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S comme...  
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Chef de la Main'Ten'ance Tallarines
Chef de la Main
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07/12/2010
Posté le 07/11/2013 à 19:32:31 

S comme... souvenirs

Une fois encore, l'envie me prend de coucher ma mémoire sur le papier. Voilà bientôt deux ans que j'ai clos la première partie de mon histoire sur Liberty. Deux ans que j'ai laissé mon bandeau hollandais autour de cet arbre dont l'ombre avait acceuilli mes confidences pendant quelques heures.

De nouveaux souvenirs sont venus s'ajouter aux anciens. Des heureux et des moins heureux, des que j'aimerais effacer de ma mémoire et d'autres que je voudrais ne jamais oublier. Je ne fais pas confiance au cerveau humain, alors je préfère écrire, pour que dans quarante ans, les mots soient toujours là.

Je me suis rendue compte il y a peu que j'étais entourée par la lettre S. Ce sera donc elle qui déterminera cette partie de mon histoire. Aux potentiels lecteurs qui seraient tombés sur ce texte par hasard, ne vous attendez pas à quelque chose d'ordonné, de chronologique, de long. Les pages se rempliront au gré  de mes envies, de mes idées. Allons-y, poussons la porte de ma mémoire.

S comme...
Ten de las Tallarines
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07/12/2010
Posté le 11/11/2013 à 19:33:10 

S comme... sexe

Je me souviens de chaque homme avec qui j'ai couché, sur cette île et ailleurs. Chaque étreinte, aussi différentes qu'elles étaient les unes des autres, chaque corps, chaque endroit.

Je me souviens du premier, Kotaro, au Japon. J'avais seize ans, et lui trente-et-un. Marié, père de famille, ancien mercenaire devenu chef de la garde impériale. Kotaro était, avant d'être un amant, mon ami le plus cher. Il m'a aidé pendant des années, m'a protégée, est mort pour me sauver. J'ai passé des heures délicieuses entre ses bras, il m'a tout appris du corps, du désir, du plaisir. Un excellent professeur.

Je me souviens de Takeo, et de cette fois où nous nous sommes jetés l'un sur l'autre dans la maison de mon enfance. Le sol jonché de livres et d'objets a été le témoin de nos premiers ébats, une façon bien à nous de faire connaissance. Il y en a eu de nombreux autres, des ébats. Comme si nos corps ne pouvaient pas se tenir éloignés l'un de l'autre bien longtemps.

Sur l'île, il y en a eu, un certain nombre, à tel point que certains habitants ont pris cela comme un jeu d'arriver à tous les citer. Ils ne voient que les noms sur une liste, mais moi, moi je revois chaque moment passé en leur compagnie. Chaque rire, chaque baiser, et plus prosaiquement, chaque virilité. Je pourrais passer des jours entiers rien qu'à me rappeler ces heures, mais je vais plutôt choisir quelques instants spéciaux.

Le premier sur l'île d'abord. Walter. Tylde ne l'a jamais su, je ne suis pas certaine qu'elle le prendra bien si je la mets au courant. J'étais allée le rejoindre pour rendre service à Hilde, à l'époque. Walter respire le sexe. Le premier regard qu'il m'a lancé me déshabillait sur place. Il fait peur à certaines, moi il m'a plu. Il sait exactement ce qu'il faut faire pour me faire craquer et que je m'abandonne à lui. Je le conseille à toute la population féminine de l'île.

Iblis ensuite. Un démon, et un amant hors pair. Ce jour-là, dans la prison de Port Louis, je ne sais pas ce qui nous a pris. Le sang, les blessures, tout ça a rendu l'ambiance électrique. Les griffures qu'il m'a faites, les morsures, ont laissé des traces pendant des semaines. Ma chemise était rouge de sang, j'ai eu pendant des jours l'impression d'avoir perdu une part de mon humanité dans ses bras diaboliques. Une impression qui ne m'a jamais tout à fait quittée en vérité.

Il y en a d'autres. Chaque homme avec qui j'ai partagé cette intimité m'a marquée d'une manière spécifique. Ils ne le savent pas, ne le sauront jamais. Ce serait un coup à leur faire croire qu'ils ont un pouvoir sur moi.

Le sexe m'amuse, c'est un défouloir, et un moyen efficace de faire un régime sans trop se prendre la tête. Pourquoi donc l'Eglise s'entête-t-elle à diaboliser quelqu'un chose d'aussi naturel, et agréable ?
Ten de las Tallarines
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07/12/2010
Posté le 14/11/2013 à 20:00:55 

S comme... Sora

Comment écrire ce recueil sans parler de lui ? Impossible. Il occupe, encore à ce jour, une trop grande place dans ma vie. Sora a été, est, et restera à jamais ma plus grande erreur, celle que je n'aurais jamais dû commettre. Paradoxalement, je ne me suis jamais sentie plus vivante qu'entre ses bras, parce que je n'ai jamais été aussi proche de la mort.

Sora et moi, j'en suis de plus en plus convaincue, sommes nés pour nous détruire. Notre histoire, je ne la souhaite à personne. Elle n'a été que chaos, souffrance, passion et violence. Nous ne sommes pas faits pour être heureux, pas ensemble tout du moins. Mais nous sommes poussés irrévocablement l'un vers l'autre, comme deux aimants. Incapables de rester éloignés, condamnés à se chercher éternellement car liés par un passé qu'on ne peut oublier.

