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Dératisation en règle.  
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Scorbut Bill
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25/05/2007
Posté le 12/06/2008 à 21:35:41 

Rohel Le Vioter était las. Fatigué des conflits, des querelles internes, il avait besoin de se ressourcer, de voir du pays afin de revenir défendre Port-Louis plus motivé que jamais. Il décida de partir vers le Nord, découvrir cette zone de l'île qui lui était encore totalement inconnue, en passant tout d'abord chez son ami le Frère Tucker. Ce dernier n'avait pas hésité une seconde à lui offrir le gîte, lorsque, blessé, Rohel s'était arrêté à son monastère il y a quelques mois de cela. Ils avaient longuement discuté et débattu sur de nombreux sujets pendant la convalescence du Français, et il avait trouvé la force de repartir, de continuer à se battre pour ses idéaux. Il considérait qu'il avait une dette envers le moine, sans qui Dieu seul sait où il serait à l'heure actuelle. Certainement mort. Il sortit de la maison des Loups sans un bruit et se retrouva sur la place principale de Port-Louis. La nuit était magnifique, sans nuages, et la pleine lune offrait une luminosité parfaite pour voyager. Une douce euphorie se diffusa dans le corps de Rohel et c'est le sourire aux lèvres qu'il franchit la grande porte de la ville. Il marcha toute la nuit, ne faisant que de courtes pauses pour reposer ses muscles fourbus, reprenant des forces en mangeant la viande séchée emportée dans son baluchon. Il passa non loin d'Ülungen mais, vu les tensions du moment entre la colonie hollandaise et la sienne, il ne prit pas le risque de s'y arrêter. Il était triste de ne pas pouvoir rentrer dans cette belle ville où il avait passé de si bons moments, triste de voir à quel point il suffisait de peu aux puissants et aux intrigants pour détruire une amitié, pour rompre les liens entre les Hommes. Au Sud-Est de l'avant poste hollandais Van Ders, en pleine jungle, deux brigands lui tombèrent dessus au détour d'un sentier. Rohel, sachant que la région n'était point hospitalière, était resté sur ses gardes et put se défendre rapidement. Il esquiva les premiers coups avant de contre-attaquer de son sabre. Le premier eut la tête tranchée après avoir fait une mauvaise passe, le second quitta le combat en voyant ses tripes se dévider dans l'herbe grasse. Rohel s'en tira avec une blessure superficielle au bras, et reprit rapidement sa route au cas où d'autres gredins aient été alertés par le fracas de la lutte. C'est à l'aube, après une marche pénible à travers la jungle, que Le Vioter atteignit le monastère Saint James et qu'il fut accueilli pour la seconde fois par le Frère Tucker. Les retrouvailles furent chaleureuses, et Rohel ne fit rien d'autre de la journée que s'entretenir avec son ami sur de nombreux sujets. Fatigué par sa longue route nocturne, Le Vioter accepta volontiers la paillasse que lui offrit le moine, et dormit à la belle étoile sur le toit du monastère. Le lendemain matin, il prit un repas rapide avec son ami et lui demanda quelle route était la plus sûre pour gagner les terres du Nord. Le Frère Tucker lui conseilla de prendre plein Nord une fois sorti du monastère, afin de rejoindre un chemin dégagé menant au Nord-Ouest. Après quelques heures de marche, il tomberait sur la cabane d'un ermite, où il pourrait se reposer avant de continuer à travers la jungle, toujours en direction du Nord-Ouest. Une fois prêt pour repartir, Rohel allait prendre congé de son hôte lorsque le Père Henry, qui dirigeait le monastère, sortit en hâte du bâtiment. Il salua le Français. « Frère Tucker ! Je viens de recevoir à l'instant un message de la jeune femme qui nous a rendu visite il y a quelques jours et qui cherchait à rejoindre le Manoir des Planteurs. Elle demande notre aide car, comme elle nous l'avait dit, elle doit y préparer la venue des nouveaux propriétaires. Elle semble complètement désemparée ! Selon elle, il y aurait des démons qui hanteraient la demeure. Elle requière notre aide sur le champ mon Frère ! - Cela est extrêmement ennuyeux mon Père, répondit le Frère Tucker. Nous devons accueillir un groupe de jeunes