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Chroniques d'un bohèmien.  
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Jocard Gombo
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08/10/2013
Posté le 20/07/2015 à 19:58:09. Dernière édition le 01/09/2019 à 14:04:05 

Sombres délires...

   Une boucane épaisse et impénétrable submergeait la pièce, étouffant la clarté d'une bougie délaissée sur le rebord de la fenêtre. Cette fumée opaque s'élevait d'une nuée d'encens qui parsemait une grande partie du sol craquelé. Formant ainsi un étrange champs de bâtonnets résineux au milieu duquel émergeait une pâle forme sombre et immobile. Soudain, une brise légère s'engouffra par l'ouverture et attisa d'un rouge braise l’extrémité des bâtons d'encens. Balayant d'un coup sec le brouillard ambiant et laissant apparaître un homme assis sur un fauteuil, au milieu de la salle, imperturbable. Il semblait divaguait au centre de cette mer de cendres fumantes et parfumées. Le regard évanouit dans ses pensée obscures.

   L'atmosphère était étouffante. L'homme accroché à sa longue pipe en bois, tentait en vain de résister à la chaleur. Il était plongé dans un état second, voyageant entre le sommeil et l'éveil. Privé de tout mouvement, ses yeux balayaient la sombre pièce. Sa respiration haletante s’accéléra progressivement, drogué par les herbes absorbées et les flagrances hallucinogènes. Il entendait des voix lointaines lui parvenir d'outres-tombe : le cliquetis de chaînes traînant sur le sol, les pleurs et les cris désorganisés d'une foule, le claquement sec des coups de trique sur la chair, la voix rocailleuse d'un Capitaine lançant ses ordres, le remous des vagues sur la coque... Un sentiment d'oppression couplé à la peur l'envahirent. Il ne rêvait pas, il se souvenait. Des souvenirs qu'il voulait oublié et qui, chaque jour se répétaient dans son esprit. Comme ancrés au plus profond de lui, marqués à jamais au fer rouge. Ce soir, il n'y aurait pas d'échappatoire, ils devaient les affronter à nouveau sans renâcler.
 

   La vapeur dessina devant lui la forme d'un être recroquevillé sur lui-même, entravé de lourdes chaînes. Il en avait vu des milliers mais reconnu l'individu du premier regard. Il tenta de crier, de s'agiter, de fuir mais rien y fît, ses cris restèrent étouffés, ses membres sclérosés rendirent l'évasion impossible. Une sueur froide traversa son échine. Il savait pertinemment ce qui allait suivre mais finît par abandonner toute résistance. Son bras se leva alors sans qu'il n'en maîtrise le moindre geste. Il avait un gourdin dans la main. Il s'approcha de l'esclave enchaîné et assigna un coup violent sur sa tête. Puis deux. Puis une volée de percussions, sous les hurlements terribles de sa victime, jusqu'à ce que cette dernière se taise. Le visage ensanglanté figé par la souffrance et son corps inerte s'évapora dans l'ombre comme il était venu.

   Puis l'homme se réveilla, trempé par la sueur, le souffle coupé. Il se ressaisit tant bien que mal, réorganisa ses pensées. Un terrible mal de crâne l'assaillit. Il regarda sa main, son arme avait disparu. Il avait déliré. Une fois encore sa mémoire l'avait trahi, comme une punition éternelle. N'oubliera-t-il donc jamais ses sinistres stigmates ? Il se leva et quitta la pièce.
Jocard Gombo
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Posté le 24/07/2015 à 13:02:57. Dernière édition le 01/09/2019 à 14:03:50 

Rencontres éphémères.

Port de Punda, 1696.

   L'effervescence de la journée s'était relâchée pour laisser place à une nuit douce et silencieuse. Il fallait voir la fièvre insoutenable qu'était le va-et-vient continu de marchandises affluant des colonies espagnoles voisines. En quelques années, les séraphades venus s'installer à Curaçao, en avaient fait la plaque tournante du commerce du cacao et du tabac aux Antilles. La journée, la ville fourmillait de monde, un vacarme insoutenable dans un désordre agité de frets et de cargaisons. L'île s'était aussi taillée une réputation solide dans la traître des noirs et les négriers s'attelaient en nombre près du port. Leurs navires dormaient sur les quais, attendant l'aube pour repartir, tels des oiseaux marins sur une estacade isolée.

   Le vent faisait grincer les cordages, il sifflait entre les mâts et frottait les coques des vaisseaux, offrant à l'obscurité un étrange concerto. Si parfois quelques corsaires brisaient son récital, en cette heure tardive de la nuit tout restait singulièrement calme.


♫♪ L'salut que j'recherche à ter', jamais ♪
♩♬ je n'trouverai ! À vous, vagues des océans d'monde, ♭♫
♫ j'resterai fidèle, jusqu'à c'que se brisera dernière des vôt', ♫♪
♩♪ et qu's'assèche sa dernière écume ! ♪


   Jocard fredonnait un air marin qu'il connaissait trop. Dans la pénombre de la cale du «Moddervis», il attendait depuis le crépuscule. Une grande partie de l'équipage s'était volatilisé dans les venelles de Punda, à la recherche d'aventures nocturnes. De ceux qui le connaissent aujourd'hui, à cette époque Jocard était un jeune homme à la toison longue et ténébreuse. Il avait ce même regard perçant mais le visage encore épargné par les stigmates d'une vie agitée. Ses doigts glissaient sur la table disposée à ses côtés. Il s'amusait depuis de longues minutes à chatouiller un insecte attiré par le halo d'une lanterne.


   Puis les portes derrière lui s'ouvrirent et les rayons de la Lune s'engouffrèrent par l'orifice. Submergeant l'obscurité d'un voile lumineux et tirant de ténèbres tout ce qui s'y trouvé. Une silhouette affublée d'un tricorne apparu dans l'encadrement. Elle projeta son ombre menaçante jusqu'aux pieds du marin. Ce dernier écrasa fermement la bestiole dans sa main et resta assis le dos tourné. 
Les pas sonnèrent sur le plancher comme un glas. À mesure que l'homme avançait, le sol humide se gangrenait d'une moisissure verdâtre. Il se stoppa à quelques mètres de Jocard.


- « Tu tenais à me voir ? »
- « Oui. »
- « J'ai entendu dire que tu ne repartirais pas avec nous ? »
- « L'nouvelles vont vite. »
- « Tu ne toucheras pas ta devise du cru... »
- « ... »
- « Jocard, mon gars, oublie ce qu'il s'est passé.. »
- « ... »
- « Imbécile ! Si tu m'as fait venir pour rester silencieux je repars. »
- « ... »
- « Je fais ça depuis des années, ce sont des nègres, rien d'autre que de la pièce d'Inde. Il y en a toujours qui meurent, d'autres qui survivent plus ou moins. Puis des fois, il faut faire certaines choses pour les calmer. C'est eux ou nous ! »
- « ... »
- « Bien, tu ne me laisses pas le choix »
- « 'tendez ! »
- « Ah ? Tu me parles finalement ? »
- « Je connais un meilleur moyen d'en finir avec tout ça... »
- « Tu sais que je n'ai pas le temps d'écouter les hommes se lamenter, tu étais bien content de toucher tes 4 livres quand nous avons débarqué en Afrique ! De même quand nous sommes arrivés sur les côtes des Guyanes et... »


   Une détonation suivie d'une forte déflagration laissa un trou béant sur le front du capitaine. Dans sa main, Jocard tenait un pétoire encore fumant, l'officier n'avait pas senti le coup venir. Son corps tomba lourdement. Le matelot se leva et fît quelques pas vers le cadavre avant de l'examiner. Il détroussa la dépouille d'une flopée de pièces et s'affubla du tricorne. Puis il quitta la longue salle d'un pas rapide, regagnant les ombres de la ville pour se faire oublier.
Jocard Gombo
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Posté le 30/07/2015 à 21:52:00. Dernière édition le 01/09/2019 à 14:03:35 

Le Soleil mexicain.