J'ai aimé Sora de toute mon âme, à tel point que ça faisait mal. On était prêts à tout pour rester ensemble, alors même que les dieux semblaient vouloir nous séparer. Nous avons bravé la mort, la réalité, la raison et le bon sens. Croyant en un amour qui nous brisait, nous faisions ressortir le pire chez l'autre. Possessifs, jaloux, dépendants, plus vraiment des humains au final, des animaux, deux prédateurs qui refusaient de ployer et voulaient dominer le rival.

De ces baisers rageurs et ces étreintes destructrices ont été conçus deux enfants. Deux garçons. L'un est né, il dort en ce moment, couché sur mes jambes. L'autre est mort, pour réparer une des nombreuses bêtises de ses parents. Je ne compte pas parler de mes fils maintenant,peut-être plus tard. La conception de Solal a été une insulte au vraisemblable, celle de Sirius une conséquence imprévue de cet ultime coup de poignard que l'on s'est mis dans la poitrine avant de se dire adieu.

Je crois que j'ai perdu Sora au moment où je suis partie, où j'ai laissé la place à mon père. Ce jour-là, quelque chose s'est brisé en lui, quelque chose que j'ai achevé de détruire quand je suis revenue sur Liberty sans lui dire et qu'il a cru que j'avais tué Dulcina. Je l'avais trahi, abandonné, j'avais laissé tomber la vie alors que j'avais déployé des résors d'énergie à l'empêcher de mourir.

Je revois encore des morceaux de sa cervelle sur les pavés de Port-Louis, et la colère dans son regard. Il n'arrivait pas à y croire, et même après que la vérité ait éclaté, il n'a jamais réussi à comprendre ce qui avait motivé mes actes. J'ai essayé de m'excuser, sans doute pas assez. Peut-être savais-je au fond de moi que nous n'étions liés que par la douleur et combien cette relation était malsaine. Il fallait y mettre un terme. Mais je l'aimais, alors je me suis accrochée.

Il a commencé à changer, après avoir été sauvé. Plus sombre, plus froid. Sans âme, de moins en moins humain. Responsable de cette transformation, condamnée à regarder sans rien pouvoir faire, je l'ai laissé plonger dans les ténèbres. Jusqu'au point de non-retour. Alexis est né, tandis qu'il m'apprenait qu'il m'avait trompée avec l'autre chienne. A mon tour, j'ai eu l'impression qu'on m'avait arraché le coeur. Dans les semaines qui suivirent, ce fut la guerre. Nous cherchions à nous faire le plus de mal possible. Il aurait été plus simple de nous ignorer, mais nous étions toujours incapables de rester éloignés.

J'en suis venue à hair Sora, à le hair autant que je l'aimais. Quand il a décidé de partir, je n'ai apspu m'empêcher de me sentir soulagée, malgré la douleur de le perdre. Il s'est cependant assuré que je ne l'oublie jamais, en me laissant enceinte. A son retour, le même schéma a failli recommencer, encore et encore. Alors, pour me protéger, pour protéger mon gosse, j'ai fui. J'ai changé de nation, j'ai mis le plus de distance possible entre lui et moi. Pour l'instant ça marche.

Jusqu'à la prochaine rechute ?
Ten de las Tallarines
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07/12/2010
Posté le 02/12/2013 à 20:30:39 

S comme... Solal

Pourquoi commencer par lui plutôt que son frère ? Je l'ignore. Je sens encore sa présence sur Liberty, c'ets peut-être pour ça. Les mystères surnaturels de cette île ont ceci de bon qu'ils m'ont permis de le rencontrer, de le serrer dans mes bras, de lui parler.

Solal a été conçu sur l'île des damnés, alors que j'avais déjà scellé mon âme à Takeo. Je l'ai su quasiment tout de suite, je l'ai senti. Il a été pendant quelques semaines une lueur d'espoir, pour moi et pour son père. Grâce à lui, et pour la prmeière fois, nous envisagions l'avenir, paisiblement, nous le voyions courir librement dans la maison des FDL, un immense sourire sur son visage d'enfant.

Très vite, la réalité nous a rattrapés. J'allais mourir en lui donnant naissance. Sur le moment je me suis dit que ça importait peu, il fallait juste que mon fils vive. Je me découvrais un instinct maternel insoupçonné, et je comprenais enfin ce que Fei avait dû ressentir à mon égard, dès l'instant où il m'a considérée comme sa fille.

Mais une rencontre avec Corvus allait contrecarrer mes plans de façon radicale.  Ce damné avai épuisé ma patience, je voulais que cela cesse, qu'il libère Sora. Alors je me suis donnée, et j'ai donné mon fils. Laissant à mon père le soin de me ramener, Solal et moi avons rejoint l'autre monde.

Là, je l'ai vu grandir à vitesse grand v. Il s'est arrêté quand il avait l'allure d'un garçon de dix-sept ans, allure qu'il a gardée depuis. Je ne garde rien de mon passage dans l'au-delà, si ce n'est cette image de mon fils presque adulte, et cete certitude que je venais de le sacrifier.

