule dedans, j'espère me débarbouiller mais sans miroir, je travaille à l'aveugle. Je crache sur le tissu pour l'humidifier mais mon glaire est sanglant, je me frotte, me récure avec les dernière parties blanchâtres du vêtement, il faut que je trouve à me rincer mais l'eau n'est pas ici.

Dans le doute, je m'étale du sel sur le visage, ma peau s'arrache dans un gémissement sourd, ba, elle repoussera. Je me frictionne au sel, puis m'éclabousse du verni dont on recouvre la coque. Mieux vaut dégueulasse que coupable.

Chemise, pantalon, souliers, je roule tout ça en boule dans un coin. Faudra revenir les cramer. Pas simple sur un bateau.

- « Ba alors Cormoran t'a piqué une tête dans un tonneau ? »

Je l'ignore, s'il rit alors c'est que je n'ai pas une tête d'assassin. A moitié à poil je rejoins l'entre-pont. Les quelques gars qui se reposent en ont rien à foutre de moi. En vitesse je fauche des vêtements à un mousse de mon gabarit, s'il se plaint, je l'intimiderai. Je sais comment faire.

Le pantalon colle sur ma peau vernie et salé, sous le premier pont, je me glisse entre deux canons. Là, j'ouvre une écoutille et passe ma tête et mon torse à l’extérieur. Le visage et le torse brûlant au soleil de midi, j'attends que le  bout des vagues me rince la couenne. A vif, rassasié.
Malchus Colin
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Posté le 03/09/2019 à 18:41:48. Dernière édition le 03/09/2019 à 18:42:33 

- « P't-être qu'il est juste tombé à la flotte ? C'arrive ça, non ? »

On me regarde d'un drôle d'air. Faut dire que quand quelque chose d'étrange se passe, on a vite fait d'accuser le gars bizarre. On fait bien d'ailleurs. Deux jours que les marins du bateau cherchent ma victime. Enfin, "cherchent", on a vite admis que s'il était pas à bord, il était plus nul part. Maintenant on ne cherche plus un corps, on cherche un coupable.
J'ai balancé le tonneau à l'eau hier, avec les fringues et tout ce que je pouvais trouver de louche. J'en ai remangé un morceau au passage, mais proprement cette fois, pas question de se tâcher encore. Le tonneau s'est écrasé dans les vagues et a coulé. Quand t'es vigie, tu gardes un oeil sur l'horizon, alors ce qui se passe à tes pieds, bon...

Maintenant je vais plus librement. Le soleil m'agresse moins, je suis plus vif et lucide. Le changement a surpris pas mal des marins, faut dire que je l'avais pas trop ouverte depuis qu'on m'avait sortie de ma cachette. Ils devaient pas penser que j'étais une grande gueule.

Un changement trop brusque de manière, ça attire toujours l'attention, mais qu'est-ce que j'y peux ? Je suis en forme, très en forme. J'ai encore deux semaines devant moi avant de commencer à décliner à nouveau. A terme il faudra chasser encore, mais cette fois-ci je serai préparé.

Nous voguons vers les Indes Occidentales, toutes voiles dehors. La vieille Europe est derrière moi et Paris ne gueule plus.
Malchus Colin
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Posté le 03/09/2019 à 20:53:38. Dernière édition le 03/09/2019 à 20:54:38 

- « Avoue espèce de p'tite merde ! Tu sais qu'qu'chose, j'le sais moi, j'l'ai vu tout d'suite qu't'étais pas net ! »

J'ai la gueule qui sonne comme un tambour pendant que cet enfoiré me la tape contre les planches. Putain, y m'écrase et j'y vois plus bien clair déjà, putain, s'y s'imagine que je vais chialer il se fout le doigt dans l'oeil jusqu'au cul. Je lui bouillonne un truc, j'ai la bouche qui fait des bulles.

- « J'te f'rai gueuler putain, j'te promet j'te f'rai gueuler...! »

C'est le coup de trop, j'ai des étoiles dans les yeux et un mal de chien dans l'arrête du nez, ce gros con me l'a pété.