corsaires d'Ülungen demain matin. - Je ne le sais que fort bien, et nous ne serons jamais là pour les recevoir si nous partons pour le manoir. » Rohel, qui n'avait pas perdu une miette de la conversation, vit aussitôt que les moines étaient ennuyés et, ni une ni deux, il prit sa décision. « Ne vous inquiétez pas mes amis, je vais y aller pour vous, intervint-il. C'est la seconde fois que je suis reçu comme un roi en ce lieu, je ne peux pas rester à rien faire si vous avez besoin d'aide. J'irai donc moi-même dans ce manoir si peu attrayant et j'aiderai la jeune femme en votre nom. Je vous dois bien cela après tout ce que vous avez fait pour moi ! » Les deux moines se retournèrent vers le Français, visiblement gênés par sa proposition. « Cette mission risque d'être dangereuse mon fils, si des démons hantent réellement ce manoir, il te faudra un cœur solide et une foi inébranlable pour les vaincre. Si tu y vas pour nous, certes cela nous aidera, mais si tu n'en reviens pas, cela sera de notre faute. - Non mon père, s'exclama Rohel. Je prends la responsabilité d'y aller, car cela est mon devoir que de vous rendre service. N'ayez aucune crainte pour moi, je n'ai pas l'intention de quitter cette île alors qu'il reste tant à y faire. Je pars sur le champ et je reviendrai une fois ma mission accomplie. Où se trouve ce manoir ? » Le Frère Tucker sourit. « Je reconnais bien là la fougue de la jeunesse française et je vois que rien ne pourra contrevenir à ta décision. Alors soit ! Je prierai Dieu de te protéger et de nous revenir sain et sauf. Ce manoir se trouve à quelques heures de marche au Nord-Est d'ici, non loin de la côte. Traverse la jungle et, une fois arrivé au golfe Saint James, longe la falaise vers le Nord. Tu verras la bâtisse sur ta gauche, au centre d'une grande prairie. - Que Dieu te bénisse mon fils, dit le Père Henry, tu as bien du courage, fais en bon usage. - Merci chers hôtes ! Je pars de ce pas, que Dieu vous bénisse vous aussi ! » Rohel passa la lourde porte de l'enceinte et se dirigea sans attendre vers le Nord-Est.
Scorbut Bill
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25/05/2007
Posté le 12/06/2008 à 21:45:07 

Le Vioter mit toute la matinée pour atteindre l'énorme bâtisse plantée dans une prairie bordée d'un côté par la jungle, de l'autre par les falaises surplombant l'océan. Il avait croisé plusieurs campements sur le chemin, la plus part arborant le drapeau hollandais mais il avait fait en sorte de les contourner, évitant les sentinelles effectuant leur tour de veille. Quand il arriva devant l'énorme porte en chêne massif, il frappa avec le marteau à tête de Lion. Au bout de quelques instants, une jeune femme lui ouvrit et le dévisagea d'un regard empli de suspicion. Elle avait l'air d'une folle avec ses traits tirés, ses lourds cernes violacés et sa tenue débraillée. « Salutation ma demoiselle, je me nomme Rohel Le Vioter, pour vous servir. J'arrive tout droit du monastère Saint James où les moines ont bien reçu votre missive. Ils sont dans l'impossibilité de venir ici eux-mêmes, j'ai donc décidé de les remplacer. » Elle marqua un temps d'hésitation avant de répondre. « Et bien, bonjour monsieur Le Vioter. Je suis Nel van Hartig, la soubrette de ce manoir. Entrez je vous en prie. » Elle laissa passer Rohel et ferma la porte derrière lui. Il se retrouva dans un immense hall d'entrée très richement décoré, et dont le mur du fond était dominé par un magnifique escalier en marbre. Il repéra aussitôt des groupes de corsaires ici et là. « Vous savez pourquoi vous êtes là je suppose. Vous n'êtes pas le premier à être venu, j'ai aussi envoyé une missive au gouverneur d'Ülungen pour qu'il envoie des hommes me porter secours. Or, personne n'a encore réussi… » Elle semblait sur le point de fondre en larmes. « Ma demoiselle Van Hartig, ne craignez rien. J'ai reçu la bénédiction des moines de Saint James, Dieu marche avec moi et rien ne peut lui résister. Quoi que soit ce qui hante ce Manoir, je le détruirai, car c'est mon devoir de Chrétien que de chasser le Malin jusque dans sa tanière. - Merci de votre aide, mais sachez que…j'ai retrouvé des cadavres d'hommes venus me porter secours. » Cette fois, les larmes