Je suis revenue, sans lui. Je crois que je ne pourrais jamais me pardonner ce qu'on lui a infligé. Il ne nous en a jamais voulu, je me demande pourquoi. Je crois qu'il est heureus, là bas. Pas complètement mort, jamais réellement vivant, condamné à mener une existence infinie dans un monde bien noir, qu'il a fini par aimer.

Il m'a demandé de ne pas vivre dans son souvenir mais je n'y arrive pas. Il demeurera, pour toujours et à jamais, mon fils.
Ten de las Tallarines de Beauséant
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07/12/2010
Posté le 18/03/2014 à 19:14:54 

S comme... Sauve qui peut !  

Le moment que je m'apprête à raconter remonte à longtemps, deux ans, voire deux ans et demi. J'étais encore hollandais à l'époque, c'est dire, tant ces quelques mois passés avec mes frères me paraissent lointains.  

Ma nation venait de sortir de sa grève de 100 jours. Si je ne me rappelle pas avec exactitude ce qui l'avait provoqué, je peux néanmoins affirmer en avoir été l'instigatrice aux yeux de l'île. Beaucoup me l'ont reproché, mais je n'en ai pas pris ombrage, je savais que la décision était commune aux hollandais, que nous savions ce que nous faisions.  

Mais nous ne pouvions pas nous tenir éternellement à l'écart de la politique de Liberty. Et quoi de mieux pour marquer notre retour d'un contrepillage ? Profitant de notre absence, et avec leur lâcheté légendaire, les pirates s'étaient emparés des coffres de notre ville. Les pavés de la belle Ulungen étaient rouge du sang des quelques commerçants qui étaient restés à l'extérieur des bâtiments. Alors nous avons dégainé nos épées qui n'avaient que trop peu servi ces derniers mois, et nous nous sommes mis en route pour le repaire, Noudwi à notre tête.  

Il serait fort long, et inintéressant, de raconter en détail ce contrepillage, les motivations de notre Général, sa volonté d'écraser ses rivaux de toujours. J'étais dans les rangs de l'armée, mais loin de vouloir récupérer notre or, c'était mon ami que je suivais.  

Je garde de nombreux souvenirs de ces quelques jours, mais l'un tout particulièrement mérite d'être écrit dans ce recueil. C'était le troisième jour. Nous avions tous pénétré à l'intérieur du campement, nous répartissant en deux groupe : L'un allant vers les tranchées, l'autre se dissimulant dans la jungle.  

Mieke et moi faisions partie du premier groupe. Nous étions les plus inexpérimentés des guerriers présents, mais notre courage, ou notre bêtise, nous a poussé à vouloir nous mettre en duo. Et quel duo ! Ses balles n'étaient que des chatouillis tandis que mon épée se heurtait à la peau plus dure que du roc des bandeaux noirs.  

Nous étions d'une inefficacité rare. Mais nous nous amusions, et c'était le principal.   La nuit du troisième jour donc, Noudwi nous avait ordonné de rester éveillés jusqu'à 4h, pour pouvoir avancer quand les pirates dormaient. L'idée était de pioncer toute la journée pour pouvoir parcourir une longue distance sans être fatigués. Vers deux heures du matin, nous avons rassemblés nos affaires et sommes sortis de l’hôpital. Ignorant mon camarade, qui râlait comme à son habitude sur le genre féminin, je me suis arrêtée auprès du commerçant afin d'acheter des bandages, perdant cinq petites minutes sur notre planning.  

Nous avons marché pendant un moment, jusqu'à arriver en vue de Marston. Mais ce dernier, comme je le compris bien vite, n'avait plus de balles dans son chargeur, je pouvais aisément m'avancer jusqu'à être au corps à corps sans risquer d'être blessée. Mieke restait derrière moi, pistolet sorti, prêt à tirer.  

C'est là que je me suis rendue compte que mon arrêt chez le commerçant avait été une grave erreur. Je me suis arrêtée à deux mètres de lui, à bout de force, hors de portée d'un quelconque coup d'épée. Quatre heures du matin ont sonné, et par un automatisme impressionnant, parce qu'il était endormi quand même, Marston a remis des balles dans son chargeur. Ayant subitement retrouvé le courage d'avancer, j'ai essayé de m'approcher de lui. Peine perdue, il m'envoyait ses balles dès que j'esquissais un mouvement. Au loin, derrière moi, Mieke tentait de l'atteindre avec son arme à lui, mais ses billes de plomb étaient aussi douloureuses que des avions en papier.  

Cinq minutes plus tard, nous étions rapatriés à l’hôpital. Les balles du pirate étaient venus facilement à bout de ma résistance, tandis que mon ami s'en était pris une dans la tête par un effet de riposte absolument prodigieux venant de quelqu'un plongé dans un sommeil de plomb.  

En nous réveillant, nous avons été pris d'un fou-rire. Et loin de calmer notre hilarité, les reproches de Noudwi n'ont fait que l'accentuer. Nous nous sommes alors promis l'un à l'autre de nous entrainer, pour qu'un jour je devienne assez robuste pour encaisser tout un chargeur quand lui tirerait des balles qui troueraient la peau de ses adversaires.  