- « Toi tu m'fras gueuler toi ?! Attends que j'te coupe la bite on verra qui c'est qu'est un dur ? »

Il sort son couteau. Il va vraiment le faire ? Mais il ne me tient plus que d'une main, je bat des pieds, par hasard mon genoux l'atteint derrière la cuisse, le déstabilise. Lui griffer la trogne le fait reculer en grognant, sa prise s'affaiblit, on roule par terre. Je me relève et me barre en clopinant, moitié me cassant la gueule. Pas très glorieux mais là j'ai vraiment pas envie que ce taré me remette la main dessus.
Raté, il est plus rapide et lui il a les idées claires. Je me laisse tomber et galipette par terre pour lui échapper, un bout de chemise reste dans sa main alors que je l'entends jurer.

- « J'te donnerai à baiser aux phoques, connard ! J'te jure j'les élèverai rien que pour toi ! »

Je glougloute plus que je ne rigole, j'ai la bouche pleine de sang. Sans y voir clair, je trébuche sur un canon et me retrouve encore la gueule contre le plancher. Cet enfoiré me tombe dessus aussi de tout son poids, j'ai le souffle coupé.

- « Ah tu veux m'faire gueuler hein ?! Ah tu veux ?! » qu'il répète comme un dingue. Ce type est fou, quelle grosse tâche, je vais quand même pas me la faire raccourcir par une merde pareille ? - « J'vais t'faire gueuler moi, ouais ça tu vas gueuler ! »

Je lui mords la main. Il gueule.

- « Je peux savoir ce que vous foutez, la ? »

Le quartier maître. Je me relève en chancelant, j'essaye d'articuler un truc mais j'ai la bouche pleine. On doit avoir une drôle d'allure vu la tête qu'il tire, moi mon visage éclaté et l'autre avec sa main en moins.
Malchus Colin
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Posté le 03/09/2019 à 21:14:45 

Ca se voit que le capitaine l'a mauvaise. Enfin moi j'ai le visage salement tuméfié, j'y vois plus que du gauche, mais bon, ça se sent, il pue la colère, la déception, le doute aussi un peu.

Il fait les cents pas dans sa cabine. Le mouvement m'énerve, me donne un peu mal au coeur aussi. Comme si c'était le seul truc qui me tenait debout, je tiens une outre d'eau contre mon visage pour calmer les élancements. Je sens que si je relâche la pression je risque de tourner de l'oeil et va savoir où je me réveillerai et dans quel état alors.

- « Je te poserai une seule question, Cormoran : l'as-tu tué ? »

Je nie de la tête dans un mouvement qui manque de me faire dégobiller. Pour la jouer innocent, ça la foutrait mal de rendre des morceaux de chaire humaine sur le plancher.

Lui aussi il secoue la tête, je sens que je l'ai déçu. Je ne sais pas trop pourquoi.

- « Je t'ai offert une place parmi nous, Cormoran, et c'est comme ça que tu me remercies ? Un passager clandestin, j'aurai aussi bien pu te faire jeter à la mer. »

Heureusement qu'il m'explique, c'est un type plutôt franc. Je déteste les gens qui font des manières. Je baratine un truc, mais difficile d'être convainquant dans mon état.

- « C'pas... moi... »

- « Oh assez ! Tu as arraché une main au cuistot... avec quoi ? Un coup de dent d'après lui ! Fais voir ! »

Il m'attrape la gueule, fous ses doigts dans mes plaies, j'ai un mouvement de recule mais il tient ferme. J'ouvre la bouche, je sais qu'il n'y trouvera rien. Ma deuxième mâchoire est cachée, cachée sous mon menton, elle ne s'ouvre qu'à ma commande, invisible à l’œil nu.

Il inspecte tout son saoûle. Ca commence à m'agacer. Finalement il me lâche et s'essuie la main dans un mouchoir blanc qui devient rouge.

- « Tu as des dents en excellent état. C'est tout ce que je peux dire. »

- « L'avait... dit... »

- « Silence ! Ca ne prouve rien. Le fait est qu'un de nos hommes disparait mystérieusement et que les événements de cet après-midi ne m'inspirent rien de bon. »

Voila une drôle d'odeur qui s'ajoute au reste. Inquiétude, soucis. Je le suspecte de ne pas être très respécté par son équipage.