jaillirent de ses yeux fatigués sans qu'elle puisse les contrôler. Elle se serait écroulée si Rohel ne l'avait pas rattrapée à temps. « Ressaisissez-vous, je vous en conjure ! Tout comme je l'ai dit aux bons moines, je n'ai pas l'intention de rejoindre Notre Seigneur pour le moment, malgré que je ne craigne point la mort. Calmez vous, et expliquez-moi comment vous êtes arrivée ici. » Elle essuya les larmes qui roulaient sur ses joues, et parla difficilement. « Une famille de la haute hollandaise, les Van Hiné, a décidé de s'offrir un petit coin de soleil et d'investir les caraïbes où elle compte mettre la main sur les plantations de canne à sucre. Le Manoir des Planteurs est le lieu idéal pour elle. Mais il faudrait faire un peu de ménage et de dératisation avant leur arrivée... Enfin entre nous, on sait que ce ne sont pas vraiment des rats qu'il faudra déloger. » Elle sortit un mouchoir d'une de ses poches et se moucha bruyamment avant de reprendre. « Ils m'ont envoyée ici pour préparer leur venue, mais seule je ne peux rien faire. Je suis terrorisée ! L’étage, le grenier et les souterrains sont infestés de bêtes immondes ! Quand je suis arrivée, j'avais une escorte. Elle a pu repousser ces démons hors du rez-de-chaussée, mais elle n'a rien pu faire pour les autres sections de la bâtisse. Il ne reste qu'un survivant, et sa vie ne tient plus qu'à un fil. Plusieurs corsaires sont arrivés il y a peu suite à mes appels à l’aide, et beaucoup ont été blessé et sont repartis sur des brancards.» Rohel la repoussa délicatement. « Ma demoiselle, je salue votre courage pour être restée ici malgré le danger. Je vous confie mes affaires de voyage si vous le voulez bien. Je vais explorer les lieux de ce pas. - Je garde vos affaires. Merci monsieur, je ne sais comment vous remercier. - Ne vous souciez donc pas de cela, je suis ici car c'est mon devoir. Je n'attends point de remerciement ou de récompense. Je reviens à vous une fois ma patrouille terminée. » Il avança alors vers l'immense escalier et le gravit pour atteindre le premier étage.
Scorbut Bill
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Posté le 18/06/2008 à 23:29:35 

A peine la porte du premier étage refermée, Rohel fut surpris par l’atmosphère glauque qui régnait sur les lieux. Aucune chandelle ou torche n’était allumée, et une fraîcheur mordante s’insinuait dans chaque ouverture offerte par son équipement. Il attendit quelques instants que ses yeux s’habituent à l’obscurité pour découvrir qu’il se trouvait dans une grande pièce en désordre. Des débris de meubles jonchaient le sol recouvert d’une épaisse couche de poussière, et de longues toiles d’araignées tombées du plafond, telles des nuages menaçants. Il distingua l’entrée d’un couloir sur sa gauche et, décidé à ne pas s’éterniser dans ce manoir lugubre, Le Vioter s’y engagea prudemment, son pistolet à barillet dans une main, son sabre dans l’autre. Il frissonna, l’air était de plus en plus glacial au fur et à mesure qu’il avançait. Après quelques pas, il vit que le couloir formait un coude et partait à nouveau sur sa gauche. Il avançait très lentement, scrutant l’obscurité en quête de mouvements quand soudain, un hurlement déchira le silence pesant. Rohel s’arrêta net, tentant de savoir d’où cela provenait. Le cri se termina en un gargouillement atroce jusqu’à ce que le silence retombe sur le couloir. Le français détermina que cela venait d’une porte entrouverte qu’il distinguait non loin de lui. Aux aguets, il continua son avancée, les muscles tendus. D’épaisses gouttes de sueur lui roulaient sur les tempes malgré le froid. Il longea le mur jusqu’à la porte et il entendit alors des bruits de succion en provenance de la pièce. Prenant une grande inspiration, il poussa délicatement la porte de la pointe de son sabre, puis passa la tête dans l’embrasure. Ce qu’il vit le saisit d’effroi. Une bête énorme, ressemblant vaguement à un chien, plongeait sa gueule dans une masse sombre étendue à terre. Elle était d’une blancheur laiteuse, mais translucide, sans épiderme. Il voyait d’étranges formes se mouvoir dans le corps du molosse, ses organes certainement. Une faible lueur l’entourait, offrant une luminosité suffisante pour voir