Cette promesse, fut-elle faite à cause des médicaments douteux qu'on nous a donnés là-bas, je ne l'ai jamais oubliée. Et quand, à présent, je ne ressens que des chatouillis en recevant leurs billes de plomb, je pense à Mieke. Mon ami. Mon coéquipier, d'une rare inefficacité.
Ten
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Posté le 31/08/2014 à 20:03:42 

S comme... Skuleth

"Mon amour j'ai pensé, avec naïveté, qu'un brin seul de muguet pouvait te ramener. Alors j'ai retrouvé un ou deux vieux sonnets pour te rappeler, pour te rappeler..."

Sku et moi avons une histoire compliquée, pour changer. Je ne l'ai que modérément apprécié quand je l'ai rencontré, et encore, c'est un euphémisme. En grand ennemi de la Hollande, il était l'instigateur de la trahison des français au contrepillage international et le responsable de la fin de l'alliance du Sud. La première fois que nous avons discuté, j'avais ma lame sur sa gorge, il était gouverneur français et je venais d'être naturalisée.

Je lui ai laissé Salsifi quand je me suis enfoncée dans les ténèbres du temple maya. Pourquoi à lui ? Je l'ignore. Peut-être y avait-il déjà à l'époque un petit plus dans notre relation. Tout a vraiment changé après, quand j'ai du faire face à mes remords, qu'il a été là. Ca a commencé par une étreinte, comme d'habitude, pour évoluer ensuite, vite, très vite, trop vite.

Oh mon amour, tu me manques tant....

J'ai su que j'étais amoureuse de lui au moment où il est passé pirate. Je l'ai alors quitté, parce que je ne pouvais faire taire ma jalousie, parce que j'avais l'impression qu'il m'avait abandonnée. Je l'ai oublié dans les bras de Sora. Et quelques mois plus tard, j'oubliais Sora dans ses bras à lui. Je ne saurais expliquer pourquoi nous sommes retournés l'un vers l'autre, au moment où je découvris que j'étais enceinte.

Il a accepté d'être un père pour Sirius, il l'a très vite considéré comme son fils, et c'est ce qu'il est. En novembre 1713, nous nous sommes mariés. Et qu'importe que je ne pouvais pas blairer la moitié des invités, qu'importe qu'on n'ait pas respecté la tradition japonaise, parce que ce jour, je me suis unie à lui, pour le meilleur et pour le pire.

Nous n'avons pas eu une relation idyllique. Nous avons trop longtemps été dans des camps ennemis, à devoir choisir entre notre couple et nos obligations militaires, au point que ça devienne insupportable. Nous sommes jaloux, possessifs, et passer quelques jours ensemble sans que l'un de nous soit envoyé à l'hopital relève du miracle. Mais ça marche, ça tient.

Sku est mon époux, mais surtout, et avant tout, il est l'homme que j'aime, même si ça m'agace.

L'idée de le savoir loin, en plein océan, m'est insupportable. Je suis revenue en Hollande aussi pour être avec lui, pour que notre fils grandisse avec une famille à peu près équilibrée. Mais il est parti. Emmenant Sirius, ne me laissant qu'une solitude amère. Comment se relever quand, sortant d'un coma, ayant été déclarée morte, j'apprends qu'il a quitté l'île ?

Mon amour, je t'en prie, reviens moi.
Ten de las Tallarines
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Posté le 30/10/2015 à 21:47:16 

S comme... Solitude

Aaaaah mes mois passés en France... Ils restent encore aujourd'hui de mauvais souvenirs, rappelés à ma mémoire à cause d'une discussion avec Nymphéa. Nous parlions de Camello, et avons dévié sur les Boucaniers. Qui dit boucanier dit Mac, et qui dit Mac dit France.

Je ne me suis jamais sentie aussi seule que dans cette nation. Elle ne m'a jamais acceptée, et je n'ai jamais pu réellement la considérer comme mienne. En a résulté une exclusion pure et dure. Je ne rentrais pas dans le moule, j'en étais même à l'exact opposé. Je ne m'entendais pas avec les fortes têtes, et refusais catégoriquement de renier mon héritage hollandais, alors même que l'Alliance du Sud terminait de se détruire.

Immanquablement, ça a généré des conflits.

J'ai passé des semaines à me battre, m'épuisant à me défendre de tous les maux dont on m'accusait, sans jamais recevoir de soutien. J'ignore comment j'ai pu tant encaisser, comment j'ai pu tenir autant avant de craquer. Puis un jour, quand la sensation de solitude est devenue insupportable, j'ai lâché l'affaire. J'ai abandonné. Je me suis coupée de la vie de la nation, des guerres et des batailles, je me suis tue, moi qu'on connaissait pour toujours l'ouvrir.

Je les ai laissé me briser, détruire ce qui faisait que j'étais qui je suis.

Une rencontre a tout changé. Elle m'a redonné de la force, m'a à nouveau dotée du courage de me battre. Les Tallarines sont entrés dans ma vie, et avec eux, la hargne, la détermination, et une grosse propension à faire des conneries. Avec eux à mes côtés, je n'étais plus seule, et ce nom, puis plus tard notre médaillon, me le rappelait tous les jours.