Baie de Campêche, 1702.
 

   La chaleur abreuvait les boucaniers et les corps en action s'épuisaient, suants sous l'astre de feu. Les hommes s'activaient sur la plage, embarquant les lourds troncs anfractueux sur les embarcations. Il y avait là de nombreux monticules de bois disposés près du rivage. On aurait cru voir d'énormes cigares entassés les uns sur les autres mais il s'agissait bien d'arbres élagués d'une couleur très sombre. Quand les barques étaient pleines, elles s'en allaient charger un trois mâts plus au large puis revenaient vers la côte. C'était un aller-retour incessant mais organisé et à la fin de la soirée, les tertres de grumes ne laissèrent sur le sable que quelques écorces lisses et des ramures comme traces de leur passage. Il s'agissait d'un chargement complet de bois de teinture, un fret très précieux dans les Caraïbes. Le plus âgé des braconniers s'avança en direction du capitaine du galion. Les deux hommes négocièrent un long moment et finirent par se mettre d'accord.

- « Jocard, prends deux hommes avec toi et ramène ces coffres au campement. »

   Il fit signe signe à deux compagnons de le suivre et ils ramassèrent les bahuts sans rechigner. L'un d'eux plaisanta :

- « Hé ! V'là encore un trésor qui passera au nez et à la barbe des espagnols, hahaha ! »

   Pendant qu'ils charriaient les caisses jusqu'au camp, Jocard pensa aux années passées à séjourner sur les côtes mexicaines. La vie de boucanier lui plaisait. Les hommes vivaient libres en marge de la société, ils étaient solidaires, travailleurs et leur chef élu. Bien entendu ce genre d'organisations clandestines étaient totalement désapprouvées par les autorités. Sur l'île de Saint-Domingue, les espagnoles avaient trouvé la parade pour faire fuir les chasseurs en décimant le gibier. Si un bon nombre d'entres eux s'étaient noyés dans la masse des colons, certains avaient rejoins les côtes de CampêcheJocard avait eu vent de cette opportunité et en avait profité pour fuir la colonie hollandaise de Curaçao. Par chance, il avait pu être enrôlé dans l'abattage des arbres de teinte. D'autres s'occupaient de la chasse et du travail des viandes et des peaux. Cette vie laborieuse l'avait endurci mais le commerce était fructueux ; les flibustiers venaient se ravitailler en viandes fumées, les navires complices achetaient les peaux ou le bois et eux récoltaient l'argent.


   Plus tard, au crépuscule, il s'adossa sur une souche près d'un feu assoupi, observant le firmament lumineux d'un œil songeur. Les cabanes à l'orée de la jungle étaient silencieuses. La vie semblait suivre un cour paisible mais quelque chose disait, au fond de lui que cette quiétude allait bientôt prendre fin...
Jocard Gombo
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Posté le 01/09/2015 à 11:12:10 

Écorché.

   Une pluie chaude cinglait son visage et il émergea doucement de son sommeil, la tête couchée sur le sable. Il contemplait le ciel gris tailladé de rayons lumineux, brûlant sa rétine comme des lames acérées. Il essaya de se relever mais ses membres restèrent figés. Aux alentours, il sentait des ombres fines se mouvoir. Rêvait-il encore ? Puis une odeur de brûlé lui irrita les narines. C'était tout ce qu'il discernait à présent. Cela en devenait insupportable, un relent fétide, un fumet nauséabond, une puanteur de mort. Comme un charnier incandescent dont les vents porteraient le funeste message. Aussi désagréable que le silence sourd et pesant qui résonnait dans son esprit et dont il n'arrivait pas à s'en détacher. Où était-il ? Il avait l'impression d'être là depuis des jours...

- « Regardez-le... », « ...Seul et meurtri... », «... Souffrir ! »

Les revoilà, qui s'insufflèrent dans la matière noire de son cerveau. 
« Fuyez » disait-il, « Laissez-moi mourir... » mais elles l'observaient toujours, silencieuses. La douleur traversa son corps entier. C'était une souffrance terrible et intense qui transperça ses poumons. Il sentait sa respiration s'emballer. La sueur de son front se mêla au sang dont il était recouvert. Les meurtrissures sur sa chair le déchirèrent comme un dernier supplice. Jamais il n'avait été aussi proche de la mort. Sa vue s'obscurcit au fur et à mesure qu'il s'essoufflait dans un dernier râle. Il pataugeait dans une bourbe sanguine. Alors que tout espoir s'était envolé, il sentît une silhouette l'envelopper.

- « Aidez-moi les gars, celui-ci est encore vivant... »
Jocard Gombo
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Posté le 06/09/2015 à 11:36:59. Dernière édition le 01/09/2019 à 14:03:19 

Baroud en eau trouble.

Au large de Port Royal, 1705.
 

   Le souffle rompu, Jocard tituba maladroitement, cherchant des mains un appui pour se relever. Le coup assénait par son adversaire sur sa poitrine lui avait coupé la respiration. Par réflexe, il tapota son thorax pour jauger la balafre mais il ne saignait pas. Loin d'être des plus habiles à l'épée, il encaissait bien les coups. Il reprit une bouffée d'air et se redressa, faisant face à son opposant. Ce dernier, d'une agilité supérieure, fît danser son sabre autour du corsaire hollandais. Tentant de l'astreindre définitivement. Il envoya une volée de coups qui déstabilisa Jocard, au point de le coincer contre le cabestan. Une dernière rafale fît valdinguer son épée dans les airs, entaillant au passage la chemise du hollandais qui rougît au niveau des incisions. 

- « Foutredieu ! S'en est... fini pour ma pomme... »

   Une détonation résonna dans leur direction et le bras de l'anglais aspergea de sang le visage de Jocard. Touché ! Une chance, une opportunité s'offrait à lui ! Il fonça sur son rival encore ébranlé et le plaqua sèchement sur le sol. Il se tenait maintenant au-dessus de lui totalement figé. En un rien de temps il attrapa un poignard à sa ceinture et trancha froidement la gorge du marin anglais.

- « Aux batteries les gars ! Aux batteries ! »

   Dans le chaos ambiant, le gitan reconnu la voix de son Capitaine. Il jeta un regard dans la masse tumultueuse qui s’entre-déchirait : une fumée blanchâtre stagnait au-dessus du pont, sans cesse alimentée par les tirs de fusils et de pistolets. Les hommes s'affrontaient sur les corps éventrés qui gémissaient au sol, macérant dans leur propre sang. Un incendie avait pris et léchait allègrement le mât d'artimon. Le plus gros de l'équipage du "Roekeloos" s'était rallié sur le gaillard arrière du navire anglais. S'apprêtant à enfoncer les lignes ennemies acculaient au pont des batteries. Quant à Jocard, il était reclus avec quelques hommes à l'avant de la frégate.

- « Joc' attrape ça ! »

   "Tranche-feu" lança un sabre en sa direction. en un croisement de regards les deux hommes s'étaient compris ; il fallait à tout prix rejoindre le reste de l'équipage où ils risquaient d'y passer. Bientôt leurs cris se joignirent à la mêlée, suivit du claquement des épées et leurs silhouettes s'évanouirent dans le brouillard et le bouillonnement de la bataille...
Jocard Gombo
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Posté le 26/05/2016 à 01:46:28. Dernière édition le 01/09/2019 à 14:03:08 

Ulüngen.