l’ensemble de la chambre, le lit défoncé, une commode et un bureau délabrés. En regardant plus attentivement la masse sombre sur le sol, Rohel comprit que c’était un corps humain et que la bête était entrain de s’en nourrir. Elle ne semblait pas mâcher la chair de sa victime, mais plutôt l’aspirer, d’une succion tantôt lente, tantôt rapide, régulière, mécanique. Un flot de bile inonda d’un coup la gorge du Français, écœuré par ce spectacle ignoble. Il serra les dents, et reprit emprise sur lui-même. Ses mains se crispèrent sur ses armes et il fit un pas dans l’embrasure de la porte. Aussitôt, le monstre s’arrêta. Rohel ne bougea plus lui non plus, tétanisé. Il ne distinguait aucun mouvement de la cage thoracique de la créature, comme si elle retenait sa respiration. Un grognement sourd se fit entendre. Le Vioter fit une prière silencieuse et d’une main tremblante, il leva son pistolet, le braquant sur l’abomination. Brusquement, elle se retourna et ses pattes se détendirent telles des ressorts. Elle bondit en direction du Français, la gueule maculée d’un sang épais et ouverte sur une rangée de crocs à la longueur incroyable. Il pressa la détente s’en même s’en rendre compte, quasiment à bout portant. Elle fut stoppée net dans son élan par la décharge de plomb et fut projetée contre la commode. Le bois explosa sous l’impact et un gémissement terrifiant sorti de sa gueule déchirée. Machinalement, Rohel tira encore, vidant son chargeur sur ce démon de l’Enfer, comme si chaque balle le libérait un peu plus de cette peur qui empoisonnait son sang. Il attendit que la fumée se dissipe et leva son sabre, prêt à frapper. Mais la bête ne bougeait plus, percée de nombreux trous béants. Il fit un pas vers elle quand lentement, elle se mit à s’estomper, devenant de plus en plus transparente, pour finir par avoir complètement disparue. Seule l’odeur de sang émanant du cadavre de l’homme à ses pieds et la brûlure de la crosse de son pistolet lui prouvèrent qu’il n’avait pas rêvé.
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Posté le 28/06/2008 à 18:58:20 

Il épongea d’un revers de manche la sueur qui mouillait son visage et rengaina son sabre dans son fourreau. Il s’accroupit près du corps et tâta son cou. Comme il s’en doutait, il ne trouva aucun pouls, l’homme était mort. Il se releva et entreprit de recharger le barillet de son pistolet. Il lui faudrait faire preuve de plus de sang froid désormais, afin d’éviter de gaspiller ses munitions. Une fois cela fait, il sortit de la pièce. Il vit alors une lueur danser au bout du couloir, après un nouveau tournant. Des bruits de pas parvinrent aux oreilles du Français, qui pointa immédiatement le canon de son arme devant lui. La lumière grossissait, sa source se rapprochait rapidement du coin du couloir. Apparut alors un homme portant une torche à bout de bras, courant comme s’il avait la mort aux trousses . Il aperçut Rohel et cria à son attention des mots en hollandais. Le Vioter n’en comprit pas le sens mais quand l’autre se mit à lui faire de grands gestes de sa main libre, il devina qu’il lui disait de prendre la fuite, que quelque chose le poursuivait. Le batave trébucha sur un des multiples débris jonchant le plancher et s’étala de tout son long, perdant sa torche qui roula sur plusieurs pas devant lui. Une masse blanchâtre déboula du tournant au même moment, lancée à une vitesse folle. Rohel reconnut aussitôt en elle un autre de ces chiens fantôme. Le pauvre homme n’eut pas le temps de se relever, la bête fut sur lui en une fraction de seconde. Elle le plaqua au sol et d’un coup de patte lui déchira la nuque. L’homme hurla, et le Français croisa son regard implorant et fou de douleur. Il visa l’ectoplasme et appuya sur la gâchette. La balle frappa en pleine tête et la moitié du crâne de la bête explosa, son corps s’affalant brusquement sur le Hollandais. Le souffle court, celui-ci chercha en vain de l’air mais finalement, sa tête retomba lourdement sur le sol. Rohel courut vers lui tandis que le fantôme s’estompait déjà. Il arriva devant le corps du corsaire baignant dans son sang, la créature avait disparu, retournant dans l’Enfer d’où elle était venue. Là encore, Rohel chercha le