J'ai tenu quelques mois de plus en France grâce à eux. Les piques et les affronts ont doublé, mais ça ne m'atteignait plus. Jusqu'à l'arrivée de Sora dans la nation, et son élection au poste de Général. Face à moi. Moi qui était là depuis plus d'un an. Moi qui avait tant donné pour la France, même malgré elle.

Le sentiment de solitude est revenu, me frappant de plein fouet, me coupant le souffle.

Mais j'ai refusé de sombrer. Pas encore. C'était hors de question. Alors j'ai serré mon médaillon, et je suis partie. Loin, le plus loin possible d'eux. Auprès de ma famille.

Je ne me suis plus jamais sentie seule.
Ten de las Tallarines
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Posté le 06/11/2015 à 04:14:27 

S comme... Service

Entendons nous bien, je ne me suis jamais considérée comme une femme gentille. J'ai fait trop de mauvaises choses dans ma vie pour oser prétendre à ce titre, même si après 5 ans sur cette île, je pense m'être racheté une conduite, avoir trouvé la rédemption que j'ignorais chercher. Je ne suis plus vraiment celle que j'étais en arrivant, j'ai laissé la haine en chemin, et la vengeance, et ce besoin de repousser les gens.

Hum, je m'égare.

Pas une femme gentille disais-je. J'estime que je me situe du bon côté de la barrière niveau alignement du bien et du mal, mais je ne suis certainement pas la nana la plus sympa au monde. J'ai mes qualités, je dis pas, mais je ne suis probablement pas celle que vous appelleriez si vous aviez besoin d'aide (et que vous n'appartenez pas à la famille Tallarines ou que vous ne portez pas d'armure rouge s'entend).

Et pourtant me voilà à 3h21 du matin, tenue éveillée par un bébé qui n'est pas le mien, en route pour une ville que j'ai juré de réduire en miettes. Et pourquoi ? Pour rendre service à une femme que je méprise.

Ça n'a pas toujours été le cas. Au début, je me voyais un peu en elle, alors j'ai voulu l'aider. Puis elle m'a déçue. Je n'ai jamais su gérer la déception. En bonne lionne, j'ai commencé à chasser.

Je la chassais justement le jour où je lui ai fait cette promesse. Où j'ai décidé de lui rendre ce service.

Il est plus de 4h à présent. Le bébé ne dort toujours pas, j'avais perdu l'habitude. Sirius fait ses nuits depuis longtemps. Il est couché, enroulé dans sa couverture. L'idée qu'il puisse m'être arraché m'est intolérable, j'ai besoin de le voir tous les jours, de l'entendre rire et m'appeler maman.

Je ne peux qu'essayer de comprendre le vide qu'elle doit ressentir. Aucune mère ne mérite ça. Pas même elle. Alors peut-être que pour une fois, je peux être gentille.
Ten de las Tallarines
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Posté le 25/11/2015 à 23:27:22 

S comme... Seulement Ten

Je m'appelle Ten'Goku. Et peu de gens s'en souviennent maintenant. Je suis seulement Ten depuis tellement longtemps que mon véritable nom a fini par tomber dans l'oubli.

Pourtant, à une époque, j'en étais fière. Il représentait ce que j'étais. Le voir placardé à Edo, et même dans tous le Japon, à côté de la prime qui était censée récompenser ma capture, me rappelait sans cesse ce pour quoi je me battais, ce pour quoi je vivais. Il me définissait. J'étais la fille du capitaine pirate Fei, et c'était le nom qu'il m'avait donné lorsqu'il m'avait recueillie enfant.

Sur Liberty, très vite, Ten'Goku s'est fait connaître. En bien ou en mal, peu importait. Fière hollandaise, chassant et chassée quotidiennement par les 4 Lunes, elle n'était guidée que  par elle-même, sa vengeance, son bon-vouloir. Elle allait là où le vent la portait, n'en faisait qu'à sa tête. Elle n'avait honte de rien. La peur, n'en parlons pas. Seul ce qu'elle souhait comptait, et qu'importait les obstacles sur son passage.

Cinq ans plus tard, je ne suis plus cette femme là. J'ai la vague impression de m'être perdue en chemin, entre les mois, peut-être les années, où je suis passée de Ten'Goku à seulement Ten. Et puis à Ten de las Tallarines.

Ce soir, voir les 4Lunes à présent hollandais attaquer ma tour, et devoir les affronter à nouveau, plonger ma lame dans le corps d'Elnino puis encaisser celle de Bloody, ont fait ressurgir Ten'Goku.

En me regardant dans un miroir, allongée à l’hôpital, je ne me reconnais pas. Mon visage est le même pourtant, bien qu'agrémenté de nouvelles cicatrices, mais la lueur de rage pure qui brillait autrefois dans mon regard a disparu. J'ai changé. La vengeance est partie, remplacée par le besoin impérieux de veiller sur mon fils et sur ma famille.

Je m'appelle Ten'Goku, et peu de gens s'en souviennent maintenant, moi y compris. Je me suis apaisée au fil du temps, assagie. J'ai trouvé de nouveaux combats, de nouveaux moteurs. Je suis seulement Ten à présent.