   Il était là, assis sur quelques tonneaux face à l'immensité qui s'offrait à lui. Ses longs cheveux grisonnant se soulevaient au grès des brises salées. La mer était placide, aussi loin qu'il pouvait l'observait et le ciel encore sombre, tirait petit à petit sur le rouge. Rien n’entachait le calme ambiant. Tout juste quelques pêcheurs encore perdus dans leurs rêves, qui s'en allaient gonfler les voiles de leurs navires. Lui, soufflait dans les airs quelques arômes de tabac brun, la pipe incandescente. La lueur des cendres se reflétaient sur son visage, donnant un aspect méphistophélique à ses traits. Ses petits yeux gris observaient l'éveil des premiers oiseaux. Bientôt leur concert se ferait entendre, suivit de l'agitation matinale qui caractérise toutes les villes caribéennes.

   Il sauta de son siège pour s'aventurer dans les venelles encore endormies de la cité. La nuit tenait son empreinte ici. Tout était sombre, indistinct et trouble. Il se faufila entre les silhouettes ténébreuses et les formes nocturnes de son imagination. Dans cette obscurité tenace, un étranger se serait perdu mais l'homme connaissait parfaitement son chemin. Les pavés étaient sales et boueux et ses pas s'enfonçaient dans une fange épaisse par endroits. Rien d'étonnant, l'orage de la veille avait ramené des montagnes poussiéreuses une bourbe visqueuse. Car accrochée à ses flancs rocheux, Ulüngen avait été bâtie à l'ombre de ces géants de pierre. Par temps de fortes averses, ces derniers appréciaient le faire remarquer aux hollandais, à leur manière. 

   Il y avait une piste derrière le palais du gouverneur, un chemin le long des parois rocheuses qui donnait une vue imprenable sur la ville. C'est là qu'il se dirigeait. Bientôt la demeure du tétrarque faisait son apparition. Bien qu'on ne le remarque pas la nuit, le bleu de ses pierres jurait avec les couleurs chatoyantes de la ville, comme un fruit fané dans un panier. L'homme était déjà attelé à sa tâche. Il escalada les quelques marches connues de peu de gens, s'enfonça dans ce raidillon pentu et entama sa montée silencieuse. Le long de la chaussée, ses lourds pas projetés des cailloux dans le vide, qui se faisait de plus en plus profond. Les minutes passèrent et l'escalade s'accentuait. Il ne s'arrêtait pas, bien qu'essoufflé. Il ne voulait pas rater ce moment. Il jeta un regard au ciel, comme pour juger du temps qui passe. Il fallait s'afférer, l'aube approchait. Il suivait la côte, accélérant son allure et enfin, il arriva sur une jetée suspendue. Devant lui, le Soleil donnait ses premiers rayons dans sa nitescence la plus pure. Peignant dans un ciel de braises des coloris lumineuses. Il se tourna alors vers Ulüngen, en contrebas. Le comptoir aurait pu tenir dans le creux de sa main tant il paraissait minuscule. Le spectacle lui était indéfinissable. Les rais ardentes se projetaient sur les tuiles orangées de la ville. Offrant une couleur éclatantes aux bâtisses. Tout était étincelant, illuminé, abstrait et éblouissant. Tout était vivant, l'effervescence du comptoir lui remontait par écho alors qu'il était encore endormi il y a quelques heures. Était-ce vraiment la même cité qu'il avait quitté ? Ou était-ce une hallucination de son esprit ? Il ne savait pas mais c'était pour ces quelques secondes qu'il s'était donné autant de mal. Des secondes furtives mais éternelles dans son âme. Alors, il lâcha comme un aveu au ciel, aux montagnes et au vent :

- « Ulüngen la rutilante, je t'aime...».

Jocard Gombo
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Posté le 23/06/2016 à 05:34:22. Dernière édition le 01/09/2019 à 14:02:55 

Althéa.
 

   Allongé dans l'herbe fraîche, il se rappelait ce premier baiser qu'il lui avait donné un soir de pleine Lune. La nuit était chaude, le ciel dégagé et rien ne pouvait perturber ce moment si précieux. Pas même l'agitation nocturne de Port-Louis à quelques mètres de là qui trompait avec le silence autour d'eux ; le temps était comme figé. Les charmilles jouaient les spectatrices, l'étang comme miroir de leur union. Une brise légère emportait dans les airs son parfum de miel et de jasmin. Il passait une main sur sa joue, glissant l'autre dans sa chevelure de braise. Elle se serrait tendrement contre lui. Chacun de leur geste était une réponse d'une douceur incroyable.

Althéa de Rioghan  murmure dans le creux de son oreille : "Je t'aime".

  Ils avaient scellé leur destin ce soir là, prenant comme seul témoin l'astre blond au-dessus de leurs têtes. Au loin, on percevait l'écume des vagues qui se brisait sur la plage, acclamant à sa manière cet amour sacré. Une dizaine de proses ne suffisait pas à lui avouer son amour. Il lui aurait arraché cent sourires tant il voulait son bonheur. Quant à ses yeux émeraudes, il ne les aurait jamais échangés, même pour milles pièces d'or. Cette nuit là, ils s'étaient fait la promesse : celle de ne plus jamais se séparer. Car ils s'étaient trouvés, à l'autre bout du monde après tant de déboires, de vies brisées et de malheurs...

« Je t'aime...»


   Souffla-t-il dans son sommeil. Aussi éloignée soit-elle, il espérait qu'elle l'entende dans le creux de ses rêves. Lui, brûlait de toucher une nouvelle fois son regard, goûter ses lèvres sucrées, s'abandonner dans l'étreinte chaude de ses bras, savourer chacun de ses murmures. Ses pensées s'échappaient toujours en sa direction, guidées par leur amour. Car ils le savaient que trop bien, c'était ce qui les rendait encore vivants.
Jocard Gombo
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Posté le 08/02/2017 à 17:23:20. Dernière édition le 01/09/2019 à 14:02:41 

Ragots.
 
Auberge d'Ulüngen, 1717.
 
 
- « L'Joc' est mort depuis des mois, j'vous l'dit. Y a des pêcheurs qui l'ont vu tomber du haut d'la falaise du poulpe, à cette hauteur personne ne survit... Dieu ait son âme ! »

   Comme pour conclure l'homme cracha un glaire visqueux au sol avant d'avaler les dernières gouttes de rhum dans son verre. Il posa son bock sur la table et réajusta son foulard sur ses cheveux gris. Essuyant d'un revers de bras son nez humide. Le marin à sa droite acquiesça. Il remuait sa tête de haut en bas, malmenant par ailleurs le tabouret qu'il écrasait sous son poids. Sa bedaine aussi épaisse et ronde qu'un tonneau était couverte de poils et de bière. Ce chambard n'eut pourtant aucun effet sur le troisième homme, qui recroquevillé sur lui-même, un vieux tricorne posé sur le crâne, somnolait paisiblement. Participant aux verbiages par quelques ronflements déplacés. Visiblement le spiritueux avait eu raison de lui. Le dernier des quatre, un vieux matelots au regard torve, grimaça un moment avant de prendre la parole :

- « T'racontes n'importe quoi Sardine, pas plus tard qu'y a deux jours on a retrouvé ses traces dans la jungle. Y en a même qui l'chercherait, qui voudrait l'prendre vivant... » Il jeta un œil par dessus son épaule, avant de poursuivre tout en se rapprochant de ses compagnons. Sa tête frôlait la bougie au centre de la table et les reflets de la flamme léchèrent ses yeux vitreux. «... Puis on dit qu'il a caché un trésor immense sur l'île. Ça daterait d'quand il était pirate... »

   Sardine qui était loin d'être aussi nigaud que la plupart des habitués attrapa GrandPié par le col de sa chemise. Il cracha d'abord quelques injures en guise de sommation et conclut ses objurgations par une poignet de sons tout justes audibles.

- « Faudrait pas qu'tu nous prennes pour des calfats GrandPié, les histoires de trésors ça marche pas sur nous ! »

- « Calme-toi Sardine ! J'ai d'quoi prouver ce que je dis mais je suis pas un gâte-métier, faudra payer d'abord...»