- « Ecoute moi, Cormoran. Même si tu n'as rien à voir dans tout ceci, ce que, vu ton gabarit, j'ai tendance à penser, les hommes ne l'entendent pas de cet oreille. Tu attires trop l'attention depuis le début, et ça... » Il soupire. « Tout le monde aime le cuistot. Ca pourrait très mal tourner si tu ne te montres pas plus prudent.  »

Il me fixe, je ne vois pas où il veut en venir. Je m'en fous, j'ai mal.

- « Tu es confiné, on verra à te trouver une occupation respectable qui calmera tout le monde. D'ici là... » Il désigne sa cabine. « Prends un livre, je ne sais pas. »
Malchus Colin
Malchus Colin
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Posté le 04/09/2019 à 00:48:16 

Un livre, il en a de bonnes, lui. Finalement j'ai dormi dans un fauteuil.

La douleur sourde me tire d'un maigre repos. J'ai la gueule gonflée, j'y vois que dalle et j'ai à nouveau envie de vomir. J'arpente la cabine comme un animal en cage. Il y a des cartes que je ne comprends pas, des bouquins que je ne sais pas lire. Finalement je retourne au fauteuil. On dort difficilement sur un bateau et j'ai toujours eu le sommeil troublé. Autant profiter de ces quelques heures de repos tombées du ciel à grand coups de poing dans la tronche.

Le capitaine me secoue pour me réveiller.

- « Debout, il faut qu'on parle. »

Il me prend pour son gosse ou quoi ? J'ai l'impression d'être revenu au monastère. Je me redresse mais reste assis, il a l'air de s'en foutre.

- « Le cuisinier va rester alité pendant un certain temps. Même si tout porte à croire qu'il a engagé la dispute, le quartier-maître demande réparation, ce qui est normal. »

Il me regarde d'un air mortellement sérieux. Ca veut dire quoi "alité" ?
Le Cormoran
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Posté le 05/09/2019 à 11:37:45. Dernière édition le 05/09/2019 à 11:46:52 

Abandonné dans un coin, j'ai le dos en tartare. Pour un peu j'en boufferai. Cinquante coups de fouet et une dette de 10 liards pour une main, pas cher payé qu'on m'a dit, en attendant c'est bien la première fois que je dois rendre des comptes, pour un repas que j'ai même pas terminé en plus.

On me laisse en paix, probablement persuadé que je ne serai plus bon à rien avant un moment. Tu parles, je sens déjà les plaies se refermer doucement, dans quelques heures je serai sur pied. Mais j'ai la haine. Une sale haine contre tout ce foutu équipage, ce foutu capitaine, putain, je vais les buter un par un c'est clair, je les choppe, d'abord la vigie et après dans leur sommeil, putain, je leur bouffe la gueule moi !

Putain, dire qu'il me reste encore deux mois à tirer avec ces enfoirés...
Le Cormoran
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Posté le 16/01/2021 à 00:26:59. Dernière édition le 16/01/2021 à 00:34:10 

Plus que de l'incompréhension, c'est de la déception que je lis dans le regard des autres marins. Même si j'essaye de donner le change en boitant un peu, personne n'est dupe que je ne souffre pas autant qu'il le faudrait. Heureusement, on m'a posé des bandages tout de suite après le châtiment et aucun d'entre-eux ne s'est depuis amusé à aller regarder dessous si mes plaies étaient toujours à vif. Le médecin a de toute façon l'air plus intéressé par ses carnets à dessin que par mon état, tant mieux.

On m'a retiré la corvée de patate, j'imagine que personne n'était très enthousiaste à l'idée de me confier son repas. Pas l'envie qui m'aurait manqué d'y verser du poison, c'est vrai, mais je n'en ai pas sous la main et puis qu'est-ce que je ferai tout seul sur un navire au milieu de l'océan ? Je sais même pas ouvrir une voile... Je suis peut-être con mais pas au point de ne pas piger que ma survie dépend encore des autres. Pour le moment.