Mais peut-être que contre les 4Lunes, je peux laisser Ten'Goku revenir. Un peu. Pour qu'elle livre son ultime bataille.
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Posté le 15/05/2016 à 21:02:52 

*la feuille qui suit est arrachée, le papier est différent du reste du carnet, il semble avoir été rajouté là*  

S comme... Suite et fin.  

J'ai l'impression que la porte de la maison de guilde fait un vacarme infernal quand elle se ferme. Je grimace, tend l'oreille, me retourne, mais la rue est vide. Je soupire longuement, et songe aux clés que j'ai laissées sur le lit de Gregorio, au milieu des papiers administratifs. J'espère qu'il ne m'en voudra pas trop de lui avoir refilé cette responsabilité.  

Je m'éloigne et aperçoit au loin les voiles du navire qui va m'emmener loin d'ici. Il est arrivé il y a trois jours, le départ est imminent. J'ai eu le temps de mettre mes affaires en ordre, de tout régler. J'ai même laissé des indications à Sku pour qu'il me rejoigne quand il sera prêt. Le passé est clos, ou presque. En m'avançant vers le port, me voilà happée par mes souvenirs.  

Je repense à ce jour de décembre 1710 où j'ai échoué sur Liberty. Tellement de choses sont arrivées depuis que je ne pourrais jamais toutes les raconter. J'ai rencontré tellement de gens qu'il m'est impossible de tous les citer. Mes pensées volent vers eux, envoyant ces adieux que je n'ai pas eu le courage de faire à voix haute.  

Il est temps pour moi de quitter cette île. J'en ai fait le tour, je crois. Elle ne pourra plus rien m'apporter. L'annonce du naufrage du bateau de Chiquito a été le truc de trop sans doute. Le déclic qu'il me fallait pour prendre cette difficile décision. La dernière lettre que j'ai écrite représente l'ultime tentative de me retrouver un but, ça n'a pas fonctionné, tant pis. Je pars sans regret, sans rancœur. Mais prête à ouvrir un nouveau chapitre de ma vie.  

Je voyagerais. J'irais dans tous les pays du monde, je retrouverais de vieux corsaires de l'île, certains par hasard, d'autres après de longues périodes de recherches. Puis je reviendrais au Japon pour retaper la maison de mon enfance, avant de repartir. Je ne m'attarderais jamais longtemps à un endroit, j'ai trop donné dans les au revoir. Puis je finirais par m'installer dans une île des Caraïbes, avec ma famille.  

Sirius grandira, trop à mon goût. Il ne sera jamais un grand guerrier, il a une nature beaucoup trop douce pour ça. Il se mettra en tête de raconter des histoires, et passera son temps à écrire. Tantôt sur moi, tantôt sur son père, parfois aussi sur Liberty, l'île de sa petite enfance qu'il n'oubliera jamais.  

Quelques mois après l'avoir quittée, je découvrirais ma nouvelle grossesse. Je donnerais naissance à une petite fille, que j'appellerais Seiun, galaxie en japonais. Le S de Skuleth, et mon rapport au ciel. Elle finira pirate, marchant involontairement dans les pas de son grand-père, et voguera fièrement sur les sept mers.  

Mais pour l'heure, j'ignore encore tout ça, je tiens simplement la main de Sirius avec fermeté tandis que nous montons sur le bateau. Salsifi se promène tranquillement sur le pont, observant avec intérêt l'agitation alentours. Après avoir déposé mes affaires, où s'entremêlent courrier, objets, bijoux, médailles, insignes divers, dans la cabine, je vais m'accouder au bastingage.  

Une corne de brume retentit. Le navire lève l'ancre et commence à s'éloigner lentement. À mon poignet est attaché trois bandeaux, un bleu, un orange, et un jaune. À mon cou est pendu le médaillon de ma famille et celui-ci s'illumine sous un rayon de soleil. Mon cœur se serre, mais je souris.  

« Adieu ».
Ten de las Tallarines
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Posté le 19/02/2017 à 23:03:45 

S comme... Soldat  

J'ai su dès mes premiers jours en Hollande que j'allais prendre part à la vie militaire de Liberty. Coup du hasard ou du destin, deux ou trois jours après mon arrivée je me suis perdue dans la jungle - la première fois de nombreuses autres – et ai atterri à Van Ders.  Je découvrais là un pan de l'île qui m'était totalement inconnu, mais où paradoxalement je me suis sentis aussitôt à ma place. Le soir est tombé, les soldats se sont réveillés, un à un, comme les lanternes dans les rues d'Edo à la nuit.  

J'étais alors bien trop inexpérimentée pour rester, mais quelque chose de primal s'est éveillé en moi. Je suis rentrée à Ulungen pour la quitter de nouveau une semaine plus tard, cette fois en tant que soldat. Et après quelques jours de marche, exténuée et tenant à peine debout, je participais à un pillage de New-Kingston. Je m'en souviens comme si c'était hier, l'adrénaline, qui allait très vite devenir comme une drogue, pulsait dans mes veines. J'étais essoufflée, couverte de sang, mais extatique.  