   Un instant Sardine s'interrogea l'air patibulaire, tenant fermement sa prise. Puis le plus potelet d'entres eux tendit la bouteille de rhum à GrandPié, qui attrapa la gnôle sans rechigner. Repoussant par la même occasion l'étreinte de Sardine. Il fouilla dans les poches de sa veste un long moment. Ses mains racornies tripotèrent le moindre recoin décousu de sa vareuse jusqu'à ce qu'elles tombent sur un papier morcelé et tuméfié.




   Sardine se précipita sur la carte et l'examina un long moment ; tournant, retournant le parchemin dans tout les sens possibles. Écartant par moment la tête bouffie de son camarade trop curieux. Il fulminait car rien sur ce qu'il voyait indiquait la présence d'un quelconque magot. La carte était visiblement incomplète et illisible. Savait-il au moins lire ? Il lança un regard noir sur GrandPié plus occupait à écumer son rhum qu'à se soucier de ses déconvenues. S'en était trop ! D'un geste rapide et précis il le larda à la nuque. GrandPié bascula de tout son poids sur la table, raide mort. C'est à peine si le corsaire au tricorne émergea de son sommeil pour se rendormir aussitôt. Quelques écumeurs autour stoppèrent leur conversations un instant avant de reprendre de plus belle. Ce genre de règlement de comptes était tout à fait courant dans cet établissement et il en fallait plus pour les surprendre. Sardine posa sa lame ensanglantée et saisit une chope qui traînait par là. Tout en souriant au cadavre inerte de GrandPié, il termina 

- « Et bien comme ça, tu tromperas plus personne. Quand j'dis qu'Jocard est mort c'est qu'il est... »

   La porte derrière eux s'ouvrit dans un grand fracas. Une silhouette large et imposante fit son apparition dans l'encablure. Un vent s'engouffra dans la pièce, balayant les feux des chandelles. Toute l'attention était portée sur cet inconnu. Alors qu'il s'avançait dans la pièce, faisant craquer le parquet sous ses bottes, tous le reconnurent. C'était Jocard Gombo et il était de retour. Ce dernier pris place face au comptoir et jugea l'assemblée silencieuse d'un œil goguenard.

- « Alors les copains, c'est comme ça qu'on accueille un vieil ami ? Aller Ed' c'est la mienne, mouarf ! »


Jocard Gombo
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Posté le 09/02/2017 à 18:07:45. Dernière édition le 01/09/2019 à 14:15:13 

De rêves en Chimère.

Capitaine ,

Une dette à jamais, je me dois d'acquitter,
La Confrérie j'ai aimé ; la loi d'équité.
J'avais promis ma vie, mon sang et mon âme,
Pour toujours ennemis de nos rivaux infâmes.

Hélas le destin est parfois lourd fardeau,
J'ai été clandestin de ce précieux cadeau.
Aujourd'hui encore je m'en remets à vous,
En espérant l'accord d'un espoir un peu fou.

Une amie qui vous est d'une très haute estime,
Est pour moi l'être aimée, dont elle est la victime.
Accourant un danger, dont je suis responsable,
Je suis prêt à venger et affronter le Diable.

Perdue dans les limbes d'un monde éthéré,
Je ne peux me regimbe, captive invétérée.
Il me faut pour cela combattre le Démon,
Son cœur ensorcela sous d'obscures sermons.

J'ai besoin du savoir de mes anciens alliés,
Prétendre et recevoir ce droit qui nous ralliait,
Donnez-moi l'instrument, la juste incantation,
Et j’offrirai dûment, mon âme en captation.

Ne reste plus qu'à vous de faire le choix propice,
Si je vous avoue, sous de meilleurs auspices,
J'espère vous rendre cette dette colossale,
Sans vous y méprendre dont je serai vassal.

Jocard Gombo dit "Goupil"
Jocard Gombo
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Posté le 14/02/2017 à 10:33:02. Dernière édition le 21/12/2020 à 13:54:47 

Là où va l'ermite.

Île de Liberty, 1716.


   Jamais le nom de l'île n'avait eu autant de sens pour Jocard qu'à cet instant précis. Il était libre. Sans terre, ni patrie. Était-ce un adieu à la Hollande ? Pas vraiment mais il sentait que le moment était venu de tirer sa révérence, pour un temps. C'était plus fort que tout, c'était en lui et ça coulait dans ses veines. Chaque battement de son cœur expulsait une soif insatiable d'indépendance et ce sentiment de délivrance s'ancrait dans toutes les fibres de son corps. Il se complaisait dans cette liberté sauvage au point d'en devenir famélique.


   Sa silhouette se perdait dans les coins les plus reclus de Liberty. Courant comme le vent à travers les pistes sinueuses, glissant comme la pluie sur les sentiers fangeux. Avec pour chaperon son ombre, pour compagnon la brise sifflante, pour acolyte sa bouteille de rhum. Seul et si loin du fourmillement des cités, il se souvenait  : l'odeur fumée de la boucane, le Soleil pesant de Campêche. Tout ce qui lui revenait en mémoire c'était cette inestimable quiétude. Avait-il connu des moments de paix ? Au moins autant que cette île.


   Il aimait s'égarer dans cette nature bestiale. Plonger dans l'inconnu. Il se laissait porter au gré des rencontres, comme une branche aspirée par le courant. S'enfonçant toujours plus profondément dans les chemins, empruntant les raidillons oubliés. Il ne cherchait pas quelque chose en particulier, bien qu'il aurait voulu dénicher cette insaisissable chimère. C'était sa course vers l'étrange, son ascension sempiternelle. Car il était conscient qu'un jour ou l'autre sa destinée le rattraperai et qu'il n'atteindrai jamais le sommet. Où que l'on aille, on n'échappe pas à son destin.


   Les mois s'écoulèrent et le temps filait entre ses doigts comme du sable. Il avait disparu de Liberty au point que son nom s'évanouisse tel un vague souvenir. Pourtant il sentait une présence qui le talonnait. Il aurait dû se douter que dans tout jardins édéniques vivent de fourbes reptiles. Qu'ils viendraient le saisir jusqu'au creux ses rêves. Il se réveillait alors, trempé par la fièvre nocturne, la respiration haletante, la vision trahie par des ombres funèbres. Des formes angoissantes mais singulièrement familières. Il savait alors qu'il était temps pour lui de revenir...
Jocard Gombo
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Posté le 18/02/2017 à 13:52:05. Dernière édition le 21/12/2020 à 13:54:37 

Hibiscus

Trop souvent asséchée, inondée par si peu
J'ai longtemps navigué et jamais attendu
La passion ébréchée d'un péché adipeux
 Le désert a brigué cet amour prétendu.

Souffrir et dépérir, s'offrir à en chérir
Te posant en martyr, mes actes t'affaiblir
À ne jamais y lire,  je n'ai fait qu'enchérir
Et maintes fois mentir, voir cette union faiblir.

Je t'ai pourtant aimée comme on aime une fleur
Je t'ai cueillie à l'aube, tu as fané le soir
Aurais-je dû semer au lieu de recevoir ?

Las ! Tu te dérobes pour me laisser échoir
Te voilà transformée et par ce vent siffleur
Dans sa nouvelle robe, la grive n'a plus peur.

Jocard Gombo
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Posté le 20/05/2017 à 11:07:08. Dernière édition le 21/12/2020 à 13:54:21 

Esperanza.