Comme on ne veut pas de moi sur le pont et qu'on ne me fait pas assez confiance pour travailler dans la cale, le capitaine a décidé que je resterai pour l'assister. J'ai pas trop idée de pourquoi, d'ailleurs. Peut-être que ça le rassure d'avoir quelqu'un d'encore plus détesté que lui à bord ? Plus le temps passe et plus j'ai la confirmation que ce type est un incapable, aussi gras de corps que d'esprit, à peine foutu d'inspirer les hommes il passe toutes les insubordinations sans rien dire avant de réaliser que du coup, on se fout de sa gueule dans son dos. Alors il sort le fouet. C'est un homme injuste et méprisé.
En attendant, mon sort pourrait être pire, à part que je m'emmerde et qu'un mousse m'a demandé une fois si le capitaine me sautait dans sa cabine. Alors je lui ai cassé le pouce. Il est pas allé se plaindre. Si au moins je baisais ça pourrait passer le temps mais même pas, je me contente de "faire l'inventaire", ça veut dire trace des petites barres dans un carnet pour chaque petite barre dans un autre carnet et recommencer encore et encore. Tu parles d'une tâches... La nuit je dors dans un coin, comme un chien, j'imagine, mais j'ai toujours dormi comme ça alors ça me convient.

Le problème de cette situation, c'est surtout que je n'ai pas beaucoup de temps pour moi, et pas vraiment d'intimité non plus, d'autant que maintenant je suis scruté en permanence par les autres. Même pour aller pisser tranquillement c'est devenu compliqué et comme les jours passent, je sens la faim qui recommence à monter, là, au fond de mon ventre. Discrète pour le moment, en germe, comme une graine, une simple chatouille, mais elle grandira, prendra de plus en plus de place, d'abord de la taille d'une châtaigne, puis d'une pomme, puis d'une pierre jusqu'à ce que j'ai l'impression que mes intestins explosent, déchirés de l'intérieur. Cela arrive, je dois m'y préparer.

Chaque jour, je demande au capitaine combien de temps la traversé va-t-elle encore durer. Le bonhomme doit s'imaginer que je me sens seul ou je ne sais pas quoi. S'il savait que d'ici trois semaines je n'aurai qu'une seule obsession, lui bouffer la gorge... Confiné dans la cabine, impossible de me préparer à quoi que ce soit. J'aimerai mieux explorer le navire tant que je suis encore complètement lucide, identifier les marins les plus fragiles, brouiller les pistes. Mais tout ce que j'ai à disposition c'est de longues heures d'ennui assis dans un fauteuil, et mon esprit pour essayer de trouver comment justifier mon prochain meurtre.
Le Cormoran
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Posté le 16/01/2021 à 01:46:20. Dernière édition le 29/01/2021 à 12:37:34 

Je sais pas trop comment ça s'est fait, mais le mousse est mon pote maintenant. Enfin "mon pote" il a pas l'air de trop m'en vouloir pour le pouce pété et un jour je lui ai demandé pourquoi il me suivait. Alors on a commencé à parler.

A croire que je dois me farcir tous les cas sociaux de ce putain de navire. Ils ont cru quoi ? Que je travaillais à la nurserie ? Enfin ça m'arrange, je vais pas dire le contraire, parce que la conversation du capitaine commence bien à me gonfler maintenant et que ça me fait du changement. Si j'envisage un temps d'en faire ma prochaine victime, je me dis que c'est con, on m'a vu trainer avec lui, on m'accusera de suite.

Le gamin doit avoir un ou deux ans de moins que moi, à vue de nez, pas bien haut mais il reste plus grand quand je ne suis pas complètement déplié. Nous causons de tout et de rien, il se plaint beaucoup de la vie à bord, de ce que le travail est plus dur qu'il ne le croyait. Ça fait longtemps que je n'ai pas causé avec quelqu'un de mon âge, depuis qu'on m'a foutu à la porte de l'orphelinat, en fait. Ça ne m'avait pas spécialement manqué.

- « Dis Caleb... tu sais jouer au dé ? »
 

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