J'y repense ce soir, assise au sommet d'un arbre. Je peux presque encore sentir le vent qui soufflait sur mon visage alors que la ville brûlait, l'odeur métallique du sang, puis celle de l'alcool alors que nous fêtions notre victoire à l’hôpital, tous plus amochés les uns que les autres. Et c'est ce moment de franche camaraderie qui m'a convaincue. Moi qui avait l'habitude de vivre ma vie toute seule, je découvrais l'esprit de bande, la solidarité. Très vite sont arrivés le patriotisme, le sens du devoir, et l'honneur, et l'envie de contribuer.  

J'ai endossé la veste de Général pour la première fois en mars 1711. Elle était trop grande pour moi, j'étais maladroite et m'emmêlais dans les manches. Au fil des années, des mandats, elle a fini par m'aller parfaitement, et je la retrouve à chaque fois avec grand plaisir.  Le mois dernier, je n'ai d'ailleurs pas pu résister, et je l'ai gardée.

J'ai appris, à organiser, à diriger, à choisir mes combats. Je me suis assagie quelque part, mais la flamme d'antan est intacte. Elle est juste peut-être plus contrôlée.
  L'adrénaline pulse toujours dans mes veines lors des combats, et la satisfaction est toujours aussi intense quand on réussit. Mes frères d'armes ont changé, mais le plaisir est le même. Plus poussé sans doute en Espagne, plus bestial. La fascination que j'éprouvais alors pour ma nation s'est muée en fierté et orgueil, et je sais que je défendrais nos couleurs de toutes mes forces.  

Je n'aurais jamais cru m'épanouir dans la stratégie militaire. Pourtant il faut bien se rendre à l'évidence. Je suis pas une mère, je ne suis pas une épouse, je ne suis pas une femme, je suis un soldat avant tout.  

Je saute à bas de l'arbre, et réveille Salsifi.  

« Allez viens Sal, on a à faire. Nos vacances n'ont que trop duré... »
Ten de las Tallarines
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Posté le 22/02/2017 à 01:02:35 

S comme... Salut l'ami  

Le problème avec la vie militaire, c'est qu'on finit par s'attacher à nos compagnons d'armes. Les épreuves soudent, les affrontements rapprochent. Et surtout en Espagne... Je ne dis pas qu'on est meilleurs que les autres, ni qu'on s'entend mieux là qu'ailleurs – je ne compte plus les féroces prises de bec et les violentes altercations -, mais nous avons une aptitude prodigieuse à faire bloc quand arrive une tuile. Nous avons traversé le pire ensemble, que ce soit notre faute ou non, et ça a créé des liens puissants. L'Espagne est une et indivisible, ou au moins son armée.  

Alors forcément, quand une partie se détache, va trouver la liberté ailleurs, ça laisse un vide. Aujourd'hui, Kunkka est passé pirate. La nouvelle m'est parvenue dans la soirée, une missive brève attachée à la patte d'un perroquet couleur de nuit. Plumage noir, noir message... Au début ce fut le choc, mon cerveau refusant d'accepter la situation, incapable de la comprendre. Comment était-ce arrivé ? Comment n'avions nous rien vu ?

Puis tandis que je sentais le venin amer de la trahison, certaines choses me sont revenues en mémoire. Quelques détails insignifiants sur le moment, des petits rien mais qui mis bout à bout constituaient de nets indices.  

La tristesse est arrivée enfin, à pas de velours mais écrasante. Un sentiment que je connaissais, ce fameux pincement au cœur que j'avais déjà vécu au passage de Clodomir. Je songe avec une douce ironie à ma rencontre de l'autre jour. Il savait, forcément. Il savait que ça allait arriver. Je regrette qu'il ne soit pas à mes côtés présentement, il aurait été une parfaite cible pour mes nerfs.  

C'est un coup dur pour ma nation. Après une année plus que difficile et de nombreuses disparitions, elle perd à nouveau un grand soldat, un autre pilier. Sa maîtrise de l'arme à feu et ses talents de chasseur de prime manqueront. C'est un coup dur pour nous, on nous enlève un frère, un camarade. Je suis incapable de faire la liste des actions auxquelles il a participé parce qu'il est toujours là – sauf s'il oublie, ou s'il s'endort, ou s'il voit un papillon coloré à l’autre bout du chemin.  

C'est un coup dur pour moi. Il avait un peu le même caractère que Yuki, la même propension à faire des conneries, et je l'estimais beaucoup, malgré le nombre incalculable de fois où j'ai eu envie de le frapper. Ce type est la frustration d'un général faite homme, mais c'est quelqu'un de bien. Et je ressens le vide qu'il laisse. Je me réconforte en me disant qu'au moins Yuki n'aurait jamais rejoint la Confrérie. C'est comme ça, c'est dans nos veines. Un Tallarines ne passe pas pirate.  

Pendant la soirée, mes pensées sont ailleurs, mon devoir prend le pas sur le reste, comme toujours. Mais à présent que la nuit est tombée, et que je me retrouve seule avec ma tête, il n'y a plus rien pour me distraire.  