   « L'Espagne n'oublie pas », disait-on par ici mais comment oublier l'Espagne ? Il y a au Nord de cette île un écrin de chaleur, un joyau vivace qui surplombe la mer. Cette ville, ardente et fiévreuse, bouillante et fougueuse, avait laissé dans son cœur une passion éternelle. Il se promenait dans les venelles ombragées, se laissant traversait par cette brise étouffante. Elle le saisissait jusqu'aux tripes. Emportant avec elle la poussière des maisons. Au milieu de cette touffeur accablante, c'est la flagrance des épices qui le guidait. Les marchands les exhibaient dans leurs étalages comme de fières médailles. Il fallait être averti pour digérer cette atmosphère pesante, car cela vous transpercez sans état d'âme. Il parcourait les avenues étroites, jonchées par une multitude de tricornes. Il n'était pas le seul à chercher la fraîcheur sous les toits et pourtant rien ne laissait place à un peu de tiédeur. L'habitant était fier et pétulant. Il vous accostait dès les premiers mots comme un ami de toujours. Jamais pourtant il ne fallait trahir sa confiance, car l'Espagne n'oublie pas.



   C'est sous les haciendas ombragées qu'il fallait trouver son repos. S'installer sur une terrasse et profiter du moindre répit que l'on pouvait s'offrir. Loin de la clameur infatigable de la cité. Colporteurs, charmeuses, voyageurs, saltimbanques, marins, ivrognes, soldats, vagabonds, corsaires, mendiants, danseurs, c'était un brouillamini confus et animé. Il savait trop bien que se laissait abandonner à cette foule métissée n'avait rien de conseillé. Elle vous avalait comme la vague qui surprend le matelot imprudent. Puis, quand le soleil touchait son zénith, la lumière épaisse et impénétrable assommait les badauds. Dispersant leurs ombres sur le sol comme des flaques de sang. On entendait le bruit sourd des cloches, comme un étrange tocsin. Les rues se désertaient, les terrasses se vidaient et tout redevenait silencieux. La ville se faisait fantôme. Un calme surnaturel et apaisant qui ne tenait que jusqu'aux premières lueurs du soir...
Jocard Gombo
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Posté le 12/01/2018 à 10:26:42. Dernière édition le 21/12/2020 à 13:54:11 

(Concours RP février 2017)

Rencontre inattendue.

Phare Amineu, décembre 2017.


   Il la faisait chatoyer au-dessus de sa tête, sous la lueur scintillante des étoiles. Admirant sa lame lézardée par de nombreuses fêlures. Chaque reflet de lumière se déformait le long des aspérités de la chappe. Cela lui donnait une teinte particulière ; aussi bleutée et disparate que la Lune. L'épée n'avait plus rien de tranchant et était particulièrement émoussée jusqu'à son arrête. Contrastant avec son pommeau ambré et sa garde finement intacte attifée d'une pierre rouge sang. Non, il n'y avait pas grand mérite à posséder une arme aussi ébréchée, même pour un vieux corsaire. Mise à part si cette dernière avait une signification particulière, accompagnée d'un souvenir tenace. C'était le cas pour Jocard. Depuis tout ce temps, il ne s'en était jamais séparé. L'idée ne lui avait pas encore traversé l'esprit. Par moment, après une âpre journée, il la tirait de son fourreau : c
'était comme une vieille amie, un fidèle compagnon de route. Il en contemplait alors la brutalité de ses cicatrices et de ses imperfections qui en faisaient toute son histoire. Jamais il ne pouvait oublier ce jour de Décembre 1713...

                                                           ***
   La touffeur suffocante d'une matinée à cheminer le longs des routes graveleuses de la presqu'île. À cette époque, Jocard était un étranger pour Liberty. Ses pas avaient fini par le mener jusqu'à la pointe abrupte du Phare Amineu. L'imposante structure s'élevait 
sur sa gencive rêche, comme la canine d'un reptile. Fendant l'horizon monotone de l'océan. Il était harassé. Il gravit le peu de distance qui le séparait de l'entrée du sémaphore, pénétra dans les couloirs éboulés. Cherchant un peu d'ombre et de fraîcheur à l'intérieur, imitant le lézard à la fin de sa journée. Abattu, il s'effondra de tout son poids contre un mur, surpris par le sommeil.

-
 « tir toi dé là  gringo, tou yènes y empêche les yens dé passer ! »

   Une voix aux accents du Sud vînt l'extirper de sa narcose. Il ouvrit péniblement les yeux, surpris par cette fortuite rencontre. Il crut d'abord rêver que son ombre lui parler, discernant avec peu de précision les contours sombres de son interlocuteur. L'homme se tenait en face dans l'obscurité, vêtu d'un long raglan noir. Son col remontait jusqu'à sa mâchoire qu'il bougeait machinalement. Comme s'il s'adressait toujours à lui mais le batave, à demi conscient, ne put en saisir que quelques sons à la volée : 
« pas au bon endroit... » « dou balai.. » « bouye de là ! ». Il ne semblait pas lire de l'animosité dans ses pupilles ténébreuses mais un grain d'agacement. Puis, comme frappé par quelque chose, son attention se porta un peu plus sur ce qu'il dégoisait :

«  Maaaaa tou mé laisses pas passer por qué y'ai pas una très bonne réputation par chez toi hum ?! Maaa tou sais, les hollandais, vous êtes pas commode non plous hum ?! Agréable quand on vous cogne ! »

  À en juger l’intonation de sa voix, on aurait pu le croire d'Esperanza. Ne s'y trompant pourtant pas, Jocard n'avait pas en face de lui un corsaire ibérique et les tonalités lusitaniennes de son accent en étaient une preuve évidente. Étrangement silencieux, il continua à observer ce bavard infatigable. Sa peau était recouverte d'une discrète pilosité. Sa lèvre supérieure portait une fine moustache et son menton ornait un trait de barbe précieusement taillé. Ses cheveux noir comme de la poudre à canon, flottaient au gré des mouvements de sa tête. Mais ce qui l'intrigua était ce petit tatouage qu'il portait sous son œil gauche, comme une larme d'encre.

- « tou voudrais pas qué yé te cogne, hum ?... Bon, vu ta tronche, bien marquée, t'as déyà eu ta dose por plusieurs vies... »

  Ce second avertissement arracha pour de bon Jocard de son flottement. Il devait rester sur ses gardes ou il pouvait y passer. Maintes fois les ulüngenois l'avait sermonné sur les brigands de grands chemins. Ce n'était rien pourtant comparé à la renommée exécrable des flibustes de cette île. Ceux-là oui, perfides et acerbes, il fallait s'en méfier et si possible les éviter. Alors que le portugais installait son campement, il s'enfila dans le gosier le fond d'une bouteille de rhum. C'est là qu'il comprit en regardant dame-Jeanne estampillée du Jolly Roger, que son possesseur ne pouvait être qu'un pirate. Il s'était trahi volontairement  parce que le hollandais n'avait rien d'une menace. Un sentiment étrange le parcouru, ce n'était pas le premier pirate qu'il croisait dans les Caraïbes mais c'était la première fois qu'il en rencontrait un du coin. Il porta discrètement sa main contre son coutelas qu'il gardait près de lui.

- « Maa la regarde pas como ça gringo, tou serais pas quoi en foutre. T'es pas encore digne d'en boire ! »

   Juste après ça, le flibuste se descendit bourgeoisement une autre bouteille de son cru. L'alcool faisait déjà son petit effet. Il avait un air plus joyeux, moins redoutable. Ses mains tripatouillèrent dans son attirail. Il en sortit une longue épée : "L'empaleuse", puis se retourna vers Jocard.

« Putana ! » Scinda-t-il le ton plus grave et mordant. 

   Visiblement le hollandais avait trop usé de sa patience. Il se sentit perdu. Il fallait être inconscient pour imaginer qu'un pirate qui se dirige vers vous, sabre en main, était là pour autre chose que vous faire manger les pissenlits par la racine. Dans un baroud d'honneur, le batave brandit son couteau en direction du forban, protégeant de son autre main son visage de façon dérisoire.