pouls de la victime mais ne le trouva pas. La colère l’envahit. « Créatures du Diable, je vais vous détruire ! » Cria t-il avec rage . Il ne perdit pas une seconde, ramassa la torche encore enflammée et avança à vive allure, de la haine dans les yeux. Il passa le tournant et déboucha sur un nouveau couloir, perpendiculaire au précédent. A gauche, il donnait sur une grande salle, à droite, sur un escalier montant certainement au grenier. Il décida de procéder méthodiquement en explorant d’abord tout l’étage avant de monter. Il fit donc quelques pas en direction de la pièce quand une terrible odeur de sang lui agressa subitement les narines. L’air en était saturé et Rohel fut obligé de respirer par la bouche sous peine de faire un malaise. Quand il entra dans la salle, il fut horrifié par le spectacle morbide qu’il y découvrit. Une douzaine de cadavres humains gisaient sur un épais tapis imbibé de sang. La majorité d’entre eux était percée de profondes entailles qui laissaient à penser qu’ils avaient été abattus par une ou plusieurs lames. Des torrents de sang et d’organes s’étaient déversés de leurs plaies, et Le Vioter se contint de ne pas vomir face à cet abominable carnage. D’autres corps étaient assis contre les murs, gardant dans la mort les yeux et la bouches grands ouverts, comme s’ils avaient été foudroyés par une terreur sans nom.
Scorbut Bill
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Posté le 29/06/2008 à 07:55:05 

Rohel fit quelques pas dans la salle, scrutant les corps en espérant trouver un souffle de vie, un survivant à ce massacre. C’est alors qu’il découvrit grâce à la lumière de sa torche, un renfoncement dans un des murs, entre deux hautes bibliothèques. Il s’en approcha et eut immédiatement un mouvement de recul en voyant ce qu’il y avait à l’intérieur. Une énorme armure s’y trouvait, debout, complète, excepté le heaume. Elle tenait entre ses gants en acier le pommeau d’une épée. Rohel se ressaisit, il n’était pas rare de trouver dans les riches manoirs d’Europe des armures servant de décoration. Généralement, elles avaient appartenu aux ancêtres des propriétaires, et revêtaient une grande valeur pour la famille. Le Vioter promena sa torche sur l’acier finement ouvragé, impressionné par son état impeccable. Il descendit la flamme en direction de la lame de l’épée et vit avec stupeur qu’elle était recouverte d’un liquide rouge bordeaux. Du sang. Le sien ne fit qu’un tour. L’armure s’ébranla, leva son arme devant les yeux ébahis du Français, et se mit à avancer vers lui d’un pas lourd, menaçante. Il tira aussitôt son sabre de sa main libre et fit un bond en arrière. La peur lui ordonnait de prendre ses jambes à son cou et de fuir, de quitter ce manoir hanté par des démons effroyables. Mais alors qu’il reculait, il heurta un des corps étendus au sol et l’armure en profita pour porter le premier coup. Sa lame s’abattit avec force, Rohel eut tout juste le temps de se jeter sur le côté pour l’éviter. Il se retourna vers elle et frappa à son tour, ne sachant pas vraiment quoi viser. La créature para son coup avec une rapidité surprenante pour son poids. Les passes s’enchaînèrent pendant des minutes qui paraissaient une éternité au Français, des gerbes d’étincelles s’envolant à chaque rencontre des deux lames. Le duel était inégal, Rohel parait les attaques du démon plus qu’il ne lui en assénait. Alors que l’épée s’abattait une nouvelle fois sur lui, il glissa sur une flaque de sang et tomba au sol. La lame siffla à ses oreilles et se planta violemment dans le plancher. Profitant de la faiblesse de son ennemi, il frappa de toutes ses forces la cuirasse, l’enfonçant sur deux pouces, mais sans la percer. L’armure tressaillit sous le choc et tenta de libérer son épée du bois massif dans lequel elle s’était profondément enfoncée. Rohel frappa à nouveau, au même endroit, mais là encore l’acier ne céda pas. La créature relâcha le pommeau de son arme et balança un fulgurant coup de botte au visage du Français. Il fut projeté en arrière comme un fétu de paille et s’écrasa contre une des bibliothèques. Une terrible douleur lui irradia toute la mâchoire et il crut un instant qu’il allait s’évanouir. Il cracha un long