J'espère qu'il sera heureux, qu'il trouvera avec son nouveau bandeau ce qu'il cherchait. Mais je n'ai pas hâte de l'affronter sur le champ de bataille. Et même si j'ai finis par accepter, une part de moi n'aura de cesse de rêver qu'il revienne. « On est une meute » m'a dit un jour Walter alors que j'étais redevenue hollandaise, « tu ne peux résister à l'appel ». J'aimerais qu'il ait raison.
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Posté le 01/02/2020 à 17:07:48. Dernière édition le 01/02/2020 à 17:10:23 

S comme... Séparation

31-01-1720

A mesure que les années passent, je prends de plus en plus conscience combien rien n'est immuable. Certaines choses que je pensais inscrites dans la pierre, actées et pérennes, se sont avérées aussi figées que des dunes de sable, et me voilà à devoir gérer leur absence sans que je sache vraiment comment. Ni que je comprenne vraiment pourquoi.

Le temps file, autour de moi le monde change et ce qui était hier n'est plus aujourd'hui tandis qu'au pas de la porte, demain se profile déjà.

Ainsi me voilà ce soir à Port-Louis, seule dans l'église à observer la nef. Celle-ci est déserte à cette heure, de même que le reste de la ville, vidée de ses combattants qui sont allés reprendre leur tour à mes frères. Je souris à ce mot, un sourire amer, devant l'ironie. La vie nous joue parfois de drôles de tours.

Perchée en tailleur sur l'autel, une cigarette aux lèvres, je contemple les bancs de bois alignés devant à peu. Peu à peu, peut-être l'effet de l'herbe hollandaise, j'y discerne des contours, des silhouettes qui se précisent progressivement.

Je reconnais des amis. Des compagnons depuis longtemps disparus, des amants. Des camarades qui ont tous, chacun à leur façon et à durée variable, partagé un bout de mon parcours.

Je tairais leurs noms. Où qu'ils soient à cette heure, je vous envoie une pensée.

Je les retrouve à cet instant, tels que je les ai vus pour la dernière fois. Ils sont venus me voir, m'accompagner tandis que je clos un chapitre de mon histoire que je pensais jamais voir se terminer.

Ils m'aident à tourner la page.

Je prends un moment pour détailler leurs visages, me remémorer leurs traits. Leur dire que je ne les ai jamais oubliés et que tous mes souvenirs demeurent, que rien de ce que j'ai vécu ne s'efface même si mon chemin m'emmène à présent sur des terres insoupçonnées.

Je songe à demain, aux enfants qui m'attendent à Esperanza, me pensant partie pour jouer à la bagarre avec les copains comme à mon habitude. Que vais-je leur dire ? Comment leur expliquer ?

Devant moi, les têtes se secouent, les gestes et les regards se font apaisants. La suite viendra bien assez vite, je ne dois pas m'en préoccuper maintenant.

Alors je hoche la tête, rallume ma cigarette.

Quelque part dans la ville, une cloche sonne la nouvelle heure, marquant la fin du délai que je m'étais imparti. Toutes les démarches administratives ont été faites, y a plus qu'à.

Alors après avoir coincé ma cigarette entre mes lèvres, lentement, je lève les mains, et détache mon bandeau jaune. Le tissu se dénoue puis chute comme au ralenti pour atterrir près de moi.

Je ne suis plus Espagnole.

A l'intérieur de mon être, c'est la tempête d'émotions qui retombent. Fixant mon désormais ancien bandeau d'un regard absent, j'acceuille le vide, le calme, après le cataclyse des dernières 24 heures. C'est reposant le vide.

Malgré tout, je sens dans mon coeur la douleur de la rupture. Un lien s'est brisé, rompu violemment dans les insultes et les larmes. Je sens la colère remonter mais un coup d'oeil au fagnard suffit pour l'endormir. C'est fini maintenant de toute façon. Il faut réfléchir à la suite.

Et à ce que je vais devenir.

Avec un soupir, j'examine ma veste de Générale, la même depuis toutes ces années, celle qui ne m'a jamais quittée. Au début de ce mandat, les blanchisseuses d'Esperanza m'avaient suppliée de les laisser m'en coudre une autre sans que jamais je ne cède. L'idée de l'enlever, de la laisser au fond de ma besace me semble absurde. Mais continuer de la porter le serait tout autant, au vu des événements.

Sans je me sens dépouillée de mon identité. Mais n'est-ce pas précisément ce qu'il s'est passé ?

Mes camarades n'ont pas disparu et je sens sur ma gauche deux regards insistants. Je tourne la tête. Brusquement contre la peau de ma poitrine, mon médaillon parait pser incroyablement lourd. Là sur un banc, Falco et Lorenzo me regardent. L'un me fait un clin d'oeil, l'autre hoche la tête avec assentiment.

Alors j'acquiesce à mon tour et vais soupeser mon médaillon, son poids sur ma paume devenu rassurant.

Un dernier coup d'oeil à la ronde, à mes anciens compagnons de route. Ce sont eux à présent qui me prouvent que certaines choses ne changent pas, que j'ai toujours des havres où me reposer quand les improbables cohues de la vie m'épuisent.

Je leur souris. Les remercie. Puis saute à bas de l'autel et me dirige vers la sortie, prête à assumer les conséquences de cette séparation.

Malgré tout cependant, c'est de l'espoir que m'insufflent les regards qui accompagnent mon départ par la grande porte.
 

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