- « Tiens una babiole qué ye viens dé faire forger par lé smith ! Tou sais lé gars près du Freuh là... »

   Il comprit que le pirate lui faisait un présent, qu'il avait échappé à la mort. Hésitant, il attrapa l'épée par la poignée observant les quillons aux allures royales et le diamant rouge trônant sur la garde. La lame était éclatante comme si elle avait aspiré toute la luminosité de la pièce. Son étincelle venait vous fouetter le visage et le forban sourit :

- « ye suis certain qu'elle té servira bien mieux qu'à moi hum ? »

   Les pensées de Jocard se mêlèrent. Il avait entendu tant d'histoires horribles sur la piraterie qu'il s'attendait presque à voir un démon émerger de cette homme. Pourtant, ce n'était ni du sang, ni de la souffrance, ni même la mort que lui avait proposé le flibuste mais une épée. La raison aurait voulu qu'il la refuse, qu'il la jette ou s'en débarrasse comme pour se délester d'un mauvais sort. Il n'en fît rien et apprécia ce geste altruiste tant cela donnait tord à tout ces ragots.

«  Tou as des préyuyés sur les pirates dé Liberta ... maaa passe oun poco plous dé temps dans lé coin et tou verras les choses autrement... ou mourra... »


                                                           ***

   Il sourit en se remémorant cette dernière tirade. Ce cadeau avait marqué son existence pour toujours. Il s'était juré depuis, de ne jamais croire à un bout de tissu qu'on défend, de ne jamais se dévouer corps et âme à une patrie ingrate mais de porter fièrement sa foi dans le cœur des hommes. Pour s'en rappeler, il n'avait qu'à saisir sa vieille épée et distinguer dans le miroir usé de la lame, le visage ténébreux de ce pirate qui lui avait donné ce jour-là une belle leçon de vie.

______________________________________________________________________

HRP : L'historique de la rencontre :

Spoiler
2013/12/14 13:08:54 : Rodrigo  te dit:" tir toi dé là gringo, tou yènes y empêche les yens dé passer!.
2013/12/14 13:10:17 : Rodrigo  "Y Van Ders ye t'ai dit, c'est pas un bonhomme, maaa una tour! Y c'est donc una tour, pas un phare! T'es pas au bon endroit gringo!.
2013/12/14 13:18:49 : Rodrigo  te donne 1 Balai
2013/12/14 13:19:41: Rodrigo  "Tou connais l'expression "dou balai"?! Siiiii lmuy bien alors bouye de là! Ye suis certain tou as dé quoi décaler tou cul fripé d'là hum?!.
2013/12/14 13:22:58 : Rodrigo  "Maaaaa tou mé laisses pas passer por qué y'ai pas una très bonne réputation par chez toi hum?! Maaa tou sais, les hollandais, vous êtes pas commode non plous hum?! Agréable quand on vous cogne!.
2013/12/14 13:23:55 : Rodrigo  "tou voudrais pas qué yé té cogne, hum? ... Bon, vu ta tronche, bien marquée, t'as déyà eu ta dose por plusieurs vies... *pose son pactage* Ye vais rester ici*.
2013/12/14 13:24:41 : Rodrigo  mange une brochette:" t'en veux?!" *partage*.
2013/12/14 13:24:51 : Rodrigo  te donne 1 Brochette de... euh...
2013/12/14 13:25:41 : Rodrigo  s'ouvre une boutanche de rhum bien de chez eux:"Maaa la regarde pas como ça gringo, tou serais pas quoi en foutre. T'es pas encore digne d'en boire!.
2013/12/14 13:26:53 : Rodrigo  s'enfile deux de ces bouteilles, sec, et semble plus "joyeux".
2013/12/14 13:28:07 : Rodrigo  *te dit* putana! Yé commence à peser lourd avec todo cette mierda *sort une épée* Tiens, una babiole qué ye viens dé faire forger par lé smith! Tou sais lé gars près du Freuh là....
2013/12/14 13:28:25 : Rodrigo  te donne 1 L'empaleuse acérée
2013/12/14 13:28:46 : Rodrigo  "ye suis certain qu'elle té servira bien mieux qu'à moi hum?!".
2013/12/14 13:33:16 : Rodrigo  fini par te dire en balançant une pièce:" tou as des préyuyés sur les pirates dé Liberta... maaaa passe oun poco plous dé temps dans lé coin, et tou verras les choses autrement... ou mourra....
2013/12/14 13:33:30 : Rodrigo  te donne 1 Pièce de bronze

C'est ce joueur qui m'a donné envie de rejoindre la piraterie à l'époque, une vraie source d'inspiration et un beau souvenir. Sachant que j'avais tout juste 2 mois d'expérience dans le jeu. 


Jocard Gombo
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Posté le 12/01/2018 à 12:29:42. Dernière édition le 22/12/2020 à 12:19:23 

Sang bleu.

***
Révélés sous un fier azur,
Trois lys jaunes arrogants,
Liés comme la brasure,
Sur le tissu élégant,
Laissez-moi avec démesure,
Aux ennemis fuguant,
Les défendre sans bavure.
 
Jocard Gombo dit "Goupil"
Jocard Gombo
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Posté le 19/08/2019 à 01:51:19 

***

Dès l'Aube son visage condamne mes pensées,
Au soir qui tombe libérant mes plaisirs, 
Il s'offre en paysage, suis-je décompensé ?
Car voilà l'hécatombe de mes désirs.

Son parfum s'accommode à mes moindres chagrins,
Son sourire se suspend à mes vieux souvenirs,
Au regard d'émeraude et pour figure d'emprunt ;
La lumière jaspant ses cheveux que j'admire.

Hélas, je reste ganache devenu prisonnier,
Car seul les remords ont bâti des murailles,
Si loin du panache, mutisme d'aumônier,
Dans mes contreforts l'espoir est devenu paille.

Non, ne raillez point ce moment délicat !
Un homme au cœur brisé est une proie facile,
Le merle qui craillait a perdu son éclat,
Et a fait du bonheur, une chimère docile.

***
Jocard Gombo
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Posté le 01/09/2019 à 14:14:43 

Poésie.


***

La grive au matin, s'envole dans la brume,
Perdant son chemin, dans les limbes obscures.
Vole ! Vole ! Sans y perdre une plume,
Laisse-toi porter par les vents sinécures,
Au bout du sentier, il n'y a d'amertume,
Que si dans la vertu, tu n'y vois que l'abjure.

***

Voilà de moroses crépuscules,
Dans cette intense solitude,
D'un sadisme sans scrupule,
Font des souvenirs, assuétude.
Et dans ma peine ils m'acculent,
D'une remarquable promptitude.
 
Je vois encore les reflets du lac,
Mêlant nos silhouettes attachées,
Sous les regards indiscrets des sumacs,
Dans un ciel d'étoiles gouaché,
Couvert de doux jasmin et brun tabac,
Ce long baiser que je t'ai arrachée.
 
Combien de jours dois-je attendre ?
Combien de temps vais-je souffrir ?
Sans revoir tes cheveux rouge cendre,
Je voudrais encore tant chérir,
Et dans tes yeux m'y suspendre,
A cet amour dois-je m'acquérir ?
 
Que la Lune me soit témoin,
La réponse est toute trouvée,
De n'avoir nul autre besoin,
Que celui de te prouver,
Mon amour auquel j'adjoins,
La passion que j'ai éprouvé.

***

J'ai longtemps parcouru, pas assez navigué,
Des risques encourus, savoir les contourner,
Et avoir discouru, sans jamais fatiguer,
Personne n'a accouru, quand la mort séjournait.
 
De mes péchés compris, des erreurs accomplies,
Jouant les malappris, accostant les croquants,
Feintant l'air surpris, ma haine désemplie,
De moi ce sont épris, ces corsaires moquant.
 
Rusé comme goupil, déjouant leur méfiance.
Si ça les horripile de me voir embrasser
Le noir si désopile. De leur insignifiance
Je me fais primipile, ma soumission chassée.
 