filet de sang et des larmes roulèrent sur ses joues. Il voyait l’armure tenter encore de retirer son épée du plancher, et son instinct de survie le poussa à se ressaisir. Il récupéra son sabre qu’il avait lâché, se releva et se jeta sur elle en poussant un hurlement de rage. Il abattit sa lame sur les avants bras du démon, visant la jointure avec le gant. Cette fois, son coup toucha et il trancha net les deux mains d’acier, qui restèrent agrippées au pommeau de l’épée. Il roula sur le côté et se redressa. Insensible, l’armure fondit aussitôt sur lui, le percutant avec violence et l’envoyant frapper le mur derrière lui de plein fouet. Le choc lui coupa le souffle et la créature le bloqua de toute sa masse. Elle le saisit entre ses énormes bras et le souleva deux pieds au dessus du plancher, usant de toute sa force pour le broyer, l’étouffer, détruire cet être humain qui lui tenait tête. Rohel arrivait à peine à respirer, et l’implacable étau se resserrait encore. Il voyait très nettement le gouffre obscur du cou de la cuirasse, là où aurait dû se trouver le heaume. Il réalisa immédiatement que le point faible de cette abomination se trouvait là, à l’endroit où aucun acier ne pouvait bloquer une lame. Ses os commençaient à craquer, sa vision se brouillait mais il trouva tout de même la force de ruer. La force du désespoir. Il bougea le plus possible, se contorsionnant pour tenter de libérer sa main droite dans laquelle il tenait encore son sabre. L’étau se desserra petit à petit, lui permettant de recouvrer de l’air et de l’espoir. Soudain, il sentit une faiblesse dans l’étreinte et d’un violant mouvement de l’épaule, il réussit à remonter son bras et à le soustraire à l’emprise du démon. Il leva sans attendre son sabre et le plongea jusqu’à la garde dans l’armure sans tête. Les bras recouverts d’acier retombèrent le long des flancs de la créature, lâchant le Français qui s’écroula lourdement sur le plancher. La torche qui avait roulé plus tôt sur le tapis s’éteignit tout à coup, imprégnée de sang, plongeant la pièce dans une profonde obscurité. Rohel Le Vioter, vidé de ses forces, épuisé par ce duel titanesque, sombra dans l’inconscience en quelques secondes malgré la douleur qui tiraillait tout son corps.
Scorbut Bill
Scorbut Bill
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25/05/2007
Posté le 29/06/2008 à 23:58:52 

Rohel ouvrit les yeux pour découvrir qu'il était nu, allongé dans un grand lit. Il tenta de se relever mais de multiples contusions le firent trop souffrir et il retomba sur le matelas de plumes. Une femme accourut auprès de lui, et il la reconnut aussitôt. C'était Nel Van Hartig, la soubrette du Manoir. « Messire Rohel, vous vous réveillez enfin ! Voila deux jours que vous dormez d'un profond sommeil ! - Que s'est-il passé ? - Des renforts hollandais en provenance d'Ülungen sont arrivés hier, ils vous ont trouvé inconscient dans la bibliothèque de l'étage. Ils vous ont ramené au rez-de-chaussé et des infirmières venues avec eux vous ont soigné. - Et les démons ? Je n'ai pas pu m'occuper du grenier et des souterrains ! S'exclama-t-il, inquiet. - N'ayez crainte monsieur, l'escouade hollandaise a réussi à tous les détruire, et des moines du Monastère Saint-James sont venus bénir la demeure. Grâce à vous tous, ce Manoir est désormais libéré, il n'est plus hanté ! » Rohel poussa un soupir de soulagement. Le cauchemar était donc bel et bien terminé. « Je vais chercher les infirmières pour les informer de votre réveil, vous n'êtes pas encore remis de vos blessures et elles ont encore certainement des soins à vous prodiguer. - Merci madame Van Hartig. - C'est à moi de vous remercier monsieur, sans vous, je serai peut être morte à l'heure actuelle. Comme tous ces pauvres hommes. » Ses yeux s'emplirent de larmes. Elle les essuya avec un mouchoir. « Je vais chercher les infirmières, ne bougez pas. » Elle sortit de la pièce. Rohel s'étira, et ce geste futile lui arracha un grognement de douleur. Il lui fallait avertir ses amis du Monastère de la réussite de sa mission. Et ensuite, il continuerait sa route vers le Nord, comme il l'avait décidé au départ de Port-Louis.
 

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