Le vent m'a apporté, le plus beau des trésors.
Me voilà escorté, alors que j'étais seul,
Me voilà conforté, comme un nouvel essor.
A jamais emporté par notre amour filleul.

***
Jocard Gombo
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Posté le 22/12/2020 à 12:19:13. Dernière édition le 30/12/2020 à 14:48:18 

Poème de comptoir.

***

Donne bénédictines, donne le marasquin,
Buvons de l'eau de vie, recrachés par le feu,
Du vin que l'on rapine comme d'avides requins,
À celui entrevis, arraché aux carafes.

Quoi ? Suis-je sans le sous pour payer ce raki ?
On m'aurait délester de mes derniers florins ?
Traitez-moi de grippe-sous, vulgaires makis !
Je vais vous molester pour finir sur l'orin.

Rois des buveurs, seigneurs assoiffés, princes goulus,
Joignez la débauche, ce fabuleux spectacle,
Aux humeurs décoiffées par la liqueur voulue,
Alors que l'on chevauche jusqu'au dernier miracle.

Brisé, je le suis après tant d'escarmouches,
Dernière campagne, c'est mon trépa final.
Grisé par d'âpres et accueillants manouches,
 Qu'ils m'accompagnent au prochain bacchanal.

Jocard Gombo dit "Goupil"
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Posté le 06/01/2021 à 09:36:14. Dernière édition le 06/01/2021 à 09:40:32 

Corvus Nigredos.

Auberge du Corbeau noir, 1721.


   L'imposante bâtisse se dresser au loin telle une falaise. L'aube ne laissait deviner qu'une structure ombragée dans la jungle, dont la silhouette trahissait la planitude de l'horizon. Son galbe dessinait les formes chantournées de l'édifice, tandis que le ciel prenait des teintes rougeâtres. Le silence profond de la jungle faisait résonné le bruit de ses pas comme un tambour chamanique. Il s'avançait péniblement sur le sentier humide. Il avait marché un long moment à travers la forêt pour arriver jusqu'ici et ses pieds étaient aussi fatigués qu'un pérégrin. Puis, un croassement vînt troubler la tiédeur de la sylve, suivit par les cris éraillés des corbeaux. Il savait alors que son but était proche car les corneilles précédaient toujours la venue d'un visiteur. 

   Alors il leva son regard et voyait clairement devant lui la façade délabrée. Le jour s'était installé et laissait paraître un bâtiment meurtri. Les fissures de la chaux se glissaient entre le colombage désorganisé des murs. Telle une peau brunâtre et brulée par les canicules, le torchis recouvrait le fronton. À quelques endroits l'enduit s'était détaché comme une chair lépreuse. Des embrasures encore muettes ponctuées la paroi mais certaines n'accueillaient plus de fenêtres. Cela donnait un aspect tout à fait abjecte semblable à la cosse gangrenée d'un fruit pourri. La toiture noire et fangeuse était recouverte d'une tourbe épaisse. À certains endroits, la charpente s'était effondrée, laissant apparaître le faîtage squelettique des combles. L'immeuble s'élevait pareil à un furoncle au milieu du labyrinthe vert.

   Rien ne donnait à cet endroit une once de charme. Il y avait-il encore de la vie en ces lieux ? Se demanda-t-il. Car cette question lui venait à chaque fois que sa route le ramenait ici. Non sans un dernier regard vers les arbres, une ultime inspiration de fraîcheur, il laissa quelque temps le Soleil baigner son visage d'une chaleur suave. Alors le sourire au lèvres, il s'approcha des portes closes et les ouvrit. L'odeur et la noirceur le saisirent immédiatement. On pouvait déjà entendre le bourdonnement incessant qui inondait les étages. Trompant ainsi avec l'accalmie extérieure. Il est des lieux qui vous laissent des souvenirs impénétrables et ineffables à ceux qui ne les ont jamais visités. Il était temps de faire un tour à l'auberge du Corbeau Noir.
Jocard Gombo
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Posté le 02/03/2021 à 06:41:27 

  Mauve en arbre

***

Le temps est l'ennemi du désir et laisse,
Bien peu d'accalmie et tant de détresses.
Viennent alors les souvenirs éphémères,
Cacochymes trésors, Passion usuraire.   

Pardonnant mes péchés, regrettant mes folies,
Tu as toujours prêché ton amour démoli.
Au jeu des sentiments, il ne faut pas mêler
Les fantasmes opprimants, fulgurant démêlé !   

Hier encore la grive et le merle jouaient.
Silencieuses rives, dont les oiseaux muets
Ont aujourd'hui éteint l'élan de leurs chansons.
Demain aura dépeint une étrange rançon ?   

Toi, Hibiscus, tes fleurs ont éclos dans l'émoi,
Et la rancœur des ans a cessé dans le mois,
Préservant tes pétales de leur prune splendeur.
Moi, discret malvales et regretté dupeur ;   

Il ne me reste que, ce délicat message.
Dans ce manifeste dévoiler mon visage.
Celui qui t'as aimé, celui qui t'as chéri,
Et qui a essaimé tant de journées guéries.   

En mon cœur sifflent toujours les chants volatiles,
En mon corps brûlent souvent le feu de tes pistils,
En mon âme renflent encore les souvenirs intacts,
En ma vie enfle sans peine cette union artefact.

Jocard Gombo dit "Goupil"
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Posté le 07/03/2021 à 09:04:03 

Slangen.

***

Folle entreprise aux allures de révoltes,
Etranges patarins aux serpents dévoilés,
Rage emprise d'une audace désinvolte,
Désignés d'un marin, des colons exilés.

Erigés en mutins pour sonner la rupture, 
Liés et solidaires, ces dissidents symbiotes
Avides de butins, dans leur mésaventure
Nier qu'ils adhèrent aux idées patriotes.

Chérir la liberté comme un fidèle amant,
Ecrire avec fierté une histoire vaillamment.

Jocard Gombo dit "Goupil"
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Posté le 18/04/2021 à 07:21:11. Dernière édition le 30/04/2021 à 08:34:08 

Kuná.

Souterrains du Temple Maya, 1721.
 
 
   Les dédales souterrains et sombres des lieux lui rappelait ces légendes antiques dont il avait lu les contes, il y a bien des années. Il se voyait peut être, comme Thésée l'aurait fait, retrouver son chemin dans ce labyrinthe de pierres froides. Mais ce n'était pas le fil d'Arianne qu'il suivait et son destin semblait moins glorieux que celui d'abattre le minotaure. Ces méandres rectangulaires étaient, sans nul doute, chargés d'histoire. Chaque mur avait vu passer des générations de bâtisseurs, de prêtres et de guerriers mayas, avant que viennent les colons. Les pavés rugueux laissaient entendre, dans un rythme austère, ses pas hésitants. Il n'était pas difficile de croiser encore, au détour d'un long couloir, un gardien du temple. Comme un fantôme du passé indigène de l'île. Parfois il se posait la question, sont-ils vraiment vivants ? Suis-je dans un rêve ? Ou dans des catacombes ? Tant de sang avait été versé ici qu'il y avait comme une odeur étouffante accrochée à la roche. Il était au plus profond de la pyramide, le cœur viscéral du sanctuaire, là où bat l'esprit même de cette antique merveille. Cette dernière ne se nourrissait semble-t-il il que de sang, elle n'en était jamais rassasiée. Il avait compris que ce n'était pas les dieux qui étaient célébrés ici mais la violence. Chaque mort, chaque blessé étaient une offrande à la brutalité. Cela ne s'arrêtait semble-t-il jamais. Cela continuera tant qu'il y aura des hommes sur cette île...
Jocard Gombo
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Posté le 30/04/2021 à 08:31:30. Dernière édition le 03/05/2021 à 12:22:35 

Hollandais.
 
***

Mes amis soyez fiers,
De voir le fils prodigue,
Aux ennemis d'hier,
Échoir de fatigue,
Car devant eux se porte, 
Grande et peu rogue,
Le vent les emporte, 
La Hollande en vogue.
Compagnons élisez, 
Celui qui guidera, 
L'opinion aiguisée, 
Ébloui par l'aura,
Dont ce poste offre, 
D'être le délégué, 
De l'ost goinfre, 
Des maîtres ligués,
Avides d'amitiés, 
De camaraderie,
Cette ode aux initiés, 
Amas de piètreries. 
Ne jugez point sans voir,
Le discours déroutant,
Érigé en gloire,
Pour ce charlatan.
Je me ferai j'espère, 
Comme belle égérie,
Je garderai prospère,
La forme du pays.
 
Jocard Gombo, Intendant d'Ulüngen
Jocard Gombo
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Posté le 03/05/2021 à 12:22:07. Dernière édition le 04/05/2021 à 11:53:06 

Fruta Dulce.

***

Tombée de son arbre, délaissée par le temps,
Incombé à son ombre , sans empresser l'instant,
J'ai protégé ce fruit, qu'on avait abîmé,
Étranger à ses bruits, rêvé de sublimer.
Je me suis approché de ses saveurs sucrées,
Suivis et accrochés par la faveur durée
De notre aventure et sans trop espérer,
Nulle désinvolture, le trot coopéré.
À ton regard bleuté j'y ai vu ton sourire,
Au départ heurté, ému car rien de pire
Ne pourrai m'arriver que le faire disparaître,
J'aurai privé mes vers pour plaire à mon mal-être.
Tu m'as laissé goûter à ton parfum de fleurs,
Blessé et dérouté, tu as étreint mon cœur,
Offrant aux souvenirs, des oublis abattus.
De ce franc avenir ; affaibli et battu
Si de cette promesse il n'y a plus de trace.
Faites qu'elle ne cesse, complu par la grâce,
De cet aveu d'un soir, devenu notre tour,
Et de nos vœux y croire, retenus par l'amour.
Tu es restée cachée au creux de mes rêves,
Sans résister, marché au feu de mes grèves,

 Apporté ce flambeau pour rallumer la gemme,
Emporté les lambeaux, embaumé de « Je t'aime ». 


Jocard Gombo dit "Goupil"
Jocard Gombo
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Posté le 12/04/2022 à 14:45:08 

Imperdonable.
 
Auberge espagnole, Esperanza, 1722.
 
   Il se glissa dans la salle parmi les odeurs de tabacs froids et les effluences liquoreuses qui émanaient des bouteilles entamées sur les tables. Sa silhouette râblée avançait péniblement dans ce bobinard délaissé qui fut, quelques jours auparavant, le lieu de célébrations de plusieurs espagnols éméchés. Le pillage de Port-Louis avait laissé ses traces jusqu'ici. Le sol craquelant trompait le calme pesant de la pièce. Les tables et les chaises désorganisées s'ajustaient de sorte qu'il fallait progresser comme un explorateur le ferait dans une jungle épaisse. Ses pas frôlèrent, à défaut de quelques serpents et vermines rampantes, les tessons dangereusement pointues de bouteilles et les débris affutés de verres. Ses yeux évitèrent autant que ses bottes, les flaches aux couleurs douteuses sur le sol. Pour rajouter quelques difficultés, la lumière tamisée de l'auberge laissait à peine entrevoir son chemin. Son périple fini par le mener dans un coin tranquille et plutôt épargné de la cantina. Il s'installa confortablement sur un tabouret et fit signe au patron des lieux de lui amener de quoi l'accompagner en cette fin d'après-midi suffocante. Son regard gris chercha par dessus le comptoir mais il n'aperçu que les contours d'une personne encore inconnue. Il comprit très vite que sa soif devrait attendre un peu.

   Il se laissa tomber de tout son poids contre le mur et posa ses pieds sur la petite table en face de lui. Après avoir sorti sa vieille pipe fumante, il plissa les yeux comme pour se concentrer. Qui était donc cette inconnue accrochée au bar ? Ce profil cambré ne lui était pas inconnu. Les courbes élancées, fines et subulées de sa tenue, l'intriguaient. Elle portait un manteau de cuir noir serré au corps, dont les pans tombaient comme des lames vers le sol. Tandis que ses épaulettes se présentaient telles deux crocs acérés vers le ciel. Laissant entrevoir un corset rouge sang comme le feraient les pétales d'une rose. C'est là où tout le tableau prenait sens ; ses longues jambes légèrement découvertes par des bas et par l'ouverture de son caban, s'offraient à la vue des plus audacieux. Car il était difficile d'extirper sa vue une fois celle-ci happée par la beauté qui se dessinait devant lui. Ses cuisses se ponctuaient à mi hauteur par deux bottes noires à talons qui faisaient parfaitement échos à sa veste. Ses yeux restèrent un long moment hypnotisés et immobiles. Il finit par lever son regard. C'était elle, son visage fin et innocent, ses cheveux blonds tirés en arrière, son petit nez et ses lèvres bombées. Elle ne semblait pas l'avoir vu et c'est pour cela qu'il continuait à l'observer du coin de l'œil. De toute façon il était comme attiré par le charisme surnaturel qu'elle dégageait.

« Lisbeth. »
 
    Il resta tiraillé par ses sentiments ; quelques mois plus tôt, il n'aurait pas pu tenir cette oeillade. Il aurait fuit honteusement. Étrangement ce n'était pas le cas aujourd'hui. Elle était resplendissante, comparable à une délicieuse succube... Celle qu'il avait abandonné du jour au lendemain, sans un regard, sans un mot, sans une lettre. Il sentit ce sentiment de honte le transpercer de nouveau du plus profond de ses entrailles. Jamais il ne pourrait se débarrasser de cette émotion. Cette fleur qu'il avait gardait, puis délaissée, avait fini par refleurir au printemps suivant. Elle était forte, bien plus forte sans lui. Surtout après tout le mal qu'il lui avait fait. Un mal impardonnable, dont l'origine immuable, s'était répandu comme à toutes celles qu'il avait aimé. Une lèpre abrasive et vorace, se nourrissant de la confiance et l'amour qu'on lui porte, pour tout dévorer l'instant suivant. Tout prendre sans rien laisser puis partir. Ce mal carnassier c'était lui. Cet homme incapable de partager, de s'engager. Cet homme sans honneur, sans famille. C'était ancré en lui, c'était dans son sang, dans ses veines. Dieu qu'il l'avait aimé mais pourtant... Il baissa les yeux par gêne. Comment pouvait-il se permettre de la regarder à nouveau ? Après tout les blessures qu'il lui avait faites ? Il se repris et souffla dans sa pipe. Un nuage parfumé s'étendait autour de lui. Comme s'il cherchait à s'y dérober, il resta atone et silencieux. C'est l'aubergiste qui vint interrompre son mutisme : 
 
- « La tournée hombre, dé la part dé la chica doble...»
 
   Avant même qu'il jette un regard au coin du comptoir, elle avait déjà quitté les lieux. Alors il prit son journal et crayonna quelques vers...
Jocard Gombo
Jocard Gombo
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Posté le 12/01/2023 à 21:09:01. Dernière édition le 12/01/2023 à 21:10:27 

Deus meus est domus.

***

Bouillonnante succube à la peau nacrée,
Sous ton regard de velours aux reflets ardents,
Rayonnante ; je m'adoube à ta volupté.
Pourrais-je sans égard me perdre à ton mordent ?
Tu hantes mes fourbes et pudiques pensées,
De ce discret rencart aux charmes décadents,
Lente est l'attente à tes nobles secrets,
Tes courbes sont un art au stupre débordant.

Jocard Gombo dit "Goupil"
 

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